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Trois principes généraux guident lʼintervention publique dans le domaine de lʼhabitation au Canada (Divay et al. 2005, p. 14-15):

1. Le marché doit être le mode dominant de production de logement;

2. Les logements doivent respecter des normes minimales de qualité et de confort; 3. Les ménages exclus du marché doivent faire lʼobjet dʼune aide gouvernementale.

Malgré les débats idéologiques dont ils font régulièrement lʼobjet, ces trois principes sont bien établis et les changements survenus dans les politiques dʼhabitation au cours des

dernières décennies ont plutôt porté sur les modalités de leur mise en oeuvre, cʼest-à-dire principalement sur le niveau de délégation que le gouvernement fédéral allait accorder aux partenaires provinciaux, municipaux, ou privés (Divay et al. 2005).

Sur le territoire québécois, deux organismes publics, la société canadienne dʼhypothèque et de logement (SCHL) et la société dʼhabitation du Québec (SHQ) ont le mandat dʼintervenir au nom des gouvernements fédéral et provincial dans le domaine de lʼhabitation. Les programmes quʼils mettent en place sont généralement circonscrits dans le temps et ciblés sur une région géographique (territoires autochtones, vieux quartiers) ou sur une population particulière (ménages démunis, personnes âgées) (Wolfe 1998; Divay et al. 2005).

2.1.1. La société canadienne dʼhypothèque et de logement

Créée en 1945 en vertu de la Loi nationale sur lʼhabitation (LNH) dans le but de loger les vétérans de la Seconde Guerre mondiale, ainsi que pour supporter le marché immobilier dans la fourniture de logement à une population en expansion rapide, la SCHL est au centre des interventions publiques en habitation au Canada jusquʼau milieu des années soixante, période au cours de laquelle sont créées les organismes provinciaux dʼhabitation (Wolfe 1998).

Dans les premières décennies de son existence, lʼaction de la SCHL consiste principalement à accorder des prêts aux particuliers désirant faire lʼacquisition dʼune maison, une pratique remplacée en 1954 par un programme dʼassurance des prêts hypothécaires ainsi que par une série de mesures facilitant lʼaccession à la propriété pour les classes moyennes. Au cours des années 1950 et 1960, la SCHL met également en place des programmes de rénovation urbaine visant lʼamélioration des conditions dʼhabitat des populations urbaines défavorisées. Des quartiers urbains jugés insalubres sont alors rasés puis remplacés par des logements sociaux de propriété publique. Dans lʼensemble, ces programmes ont été abondamment critiqués parce que leur effet cumulatif a été de favoriser lʼétalement urbain en finançant le développement des banlieues, en même temps quʼils favorisaient la destruction du tissu urbain traditionnel (Divay et al. 2005, p. 33).

Au cours des années soixante-dix, la SCHL délègue une part significative de la production du logement social aux provinces et au tiers secteur, cʼest-à-dire au secteur de lʼhabitation à but non lucratif. En 1973, le gouvernement fédéral apporte ainsi des amendements à la LNH dans le but de favoriser le développement du logement social communautaire via la constitution de coopératives et dʼorganismes sans but lucratif dʼhabitation. La SCHL continue par ailleurs dʼencadrer et de supporter le marché immobilier privé, notamment avec lʼadoption du programme dʼaccession à la propriété (PAAP) en 19718, ainsi quʼavec

le programme dʼaide aux logements locatifs privés (PALL) en 1975 (Divay et al. 2005).

À partir du milieu des années 1980, lʼaustérité budgétaire du gouvernement fédéral force la SCHL à recentrer son activité sur les populations à faible revenu. Le financement des coopératives est revu à la baisse, parce que cette forme de logement, conformément à lʼobjectif de mixité sociale qui la sous-tend, profite à un spectre socio-économique trop large (Wolfe 1998). Ce retrait de la SCHL sʼaccélère à partir de 1993 alors que «  le gouvernement fédéral se désengage du financement des nouveaux projets de logement social et annonce son souhait dʼabandonner, à terme, tout rôle dans la gestion des logements existants » (Divay et al. 2005, p. 22).

