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Chapitre 2 : État de l’art

2.3. Étude du jet et rebond

2.3.4. À l’échelle du jet

À la manière Armelin (1997), Ginouse (2014) a étudié à l’aide d’une caméra haute vitesse la cinétique du béton projeté. Cependant, jusqu’à présent l’étude considérait une particule unique, laissant de côté tous les phénomènes internes au jet. En analysant l’ensemble du jet, (Ginouse, 2014) a mis au jour un certain nombre de tendances propres à chaque procédé et équipement, lesquelles sont présentées ci- après.

Profils de vitesse

La distribution des vitesses des particules autour de l’axe de la lance, aussi appelée profil de vitesse est essentiellement dépendante du type de procédé comme on peut le remarquer sur la Figure 2.9 (Ginouse et Jolin, 2014b) :

• En voie humide, le profil de vitesse a une forme dite top hat : les vitesses sont homogènes dans la majeure partie du jet.

• En voie sèche, le profil de vitesse a une forme de cloche : la vitesse est élevée au centre du jet et décroit rapidement en se rapprochant des bords.

Une des explications à ces différences provient de la phase de transport : la friction des matériaux avec le tuyau en voie sèche entraînerait une chute de la vitesse des particules périphériques. Ce phénomène serait limité en voie humide grâce à l’injection d’air de manière radiale sur la section de béton au niveau de la lance.

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Figure 2.9 : Profils de vitesse en voie sèche pour deux embouts différents (Spirolet – courbe rouge et Double Bubble – courbe verte) et en voie humide (courbe bleue) à 0,5 et 1 mètre de la sortie de la lance (Ginouse et

Jolin, 2014b)

De plus, pour un même procédé, chaque lance est à l’origine d’un profil de vitesse différent. Ainsi, en normalisant les profils, soit en adaptant les courbes à des axes unitaires, Ginouse et Jolin (2014b) créent un outil se voulant être la « signature » de la lance, ce qui permet de comparer rapidement les performances de chaque lance.

Combiné aux travaux d’Armelin, ces profils de vitesse nous offrent des indices quant à la différence de rebond entre les différents procédés et équipements : plus le profil de vitesse est homogène, plus l’impact sur la surface réceptrice sera homogène et important. Enfin, on peut remarquer qu’il y a une accélération des particules le long de l’axe de projection étant donné que les vitesses à 1 mètre de la sortie de la lance sont supérieures aux vitesses à 0,5 mètre (Ginouse et Jolin, 2014b).

Limites du jet

Lors de son étude, Ginouse et Jolin (2014b) se sont intéressés aux limites du jet de béton tel qu’on peut le voir à la Figure 2.10. On peut remarquer que l’angle d’expansion du jet est relatif à la lance utilisée : certains profils de lance vont être à l’origine de plus de turbulences, tel le Double-Bubble

(DRY-DBB - Figure 2.10) ce qui se traduit par un angle d’expansion plus important (Ginouse et Jolin,

2014b). En ayant en tête le noyau potentiel et le fait que sa hauteur dépende en partie de l’angle d’ouverture, l’étude des limites du jet nous offre un outil intéressant pour le développement et la

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validation de géométries de lance. Cependant, la turbulence pourrait permettre une meilleure homogénéisation du béton, ce qui est un point crucial en voie sèche.

Figure 2.10 : Limites du jet de béton pour les trois lances étudiées en voie sèche (DRY-DBB & DRY-SP) et voie humide (WET) (Ginouse et Jolin, 2014b)

Distribution du flux massique

L’étude de la distribution du flux massique en voie humide a mené à la découverte d’un profil typique de répartition du matériau au sein du jet tel qu’on peut le voir à la Figure 2.11. À 0,5 et 1 mètre de la sortie de la lance, le flux massique adopte un profil de cloche pouvant être modélisé par une fonction gaussienne. Il est intéressant de noter qu’une majeure partie du matériau se déplace dans une section limitée du jet ; 75% du matériau est concentré dans une surface représentant 28% de la surface totale du jet rencontrant le substrat (Ginouse et Jolin, 2014d).

