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LA JUSTICE ET SES TYPES

Dans le document La justice humaine chez Thomas d’Aquin (Page 189-200)

II. LA VERTU DE JUSTICE

2. LA JUSTICE ET SES TYPES

Thomas d’Aquin réserve la question 58 de la partie IIa-IIae de la Somme

théologique à l’étude de la justice. D’après lui, elle est la vertu morale selon laquelle on

traite chacun selon son droit, « chacun » étant un individu particulier ou un groupe

158 ST, I-II, q. 65, a. 1, c. (suite)

Alii vero distinguunt praedictas virtutes secundum materias. Et secundum hoc assignatur ratio connexionis ab Aristotele, in VI Ethic. Quia sicut supra dictum est, nulla virtus moralis potest sine prudentia haberi, eo quod proprium virtutis moralis est facere electionem rectam, cum sit habitus electivus; ad rectam autem electionem non solum sufficit inclinatio in debitum finem, quod est directe per habitum virtutis moralis; sed etiam quod aliquis directe eligat ea quae sunt ad finem, quod fit per prudentiam, quae est consiliativa et iudicativa et praeceptiva eorum quae sunt ad finem. Similiter etiam prudentia non potest haberi nisi habeantur virtutes morales, cum prudentia sit recta ratio agibilium, quae, sicut ex principiis, procedit ex finibus agibilium, ad quos aliquis recte se habet per virtutes morales. Unde sicut scientia speculativa non potest haberi sine intellectu principiorum, ita nec prudentia sine virtutibus moralibus. Ex quo manifeste sequitur virtutes morales esse connexas.

d’individus. La nature des rapports avec autrui varie selon l’identité de ce dernier. Il reprend la considération de la relation des parties entre elles et avec l’ensemble pour justifier cette distinction qui entraîne la division de la justice en deux catégories : la justice particulière, dont l’objet premier est un bien particulier, et la justice légale (générale ou totale), dont l’objet est le bien commun.

La justice a pour but de régler nos rapports avec autrui, et cela de deux manières : soit avec autrui considéré individuellement (ad alium singulariter), soit avec autrui considéré socialement (ad alium in communi), c’est-à-dire en tant que le serviteur d’une communauté sert tous les hommes qui en font partie. Sous ce double aspect la justice peut intervenir selon sa raison propre. Il est manifeste, en effet, que tous ceux qui vivent dans une société sont avec elle dans le même rapport que des parties avec un tout. Or la partie, en tant que telle, est quelque chose du tout; d’où il résulte que n’importe quel bien de la partie doit être subordonné au bien du tout. C’est ainsi que le bien de chaque vertu, de celles qui ordonnent l’homme envers soi-même, ou de celles qui l’ordonnent envers d’autres individus, doit pouvoir être rapporté au bien commun auquel nous ordonne la justice. De cette manière les actes de toutes les vertus peuvent relever de la justice en ce que celle-ci ordonne l’homme au bien commun. Et en ce sens la justice est une vertu générale. Et parce que c’est le rôle de la loi de nous ordonner au bien commun, nous l’avons vu, cette justice dite générale est appelée justice légale (iustitia legalis) : car, par elle, l’homme s’accorde avec la loi qui ordonne les actes de toutes les vertus au bien commun160.

De ce fait, il n’y a pas tant entre la justice particulière et la légale une distinction dans le sens d’une opposition qu’une continuité. La justice particulière est tout aussi bien que d’autres vertus particulières liée à cette vertu générale appelée justice légale et elle s’y relie intimement. Thomas affirme :

