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La construction du sens de l’école, des savoirs et des apprentissages

III. CADRE CONCEPTUEL

3.1 Le concept de rapport à l’école

3.1.3 La construction du sens de l’école, des savoirs et des apprentissages

L’élève construit donc petit à petit un certain rapport à l’école, il attribue généralement du sens à ce qu’il vit dans cette institution. Comme nous l’avons relevé précédemment, l’instance scolaire se définit, entre autres, comme un lieu où l’enseignement de savoirs intellectuels est dispensé et où des apprentissages s’effectuent. Ce chapitre permet au lecteur de mieux comprendre ce qui signifie donner du sens à l’école, aux savoirs et aux apprentissages.

Le sens attribué à l’école : sens et non-sens

Les élèves se rendent à l’école parce que cette dernière est obligatoire. Dans ces conditions, on peut se demander si les apprenants parviennent à donner du sens à l’école. Attribuer du sens à l’école revient à répondre à ces questions ; à quoi ça sert d’aller à l’école ? ; pourquoi est-ce que je m’y rends ? ; etc. Si l’élève parvient à y répondre, cela signifie qu’il donne du sens à l’école, même si ce dernier peut paraître erroné du point de vue de ses intérêts et progrès potentiels. En effet, les élèves interprètent les questions posées ci-dessus comme cette petite fille qui disait aller à l’école parce que ma maman m’amène tout le temps. Cette expression donne à voir un sens attribué et un rapport à l’école singulier, même si ce dernier n’est pas structurant pour les apprentissages.

Il n’est pas si simple, pour les élèves, d’attribuer du sens à l’école. Dans son livre, Develay (1996) énonce deux pistes qui pourraient expliquer cette difficulté. En premier lieu, il n’est pas évident pour les élèves de se projeter dans l’avenir et de donner du sens à l’école en fonction du futur, proche ou lointain. Ils perdent de vue l’école comme lieu d’apprentissage pour réussir dans la vie. En second lieu, l’école perd de sa justification, car cette institution n’est actuellement plus gage de réussite sociale. Ces deux aspects illustrent, selon Develay, la difficulté des élèves à donner du sens à l’institution. Pour certains élèves, l’école peut donc être perçue comme un non-sens. Dans son texte, Perrenoud (1996) indique que généralement l’instance scolaire habitue les élèves à un rapport à l’école du type : “Apprenez ! C’est

important. Mais cela n’a pas de rapport avec ce que vous vivez par ailleurs” (p. 10). Il existe une perte de sens, face à ce type de discours, puisque cette affirmation ne fournit pas de raisons concrètes à se rendre à l’école.

Il est important de souligner que le sens attribué à l’école “ne tient pas seulement à la tâche du moment, mais s’inscrit sur une toile de fond constituée, notamment, par la relation pédagogique et la vision dominante du métier d’élève” (Perrenoud, 1995, p. 178).

Le sens attribué aux savoirs

Dans ce mémoire, nous abordons la notion de sens donné aux savoirs. Il paraît important de définir, ce que l’on entend par savoir. Pour ce faire, la définition du Petit Robert (1988) semble satisfaisante : “Savoir, n.m. 1° Ensemble de connaissances plus ou moins systématisées, acquises par une activité mentale suivie” (p. 1772). Les savoirs sont considérés comme l’ensemble des disciplines et des connaissances enseignées dans le cadre de l’école. Il ne faut pas confondre avec le Savoir qui représente la connaissance. Pour ce travail, nous nous situons au niveau des contenus (disciplines) enseignés.

Charlot, Bautier & Rochex (1992) distinguent le savoir global, du savoir local. Le premier représente le savoir au sens large, les disciplines enseignées, etc. Tandis que le deuxième désigne le savoir en jeu lors d’une activité spécifique, à un moment particulier de la journée.

