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G. Qualités pour agir en justice

2. Légitimation passive

Les problèmes de légitimation passive sont plus nombreux et sans doute plus difficiles à résoudre. Donellus considère, avec toute la tradition juridique qui le précède et celle qui le suit, que l’action est en principe dirigée contre celui qui a rompu ou détruit la chose. Mais ce principe général laisse ouverte une longue liste de questions qui, héritées du droit romain, alimenteront les dis-cussion en droit commun.

Une première difficulté relève des faits. Comment savoir qui est l’auteur du dommage: «Car, il se peut qu’il soit certain qu’une chose a été rompue, mais qu’on doute qui l’a rompue»9. Pour établir l’identité de l’auteur, le ju-riste est souvent confronté à des problèmes de causalité. Selon la règle de base des chapitres I et III de la lex Aquilia, la légitimation passive tombe sur celui qui a directement causé le dommage, par exemple en étranglant de ses propres mains la victime. Mais souvent le lien de causalité est beaucoup plus indirect. Donellus distingue, nous l’avons vu10, différentes catégories d’auteurs:

(i) Celui qui a créé l’occasion pour un dommage. Par exemple, il effraye, sans le toucher, un animal qui prendra la fuite et se blessera. (ii) Celui qui provoque un état de faits qui conduira ultérieurement à un dommage. Il en-ferme, par exemple, du bétail et le laisse crever de faim. (iii) Un auteur pousse son voisin qui fait tomber un tiers qui se blesse. (iv) Finalement, l’auteur détruit un objet et provoque indirectement un dommage consécutif. C’est le cas du tonnelier qui perce un tonneau rempli de vin. Dans aucun de ces cas il n’y a de rapport direct de causalité. Dans les trois premiers exemples, ni l’acte lui-même ni les conséquences immédiates ne sont illicites. En effet, il n’est en principe pas interdit de chasser un animal de son propre fonds, ni d’enfermer le bétail d’autrui ou de bousculer un voisin, pour autant qu’il ne soit pas blessé. Dans ces trois cas, ce sont seulement les conséquences ulté-rieures qui créent un dommage. La même considération vaut pour le tonneau.

Le vin n’est pas directement détruit par le percement, mais parce qu’il s’est déversé. La question de fond soulevée ici concerne non pas le rapport de causalité physique, qui est indispensable pour l’application de la lex Aquilia,

9 «Quia fieri potest, ut constet aliquid ruptum esse, dubitetur quis ruperit», DONELLUS, Opera X, Ad tit. D. ad Legem Aquiliam, Cap. III, pp. 9, 1.

10 Cf. supra C. 2.).

mais le degré d’extension qu’on veut donner, sur le plan juridique, à la chaîne causale (voir supra C.2).

Une autre difficulté concerne le cas où l’auteur du dommage est parfaite-ment connu, mais ne répond pas nécessaireparfaite-ment lui-même de son acte. Donellus énumère une série d’exemples où le dommage a été infligé pour le compte d’autrui: Si A demande à B d’infliger un dommage à un tiers, qui répond de l’acte, lui-même ou l’exécutant? La jurisprudence romaine donne une réponse nuancée. Elle s’en prend à A, à condition qu’il ait eu le droit de donner un ordre: si modo ius imperandi habuit11. Sinon, c’était l’exécutant qui répon-dait. D’autres cas traitent d’esclaves qui causent un dommage. Si le maître connaissait le projet de l’esclave ou aurait dû le connaître, il répond à la place de l’esclave. Sinon, il peut donner l’esclave en noxa12. Un dernier cas de figure aborde les problèmes liés à une pluralité d’acteurs: Qui a la légitima-tion passive si plusieurs personnes ont causé ensemble un dommage, par exem-ple en poussant ensemble un chariot ou en transportant une poutre?13 Donellus considère que les différents acteurs ont infligé un quasi-damnum duquel ils répondent solidairement. Si plusieurs esclaves ont agi ensemble, leur maître répond de leurs actes et sera tenu soit de réparer le dommage, soit de donner les esclaves en noxa.

Les réflexions de Donellus, qui sont pour une grande partie reprises des sources romaines, mettent en évidence que le texte des chapitres I et III de la lex Aquilia avait été largement dépassé par la jurisprudence et la doctrine.