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Figure 2.11 : Distribution du flux massique expérimentale (à gauche) et normalisée (à droite) en voie humide (Ginouse et Jolin, 2014d)

Bérubé (2017) a poursuivi ce travail de recherche en étudiant la distribution du flux massique en voie sèche pour trois types de lances (Figure 2.12). Dans un premier temps, l’auteur observe que le Spirolet offre un flux maximum plus élevé que les deux autres lances, différence qui pourrait être attribuable au meilleur malaxage offert par cet embout. De plus, de la même manière qu’en voie humide, le matériau est principalement concentré au centre du jet. Par exemple, avec le Spirolet, 75% du matériau est concentré dans une surface représentant 26,8% de la surface totale du jet rencontrant le substrat (Bérubé, 2017).

Figure 2.12 : Distribution de la densité de flux massique normalisée en voie sèche pour la lance Double- Bubble (à gauche) et Spirolet (à droite) (Bérubé, 2017)

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2.4.

Conclusion

À la lumière de ce qui a été souligné précédemment, nous sommes à présent conscients des facteurs de premier ordre influençant les performances du béton projeté en termes de mise en place et de rebond. Au fil des années et des projets de recherche, les principaux phénomènes régissant le béton projeté ont été découverts et étudiés. Par le passé, les chercheurs, et en particulier Armelin et Ginouse, ont souligné l’importance et la nécessité d’optimiser la technique et la lance en béton projeté au regard des avancées en termes de compréhension du procédé.

Le procédé par voie sèche semble le plus à même d’être optimisé étant donné ses performances moindres vis-à-vis de la voie humide et son potentiel face aux nouveaux mélanges de béton projeté. C’est pourquoi cette étude se penche sur l’optimisation de la lance en voie sèche, et en particulier l’amélioration de l’anneau de mouillage et de l’embout.

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Chapitre 3 : Méthodologie

3.1.

Introduction

n exposant les limitations du procédé de béton projeté, le chapitre précédent a par la même occasion permis de mettre en valeur un certain nombre de leviers sur lesquels il est possible d’agir dans le but d’optimiser davantage la technique. Les profils de vitesse, la distribution du flux de matériau, les limites du jet ou encore le flux d’air sont autant de paramètres connus qui nous poussent aujourd’hui à vouloir faire un pas en avant en termes d’équipement.

L’étude porte uniquement sur la lance employée en voie sèche puisqu’il s’agit du procédé offrant les occasions d’améliorations les plus significatives quant au rebond, à la poussière et à l’homogénéité du béton. Le projet a été divisé en deux phases majeures, chacune relative à une pièce de de la lance de projection par voie sèche : l’anneau de mouillage et l’embout. L’objectif de ce chapitre est de présenter la manière dont les performances des équipements ont pu être évaluées et comparées. Après que le programme expérimental ait été énoncé, les différents mélanges et équipements de projection employés seront détaillés, puis les essais sur béton frais et sur béton durci seront décrits.

3.2.

Programme expérimental

Dans un premier temps, un anneau de mouillage a été développé dans le but d’améliorer l’humidification du béton. Puis, le projet s’est orienté sur l’embout et sa capacité de malaxage, l’objectif étant de produire le béton le plus homogène possible tout en ayant une distribution spatiale optimale de la vitesse des particules. La Figure 3.1 présente les deux phases du projet et les éléments primordiaux se rattachant à la réalisation.

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Figure 3.1 : Phases de réalisation du projet de recherche et cahier des charges sommaire

L’étude s’est entièrement déroulée au Centre de Recherche sur les Infrastructures en Béton (CRIB) de l’Université Laval à Québec et en particulier dans le Laboratoire de Béton Projeté qui permet d’offrir un environnement contrôlé et instrumenté. Le matériel de projection est semblable à celui utilisé dans l’industrie, de même que les lances permettant la comparaison des performances. L’étude est donc réalisée dans un contexte technique représentatif de ce qui est rencontré en chantier.

Les essais, développés dans la suite de ce chapitre, permettent d’étudier les différents aspects des performances de l’équipement et du matériau mis en place :

• Les essais de résistance en compression permettent de caractériser l’homogénéité, le malaxage et la qualité de la mise en place du mélange projeté ;

• Les essais d’absorption et de volume des pores perméables donnent une idée de la structure interne du béton et de la qualité de la mise en place ;

• La résistance à la pénétration aux ions chlorures permet une estimation de la durabilité du béton face aux agents agressifs tel le chlore ;

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• Enfin, l’étude du rebond, du profil de vitesse et de l’angle d’expansion permettent de définir le comportement du matériau pendant la phase de projection et l’impact.

Plusieurs matériaux utilisant des technologies cimentaires différentes ont été projetés afin d’obtenir un spectre des capacités offertes par les équipements développés. De plus, plusieurs configurations de lances et d’embouts ont été explorées.