160 ST, II-II, q. 58, a. 5, c.

Respondeo dicendum quod iustitia, sicut dictum est, ordinat hominem in comparatione ad alium. Quod quidem potest esse dupliciter. Uno modo, ad alium singulariter consideratum. Alio modo, ad alium in communi, secundum scilicet quod ille qui servit alicui communitati servit omnibus hominibus qui sub communitate illa continentur. Ad utrumque igitur se potest habere iustitia secundum propriam rationem. Manifestum est autem quod omnes qui sub communitate aliqua continentur comparantur ad communitatem sicut partes ad totum. Pars autem id quod est totius est, unde et quodlibet bonum partis est ordinabile in bonum totius. Secundum hoc igitur bonum cuiuslibet virtutis, sive ordinantis aliquem hominem ad seipsum sive ordinantis ipsum ad aliquas alias personas singulares, est referibile ad bonum commune, ad quod ordinat iustitia. Et secundum hoc actus omnium virtutum possunt ad iustitiam pertinere, secundum quod ordinat hominem ad bonum commune. Et quantum ad hoc iustitia dicitur virtus generalis. Et quia ad legem pertinet ordinare in bonum commune, ut supra habitum est, inde est quod talis iustitia, praedicto modo generalis, dicitur iustitia legalis, quia scilicet per eam homo concordat legi ordinanti actus omnium virtutum in bonum commune.

Ce qui nous concerne personnellement peut être ordonné à autrui, surtout en raison du bien commun. De là vient que la justice légale (iustitia legalis), qui a le bien commun pour objet, peut être qualifiée de vertu générale161.

Ce qui est propre à toute idée de justice est l’altérité ; elle est la vertu altruiste par excellence. A.-D. Sertillanges soulève cette specificité qui permet à la fois de la distinguer de toute autre vertu morale et de la subdiviser en differents types de justice. En effet, à partir de la détermination de cet « autre » on identifie deux sortes de justice. A.-D. Sertillanges remarque :

L’idée de justice répond à celle d’une égalité ou équité à l’égard d’autrui. Or, autrui, cela peut voloir dire un individu pris au singulier, et l’on aura alors la justice

particulière. Mais cela peut vouloir dire aussi une collectivité, dont chaque membre

profitera ou pâtira de ce qui est fait au groupe. Il s’ensuivra qu’en un sens la justice comprendra toutes les autres vertus, non plus pour s’y confondre, comme tout à l’heure ; mais pour les utiliser et les orienter vers sa fin propre. Car la justice que la partie doit au tout, dans une collectivité, exige, d’une part, la justice à l’égard des autres parties qui intègrent ce tout, et, d’autre part, la bonne disposition de la partie envisagée, telle que la procurent d’autres vertus162.

La justice légale ou générale est – d’après son essence – considérée comme une vertu spéciale. Cette justice réunit d’une certaine manière toutes les vertus morales, mais a quand même un objet propre, à savoir le bien commum. C’est à la justice légale qu’il revient de diriger les vertus particulières vers le bien commun car, en elles-mêmes, ces vertus particulières ne seraient pas forcément en mesure de s’accorder à une fin supérieure à la sienne163. Thomas enseigne :

161 ST, II-II, q. 58, a. 5, s. 3.

Ad tertium dicendum quod illa quae sunt ad seipsum sunt ordinabilia ad alterum, praecipue quantum ad bonum commune. Unde et iustitia legalis, secundum quod ordinat ad bonum commune, potest dici virtus generalis; (…).

Nous verrons que la justice légale est la vertu dont la réalisation cherche à garantir la loi positive. En effet, cette loi dirige l’homme vers le bien commun.

162 SERTILLANGES, A.-D., La Philosophie Morale de saint Thomas d’Aquin, p. 171/2.

163 ST, II-II, q. 58, a. 6, s. 4.

C’est précisément dans ce sens, d’après ce qui a été dit plus haut, qu’on donne le nom de vertu générale (virtus generalis) à la justice légale (iustitia legalis) : en tant qu’elle ordonne les actes des autres vertus à sa fin, ce qui revient à les mouvoir par son commandement. De même en effet que la charité peut être qualifiée de vertu générale en tant qu’elle ordonne les actes de toutes les vertus au bien divin, ainsi la justice légale qui ordonne leurs actes au bien commun. Cependant cela n’empêche pas la charité, qui a pour objet propre le bien divin, d’être par essence une vertu spéciale ; pareillement la justice légale demeure une vertu spéciale, du fait qu’elle a pour objet propre le bien commun. Ainsi elle réside dans le prince à titre de principe, dotée d’une qualité architectonique, ne se trouvant chez les sujets que de façon secondaire, comme agents d’exécution.