Même si, dans un nombre important de cas, elles pouvaient être appliquées directement, les formules celui qui a tué ... et si quelqu’un a infligé ... étaient insuffisantes.

Sur le plan des faits, les descriptions de la loi étaient trop restreintes pour saisir les cas de causalité médiate. Si on avait appliqué à la lettre les deux chapitres de la lex Aquilia, le véritable auteur du dommage aurait sou-vent échappé à l’obligation de réparation et le demandeur se serait trouvé soit sans partie adverse, soit en face d’une personne impliquée par hasard dans la chaîne causale.

11 Iav. D. 9,2,37pr.

12 DONELLUS, Opera X, Ad tit. D. ad Legem Aquiliam, Cap. III, pp. 12 et, par exemple, Ulp. D. 9,4,2.

13 Voir notamment Alf. D. 9,2,52,2 ou Ulp. D. 9,2,11,4.

Sur le plan juridique, ensuite, la formulation de la lex Aquilia ne tient pas compte du statut juridique de l’auteur du dommage. A défaut de person-nalité juridique, l’esclave par exemple ne peut pas être cité en justice. La situation est plus complexe encore si un homme libre cause un dommage sur ordre d’autrui. Donellus utilise le verbe mandare, laissant entendre que l’auteur aurait agi sur mandat14. Le fragment D. 9,2,37pr, qui traite le même pro-blème, ne qualifie du reste pas le rapport juridique, mais le décrit comme un rapport entre personnes libres, ou l’une donne un ordre à l’autre15. Si la per-sonne qui a infligé le dommage était soumise à un rapport général de subordi-nation, c’est le donneur d’ordre qui répond du dommage. Sinon, l’action sera dirigée contre l’auteur lui-même.

Non seulement les juristes romains, mais encore leurs successeurs, as-souplissaient progressivement la lex Aquilia et corrigeaient sa rigueur à l’aide de principes généraux comme notamment l’équité. Juridiquement, rien ne les aurait empêché, dans le cas cité (D. 9,2,37pr), d’appliquer la lex Aquilia à la lettre et d’intenter l’action à l’auteur, sauf que ce dernier n’avait été que l’instrument de son supérieur. Ce raisonnement confirme que les critères pour déterminer la légitimation passive sont de plus en plus nombreux et échap-pent, aussi bien en droit romain qu’en droit commun, à un schématisme ri-gide.

Grotius aussi analyse la légitimation passive16. Toutefois, à la différence de Donellus, qui raisonne ouvertement en termes d’actions, Grotius cherche à déterminer les responsabilités au sens large. Il procède à une analyse systé-matique en développant plusieurs catégories d’auteurs et de degrés de res-ponsabilité. Il distingue entre, d’une part, ceux qui agissent par et pour eux-mêmes, et qui répondent personnellement de leurs actes, et, d’autre part, ceux qui travaillent avec ou pour d’autres. Les deux groupes peuvent causer des

14 Rappelons en passant que, formellement, il est exclu qu’un mandat puisse avoir un contenu illicite.

15 Iav. D. 9,2,37pr.

«Si un homme libre a infligé de sa main et sur ordre un dommage à autrui, il y a [pour le lésé, B.W.] une actio legis Aquiliae contre celui qui lui a donné l’ordre, si seulement il avait le droit de donner un ordre; s’il ne l’avait pas, il faut agir contre celui qui a causé le dommage.»

«Liber homo si iussu alterius manu iniuriam dedit, actio legis Aquiliae cum eo est qui iussit, si modo ius imperandi habuit: quod si non habuit, cum eo agendum est qui fecit.»

16 GROTIUS, De jure belli, 2,17,6ss.

dommages par un facere ou non facere qui conduiront à une responsabilité primaire ou secondaire.

Parmi ceux qui interviennent activement, outre celui qui agit per se, le premier responsable est celui qui donne l’ordre, adhère, aide, recèle, ou par-ticipe d’une autre manière au forfait17. En deuxième ligne se trouve celui qui conseille, fait des louanges ou consent à l’acte18.