3.3.

Matériaux

Trois mélanges différents ont été employés dans cette étude. Il s’agit d’un mélange usuel de réparation, d’un mélange minier et d’un Béton Fibré Ultra-haute Performance (BFUP).

Mélange standard

Il s’agit du mélange MS-D1 préensaché en sacs de 30 kg produit par la société King Shotcrete

Solutions à l’usine de Boisbriand, Québec. Il est principalement utilisé pour des travaux de réparation.

Il contient du ciment Portland ordinaire, de la fumée de silice et des granulats fins et grossiers respectant la Gradation ACI No. 2 (ACI-506R-16, 2016) (Voir Annexe 1). Préalablement à l’ensachage, les granulats ont été séchés au four afin d’éviter une hydratation prématurée du liant. La composition du mélange est détaillée dans le Tableau 3.1.

Tableau 3.1 : Composition du mélange standard

Ingrédient Voie sèche – King MS-D1

Ciment Portland Ordinaire (kg/m3) 396

Fumée de silice (kg/m3) 35

Gravier – 2,5 à 10 mm (kg/m3) 600

Sable – 0,08 à 5 mm (kg/m3) 1134

Rapport eau/liant 0,4*

Teneur en air visée (% vol) 4%

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Mélange minier

Le RS-D2 produit par la société King Shotcrete Solutions est un mélange préensaché en sac de 1000 kg. Il est basé sur une technologie de ciment à prise rapide et contient du sable et de la pierre respectant la Gradation ACI No. 2 (ACI-506R-16, 2016). Le ciment Rapid Set® est un liant à base de sulfoaluminate de calcium. Préalablement à l’ensachage, les granulats ont été séchés au four afin d’éviter une hydratation prématurée du béton. C’est un produit destiné au marché minier du fait du développement rapide des propriétés au jeune âge (voir Annexe 2) qui permet d’accélérer les cycles de production. Il se distingue par sa couleur rouge, permettant d’en indiquer les zones d’application dans les mines. La nature du liant et une source différente de granulats comparativement au mélange standard King MS-D1 en font un mélange intéressant pour cette étude. En effet, cela permet d’obtenir une idée du comportement de l’équipement sur un plus large spectre de bétons. De plus, le caractère accéléré de ce béton permet d’obtenir un avis rapide sur la capacité d’humidification et de malaxage offert par l’équipement dans un tel contexte.

Béton Fibré Ultra-haute Performance

Ce béton est inspiré des plus récents développements dans le domaine des BFUP, où les granulométries sont très compactes et la taille maximale des granulats est de l’ordre du millimètre. Ces mélanges sont généralement très riches en liants, et contiennent une bonne quantité de fibres. Par exemple, la masse de fumée de silice peut atteindre 25% de la masse de ciment, le volume de fibres est généralement compris entre 1 et 3% et la masse totale de liant est souvent supérieure à 1000 kg/m3. De plus, les rapports eau/liant sont généralement très faibles, de l’ordre de 0,18 à 0,30. Ceci est possible grâce à l’utilisation de grandes quantités de superplastifiant (Alkaysi et al., 2016; Hadl et al., 2016; Hoang et al., 2016; Z. Li et Rangaraju, 2016). Dans le cas présent, le mélange contient 1,5% de microfibres d’acier visibles à la Figure 3.2. La composition exacte du mélange commercial utilisé n’est pas dévoilée par le manufacturier.

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Figure 3.2 : Fibres utilisées dans le BFUP

3.4.

Équipement de projection

Canon de projection

La salle de projection du Laboratoire de Béton Projeté est équipée d’un canon de projection Aliva®

246 visible sur la Figure 3.3. Il s’agit d’une machine à barillet rotatif entraîné par un moteur électrique.

Deux types barillets sont employés en fonction du matériau à projeter : 2 litres à orifices trapézoïdaux pour les bétons fibrés, et 3,6 litres à orifices circulaires pour les bétons non fibrés. La fiche technique est disponible à l’Annexe 3.