Néanmoins n’importe quelle vertu peut être appelée justice légale en ce qu’elle est ordonnée au bien commun par la vertu dont nous venons de parler, laquelle est à la fois spéciale par son essence, et générale par sa puissance motrice. Alors, d’après cette façon de parler, il n’y aurait entre n’importe quelle vertu et la justice légale qu’une différence de raison. Et c’est ainsi que parle Aristote164.

Thomas compare la justice légale (vertu générale) à la charité car toutes les deux rassemblent d’autres vertus et les guident vers une fin supérieure. Ainsi, la justice

quelquefois, cet acte soit ordonné à une fin supérieure, cela ne provient pas de cette vertu sous sa raison propre, mais il faut que cela vienne d’une autre vertu supérieure par qui elle est ordonnée à cette fin. Ainsi faut-il qu’une vertu supérieure ordonne au bien commun toutes les vertus ; et elle n’est autre que la justice légale, essentiellement différente de toute autre vertu ».

Ad quartum dicendum quod quaelibet virtus secundum propriam rationem ordinat actum suum ad proprium finem illius virtutis. Quod autem ordinetur ad ulteriorem finem, sive semper sive aliquando, hoc non habet ex propria ratione, sed oportet esse aliam superiorem virtutem a qua in illum finem ordinetur. Et sic oportet esse unam virtutem superiorem quae ordinet omnes virtutes in bonum commune, quae est iustitia legalis, et est alia per essentiam ab omni virtute.

164 ST, II-II, q. 58, a. 6, c.

Alio modo dicitur aliquid generale secundum virtutem, sicut causa universalis est generalis ad omnes effectus, ut sol ad omnia corpora, quae illuminantur vel immutantur per virtutem ipsius. Et hoc modo generale non oportet quod sit idem in essentia cum his ad quae est generale, quia non est eadem essentia causae et effectus. Hoc autem modo, secundum praedicta, iustitia legalis dicitur esse virtus generalis, inquantum scilicet ordinat actus aliarum virtutum ad suum finem, quod est movere per imperium omnes alias virtutes. Sicut enim caritas potest dici virtus generalis inquantum ordinat actus omnium virtutum ad bonum divinum, ita etiam iustitia legalis inquantum ordinat actus omnium virtutum ad bonum commune. Sicut ergo caritas, quae respicit bonum divinum ut proprium obiectum, est quaedam specialis virtus secundum suam essentiam; ita etiam iustitia legalis est specialis virtus secundum suam essentiam, secundum quod respicit commune bonum ut proprium obiectum. Et sic est in principe principaliter, et quasi architectonice; in subditis autem secundario et quasi ministrative. Potest tamen quaelibet virtus, secundum quod a praedicta virtute, speciali quidem in essentia, generali autem secundum virtutem, ordinatur ad bonum commune, dici iustitia legalis. Et hoc modo loquendi iustitia legalis est idem in essentia cum omni virtute, differt autem ratione. Et hoc modo loquitur philosophus.

particulière et la légale à la fois se distinguent et se rejoignent. La justice particulière participe à la réalisation de la justice légale, dès lors que celle-ci la guide à sa fin, le bien commun. Mais la justice particulière se singularise pour réaliser essentiellement sa fin propre, le bien particulier, quoique par rapport à autrui (individu particulier ou représentant de la communauté vis-à-vis d’un individu particulier).

D’après J. Porter, l’État (la cité chez Thomas) est une collectivité qui dépasse tout individu. Il est le seul agent proprement dit pour la conservation et la promotion du bien commun, de même que l’individu est l’agent proprement dit pour la conservation et la promotion du bien privé165. Justice particulière et justice générale conservent donc, chacune d’après sa raison, leur autonomie.

Nous venons de voir que la justice légale ne se confond pas essentiellement avec n’importe quelle vertu. Il faut donc qu’en plus de cette vertu générale qui ordonne l’homme de façon immédiate au bien commun, il y en ait d’autres qui l’ordonnent immédiatement aux biens particuliers. Les uns peuvent nous concerner personnellement, ou bien regarder un autre individu. Donc, de même qu’en dehors de la justice légale il faut qu’il existe des vertus particulières qui ordonnent l’homme en lui-même, telles la tempérance et la force, ainsi une justice particulière est encore requise pour l’ordonner au sujet de ce qui appartient à d’autres personnes que lui166.

