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1961-1968 Kennedy et Johnson : la nouvelle frontière

Cette troisième période de l’histoire du journal de la rue des Italiens est celle de la réussite. Alors que la Vème République est toute nouvelle, le journal fait figure de vieux sage. Trois personnalités hors du commun émergent de cette période, Hubert Beuve-Méry, bien sûr, Charles de Gaulle qui marque son retour et John Fitzgerald Kennedy. Le journal peut-il dès lors gagner ses titres de noblesse en s’opposant presque systématiquement au chef de l’Etat tout en développant des idées peu éloignées des siennes quant à la recherche d’autonomie vis-à-vis de l’Amérique ? Nous verrons dans ce chapitre comment le journal devient une véritable institution, comment il présente l’ère Kennedy et comment il décrit les Etats-Unis au rythme du volontarisme de leur jeune président et de son successeur.

31 L’institution

En 1960, les fondements du développement du journal sont posés : indépendance, rigueur de l’information et de la gestion. Le traitement de la guerre d’Algérie l’illustre parfaitement.

La guerre d’Algérie

Les prises de position du Monde face à la guerre d’Algérie et à la torture transforme la situation du Monde de journal indépendant en journal moral et son directeur d’homme libre à homme juste. Comme le note Patrick Eveno : « Les lecteurs du Monde, qui jusqu’en 1956 réagissaient essentiellement aux évènements extérieurs et aux commentaires qu’en faisaient le journal, semblent changer de motivations entre 1957 et 1962. Les affaires coloniales, spécialement la guerre d’Algérie, et les faits politiques prennent une dimension particulière dans leurs préoccupations. Le Monde accompagne les Français dans leur démarche, en augmentant la couverture rédactionnelle de la vie politique française et en accroissant la pagination du journal afin d’apporter aux lecteurs une information complète. Au cours de la guerre d’Algérie, Le Monde défend les valeurs morales de la modernité […]. Le Monde occupe pendant cette période une place privilégiée, aux côtés d’autres publications telles que Témoignage chrétien, France-Observateur ou

L’Express, qui restent dans les mémoires comme celles qui ont dénoncé la torture et

qui ont fait progresser la solution politique du conflit »320.

Mauriac écrit une tribune adressée à Sirius qu’il nomme Arcturus321. Il proteste alors contre la publication par Le Monde d’une lettre du général putschiste Raoul Salan au voisinage immédiat d’une publicité pour l’hebdomadaire d’extrême droite

Carrefour : « Parmi les gens de notre profession, qui est plus estimé qu’Arcturus ?

Aux yeux de tous, il apparaît à la fois comme un cerveau et comme une conscience : assemblage peu commun chez ceux qui font métier d’écrire dans les feuilles publiques. S’il en est parmi nous qui ne trouvèrent guère d’argument au commerce d’Arcturus (il est un docteur tant-pis redoutable et croit toujours que le pire arrivera), même ceux-là, ce grand frère les rassure. Il existe pourtant des journalistes comme Arcturus ! se disent-ils. Il n’était pas besoin de porter Arcturus aux nues : le consentement général l’y avait placé une fois pour toutes et il s’était donné lui-même

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Patrick Eveno, Le Monde 1944-1995, Histoire d’une entreprise de presse, op.cit. pp. 183- 184.

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Arcturus est une étoile vieillissante et particulièrement brillante, de la constellation du Bouvier. C’est sans nul doute une référence de Mauriac à Sirius, l’étoile la plus brillante après le soleil.

le nom d’une étoile. […] J’avais donné ma foi à Arcturus. Je me gardais, moi qui ai toujours jugé les gens sur la mine et qui ai rarement été trompé, de m’interroger sur cette figure fermée – oui, fermée à la lettre : rien n’y ouvre sur le dehors, et de la lumière du dedans qui doit être si belle, presque rien ne filtre à travers cette face close. Arcturus ne ressemble pas à l’idée que je me fais de lui, me disais-je, quand un doute naissait. Car nous n’étions pas toujours d’accord lui et moi […]. Pourtant je demeurais ferme dans ma foi, et je le demeure encore aujourd’hui encore pour des raisons que recommencerai bientôt de donner ici »322.

