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Lʼadministration Bourque (1994-2001): « populisme gestionnaire » en habitation?

Le RCM perd définitivement le pouvoir à lʼélection de novembre 1994 au profit du parti Vision Montréal du nouveau maire Pierre Bourque. La position du maire Bourque à lʼégard de lʼhabitation et du centre-ville est difficile à cerner en raison du nombre très restreint

37 Toujours à propos des sociétés paramunicipales: «  la ville, par ses paramunicipales, depuis les dernières

années, a mis 510 millions de vos taxes, de votre travail, dans des aventures de paramunicipales, pour être propriétaire du Centre de commerce mondial, pour être propriétaire d'un hôtel, l'Intercontinental, pour faire les condos de luxe de Faubourg Québec pour acheter des terrains comme à Blue Bonnets, pour acheter le long du canal Lachine (des terrains) à 18 millions (de dollars), alors que ça ne valait que huit millions, des entreprises comme Nordelec... tout le monde qui faisait affaire avec la ville, fourrait la ville! » Pierre Bourque, cité dans A. Noël. «  "Tout le monde qui faisait affaire avec la ville ...fourrait la ville" - Pierre Bourque  », La

Presse, 30 octobre 1994, p. A3 38 Ibid., p. A3

39 A. Noël. « La SQ enquête sur des transactions faites par une agence de la Ville », La Presse, 8 avril 1997, p.

A1; C.-V. Marsolais. «  La grenouille qui voulait devenir aussi grosse que le boeuf: Comment la Société immobilière du patrimoine architectural de Montréal a été emportée par sa boulimie », La Presse, 17 mai 1997, p. A21; K. Lévesque. «  Transactions immobilières présumément frauduleuses: L'administration Doré était au courant dès septembre 1992 », Le Devoir, 9 avril 1997, p. A3

40 A. Noël. «  L'enquête prendra fin faute de témoins : La SQ mettra fin à son enquête sur le Quartier des

dʼanalyses ayant traité de son administration et de son style de gestion nettement moins ouvert que celui du RCM.

Le programme du parti, outre sa couleur écologique et son objectif de « faire de Montréal la première ville environnementale en Amérique du Nord  » (Belley 2003, p. 102), porte moins sur les objectifs que sur les moyens pour les atteindre: on cherche ainsi à « ramener le rôle de la ville aux activités découlant de sa mission de base, à simplifier au maximum les procédures et à instaurer une culture entrepreneuriale  » (Belley 2003, p. 105). En matière dʼhabitation, le programme cherche à marquer une rupture avec les priorités de lʼadministration du RCM: le parti sʼengage donc à simplifier le processus de délivrance des permis quʼil juge être un obstacle inutile au développement, en particulier en raison des contraintes urbanistiques et patrimoniales, ainsi quʼà rénover 14 000 logements au cours du premier mandat. Le parti entend par ailleurs « revoir le mandat des sociétés paramunicipales afin que leurs activités nʼentrent plus en concurrence avec le secteur privé  » (Belley 2003, p. 105). Cʼest pour ces raisons que le politologue Serge Belley (2003) qualifie de «  populisme gestionnaire  » le style de gestion pratiqué sous lʼadministration Bourque.

Dans la pratique cependant, il semble que le pouvoir ait considérablement modifié les positions prises par Bourque lors de la campagne électorale41. Dʼabord très critique à

lʼégard des projets des faubourgs, la nouvelle administration change ainsi dʼavis dès lʼhiver 1995, lorsque le responsable de lʼhabitation déclare que les projets urbains des faubourgs « vont de soi », que « ça doit être maintenu peu importe l'administration au pouvoir [et quʼ] il s'agit là de projets-moteurs pour le développement de Montréal42 ». Indiquant sʼinscrire

dans la continuité des administrations Drapeau-Lamarre et du RCM, il ajoute que: « la politique de notre administration est claire. Pour nous, l'habitation est une des choses les plus importantes pour relancer l'économie de Montréal [...] C'est essentiel qu'une ville comme Montréal ait des projets aussi attrayants pour ramener des résidants dans son centre-ville43 »

Lʼadministration endosse donc lʼobjectif de repeuplement du centre-ville, allant même jusquʼà en faire une condition du développement économique du centre. Le maire lui- 41 Cʼest également lʼopinion, très partiale, de Chanlat (1998).

42 Robert Gagnon, responsable de lʼhabitation, cité dans Y. Laberge. «  Bourque maintient les projets de

faubourgs Québec et Saint-Laurent », La Presse, 8 février 1995, p. A15

même confirme ce changement de cap lorsquʼil déclare avec enthousiasme en février 1997: « il y a un mouvement [de population] vers le centre-ville, on le sent. On reprend du terrain sur la grande région de Montréal, et j'en suis très fier44». De même, à la veille des

fusions municipales, Bourque écrit, dans un plaidoyer en faveur des fusions:

« La planification doit aussi permettre que Montréal soit doté d'un centre-ville attrayant, capable de recevoir, autant le jour que le soir, des centaines de milliers de personnes de façon plus sécuritaire, tout en assurant une belle qualité de vie à ceux qui souhaitent y résider45 »

Cʼest donc surtout sur les moyens que la nouvelle administration se distingue de la précédente. Si lʼobjectif de développer lʼhabitation au centre-ville perdure, sa mise en forme est profondément marquée par le style de gestion de la nouvelle administration, ce dont témoigne la poursuite des projets urbains des faubourgs46.

Projet hautement politique, le repeuplement du centre-ville semble néanmoins résister aux changements de régimes à lʼhôtel de ville. Mais comme nous pourrons le constater dans le quatrième chapitre, sa mise en oeuvre ne reflète pas une telle stabilité.

44 Cité dans B. Myles. «  Revitalisation des vieux quartiers: Une bonne nouvelle de Québec  », Le Devoir, 8

février 1997, p. A3

45 P. Bourque. « Nous sommes tous Montréalais », La Presse, 7 décembre 2000, p. A21

46 « Notons par ailleurs que le maire Bourque et son parti bénéficient dʼun soutien solide de la part des milieux

dʼaffaires et plus particulièrement du monde de lʼimmobilier. Ainsi, à la veille des élections de 2001, les médias constatent que «  la liste des donateurs de Vision Montréal se lit comme un "who's who" des promoteurs, constructeurs, ingénieurs et autres investisseurs de la métropole ». Voir E. Trottier et E. Clément, « Le parti du maire Bourque a la cote auprès des entrepreneurs », La Presse, 29 mars 2000, p. A3

À la lumière des approches théoriques ainsi que du contexte urbanistique propre à lʼhistoire politique de la ville de Montréal, nous exposerons dans ce chapitre les buts et les modalités de notre recherche. Dans un premier temps, nous présenterons ainsi la problématique et les questions de recherche. Nous dégagerons dans un second temps les principaux traits des deux cas étudiés. Enfin, dans un troisième temps, nous détaillerons la méthodologie quʼil nous a semblé pertinent dʼadopter pour mener à bien cette recherche.