2.1.2. La société dʼhabitation du Québec

À mesure que sʼamenuise la participation de la SCHL à la production de logements, celle des gouvernements provinciaux et des municipalités augmente. La SHQ est ainsi fondée en 1967 par une loi spéciale du gouvernement du Québec afin dʼagir en tant quʼintermédiaire dans lʼadministration des programmes fédéraux en habitation9. Dans les

premiers temps, lʼinfluence de la SHQ est donc principalement de nature administrative. Les opérations de rénovation urbaine se poursuivent et demeurent essentiellement axées sur la démolition-reconstruction de quartiers insalubres « en tenant compte des données modernes et fonctionnelles de lʼurbanisme » (SHQ 1992, p. 19)10.

8 SCHL, Historique de la SCHL, http://www.cmhc-schl.gc.ca/fr/inso/info/hi/, page consultée le 31 mars 2009. 9 Le mandat initial de lʼorganisme était de «  permettre aux municipalités de se prévaloir des programmes

fédéraux afin quʼelles puissent éliminer les taudis, réaménager leur territoires et réaliser des programmes dʼhabitation à loyer modique  » (SHQ 1992, p. 17). Il sʼagissait donc dʼabord dʼune tentative de limiter lʼingérence du gouvernement fédéral dans les affaires de la province.

10 En vertu de la loi sur la SHQ, la construction et lʼadministration des unités de logement sont la responsabilité

À partir du milieu des années soixante-dix, en accord avec les politiques de la SCHL, la part des unités de logement social construites par les coopératives et les OSBL dʼhabitation sʼaccroît suite à une modification à la Loi sur la SHQ permettant à la société de subventionner directement les OSBL dʼhabitation. En 1977, la SHQ met en ainsi place le programme Logipop, dont lʼobjectif est de favoriser le développement de lʼhabitation coopérative sous la forme locative pour les citoyens à faible ou moyen revenu. Dans la foulée de ce programme sont constitués les groupes de ressources techniques en habitation, des regroupements de militants et de professionnels - architectes, urbanistes, avocats, comptables - dont le mandat est de «  promouvoir et élaborer des projets dʼhabitation appartenant à des coopératives ou des OSBL et dʼapporter le soutien nécessaire à leur réalisation » (SHQ 1992, p. 24).

De manière générale, les programmes de la SHQ sʼadressent aux personnes dans le besoin, notamment aux personnes âgées ou aux populations autochtones. Mais en marge du logement social, la SHQ administre une série de programmes destinés à faciliter lʼaccession à la propriété aux jeunes ménages modestes (SHQ 1992). En outre, lʼorganisme est actif dans lʼamélioration de lʼhabitat en développant des programmes dʼaide à la rénovation comme Loginove en 1981 (Blary 1988) ou le programme de revitalisation des vieux quartiers en 1996 (Divay et al. 2005).

À partir de 1997, la SHQ prend le relais de la SCHL dans la fourniture de logements sociaux et abordables. Avec la création du programme Accès Logis Québec, dont le mandat est de favoriser « le regroupement des ressources publiques, communautaires et privées afin de réaliser des logements sociaux et communautaires ... destinés à des ménages à revenu faible ou modeste de même quʼà une clientèle ayant des besoins particuliers en habitation » (SHQ 2003, p. 6), le gouvernement provincial prend en charge la production du logement social public, tout en encadrant et en finançant celle de lʼhabitation sans but lucratif (Divay et al. 2005).

Mais en dépit de ces initiatives et compte tenu des ressources financières limitées des provinces, les gouvernements provinciaux cherchent à déléguer de plus en plus de responsabilités aux administrations locales:

« À la suite du désengagement fédéral et du transfert de responsabilités aux provinces, ces dernières ont, à leur tour, interpellé les municipalités, ce qui a

encouragé plusieurs villes canadiennes à créer leurs propres programmes visant la réhabilitation des zones sensibles et la production de logements sociaux et abordables » (Dansereau et al. 2005, p. 10)

Cʼest donc principalement par nécessité, à la suite dʼun retrait progressif des niveaux supérieurs de gouvernement que les municipalités acquièrent de nouvelles responsabilités, mais aussi de nouvelles ambitions dans le domaine de lʼhabitation. Les pouvoirs locaux doivent alors apprendre à manoeuvrer dans ce nouveau champ de compétence, ce qui ne se fait pas du jour au lendemain.