Cette rigueur, cette rectitude et ce caractère juste, manifestés par Le Monde dans le traitement de la guerre d’Algérie et de ses excès, confèrent au journal une autorité et une légitimité immense. Qui aime bien châtie bien dit-on. Le Monde est un journal juste et sévère, avec le gouvernement français comme avec les Etats-Unis. Il va le montrer sur la question de la Tchécoslovaquie, pays cher à son directeur.

La Tchécoslovaquie et Sirius

L’invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes du pacte de Varsovie en 1968 est un moment très important dans la perte de prestige de l’Union soviétique face au monde libre dont le parrain est l’Amérique. C’est un moment particulièrement fort, dur et pénible pour Hubert Beuve-Méry. Jeune homme, il passe de longues années à Prague, où il a l’occasion d’observer l’Europe. Il y voit les périls monter peu à peu et triompher finalement. Il écrit alors un petit ouvrage dont le titre anticipe bien malheureusement la suite : Vers la plus grande Allemagne323. Il est aussi bouleversé personnellement par la perte de son enfant, emporté par la maladie, perte qui marque à jamais un homme. Enfin, il fait la connaissance de deux hommes politiques exceptionnels qui l’influencent profondément : Edouard Bénès324 et Thomas Masaryk325. Par la suite, il cherchera à les retrouver en France dans les visages des hommes d’Etat de la IV° et de la V° République, sans jamais vraiment les reconnaître. Leurs principes guideront sa vie.

Ce pays, la Tchécoslovaquie est le pays martyr de la liberté. C’est un pays moderne, qui jusqu’en 1938 tient bien son rang parmi les nations européennes démocratiques et développées. Mais voilà qu’une série d’invasions vont le toucher, marquées par autant d’abandons de la part de ses alliés, des défenseurs proclamés du droit et de la liberté. A Munich en 1938, une part de la Tchécoslovaquie, le territoire des Sudètes, est abandonnée à Hitler par le Royaume Uni et par la France qui s’étaient pourtant engagés à la défendre. Par ce sacrifice, les deux nations croient, sauver la paix. Bien entendu, l’ogre hitlérien dévore les Sudètes puis l’ensemble de la Tchécoslovaquie. Loin d’avoir été rassasié, l’épisode aiguise son appétit et il s’attaque ensuite à la Pologne ne laissant d’autre choix aux deux démocraties que de se lancer dans ce qui va devenir la seconde guerre mondiale. Winston Churchill a merveilleusement bien résumé ce triste épisode dans sa réponse restée célèbre au premier ministre Chamberlain lors d’un échange sur les accords de Munich à la Chambre des Communes en 1938 : « Vous avez eu à choisir entre la guerre et le déshonneur ; vous avez choisi le déshonneur, vous aurez la guerre ».

La République de Bénès et Masaryk est libérée à l’ouest par l’armée américaine qui arrête sa progression et laisse l’Armée rouge libérer l’est, Prague

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François Mauriac, « Le point de vue d’Arcturus », Le Figaro littéraire, 30/09/1961. 323

Hubert Beuve-Méry, Vers la plus grande Allemagne, Paris, Hartman, 1939, 115 p. 324

Fondateur, aux côtés de Thomas Masaryk, de la République tchécoslovaque, dont il fut président de 1935 à 1948.

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Philosophe, fondateur et premier président de la République tchécoslovaque de 1920 à 1935.

