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A Du projet initial aux désillusions

3 L 'œuvre inachevée

3.3. Le journal, lieu hybride

Tout jusqu'au profil des jardins, demeures fermées, exploits des rêves, au pas du cheval, aux ombres des lumières rencontrées et des bruits entendus, assourdis par la joie, par ma certitude de créer le poème.

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Mais, au retour, je ne trouvais rien en moi que ce récit lourd, de prose lourde. Rien de mon émerveillement, rien du passage de l'ange. (J2, 01.01.21, p. 168)

En lieu et place de la poésie, de son vol léger et subtil, il ne reste à Mireille Havet que la prose de ses carnets intimes, qu'elle juge très sévèrement au regard de l'art ultime qu'elle vénère. Le

même regard sans pitié se retrouve dans le journal d’une autre diariste, Virginia Woolf : « C'est

bizarre comme les journaux intimes pullulent de nos jours. Personne n'est capable de s'atteler à une

œuvre d'art. On se contente d'y aller de ses commentaires personnels38

. » Elle ajoute même, avec regret, « des réflexions. C'est le subterfuge à la mode. […] Ni l'un ni l'autre ne sont résolus à faire œuvre de créativité. […] C'est le commentaire – l'exclamation quotidienne – qui s'avère commode

par les temps qui courent. C'est quelque chose que moi aussi je ressens39 ».

Le journal, lieu où le diariste jette pêle-mêle ses idées, à peine développées et sans les avoir

travaillées, permet de contourner la difficulté de l’écriture sérieuse et attentive, qui demande de l’engagement, ainsi qu’un projet. Il se retrouve, par ce fait même, un exutoire pour son auteur. Il en

devient même un terrain d'écriture sans pression ; puisqu’il n'est pas considéré comme de la

littérature, il échappe ainsi par la même occasion au poids que ferait peser sur cette écriture la perspective de la publication. Cette légèreté permet dans un premier temps d'exercer sa plume, ainsi que le décrit Virginia Woolf en 1919, « Il me semble qu'au cours de cette dernière année, j'ai pu constater plus d'aisance dans mon travail professionnel, ce que j'attribue à ces demi-heures d'après le thé où j'écris sans méthode40 ». Cette réflexion est durable, puisqu'encore en 1940, elle écrit « je joue avec les mots et je dois, je crois, cette dextérité à ces exercices auxquels j'ai soumis ici mes doigts41 ». Pour autant, cet entraînement ne saurait être une motivation suffisante pour continuer un journal intime, ni non plus la raison principale de ces écrits quotidiens.

L’opposition entre travail professionnel et écriture intime dans le journal se retrouve chez

Mireille Havet. Ainsi, afin de pouvoir avancer, la jeune femme se sent obligée de consigner ses actes et ses pensées. Cette purge, une fois réalisée, lui permet de se focaliser sur autre chose – son œuvre rêvée – sans sentir le poids de ses expériences passées. Elle souhaite donc, par l'écriture,

oublier pour avancer, mais pourtant également se souvenir, lors des futures relectures de son journal. Dans ce sens, le journal, là encore tient lieu d'outil, et reste cantonné à un usage utilitaire. Il est le tremplin vers d'autres écritures, d'autres ouvrages, tant il est considéré comme un terrain d'entraînement, ou parfois comme un lavement pour son auteur. « Le récit de [la] journée » (J2,

38 V. WOOLF, op. cit., p. 1395-1396.

39 V. WOOLF, Ibid., p. 1397.

40 V. WOOLF, Ibid., p. 249.

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56 01.01.21, p. 165) devient nécessaire, essentiel. Cette confession faite, l'âme, déchargée des tracas quotidiens, pourra se lancer dans une entreprise plus haute : « Maintenant je reprends le cahier ouvert afin de bien mettre à jour cette âme vagabonde, nouvelle et retrouvée, avant de commencer

l'œuvre patiente » (J2, 06.12.20, p. 161).