Pour l’attitude passive, le premier responsable est celui qui a laissé faire ce que, par la loi, il devait interdire ou qui, au mépris de son devoir, n’a pas assisté la victime19. Le deuxième responsable est celui qui n’a pas dissuadé l’auteur d’un acte dommageable ou a gardé cet acte sous silence, alors qu’il aurait dû intervenir. Toutefois, les obligations de ce deuxième responsable, précise Grotius un peu mystérieusement, naissent d’un droit particulier qui relève de la justice explétive et sont issues soit de la loi, soit d’une qualité spéciale20. Un tel droit particulier serait par exemple une norme de charité, dont la violation, considérée seulement comme un péché, ne contraindrait pas à réparer le dommage.

Bien que, en général, Grotius exclue de l’obligation de réparation les infractions contre des devoirs moraux, un cercle extrêmement vaste de per-sonnes entrera en ligne de compte comme responsables d’un acte dommagea-ble. On pourrait notamment s’étonner qu’on puisse, dans certaines circons-tances, engager sa responsabilité pour avoir fait la laudatio d’un méfait.

Comment, dans ces cas, évaluer le rapport de causalité entre les louanges et le forfait qui sera commis? Grotius prend ici ses précautions. Il exige un véritable rapport de causalité entre l’acte et le dommage. Le conseiller répond seulement s’il a eu une véritable influence sur l’auteur. Il va de soi que, dans ce cas, l’auteur lui-même répond également de son acte21. En revanche, si l’auteur aurait agi de la même manière sans le soutien du conseiller, ce der-nier n’est pas responsable.

La clé de cette théorie est, d’abord, une conception extrêmement large du devoir et, ensuite, une délimitation souple entre devoirs juridiques et moraux.

17 GROTIUS, De jure belli, 2,17,6.

18 GROTIUS, De jure belli, 2,17,7.

19 GROTIUS, De jure belli, 2,17,8.

20 «Illud autem debere in his omnibus referimus ad ius proprium quod justitia expletrix respicit, sive illud ex lege, sive ex qualitate exoritur», GROTIUS, De jure belli, 2,17,9.

21 GROTIUS, De jure belli, 2,17,10.

Grotius s’intéresse ici en premier lieu à la responsabilité dans son ensemble et, en second lieu seulement, à sa nature légale ou générale.

Cette structure lui permet de fixer un ordre de légitimation passive en cas de pluralité d’auteurs22. Le premier responsable, dit-il, est celui qui a donné l’ordre ou a poussé autrui à agir. En deuxième lieu et dans l’hypothèse qu’il n’y ait pas eu d’instigateur, c’est à l’auteur de l’acte de répondre. Dans la troisième catégorie se trouvent tous les autres participants. Ils sont solidaire-ment responsables et chacun répond individuellesolidaire-ment de l’ensemble, même s’il n’était que partiellement à l’origine du dommage.

Les questions de légitimation sont abordées plus directement, mais plus succinctement, dans l’Inleiding. Pour la légitimation active, Grotius retient le critère de la majorité. Si les enfants mineurs sont représentés par leurs pa-rents, les servantes et servants adultes défendent eux-mêmes leurs droits23. Pour la légitimation passive, toute personne raisonnable répond en principe de ses actes. Ainsi, tout mineur qui n’est plus un enfant doit réparer les dom-mages infligés fautivement24.

Une conception également très large de la légitimation se trouve chez Pufendorf25. Visiblement imprégné de Grotius, Pufendorf utilise non seule-ment des catégories similaires ou identiques26, mais va jusqu’à citer les mê-mes exemples et s’exprimer dans les mêmê-mes termê-mes insolites. L’exemple le plus frappant est sans doute l’expression momentum attulere27 (voir supra C.2.), tournure rarissime en droit pour désigner le lien de causalité entre l’acte et le dommage. Notons en marge que Christian Thomasius reprendra cette expression dans les Institutionum Jurisprudentiae Divinae libri tres de 172028.

22 GROTIUS, De jure belli, 2,17,11; voir aussi Inleiding, 3, 32, 12ss, p. 469ss.

23 GROTIUS, Inleiding, 3, 34, 3, p. 475.

24 GROTIUS, Inleiding, 3, 32, 19ss, p. 469s.

25 PUFENDORF, De Jure Naturae, 3,1, §4.

26 Par exemple la distinction entre facere et non facere ou la gradation entre responsabi-lité primaire et secondaire (cf. infra).