La justice en tant que vertu particulière se divise, depuis Aristote, en deux espèces selon la nature du rapport existant entre les deux pôles. Selon Thomas, la justice commutative concerne les échanges mutuels entre deux personnes ; la justice distributive, la répartition du bien commun de la société167. Dans les deux cas, il s’agit de la réalisation d’un bien particulier. Cependant, dans le premier, il s’agit d’une

165 PORTER, J., The Recovery of Virtue: The Relevance of Aquinas for the Christian Ethics, p. 137.

166 ST, II-II, q. 58, a. 7, c.

Respondeo dicendum quod, sicut dictum est, iustitia legalis non est essentialiter omnis virtus, sed oportet praeter iustitiam legalem, quae ordinat hominem immediate ad bonum commune, esse alias virtutes quae immediate ordinant hominem circa particularia bona. Quae quidem possunt esse vel ad seipsum, vel ad alteram singularem personam. Sicut ergo praeter iustitiam legalem oportet esse aliquas virtutes particulares quae ordinant hominem in seipso, puta temperantiam et fortitudinem; ita etiam praeter iustitiam legalem oportet esse particularem quandam iustitiam, quae ordinet hominem circa ea quae sunt ad alteram singularem personam.

167 Aristote divise la justice (dikaion, δίκαιον) en « distributive » (to dianemêtikon, τὸ διανεμητικὸν) et « corrective » (to diorthôtikon, τὸ διορθωτικόν) – il n’emploie pas le mot « commutative ». EN, V [4], 1131b25-27.

relation de coordination entre deux parties égales ; dans le second, il s’agit d’une relation de subordination d’une partie face à une autre qui lui est supérieure. Ainsi, la justice commutative regarde une dette ordinaire ou une simple transaction commerciale, tandis que la justice distributive regarde le partage des avantages et des charges dans une société. L’Aquinate souligne :

Ainsi que nous l’avons dit, la justice particulière (iustitia particularis) s’ordonne à une personne privée (privatam personam), qui est avec la société dans un rapport comparable à celui de la partie avec le tout. Or une partie comporte une double relation : d’abord celle de partie à partie, à laquelle correspond dans la société la relation d’individu à individu. C’est cet ordre de relations que dirige la justice commutative (commutativa iustitia), qui a pour objet les échanges mutuels entre deux personnes.

Entre le tout et les parties on envisage un autre ordre, auquel ressemble l’ordre de ce qui est commun aux individus. Cet ordre est celui que dirige la justice distributive (iustitia distributiva), appelée à répartir proportionnellement le bien commun de la société. Il y a donc bien deux espèces de justice, l’une distributive, l’autre commutative168.

Une fois de plus, aussi bien un type de justice particulière que l’autre, c’est-à-dire la justice commutative et la justice distributive, cherchent a rendre à chacun ce qui lui est dû, chacun étant un particulier. Néanmoins, pour la première, celui qui rend est aussi un particulier, donc le dû résultera d’une proportion arithmétique ; pour la seconde, celui qui rend est un répresentant de la communauté, donc le dû résultera d’une proportion géométrique et dependra de la fonction que le particulier exerce dans la communauté169.

De sérieuses divergences surgissent si on prend en considération la manière dont

168 ST, II-II, q. 61, a. 1, c.

Respondeo dicendum quod, sicut dictum est, iustitia particularis ordinatur ad aliquam privatam personam, quae comparatur ad communitatem sicut pars ad totum. Potest autem ad aliquam partem duplex ordo attendi. Unus quidem partis ad partem, cui similis est ordo unius privatae personae ad aliam. Et hunc ordinem dirigit commutativa iustitia, quae consistit in his quae mutuo fiunt inter duas personas ad invicem. Alius ordo attenditur totius ad partes, et huic ordini assimilatur ordo eius quod est commune ad singulas personas. Quem quidem ordinem dirigit iustitia distributiva, quae est distributiva communium secundum proportionalitatem. Et ideo duae sunt iustitiae species, scilicet commutativa et distributiva.