Ce besoin revient régulièrement au fil des années : l’idée de mettre au propre les derniers

moments de son existence, comme si l'écriture dans le journal était un passage obligé, auquel on ne peut déroger, avant de s'atteler à quoi que ce soit d'autre. Cette nécessité s'accompagne peut-être aussi chez Mireille Havet d'une sorte d'obligation morale, qui voudrait que chaque moment

important de sa vie reste gravé à jamais, l’écriture du quotidien, primant finalement, de fait, sur l'autre œuvre.

C'est pourquoi, dès aujourd'hui, pour me mettre à jour de cette longue période, j'ai résumé l'emploi de cet été et de cet automne afin d'être au net pour le nouvel hiver.[...] Mais on ne peut pas rester encombré de tout ce fatras, de toutes ces rumeurs, desquelles, du reste, au moment même, rien ne pouvait naître sauf des images et des poèmes en images. (J2, début 1922, p. 223-224)

Ainsi, de toutes ces pensées journalières que la diariste se doit d'expulser, peuvent naître tout de même des moments de poésie. Le travail professionnel, ou la Grande Œuvre, n'est finalement pas

si éloignée, pour la jeune femme, de cette écriture intime et instinctive qu'elle pratique avec moins de difficultés. Les formes dans son journal se révèlent multiples, les genres se confondent, les expérimentations abondent. L'écriture facile, décrite d'ailleurs par métaphore, dans un jeu conscient ou inconscient, sur les mots « page » et « plage » ainsi que l’expression « coucher sur le papier », et

les sonorités, « La bougie ne chauffe guère, j'écris sur la page comme on se couche sur une plage de sable fin » (J2, 29.06.20, p. 136), laisse entrevoir d'autres formes. Le journal de Mireille Havet devient journal du poète qui vit en elle, et partant du quotidien pour mieux s'en libérer, laisse place à l'hybridation des formes, aux expérimentations les plus poussées.

Ce journal, dont les bornes ne sont pas définies, et qui peut se plier à presque toutes les envie de son auteur, se retrouve tour à tour le confident des ses pensées intimes, puis récit de voyage, comme celui qu'elle fait aux mois de mai et juin 1920 dans le sud de la France, ou bien un an plus tard en Italie. Le journal est, en outre, le réceptacle de récits du passé, de son enfance ou encore de son adolescence si proche et si lointaine pourtant, mais aussi du présent, comme en témoigne sa longue note sur sa première relation sexuelle avec un homme, en avril 1922. Les faits et gestes, les actes de la jeune femme sur une journée, un moment, ou bien sur quelques mois, sont

rapportés, tel un bilan, ainsi qu’elle le fait par exemple dans sa dernière note de l’année 1922, sorte de conclusion, de retour sur soi pour l’année passée, voire aux dernières écoulées.

57 La diversité de thèmes s'accompagne d'une grande variété de tons et styles. Dans les récits que Mireille Havet donne, les ruptures sont nombreuses. Ainsi, par confort, facilité, ou par goût pour les différentes formes d'écriture, certains faits, certains dialogues entre la diariste et un de ses interlocuteurs sont rapportés, au milieu d'un récit au passé et à la première personne, au présent.

Je chemine avec mon compagnon.

J'ai dit : « je vais mettre un manteau pour sortir. » Il a dit : « moi, je vais mettre ma jambe. » Il est à mes côtés sur sa jambe de bois silencieuse. Sa chemise blanche et sa petite cravate noire brillent dans la nuit ainsi que ses dents et le pâle reflet de ses cheveux.

Nous sommes partis à dix heures. « Vous allez voir, a-t-il dit, nous ne reviendrons pas avant minuit. »

J'ai ri, disant : « que ferions-nous dehors, il fait froid, je veux simplement voir la lune, un peu derrière. Nous serons rentrés dans une demi-heure ». (J2, sans date, autour du 3 octobre 1922, p. 347-348)

Aucun style ou aucune forme n'est jamais figée dans le journal de la jeune femme.