27 GROTIUS, De jure belli, 2,17,10; PUFENDORF, De Jure Naturae, 3,1, §4. Par ailleurs, à l’instar de Grotius (De jure belli, 2,17,7), Pufendorf cite aussi la deuxième Philippique de Cicéron, pour, toutefois, en tirer de plus amples conclusions.

28 Lib. 2, cap. 5, 40.

Pufendorf, nous l’avons vu, développe une règle qu’il considère comme universelle29 et qui lui sert à définir l’étendue de la causalité (voir supra C.2).

En même temps, cette règle fournit des informations sur la responsabilité des auteurs et, indirectement, sur leur légitimation passive. Est exempt de toute obligation de réparation, et par conséquent de légitimation passive, celui qui n’a pas participé à l’acte dommageable, ni directement, ni par une quelcon-que forme de soutien des auteurs, ni en tirant un avantage du méfait: «si quelqu’un n’a pas contribué réellement à l’acte même, par lequel le dom-mage a été infligé, ni qu’il ait commis antérieurement quelque chose pour le soutenir; ni qu’il en ait tiré avantage de quelque manière, et bien qu’il ait commis à cette occasion un péché, il n’est tout de même pas tenu à la resti-tution du dommage»30.

C’est de cette règle presque évidente que Pufendorf déduit les catégories de personnes obligées (ou non) de réparer le dommage infligé. Il commence par exclure tous ceux qui se réjouissent des malheurs des autres, font l’éloge d’un dommage qui est déjà infligé ou le défendent, ou encore suggèrent en termes généraux des actions dommageables. Certes, ils commettent un péché, mais n’encourent aucune sanction légale. En revanche, celui qui donne des conseils concrets et précis ou n’empêche pas un méfait, alors qu’il aurait eu une obligation légale d’intervenir, devra réparer le dommage qui résulte même indirectement de son acte ou abstention. Par contre, celui qui a simplement une obligation en vertu d’un lex caritatis ou humanitatis ne répond évidem-ment pas du dommage.

Comme Grotius, Pufendorf retient aussi un ordre dans la réparation. Si plusieurs auteurs sont impliqués dans un acte dommageable, celui qui a donné l’ordre à d’autres ou les a contraints d’agir répond en premier. L’exécutant serait alors considéré comme un simple instrument. En revanche, si l’exécu-tant n’a pas agi par véritable contrainte, citra necessitatem comme le dit Pufendorf, il répond en premier, suivi de ceux qui ont contribué par ailleurs à l’acte. Entre les premiers et deuxièmes responsables, Pufendorf admet une forme de subsidiarité dans la réparation. Si le premier responsable a réparé le

29 PUFENDORF, De Jure Naturae, 3, 1, §4.

30 «Nempe ubi quis ad ipsum actum, quo damnum fuit datum, realis aliquid operae non contulit, neque ut ille susciperetur, antecedenter effecit; neque in partem aliquam emolumenti venit, is licet occasione istius actus aliquo peccato obstringatur, ad restitutionem tamen damni non tenebitur», PUFENDORF, De Jure Naturae, 3, 1, §4.

dommage, ceux qui sont engagés en deuxième ligne sont libérés sur le plan civil, sans toutefois qu’on préjuge d’une éventuelle sanction pénale.

Pufendorf se livre aussi à une analyse nuancée des cas où plusieurs auteurs se trouvent dans la même classe. Si trois auteurs ont balancé des torches dans une maison pour l’incendier, ils sont solidairement responsables parce que l’acte de chacun aurait suffi pour causer le dommage dans son entier, mais aussi parce que les effets des trois actes se confondent. En revanche, si trois individus s’acharnent sur une victime et si l’un la blesse à la tête, l’autre lui casse un bras et le troisième lui crève un œil, chacun répond non pas de l’ensemble, mais individuellement de l’effet de son acte, puisque les domma-ges peuvent être évalués séparément.

Ces exemples conduisent Pufendorf à distinguer entre les actes indivisi-bles et divisiindivisi-bles. Un acte est indivisible si les effets auraient été les mêmes indépendamment du nombre d’auteurs. Il entraîne une responsabilité soli-daire, avec la conséquence que la victime peut faire valoir l’ensemble de la réparation au choix envers un ou plusieurs des coauteurs. Les actes divisi-bles, en revanche, sont ceux qui ont à chaque fois un effet précis. Chaque auteur répond alors à concurrence du dommage qu’il a causé individuelle-ment.