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Figure 3.3 : Canon de projection Aliva® 246 utilisé pour la projection de béton par voie sèche

Salle de projection

Afin de contrôler l’environnement et étudier les paramètres de projection, la salle de projection est entièrement instrumentée tel qu’on peut le voir à la Figure 3.4

Figure 3.4 : Equipement et capteurs disponibles dans la chambre de projection

Les paramètres de projection sont affichés en temps réel sur un écran et son enregistrées grâce au système d’acquisition afin que les données puissent être traitées à posteriori. On documente ainsi la

Arrivée d’air Trémie de remplissage Barillet 2 litres Col de cygne Balance Conduite Volant de contrôle du débit

de matériaux

Cellule de charge

Moule de rebond rotulé vis-à-vis du mur Lance Anneau de mouillage Balance Matériaux Canon de projection Système d’acquisition

Réserve d’eau avec débitmètre

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température et l’humidité relative de la pièce, la température de l’eau du réservoir, le débit d’air entrant dans la machine, le débit d’eau arrivant à la lance, la masse du canon de projection et des matériaux secs entreposés sur la balance et la masse du moule de projection.

Lances et embouts

Dans le but d’établir une comparaison des performances, des lances et des embouts couramment utilisés dans l’industrie ont été employés. Ceci comprend les lances courte et longue décrites dans la partie 2.2.2. L’anneau de mouillage traditionnel ainsi que les embouts Spirolet et Double-Bubble sont illustrés sur les Figures 3.5 et 3.6.

Figure 3.5 : Anneau de mouillage traditionnel (Gracieuseté de Putzmeister)

L’insert, la pièce circulaire centrale, est perforée afin de permettre le passage de l’eau au centre.

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Le Tableau 2.1 suivant présente les différentes combinaisons d’équipement ayant été employées et avec quels mélanges elles ont été utilisées. L’anneau de mouillage et l’embout prototypes seront décrits dans leurs chapitres respectifs.

Tableau 3.2 : Combinaisons des différents équipements et mélanges employés

Identification Anneau de mouillage Embout Mélanges

Longue Traditionnel Double-Bubble MS-D1, RS-D2

Courte Traditionnel Spirolet MS-D1, BFUP

Prototype 1 Prototype Spirolet MS-D1, RS-D2, BFUP

Prototype 2 Prototype Prototype MS-D1

Prototype 2 mod Prototype Prototype Bis MS-D1

Le choix des combinaisons employées est basé sur les pratiques usuelles du laboratoire.

3.5.

Procédure de projection

En béton projeté par voie sèche, le lancier ajuste la quantité d’eau incorporée au mélange à l’aide d’une valve, il a donc un contrôle direct sur le rapport eau/liant du béton mis en place et, en conséquence, sur la consistance. Aussi, en fonction du type de projet, la quantité d’eau à ajouter devra être plus ou moins importante. Par exemple :

• Pour une réparation, le lancier a tendance à ajouter un peu plus d’eau afin d’obtenir une consistance humide. Le but est d’obtenir une bonne adhésion du béton projeté au substrat tout en limitant le rebond et en assurant un bon enrobage des barres d’armature (ACI-506R-16, 2016). La surface du béton sera d’apparence humide et brillante, une consistance parfaite pour des activités de finition.

• Pour un support de terrain minier, le lancier ajoutera un peu moins d’eau afin d’obtenir une consistance généralement plus raide. Les épaisseurs de projection parfois importantes et la projection en surplomb sur des surfaces irrégulières mènent naturellement le lancier à cette consistance, plus stable. Le but dans ce cas est d’avoir une force d’impact importante tout en réduisant le rapport eau/liant afin d’obtenir des propriétés mécaniques importantes rapidement. Sans être sèche, la surface du béton n’est que légèrement humide. Le rebond, plus important dans ce cas, est moins préjudiciable en termes de coût et de temps étant donné qu’il est laissé au sol, et non traité. De plus, il n’y a aucune finition requise.

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Afin de rendre compte des spécificités propres à chaque chantier, chaque équipement a été testé sur une plage de consistances (sèche, moyenne, humide) afin d’obtenir le spectre complet des performances. La consistance humide correspond à la wettest stable consistency définie par Studebaker (1939). Lors de certains essais, notamment ceux où des images étaient collectées, seule la consistance humide a été employée et sera alors mentionnée.

Lors des projections, le lancier commençait par ajuster la consistance du mélange projeté dans un panneau prévu à cet effet. Il remplissait ensuite des panneaux de projection conformes à la norme ASTM C1140-Standard Practice for Preparing and Testing Specimens for Shotcrete Test Panels (ASTM, 2011) et au CP-60-Craftsman Workbook for ACI Certification of Shotcrete Nozzleman (ACI, 2015). Les éprouvettes étaient ensuite prélevés sur ces panneaux.

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