comprise. La démocratie tchécoslovaque croit pouvoir renaître de ses cendres. Mais le coup de Prague met fin à cet espoir. Le pays connaît alors une brutale prise de pouvoir par les communistes de Klement Gottwald le 25 février 1948 qui renverse le président Bénès et son gouvernement, sous la protection de l’Armée rouge. Ils mettent en place un régime totalitaire de type stalinien. Hubert Beuve-Méry, explique Jean Planchais, « était très lié avec Jan Masaryk, le dernier ministre des affaires étrangères du gouvernement démocratique tchécoslovaque avant le coup de force communiste »326. Les années passant, le régime s’assouplit jusqu’à permettre, avec l’arrivée au pouvoir le 5 janvier 1968 du dirigeant réformateur Alexandre Dubcek, ce que l’on appelle le printemps de Prague, c’est-à-dire l’instauration d’un socialisme à visage humain. Mais le 21 août de la même année, l’armée soviétique met un terme, dans un bain de sang, à cette expérience aidée des armées des autres pays du pacte de Varsovie. Les Etats-Unis et les autres pays de l’OTAN se gardent d’intervenir, et accueillent nombre de réfugiés qui fuient le retour du totalitarisme.

Hubert Beuve-Méry, écrit alors un éditorial balancé comme à son habitude, mais particulièrement ironique vis-à-vis du régime soviétique. Il y décrit très clairement la nature de l’intervention soviétique tout en rappelant la responsabilité américaine dans l’abandon de la Tchécoslovaquie à Staline et conclut par un appel qui en dit long sur son attachement au pays de Thomas Masaryk et à l’influence de ce dernier sur lui : « Chacun peut imaginer quels auraient été nos lendemains si le général Patton, stoppé à Chartres sur ordre supérieur, n’avait patiemment attendu pendant plus d’une semaine – avant de partir vers l’Ouest – que l’allié soviétique vienne seul à bout des troupes nazies. […] Trois ans plus tard, des élections de mode occidental comme celles que la Tchécoslovaquie avait connues de 1918 à 1938 auraient pu avoir lieu, au risque de modifier les frontières du nouvel empire. Pour ne parler que d’eux, bon nombre de pays communistes d’Europe centrale et orientale ainsi occupés et pris en tutelle ne devaient pas tarder à mesurer le poids du régime moscovite et à revendiquer un minimum de libertés politiques et économiques. […] Fort diverses dans leur conception et leur origine, ces manifestations n’étaient certainement pas imputables à l’impérialisme américain. Et voici que les Tchécoslovaques manifestaient à leur tour […]. Avec une logique toute stalinienne, l’idée a finalement prévalu que mieux valait confier à des armées d’occupation le soin de mettre un terme brutal au printemps de Prague […]. Que sans rien négliger de ce qui peut dépendre d’elle, [la France] témoigne du moins son attachement profond au peuple tchécoslovaque, une fois de plus si durement frappé »327. Comme ce souvenir de l’humiliante incapacité de la France à honorer ses alliances et de faire face à l’Allemagne nazie, bien des traits rapprochent Hubert Beuve-Méry et Charles de Gaulle, cependant que le journaliste critique l’homme politique.

Beuve-Méry et de Gaulle

Le général de Gaulle bénéficie un temps du soutien du Monde, ce qui demeure exceptionnel pour un chef d’Etat ou de gouvernement français dans les soixante-dix ans de l’histoire du journal. Seuls Mendès France et François Mitterrand au tout début de son mandat, en bénéficièrent aussi. Ce fut d’abord le cas pour Charles de Gaulle, de la création du journal le 18 décembre 1944 à sa démission le 20 janvier 1946. La France vivait alors dans le consensus de la Libération autour de l’homme du 18 juin.