Quand il s'écarte du quotidien, son journal peut devenir, le temps d'une note, un traité de littérature, dans lequel Mireille Havet expose ses croyances et ses convictions littéraires :

La plus grande erreur fut d'avoir voulu faire des romans réalistes. Immédiatement ces romans furent médiocres,

non par le talent de l'auteur mais par leur héros. On fit la guerre aux êtres d'imagination, à l'exceptionnel. […]

Ne pas être réaliste ne veut pas dire que l'on soit pour cela dans les nuages. (J2, 27.07.22, p. 325 à 327)

Des auteurs sont convoqués pour renforcer la démonstration, la jeune femme lisant beaucoup et s'étant forgé une idée très personnelle du mélange des genres et des expérimentations en littérature :

Ainsi Alain-Fournier fit œuvre de poète avec le Grand Meaulnes, Colette avec Chéri et Jaloux, presque, avec l'Incertaine. […] Ni Musset, ni Hugo, ni Lamartine ne furent à mon sens ce que vous appelez romantiques.

Dans leurs livres, le héros n'avait guère que l'amour comme repère humain. Il ne mangeait pas, ne mettait pas de souliers, ne se lavait jamais. On passait sur tout détail matériel autant que Zola devait plus tard y revenir. [...] D'annunzio, oui, écrivit Forse che si, qui est un filtre, Barrès un Jardin sur l'Oronte, Gide l'Enfant Prodigue, et ces livres sont en effet l'histoire d'êtres d'exception. (J2, 27.07.22, p. 326-327)

Le journal est également le lieu où l'auteur reproduit un extrait de lettre, ou bien se fait le réceptacle d'une poésie en prose ou en vers libres. Intégrés au corps du texte, alternant parfois au sein d'une même entrée, ces passages poétiques, comme autant de longues divagations imagées, sont constitutifs du journal lui-même. Comment raconter les sentiments que la diariste éprouve si profondément sans passer par la poésie ? La jeune femme use de passages en prose, comme lors de cette description de la nuit, dont la mise en page porte les traces évidentes de la poésie latente :

Nuit

Mets tes mains sur la nappe, femme nouvelle dont j'ignorerai toujours le visage.

Allume à tes lèvres cette cigarette... Elle m'éclaire un peu l'arc de ta bouche où se pose mon baiser anonyme en rêve.

L'orchestre du parc s'entend selon la brise.

Nous avons dîné sous les grands tamaris d'un restaurant du large. (J2, 22.05.22, p. 294)

58 journal. Ils viennent très souvent clore un moment d'écriture, achever la note du jour. Comme si la conclusion, les sentiments, ne pouvaient être résumés que par la poésie. Elle seule peut rendre exactement les mouvements de l'âme de Mireille Havet.

Ici... je m'enlise

comme un homme dont les pieds et les mains sont pris dans la terre et qui s'y enfonce à quatre pattes comme une bête lourde...

au visage tourné vers l'espoir du soleil et là-bas

je vogue

comme un homme qui a perdu son corps et le goût de la vie pour une chasse d'espace

pour une faim éternelle. (J2, 19.04.20, p. 111)

Son journal, au fil des pages, passe du statut de journal intime, à celui de carnet où la jeune femme note ses poèmes, ses projets de poèmes, ou encore les idées dont son imagination déborde.

Ainsi, tout en écrivant dans ses carnets, Mireille Havet garde toujours à l'esprit l'autre œuvre

qu'elle souhaite écrire. Ces deux pans de son écriture vont jusqu'à se télescoper parfois :

Dire avec plus de précision.

Raconter sa vie minute par minute, comme l'on brode sur l'étoffe point à point, afin que le grand dessin se fasse jour et s'équilibre enfin avec son vrai contour et ses couleurs qui brillent.

Tout dire, et la nuit et l'amour, et la douleur de vivre.