Il est pertinent de prendre en compte l’étude menée par ces auteurs, afin de pouvoir analyser les discours des élèves et les situer quant à leur construction de sens. Ces auteurs ont relevé, par leur recherche, deux postures différentes que les enfants peuvent adopter face à la construction du sens des savoirs. Certains enfants ont un discours généralisant sur les savoirs, ce qui démontre que l’élève s’engage personnellement. En effet, si un élève parvient à avoir un discours généralisant sur les savoirs disciplinaires, cela signifie qu’il fait des liens entre les différentes activités spécifiques et la discipline. Nous pouvons alors émettre l’hypothèse qu’il donne du sens aux savoirs transmis dans le cadre de l’école. Ces élèves auront un certain type de rapport à l’école qui est défini par la volonté de donner du sens à ce que les enseignants leur demandent de faire. Ces élèves ont une position bien particulière face à l’école ; constituer des liens entre les activités spécifiques. D’autres enfants attendent beaucoup de l’enseignant, ils font ce qu’ils pensent que l’on espère d’eux. Ils ne construisent pas réellement de sens aux différents savoirs enseignés. Ils ont tendance à faire le lien d’une discipline avec un seul type d’exercice. Par exemple, pour la grammaire, ils diront que c’est remplir un texte à trou. Ces enfants, comme le disent Charlot, Bautier & Rochex (1992), semblent avoir de “la difficulté à faire le lien entre le savoir ponctuel appris dans un exercice particulier et la discipline dans son ensemble” (p. 207). Par cette étude, nous remarquons déjà deux rapports différents face à l’école. Les uns parvenant à construire du sens face aux savoirs et aux disciplines, les autres associant une discipline à un seul type d’exercice, sans parvenir à faire des liens entre les différentes activités proposées au sein d’une même discipline.

Lors de l’analyse des données, il sera intéressant de repérer si les parents tiennent un discours généralisant ou non, face aux savoirs enseignés.

Dans leur mémoire de licence, Rechsteiner et Vergères (2006) expliquent que le sens des savoirs est composé de deux significations : intrinsèques et extrinsèques. La signification intrinsèque questionne le savoir pour lui-même ; « lire, c’est faire quoi ? ». Il s’agit “de construire le sens de l’objet lui-même” (p. 19). La signification extrinsèque s’intéresse “au sens des pratiques socialisées des savoirs” (idem). En d’autres termes, le savoir est questionné pour son utilité ; « à quoi ça sert de ». Dans le cadre de ce mémoire, le savoir n’est pas questionné pour lui-même, mais pour son utilité, puisque notre objectif est d’essayer de comprendre le sens que donnent les élèves aux différents contenus étudiés en classe. Afin de savoir si les élèves donnent du sens aux savoirs, il s’agit de poser ce genre de questions ; quelle est la discipline la plus importante ? ; est-ce que c’est utile de faire du français ? ; etc.

Il n’est cependant pas si simple de construire du sens face aux savoirs. Pour expliquer ceci, Develay (1996) donne deux pistes de compréhension. La première réside dans le fait que le savoir “apparaît souvent déconnecté de son usage” (p. 88). Les élèves perçoivent les savoirs

“comme autant de pièces d’un puzzle qu’on présenterait en vrac” (idem) et dont les liens entre les pièces ne seraient pas effectués. Il semblerait, en second plan, que les élèves pensent qu’ils apprennent pour apprendre et non pour analyser la réalité grâce à ce qui a été assimilé.

Le sens attribué aux apprentissages

Par souci de clarté dans nos propos, il paraît important de détailler les termes apprendre et apprentissage. Le dictionnaire des concepts clés permet de définir le mot « apprendre » :

“Apprendre, 1. c’est comprendre, 2. c’est acquérir des informations, des capacités, 3. c’est intégrer des schèmes nouveaux à sa structure cognitive, 4. c’est modifier ses représentations.”

(Raynal & Rieunier, 2005, p. 33). L’apprentissage est considéré dans ce contexte comme l’acte d’apprendre ou si nous nous fions à l’une des définitions du dictionnaire de la psychologie ; “Apprentissage, acquisition d’un nouveau comportement, à la suite d’un entraînement particulier” (ibidem, p. 23).

L’apprentissage est lié au verbe apprendre. Lorsqu’un élève s’instruit, nous affirmons qu’il est en train d’effectuer un apprentissage. Ses connaissances, son comportement ou encore ses représentations en sont modifiés. Il faut cependant être conscient que l’acte d’apprendre est un processus complexe et qu’il ne suffit pas de proposer aux élèves des contenus didactiques pour qu’ils apprennent. Il existe un écart entre les savoirs transmis et ceux assimilés.

