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1.1 L’objet d’étude et la problématique

Donner du sens à sa vie et à son existence revêt un aspect primordial pour chacun d’entre nous. Mais qu’en est-il du sens donné à l’école ? Dans quelle mesure nous en préoccupons-nous ? Que savons-préoccupons-nous du sens que l’élève attribue à cet univers scolaire, parfois si différent de ce qu’il vit à la maison et que connaissons-nous du vécu scolaire de chaque écolier ? Voici des questions qui structurent la recherche que nous allons présenter maintenant.

Dans les textes, l’école publique genevoise a “pour vocation de permettre à tous les enfants qui lui sont confiés d’atteindre les objectifs scolaires fixés par la loi sur l’instruction publique” (Département de l’instruction publique, 2006, p. 4). L’enseignant est tenu “de créer les conditions qui permettent à l’enfant de conduire ses apprentissages en partant, autant que possible, de ses propres connaissances et représentations” (Département de l’instruction publique, 2006, p. 30). L’école est donc un lieu complexe, où l’enfant évolue en dehors de son contexte familial, durant de longues heures et de nombreuses années. L’élève est amené à vivre diverses interactions sociales et à suivre un enseignement pédagogique. Chaque apprenant intériorise peu à peu les règles et les normes scolaires. Etre apprenant, c’est tout d’abord apprendre à devenir un élève, puis un citoyen.

La recherche en éducation montre que la réussite et l’échec scolaire sont dictés par les différents rapports à l’école entretenus par chacun d’entre nous. Chaque apprenant construit plus ou moins de sens par rapport à l’école. Selon Perrenoud (1995), “réussir à l’école, c’est aussi savoir donner du sens à ce non-sens” (p. 188). En tant qu’enseignant, il est important d’être conscient des différents rapports qu’entretiennent les élèves face à l’institution, afin de proposer des conditions adéquates pour que les apprentissages puissent s’effectuer et ainsi favoriser la réussite scolaire. En parallèle à la construction de son rapport à l’école, chaque élève acquiert une certaine expérience scolaire. Au fil des mois et années, l’élève est amené à vivre et à expérimenter le rôle que l’école et les enseignants lui attribuent. Perrenoud (1996), dit que “réussir à l’école, c’est surtout faire la preuve qu’on connaît les « ficelles » du métier d’élève, qu’on l’exerce convenablement, ce qui donne le droit de continuer à étudier jusqu’au jour où les choses deviendront vraiment « sérieuses » […]” (p. 4). L’expérience scolaire apparaît comme une dimension primordiale à la réussite scolaire. L’élève vit également une certaine expérience émotionnelle, puisque diverses situations scolaires suscitent de nombreuses émotions chez les apprenants.

1 Dans ce mémoire les termes élève ou apprenant seront choisis lorsqu’il s’agira de l’enfant dans son rôle d’écolier. Le terme enfant sera employé pour désigner un jeune évoluant dans la sphère familiale.

Le rapport à l’école et l’expérience scolaire n’échappent pas aux inégalités sociales.

D’ailleurs, dans le cadre de ce mémoire, nous chercherons à découvrir comment l’école est comprise et vécue par les élèves et par leurs parents. Nous souhaitons relever les continuités et les ruptures qui résident entre le rapport à l’école ainsi que l’expérience scolaire des élèves et de leurs parents. En d’autres termes, il s’agit de tenter de comprendre « l’influence » que les parents exercent sur ces deux dimensions (compréhension et vécu de l’école). Au cours de ce travail, nous emploierons le terme « influence » entre guillemets, car nous ne pouvons pas certifier que le discours des parents influe celui de leur enfant. En effet, il se peut que les enfants eux-mêmes, de par leur expérience et leur manière d’expliquer l’école, influencent le discours parental. Les parents ne tiendraient peut-être pas les mêmes propos, s’ils n’avaient pas d’enfants ou s’ils avaient une progéniture en âge préscolaire. De ce fait, « l’influence » désignera essentiellement une certaine forme d’interaction réciproque entre les enfants et leurs parents.

Notre recherche se situe dans le domaine de la sociologie. Cette science étudie les sociétés humaines et les faits sociaux. Différents auteurs nous fourniront des pistes de réflexion.