Raconter son réveil et ses amis, et ses voyages, et ses pressentiments. Afin que le roman s'ébauche, et que l'homme voie combien il est pareil à l'homme, quand l'art qui est le mensonge ne l'en distrait pas ! (J2, 30.04.20, p. 114-115)

En racontant tout dans son journal, sans omettre de détail, et en toute sincérité, le roman, la

grande œuvre verra le jour, croit-elle. De ces confessions et de ce nettoyage de l'esprit naîtraient les

autres mots. Certains passages de ce journal devaient d'ailleurs, selon les prévisions de Mireille Havet, être repris dans ses romans. La matière, les expériences décrites auraient pu servir à l'écriture d'une fiction, des extraits pouvant être repris, parfois mot à mot. Elle note à propos du cahier VI, allant du mois de janvier au mois de mai 1922,

Le cahier brun avec petite ligne d'or autour et qui porte dans la série le n°VI est indispensable pour moi (sans doute), pour un des derniers chapitres : « la lettre de Violette Stern » de la Jeunesse Perdue. Donc le prendre dans la série si je travaille42.

Cette hybridation des formes, ce mélange de prose, poésie versifiée, lettres, ainsi que la

42

59 perméabilité des textes, qui peuvent passer d'un statut à un autre, un passage du journal pouvant être transposé dans un roman, est révélatrice des goûts de Mireille Havet. Elle commence ces distorsions de formes dès 1919 avec son poème le Départ, et les poursuivra tout au long de sa vie. Elle ne peut

écrire sa grande œuvre ? Et bien, son journal, puisqu'elle s'y sent à l'aise et sans contraintes, sera le

lieu de ses expériences. Cette grande entreprise la rapproche encore une fois des symbolistes, elle ne s'y trompe pas d'ailleurs :

Quand je relis, comme je l'ai fait dernièrement à Marcelle lors de nos nuits d'opium, les cahiers d'il y a quatre ou cinq ans, je retrouve là-dedans une profusion de sensibilité, de paysage, de comparaisons symbolistes qui me troublent et me font parfois douter de mon état actuel. (J2, début 1922, p. 224)

Les mariages et les rapprochements les plus improbables ne lui font pas peur. Profondément romantique, elle est donc tentée par le jeu sur la forme des symbolistes. Elle emprunte à chaque genre les outils dont elle a besoin.

Ceci n'a rien de nouveau, me dit alors l'adversaire, nous voici au romantisme et vous n'inventez rien. […] Mon

romantisme à moi, je l'ai dit, n'exclut pas, espèce de repoussoir et de trompe-l'œil, comme dans le cubisme, les

objets usuels, grâce auxquels, comme le poète de son encrier plein, la poésie et le mystère rebondissent. (J2, 27.07.22, p. 326)

Ces expérimentations, conscientes ou non au moment de l'écriture, parfois révélées par une relecture tardive, se succèdent dans le journal.

La légère excitation du tabac aide ce jeu du cerveau malade, et on explore les mots, leur rapport, leur sens et

leur mariage. […] L'orchestration des phrases se défait pour faire place à la solitude des mots, à leur

désarticulation la plus secrète et la plus nouvelle. On joue avec les syllabes

les syllabes évoquent des continents des lumières des constructions des titres et des âmes

et il n'y a plus de limites au langage humain. (J2, 29.06.20, p. 137)

Novatrice, pionnière, Mireille Havet est prête à tous les essais pour rendre ce qu'elle ressent. Les mots ne suffisent pas, la forme doit elle-aussi se plier à ses exigences. Le journal de jeune fille, forme conventionnelle et sans surprise, se présentant normalement comme un cahier à plusieurs entrées, récit quotidien témoin de la vie de son auteur, est totalement transformé par la diariste pour qu'il se rapproche au plus près de ses desseins.