Rochex (1995) définit l’apprentissage comme n’étant jamais linéaire. L’apprenant possède toujours “des connaissances ou des conceptions antérieures qu’il rectifie, intègre et réorganise […]” (p. 286). Cette affirmation nous fournit une conception claire de ce que l’apprentissage nécessite et provoque chez l’enfant.

Selon Develay (1996), tout comme d’autres auteurs, “la recherche du sens constitue une dimension majeure de l’apprentissage” (p. 93). Trouver du sens à ce que l’élève fait permet l’apprentissage, car le sujet n’apprend que s’il “trouve du sens dans la situation d’enseignement qu’il vit” (p. 96). Il semblerait donc que pour pouvoir apprendre, il soit

nécessaire de donner du sens aux apprentissages, mais aussi à l’école et aux savoirs. Pour ce faire, il s’agit de répondre à ces questions : pourquoi apprend-on des choses à l’école ? ; qu'est-ce que l’on apprend ? ; etc. Il s’agit également de travailler, avec les élèves, sur leurs représentations de l’apprentissage et sur le sens attribué.

Le sens donné aux apprentissages peut aussi être abordé en questionnant les élèves sur ce qu’il faut pour être en conditions d’apprendre. En 1997, Montandon récapitule, sur la base de propos d’enfants, ce qu’il faut pour bien apprendre. Quatre aspects différents sont évoqués par les enfants lorsqu’ils s’expriment sur leur manière d’apprendre. Le premier groupe d’enfants énonce des conditions internes requises, comme la volonté, la concentration, la motivation, l’écoute ou encore la cervelle. D’autres enfants parlent de techniques et de stratégies, qui consistent à réciter à haute voix, réviser plusieurs fois, apprendre par cœur, écrire et relire ou encore utiliser un magnétophone. Plusieurs enfants évoquent des conditions externes propices pour apprendre, comme être seul et isolé, travailler dans un lieu silencieux ou avec de la musique en fond. Le dernier groupe d’enfants dit recourir à l’aide d’autrui (les parents, les enseignants, les frères ou les sœurs), pour réciter, poser des questions ou s’aider de supports physiques comme un dictionnaire, des livres, des feuilles et des crayons.

Ces indices sur l’apprentissage fournissent des informations sur les conditions idéales, selon l’enfant, pour apprendre, mais aussi sur le sens des apprentissages. En effet, “la verbalisation par l’élève de son propre fonctionnement, de ses manières de faire […] d’apprendre […] aide à la construction d’un rapport au savoir moins instrumental, plus distancié” (Charlot, Bautier et Rochex, 1992, p. 185-186). Cela signifie que l’élève prend du recul quant à son propre apprentissage et nous indique ainsi son rapport aux apprentissages.

Un rapport au sens toujours singulier

A travers ce chapitre, nous avons remarqué que la construction de sens ne se déroule pas de la même manière pour tous les élèves. Certains apprenants construisent du sens, afin de

« survivre » dans le contexte scolaire contraignant. D’autres élèves cherchent à fuir et n’élaborent pas nécessairement du sens face à l’école. Contrairement aux adultes qui peuvent s’engager dans des tâches uniquement quand elles leur font sens, les enfants évoluent dans un milieu où ils ne sont pas maîtres des activités proposées et ne peuvent donc pas s’investir exclusivement dans celles qui leur font sens. De plus, le sens, qui varie d’une activité à une autre, selon si elle est vécue comme une habitude, une exception, un moment de détente ou de travail, dépend également du climat de la classe, des limites fixées par l’enseignant et de la place accordée aux élèves.

Pour clore ce premier chapitre, il paraît important de souligner le fait que le rapport à l’école concerne le sens que chacun attribue à l’institution scolaire. Afin d’avoir accès aux représentations de chacun et au sens donné à l’école, aux savoirs et aux apprentissages, il s’agit de poser les questions évoquées précédemment. Comme nous l’avons déjà souligné, notre objectif consiste à observer le sens donné à l’école, aux savoirs et aux apprentissages,

par l’élève et par les parents et ainsi relever les continuités et ruptures qui existent entre leurs discours.

Un second aspect, qui sera développé dans le chapitre suivant, s’avère nécessaire à prendre en compte dans ce travail ; le vécu scolaire de l’élève.