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2.3. Méthodes de type bottom-up

2.3.2. Kaizen

Formalisé dans les années 90 par Masaaki IMAI [Imai, 1992], le Kaizen résulte de l'association de deux mots : Kai qui signifie Changement, et Zen qui signifie Bon (pour mieux). Axée sur une amélioration graduelle, ordonnée et continue, le Kaizen présente également la particularité d'impliquer tous les acteurs de l'organisation dans le changement mené.

2.3.2.1. Kaizen : le cœur de cible

Kaizen met en avant quatre grands principes, très liés à la nécessité de faire évoluer les comportements des acteurs des processus d'une organisation :

Principe 1 : " Casser les paradigmes "

On entend par paradigmes, certaines idées, parfois préconçues, et en tout cas dictées par certaines habitudes, la culture, l'entourage etc. Avec Kaizen, il s'agit de penser différemment, quitte parfois à remettre en cause les évidences, en évitant de penser systématiquement que tout problème récurrent n'a pas de solution.

Principe 2 : " Travailler les processus autant que les résultats "

Traditionnellement, les acteurs d'un processus focalisent davantage sur les résultats à atteindre que sur la manière d'y parvenir. Cela a parfois comme conséquence une hétérogénéité des résultats et des processus qui en sont à l'origine. L'approche Kaizen recommande donc à ces acteurs de travailler sur leurs processus de manière à améliorer le niveau de qualité et d'homogénéité des résultats.

Principe 3 : " Évoluer dans un cadre global "

Dans la philosophie Kaizen, les capacités individuelles des acteurs doivent être exploitées dans le but d'améliorer la productivité globale de l'organisation. Cela sous-entend que soient mis en cohérence les objectifs d'efficacité qui sont définis pour l'ensemble des acteurs d'un même processus, et que ces acteurs prennent conscience de leur rôle dans la réalisation de l'objectif global du processus.

Principe 4 : " Ne pas juger, ne pas blâmer "

Le respect mutuel des acteurs est un des principes clés de la philosophie Kaizen. La recherche des causes du problème doit se substituer progressivement à celle des acteurs à l'origine du problème. L'idée est de faire émerger une analyse positive des problèmes en voyant ceux-ci comme des opportunités d'amélioration.

Ces quatre principes sous-tendent l'application d'autres principes, liés ceux-là tantôt à l'orientation clients donnée à l'approche, tantôt à la manière de remédier aux problèmes identifiés :

Principe 5 : " Considérer l'étape suivante comme un client "

Kaizen introduit la notion de client interne dans la chaîne de réalisation d'un processus.

En terme de fonctionnement, cela implique que les problèmes doivent désormais être traités et remédiés là où ils apparaissent et non plus en phase terminale de réalisation du processus.

Principe 6 : " Faire de la qualité une priorité "

La qualité doit être intégrée aux objectifs de performance du processus au même titre que le sont classiquement délais et coûts.

Principe 7 : " Donner une orientation marché au changement "

L'organisation doit comprendre les besoins des clients, explicitement ou implicitement exprimés, de manière ensuite à les traduire ensuite en termes d'activités à réaliser.

Principe 8 : " Gérer les problèmes en amont "

Il s'agit d'introduire le management de la qualité le plus possible en amont du processus d'élaboration du produit, de manière à éviter l'apparition tardive de problèmes plus difficiles et plus coûteux à remédier.

Principe 9 : " Baser les décisions sur des données tangibles "

La résolution des problèmes doit se baser sur des faits et des données, et non sur des intuitions ou des opinions, qu'il s'agit de collecter et d’en vérifier la validité.

Principe 10 : " Identifier les véritables causes du problème "

Ce principe rappelle la nécessité de ne pas s'arrêter à la première cause visible du problème constaté (recours à l'outil "5 pourquoi"). Cela implique aussi de vérifier que la résolution d'un problème ne cause pas l'apparition de nouveaux problèmes.

Le cœur de cible du changement du Kaizen se situe donc sur l'amélioration des équipements existants et des éléments qui leur sont associés (méthodes, ergonomie, outils, etc.), amélioration parfois radicale, mais obtenue graduellement et à peu de frais. La méthode se positionne donc en opposition totale avec les méthodes de changement axées sur l'innovation, méthodes dont la particularité est d'introduire des ruptures totales dans le fonctionnement existant de l'organisation (généralement acquisition de nouveaux équipements et/ou changement radical des pratiques de fonctionnement, …). Si l'innovation se base sur l'investissement technologique pour générer un changement radical, Kaizen mise quant à elle sur le savoir-faire existant pour induire une succession de changements à petits pas.