Notre problématique s’intéresse donc à la question des continuités ou des ruptures du discours tenu par l’élève et par ses parents, concernant leur rapport à l’école et leur expérience scolaire.

D’autres dimensions propres à l’univers éducatif, comme l’échec scolaire, la responsabilité de l’école face aux inégalités sociales ou le rôle de l’école dans la construction de sens, pourraient être abordées, sachant qu’il existe des liens importants entre le rapport au savoir des élèves et les inégalités de chance de réussite scolaire. Cependant, un choix sera opéré, en fonction de nos intérêts. Ainsi, deux axes ; le rapport à l’école et l’expérience scolaire, constitueront la base de notre recherche et seront donc approfondis dans la suite de ce travail.

1.2 Justification du choix de la recherche

Lors d’un stage effectué dans une classe de l’école primaire genevoise, une enseignante m’a relaté un entretien avec un parent d’élève. Ce dernier lui avait expliqué qu’il n’aimait pas les mathématiques et qu’il en parlait ouvertement à son fils. Selon l’enseignante, l’élève en question avait justement un mauvais rapport aux mathématiques. J’ai trouvé intéressant de constater que le rapport de cet élève à ce savoir était similaire à celui de son père. A travers des lectures, j’ai remarqué que certains adultes communiquent à leur enfant leur « blocage » scolaire et il s’avère que parfois les apprenants développent les mêmes difficultés que celles rencontrées par leurs parents (Lahire, 1995). Dès lors, il m’est apparu digne d’intérêt de mener une enquête afin d’observer si les élèves construisent leur rapport à l’école en fonction de celui de leurs parents et si l’expérience scolaire des apprenants est liée au vécu parental.

1.3 L’objectif de la recherche

Notre objectif consiste à étudier, auprès de quatre élèves de 1ère primaire, leurs représentations du système scolaire dans lequel ils évoluent, ainsi que leur vécu. En parallèle, les parents d’élève seront également interrogés à propos de ces deux dimensions, puisque “la personnalité de l’enfant, ses « raisonnements » et ses comportements, ses actions et réactions, sont insaisissables en dehors des relations sociales qui se tissent, initialement, entre lui et les autres membres de la constellation familiale […]” (Lahire, 1995, p. 16). Notons que par représentation, nous entendons les perceptions et les images qu’un individu possède de différentes situations du monde dans lequel il évolue.

Dans le cadre de ce mémoire, nous chercherons à comprendre dans quelle mesure des similitudes apparaissent entre le discours de l’élève et celui de ses parents, relatifs à leur rapport à l’école et leur expérience scolaire. Pour ce faire, nous relèverons, au travers d’une enquête qualitative, les continuités et ruptures présentent entre le discours de l’enfant et celui des parents. Toutefois, il est important de se souvenir qu’outre le contexte familial, d’autres influences peuvent jouer un rôle dans la construction du rapport à l’école et dans le développement personnel de l’enfant, même si au cours de ce mémoire, nous prendrons en compte uniquement « l’influence » parentale. Cette enquête s’intéresse à des élèves évoluant dans un contexte de socialisation, qu’il s’agit de définir.

1.4 Le contexte de socialisation de la classe de 1P

Afin de mener cette recherche, nous avons décidé de choisir une classe de 1ère primaire (6-7 ans), compte tenu du fait que ce sont les représentations des jeunes enfants qui nous intéressent. La 1ère primaire a été privilégiée à la 1ère ou 2ème enfantine, puisqu’il s’agit de la première année de scolarité obligatoire et les élèves commencent à être assez âgés pour pouvoir discuter de leur scolarité. L’enquête a été menée entre les mois de janvier et de février. Ces élèves évoluent donc dans ce contexte de socialisation depuis environ six mois.

L’école nous a été attribuée par la directrice du service de la scolarité. Cette école, qui accueille 4 classes, de la 1E à la 2P (une classe par degré), se situe en ville, dans un quartier socioculturel défavorisé. Les familles sont issues à environ 75% de la migration et plusieurs enfants vivent au sein de familles monoparentales. La plupart des parents, hormis trois cadres, sont ouvriers ou sans profession. La classe de 1P, dans laquelle a été menée notre enquête auprès de quatre familles, comprend 19 élèves, dont 9 filles et 10 garçons. L’enseignante travaille à 100% et enseigne depuis 35 ans.