Comme Grotius, Pufendorf ne s’exprime pas ici dans un vocabulaire de procédure. Avec sa règle universelle et les explications qui suivent, il cherche surtout à établir les responsabilités respectives des auteurs. Les problèmes typiquement procéduraux comme la légitimation passive des mineurs, des personnes dépendantes ou auxiliaires s’effacent devant des préoccupations qui relèvent de l’équité.

Quant à Domat, étonnament et contrairement au discours en vogue, il n’aborde, par rapport à la responsabilité aquilienne, même pas indirectement les questions de légitimation, ni les problèmes qui se posent lorsqu’une plura-lité d’auteurs est collectivement à l’origine d’un ou de plusieurs dommages.

Johannes Voet traite des questions de légitimation de manière extrême-ment ramassée. A partir du principe général «Ces actions directes ou utiles s’appliquent contre ceux qui ont infligé le dommage»31, Voet évoque dans un

31 «Competunt vero hae actiones directae vel utiles adversus eos, qui damnum dederunt; ...», VOET, Johannes, Commentarius ad Pandectas, Coloniae Allobrogum 1778, lib. 9, tit. 2, 12, p. 430.

style presque télégraphique les cas de figure principaux du droit classique ou des discussions de son époque, comme la responsabilité entre époux, la trans-missibilité des actions aux héritiers ou encore le caractère civil, pénal ou mixte des actions32. Par rapport à cette dernière question, Voet constate, en référence à l’Inleiding de Grotius33, et par opposition à la jurisprudence ro-maine, que l’action aquilienne de son temps est reipersécutoire et non pas pénale «de telle sorte que l’auteur est poursuivi seulement pour l’estimation du dommage infligé et l’intérêt»34. Fidèle à sa double préoccupation de com-mentateur des Pandectes et de praticien du droit, il tisse constamment des liens entre le droit romain, la littérature et la pratique de son temps. Dans ses réflexions, il se penche régulièrement sur la tradition juridique et en tire des éléments pour résoudre les problèmes contemporains. Toutefois, par rapport aux questions de légitimation, Voet ne s’intéresse plus qu’aux grands princi-pes et néglige les questions techniques de procédure.

Christian Thomasius entreprend une analyse comparative de différentes sources juridiques et aborde, lui aussi, quelques grandes questions classiques de légitimation passive. Il souligne que, d’après le droit des Gens, la légitima-tion passive ne concerne pas seulement l’auteur lui-même, mais aussi ses successeurs. Selon le principe que les héritiers ne reprennent pas seulement les actifs, mais aussi les dettes du défunt, ils répondent des obligations de réparation au moins à hauteur de l’héritage35.

Pour les cas où une pluralité d’auteurs a causé le dommage, Thomasius retient, toujours pour le droit des Gens, une solution comparable à celle de Pufendorf. Si l’on peut établir la part du dommage que chacun des auteurs a infligée, chacun répond individuellement de ses actes. Sinon, ils répondent solidairement. Toutefois, si un d’eux répare l’ensemble du dommage, les autres sont libérés de leur obligation envers le propriétaire36.

Pour Thomasius, les réflexions sur la légitimation active et passive sont un des moyens pour étayer sa thèse sur la rupture entre la lex Aquilia et la

32 VOET, Johannes, Commentarius ad Pandectas, Coloniae Allobrogum 1778, lib. 9, tit. 2, 12, p. 430s.

33 GROTIUS, Inleiding, 3, 32, 17 et 18, p. 469.

34 «..., sic ut solam damni vere illati & ejus quod interest aestimationem actor consequatur», VOET, Johannes, Commentarius ad Pandectas, Coloniae Allobrogum 1778, lib. 9, tit. 2, 12, p. 430.

35 THOMASIUS, Larva, §13.

36 THOMASIUS, Larva, §14.

responsabilité civile germanique de son temps. Le centre de sa préoccupation n’est pas le droit procédural romain ou contemporain, ni les règles de la lex Aquilia, mais la démonstration que le droit germanique est un ordre juridique

responsabilité civile germanique de son temps. Le centre de sa préoccupation n’est pas le droit procédural romain ou contemporain, ni les règles de la lex Aquilia, mais la démonstration que le droit germanique est un ordre juridique