326

Entretien avec Jean Planchais, le 02/05/2002. 327

Le Monde soutient à nouveau de Gaulle lors de son retour au pouvoir en

1958. Il est vrai qu’en cette occasion, le soutien est essentiellement celui de Sirius et est accompagné de réserves.

Les deux hommes ne se connaissent pas bien, mais ils ont de nombreux points communs. Ils sont presque contemporains, ont pu observer la France depuis l’étranger, ont reçu une éducation traditionnelle chrétienne, dont ils sont fortement imprégnés l’un et l’autre. Non conformistes, pédagogues, ils sont francs et directs et savent apprécier la valeur des hommes. Au-dessus des partis politiques, on ne peut les situer dans la seule dimension gauche-droite. Fiers, moralistes, ils ont un égal mépris à l’égard de l’argent. Ils ont le souci commun de la modernisation et de l’indépendance de la France, notamment vis-à-vis des Etats-Unis, tout en rejetant le communisme. Ils finissent d’ailleurs leurs carrière tous les deux en 1969, à neuf mois d’intervalle l’un de l’autre. Beuve-Méry n’oublie pas que c’est de Gaulle qui a voulu la création du Monde et lui en a confié les rennes, mais il se méfie des tendances autocratiques du Général. Finalement, l’échec de la IV° République, amplement annoncé par de Gaulle, morte de sa propre mort, de sa propre incapacité à donner un gouvernement stable à la France, amène Sirius à soutenir le Grand Charles lors de son retour au pouvoir : « Aujourd’hui, dans l’immédiat, quelque réserve que l’on puisse faire pour le présent, et encore plus pour l’avenir, le général de Gaulle apparaît comme le moindre mal, la moins mauvaise chance »328.

C’est une position personnelle de Sirius, alors que le soutien de la rédaction est loin d’être évident. Plusieurs journalistes manifestent vivement leur désaccord. Ainsi, Raymond Barillon, Georges Mamy, Alain Guichard et Claude Ezratty lui écrivent le 29 mai 1958 : « Fidèlement attachés depuis de longues années à notre journal, qui a livré, à maintes reprises, des luttes difficiles, engagés avec lui de façon très personnelle, nous sommes trop directement concernés par les positions du

Monde pour laisser ignorer le grave problème de conscience qui se trouve ainsi

posé pour nous »329.

Cela n’empêche pas Beuve-Méry d’apporter à nouveau, en première page du

Monde, son soutien à de Gaulle lors de la création de la V° République : « Tout en

admettant qu'une même analyse peut conduire suivant les données propres à chacun à une option différente, il faut choisir. Je dis oui parce que le général de Gaulle - on l'oublie parfois un peu trop - n'est pas le principal responsable des conditions dans lesquelles il a accédé au pouvoir. Atteinte d'anémie pernicieuse, la IVème République a laissé se développer pendant des mois, voire des années, des complots dont elle n'ignorait rien et dont elle a fini par mourir. La nature ayant horreur du vide, il fallait bien que quelque chose ou que quelqu'un surgisse. La véritable surprise est que l'événement ne se soit pas produit plus tôt. Parce qu'un grand pays ne peut demeurer longtemps sans pouvoir organisé […]. Même s'il estimait que son échec ne l'autorise pas à abandonner brusquement le pouvoir, de quelle autorité disposerait alors le général de Gaulle pour assurer la continuité du gouvernement dans une période particulièrement difficile ? Même sans paras, ce serait l'impuissance et vraisemblablement le chaos. Parce que le général de Gaulle a pris en Afrique noire des décisions et des risques dont certaines modalités paraissent contestables, mais dont on n'imagine pas quel autre aurait osé les prendre à sa place. Parce que nul autre que lui n'est mieux placé, s'il le veut, pour faire comprendre à l'armée que ce n'est pas dans une lutte sans merci et sans fin qu'elle peut obtenir sa véritable victoire […]. Enfin parce que le général de Gaulle, s'il a une idée souvent excessive de sa mission et de ses possibilités, n'est pas du bois dont

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Sirius, « L’amère vérité », Le Monde, 29/05/1958. 329

Jean-Noël Jeanneney, Jacques Julliard, Le Monde de Beuve-Méry ou le métier d’Alceste, op.cit., p. 216.

on fait les dictateurs. Le souci même de sa renommée dans l'histoire suffirait, s'il en était besoin, à le mettre en garde contre un vertige dont il a déjà, dans cette langue qui n'appartient qu'à lui, exposé les fatales conséquences. En dépit des faiblesses ou des complaisances qu'il a montrées depuis quatre mois, il dépend encore de lui que soient refrénées les violences de ceux qui, parfois en le détestant, l'invoquent le plus bruyamment et ne manqueraient pas de susciter d'autres chocs en retour »330.

Ce soutien ne dure pas au-delà de la guerre d’Algérie et Sirius le marque en disant non au référendum sur l’élection au suffrage universel du Président de la République du 28 octobre 1962. Son opposition est si régulière ensuite que de Gaulle le surnomme « Monsieur faut-que-ça-rate ».