2.3.2.2. Kaizen : les étapes

La méthode Kaizen peut être initiée de différentes manières, la plus courante étant de focaliser le changement sur les activités des opérationnels du terrain pour rendre leur travail plus productif et ceci tout en améliorant leurs conditions de travail. La méthode est également utilisée avec comme première finalité d'améliorer les équipements de production en proposant de nouvelles implantations et/ou en mettant en place des détrompeurs. Dans les deux cas, Kaizen s'appuie sur la boucle rétroactive "amélioration-normalisation" issue de la boucle de Deming (Plan – Do – Check – Action) évoquée précédemment.

Le plus souvent, le Kaizen est piloté par des groupes d'améliorations constitués essentiellement des gens du terrain, et non pas seulement des techniciens des méthodes. La méthode se base également sur l'utilisation d'un système de recueil de suggestions (TEIAN en japonais) permettant à tous les exécutants du processus de faire part de leurs observations et leurs idées d'améliorations. Après être validées par le groupe, les suggestions retenues sont mises en application. L'approbation de la direction pour opérer les changements n'étant pas nécessaire, le Kaizen se classe parmi les méthodes de gestion du changement de type

"bottom-up".

Le Kaizen fait d'abord appel à tous les outils de créativité et de résolution de problèmes classiques, comme par exemple, souvent associés au Kaizen, le Pareto ou encore le QQOQCP (Qui est concerné ? De Quoi s’agit-il ? Où ? Quand ? Combien ? Pourquoi ?). A ces outils s'ajoutent des outils/méthodes plus spécifiques au Kaizen parmi lesquels :

- Le 5S (Seiri : débarrasser, Seiton : ranger, Seiso : nettoyer, Seiketsu : propreté personnelle – ordre, Shitsuke : discipline – rigueur) : l'outil ne se limite pas à l'application de règles élémentaires de propreté et de rangement, mais se positionne également comme un outil de maintenance élémentaire, créant les conditions propices à la mise en place future d'actions d'améliorations.

- Le SMED (Single Minute Exchange of Die), cherchant à réduire de façon systématique le temps de changement de série, avec un objectif quantifié.

(norme AFNOR NF X50-310).

- Le Poka Yoké : les postes de travail sont équipés de détrompeurs destinés à éviter certaines erreurs (système Tout-ou-Rien pour assurer le positionnement correct de la pièce, système de comptage pour vérifier qu'aucun élément n'a été oublié, ou encore,

systèmes séquentiels pour garantir l'exécution d'une séquence opératoire dans l'ordre défini, etc.).

- La TPM (Totale Productive Maintenance) : elle permet d'améliorer l'efficacité des ressources avec, en particulier, l'introduction de l'indicateur TRS (Taux de rendement Synthétique) qui englobe l'ensemble des aspects affectant l'efficacité du système. Le suivi et l'analyse du TRS permettent ainsi de disposer d'une vision synthétique de la productivité du système et contribuent à faire ressortir les points sur lesquels les actions prioritaires d'amélioration doivent être menées. La TPM contribue également à motiver le personnel sur leurs postes de travail en les faisant directement intervenir sur leurs équipements (maintenance courante, nettoyage et propreté, petites modifications améliorant la fiabilité, …). La maintenance occupe d'ailleurs un rôle central dans le Kaizen avec une priorité donnée à une logique d'améliorations à "petits pas" par rapport à la logique d'innovation (acquisition de nouveaux équipements par exemple)

2.3.2.3. Kaizen : les limites

Parmi les écueils les plus souvent relevés lors de la mise en œuvre du Kaizen, on peut citer : - la pérennité du changement : s'il n'est pas trop difficile d'initier le changement dans une

organisation, en maintenir la dynamique est en revanche moins aisé. Dans l'esprit Kaizen, la pérennité du changement est en effet très liée à l'effort d'implication des acteurs dans le changement, cette implication ne pouvant bien souvent s'obtenir sans qu'une contrepartie sous forme d'augmentation de rémunérations ne soit accordée. A cela s'ajoute généralement un manque de structures, systèmes et procédures assurant la continuité des activités d'amélioration.

- l'abondance des suggestions d'amélioration : si le principe de collecter les suggestions ou idées d'amélioration peut largement contribuer à renforcer la motivation des acteurs au changement, il peut amener également à des situations où les points à améliorer sont si nombreux qu'ils ne peuvent être tous suivis d'actions effectives. Généralement parce que le groupe de pilotage valide des améliorations qui ne s'accompagnent pas toujours d'une augmentation de valeur ajoutée pour le client ("on améliore pour améliorer").

Certaines suggestions d'améliorations ne pouvant pas être traitées, le Kaizen peut devenir également un facteur de démotivation au changement pour les acteurs à l'origine de ces suggestions.