Pourtant, ces derniers restent cantonnés au journal, la grande œuvre se refusant à Mireille

Havet. Le renoncement à cet ouvrage glorieux s'exprime cependant à travers les pages du journal lui-même. La diariste passe ainsi sa vie à écrire dans ses carnets qu'elle n'écrit pas. « Je sais de moins en moins écrire les choses de ma vie et les lettres aux intimes. Un ennui profond me prend dès qu'il s'agit de me confesser par l'écriture. » (J2, 19.02.21, p. 177) Paradoxe ultime pour la jeune

60 femme : « Je n'ai guère le temps d'écrire. […] les journées passent sans que je puisse faire halte près

de la page et mettre ma main, comme un oiseau fatigué, au bord du cahier ouvert ». (J2, 03.09.20, p. 145)

Cependant, si l'écriture se refuse à elle sous sa forme la plus noble, elle ne cesse de couler d'elle sous la forme dite mineure de l'écriture de l'intime. Le journal se fait alors le lieu de la

complainte de l'auteur incapable de produire son œuvre : chez Mireille Havet,

Pas de quoi bailler aux corneilles et cependant quel ennui lourd, quelle monstrueuse inaction je traîne, quelle sottise en moi. Jamais je ne m'accuserai assez, et de ne pas lire, et de ne pas apprendre, et de ne pas écrire, et de ne pas m'atteler à un travail qui sauve la pensée du cauchemar – et le corps du désir. Jamais je ne maudirai

assez mon snobisme ! De mon vague à l'âme, de mon romantisme littéraire et de mon amour pour l'orchestre tzigane et les tangos heurtés... (J2, 20.09.19, p. 58)

ainsi que chez Katherine Mansfield. Cette dernière n'aura laissé, selon elle, que ses nouvelles, insuffisantes à ses yeux pour atteindre la postérité, « je n'ai pas fait le travail que j'aurais dû faire. Je me dérobe devant l'épisode du lunch. C'est très mal. Le fait est que je me dégoûte moi-même43. »

La lutte sera sans répit, et durera tout le long de la vie de Mireille Havet. Lutte avec l'écriture, lutte avec la poésie, lutte avec elle-même, d'abord et avant tout. Elle combat et le dit, « rien n'est pire que cette lutte » (J2, 05.07.22, p. 302). Tous les moyens sont bons dans cette guerre qu'elle livre contre des ennemis invisibles. « […] je ne suis pas légère, ma vie est lourde comme

toute vie humaine, et je lutte avec le travail, la création, l'amour et la mort » (J2, 30.04.20, p. 112). Elle doit raconter, et raconter encore combien écrire lui est difficile voire impossible, et plus elle

l'écrit, moins elle se sent de taille à affronter le travail qui l’attend.

Ne pas lire, ne pas écrire, voilà bien le drame de la vie de Mireille Havet. Elle ne peut se mettre au travail, et pourtant, alors même qu'elle désespère de ne pas écrire, elle laisse derrière elle

un énorme journal. Elle y décrit patiemment, très exactement, l'œuvre qui ne vient pas, les mots qui

lui font défaut, la pensée qui résiste. Il est le témoin et le garant du récit de la « descente vertigineuse » (J2, 19.04.20, p. 102) aux enfers de la diariste :

Ensuite, mon dieu, l'automne vint, un admirable automne qui sentait l'été, les fleurs et le regret des grandes campagnes avec toutes leurs dorures. Souvent je voulais partir vers nos parcs si royaux dans leurs monceaux de feuilles – Saint-Cloud, Versailles – marcher dans nos allées éternellement dominicales où l'on rencontre le

fantôme d'un marquis, les paillettes d'une dame, la houlette d'une reine bergère abandonnée parmi les harpes et les clavecins du temple de musique. Mais je ne savais jamais me défaire de la ville, un thé me retenait loin de mon beau lyrisme, et le crépuscule me retrouvait au Bar, cherchant, dans les yeux changeants de Marcelle, si bientôt elle n'allait pas m'aimer et faiblir. (J2, 19.04.20, p. 103)

Son lyrisme est si loin d'elle, et pourtant, n'en use-t-elle pas pour le regretter ? « Cette fois-ci

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61 je n'ai vraiment rien raconté, rien créé » (J2, 09.07.20, p. 140) écrit-elle au terme d'une note de trois pages.

Reste encore une question : que doit-elle faire de ce journal, cet hybride, qu'elle écrit

presque malgré elle, et dans lequel elle clame son amour de la littérature et de la grande œuvre, ainsi