Les deux hommes ont des positions proches sur l’Amérique. Comme l’écrivent Jean-Noël Jeanneney et Jacques Julliard : « Défiance à l’égard des Etats-Unis, indépendance nationale, refus de la logique des blocs, armement national visant à la défense exclusive du territoire national, politique de détente : on ne saurait dire que ces thèmes, qui sur le moment ne rencontrèrent guère d’échos, n’eurent pas de postérité… Seulement Hubert Beuve-Méry et le général de Gaulle qui, en définitive, ont partagé beaucoup d’idées, ne les ont jamais partagées en même temps »331. De même, Paul Delouvrier, gaulliste et ami proche de Sirius, avait dit à ce dernier : « Tu lui ressembles tellement que tu ne peux pas le supporter » rapporte Pierre Sainderichin332. Ainsi tant qu’ils sont en activité, ces deux géants dans leur domaine s’opposent vigoureusement. Cette position critique contribue assurément à conforter l’indépendance et l’aura du Monde tout en commençant à marquer sa ligne éditoriale. Mais cela n’empêche pas Beuve-Méry d’apprécier au fond de lui-même l’homme du 18 juin. Dans un article paru dans le Times du 11 novembre 1970 au lendemain du décès du Général et qui clôt son livre-recueil Onze ans de Règne, Sirius écrit : « Après tout, Louis XIV et Napoléon, quels que fussent leurs titres de gloire, ont laissé l’un et l’autre la France exsangue, ruinée, mutilée. Charles de Gaulle n’aurait pas trop à se plaindre de cette orgueilleuse comparaison »333. Le général de Gaulle est entré dans l’histoire, le journal de Beuve-Méry quant à lui devient une institution.

Le succès d’un journal devenu institution ainsi que son directeur

Ainsi positionné, avec sa rigueur éditoriale qui se double d’une rigueur gestionnaire, Le Monde change de statut.

Le Monde devient une institution

Le Monde n’est pas le premier quotidien de France, certains quotidiens

régionaux comme Ouest France ont un tirage nettement plus important. Il n’est pas non plus le premier quotidien national, Le Figaro le devançant. Mais il s’en approche désormais, il passe de journal de référence, lu par l’élite et par les intellectuels, au journal des cadres et des étudiants. A cet égard, il est un grand bénéficiaire du rapide développement de l’université française d’après-guerre. En ces années de décollage économique de la France, Le Monde est le journal de la modernisation et de la modernité. Son influence profite pleinement de son capital d’indépendance gagné dans ses quinze premières années. Et comme le remarque Laurent

330

Sirius, « L’option », Le Monde, 26/09/1958. 331

Jean-Noël Jeanneney, Jacques Julliard, Le Monde de Beuve-Méry ou le métier d’Alceste, op.cit., p. 92.

332

Pierre Sainderichin, « De Gaulle et Le Monde », Paris, Le Monde, 1990, p. 167. 333

Greilsamer : « A son corps défendant, Beuve est devenu une vedette. Son journal est désormais une institution […]. Insensiblement, Hubert Beuve-Méry et Le Monde ont détrôné Pierre Brisson et Le Figaro. Le phénomène n’apparaît pas encore dans les courbes de diffusion des deux quotidiens, mais il est sensible, palpable pour qui connaît les milieux politiques, intellectuels et financiers. C’est bien le quotidien de la rue des Italiens qu’on cite le plus fréquemment, c’est bien vers ses journalistes que l’on se tourne en priorité dans les conférences de presse »334. C’est le cas bien entendu pour tout ce qui concerne les Etats-Unis.

Une réussite éditoriale et économique

La réussite éditoriale du Monde se double de sa réussite économique. Le journal qui s’était développé lentement depuis 1952, voit s’accélérer la progression de son tirage et de sa diffusion. Les éléments statistiques recueillis par Patrick Eveno le montrent indiscutablement335 : en 1961, le tirage est de 226 445, la diffusion

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