certains commentateurs de Thomas d’Aquin ont interpreté sa division de la justice. J. Finnis indique que l’origine de cette analyse (d’une première tradition d’interprétation) remonte au commentaire à la Somme théologique de Thomas par le cardinal Cajetan, qui date du début du XVIème siècle170. Tandis que l’Aquinate divise la justice en deux espèces, à savoir, commutative et distributive171, plaçant la justice générale ou légale dans le cadre d’une vertu spéciale, Cajetan synthétise la matière et lui donne une nouvelle interprétation, quoique apparemment basée sur le raisonnement de Thomas et lui étant parfaitement symetrique. Selon Cajetan :

Il y a trois espèces de justice, aussi bien qu’il y a trois types de relation avec ‘l’ensemble’ : des relations des parties entre elles, des relations de l’ensemble avec les parties, et des relations des parties avec l’ensemble. Et de la même manière il y a trois justices : légale, distributive et commutative. Car la justice légale oriente les parties vers l’ensemble, la justice distributive l’ensemble vers les parties, tandis que la justice commutative oriente les parties entre elles172.

J. Finnis raconte que, très vite, la logique intérieure de la synthèse de Cajetan était mise au point. Un représentant moderne de la tradition post-Cajetan, B.-H. Merkelbach, le montrerait ainsi :

Trois types d’ordre sont exigés [par la justice] : l’ordre des parties vers l’ensemble, l’ordre de l’ensemble vers les parties et l’ordre d’une partie vers l’autre. La justice légale appartient à la première sorte, vu qu’elle gouverne la relation des sujets face à l’État. La justice distributive appartient à la seconde sorte, vu qu’elle gouverne la relation de l’État face aux sujets. La justice commutative appartient à la troisième, vu qu’elle gouverne la relation d’une personne privée ou entité face à une autre173.

170 FINNIS, J., Natural law and natural rights, p. 185.

171 ST, II-II, q. 61, a. 1.

172 Cajetan (Thomas de Vio), Commentaria in Secundam Secundae Divi Thomae de Aquino (1518), In II-II, q. 61, a. 1. In: FINNIS, J., Natural law and natural rights, p. 185.

173 Triplex exigitur ordo: ordo partium ad totum, ordo totius ad partes, ordo partis ad partem. Primum

respicit justitia legalis quae ordinat subditos ad rempublicam; secundum, justitia distributiva, quae ordinat rempublicam ad subditos; tertium, justitia commutativa quae ordinat privatum ad privatum.

B.-H. Merkelbach, Summa theologiae moralis (Paris: 1938), vol. II, nos 252, 253. In: FINNIS, J.,

Pourtant, la tripartion de la justice n’est pas conforme à la pensée de Thomas d’Aquin. Au contraire, chez lui, justice commutative, distributive et légale ne sont pas examinées côte à côte. Les deux premières se refèrent à un même bien, tandis que la troisième se refère à un autre qui le comprend et le dépasse. J. Finnis synthétise la question en soulignant que :

Dans la vision de Thomas d’Aquin (…) ‘la justice légale’ est la forme fondamentale de toute justice, la base de toute obligation, distributive ou commutative ; car elle est le devoir sous-jacent de respecter et d’avancer le bien commun. Dans la nouvelle vision, la justice légale n’est qu’un peu plus que le devoir du citoyen d’allégeance à l’État et ses lois174.

En effet, le passage de deux à trois parties change l’idée même de justice et la place occupée par la loi dans la théorie morale et politique proposée par Thomas. La division de la justice (vertu morale particulière à côté d’autres vertus morales) en deux parties et la conséquente introduction de deux niveaux d’analyse de la vertu accentuent l’étendu de la loi. La justice légale (vertu générale) est mise au premier plan ; la justice particulière, aussi bien commutative que distributive, se trouve dans un second plan. La justice légale regarde toute vertu morale, une fois qu’elle engage à son exercice le respect du bien commun ; elle est en fait une vertu spéciale qui réunit les vertus morales

Dans le document La justice humaine chez Thomas d’Aquin (Page 189-200)