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A Les portraits

2 Les tableaux de l’époque

2.1. Le contexte politique et social

Mireille Havet est une enfant de la guerre, et ne peut l’oublier. Tout ce qui l’entoure est

donc encore et pour toujours marqué de son sceau. Impossible pour elle d’oublier, ne serait-ce qu’un instant, ce contexte particulier et cet état d’esprit qui façonnent son époque.

jusqu’aux lettres et aux œuvres, tout est contaminé maintenant. Nous vivons une époque de mufles, de

barbarie et de si grande et rapide déchéance, qu’il me semble impossible, étant donné le passé de la France et l’avenir régulier que ce passé implique, qu’un tel désordre et mépris de la hiérarchie la plus

élémentaire et logique puisse continuer longtemps ses ravages. (J3, 28.04.26, p. 184)

Ainsi, la guerre n’a pas seulement tué une certaine classe d’âge, n’a pas uniquement

dévasté les pays et fait disparaître les plus prometteurs des poètes et des artistes, elle a fait

bien pire en permettant l’avènement d’une ère nouvelle, présentée comme telle par la diariste,

dans laquelle les plus humbles demandent et obtiennent leur place. Aux yeux de celle-ci, les ravages de la guerre sont non seulement psychologiques, artistiques, mais également politiques.

Mireille Havet, fervente royaliste, femme tournée vers le passé et encline à la nostalgie

et à l’amour du faste ancien, se révolte contre ce changement de mentalité que subit

frontalement la France, et « l’époque trouble » (J3, 28.04.26, p. 184) dans laquelle elle vit66 .

La jeune femme, encore une fois, rêve d’un temps idéal, royal, suranné et poétique, d’une noblesse idyllique et fantasmée. Une génération perdue d’un autre type se forme ainsi en sa

personne.

66La diariste a, concernant cette vision de la guerre et de l’après-guerre, des points communs avec la vision de

Georges Bernardos, qui écrit lors de la publication de son roman, Sous le soleil de Satan en 1926 : « Je crois

que mon livre est un des livres nés de la guerre. […] Je m’y suis engagé à fond. Je m’y suis totalement donné. D’ailleurs, je l’ai commencé peu de mois après l’armistice. Le visage du monde avait été féroce. Il

devenait hideux. La détente universelle était un spectacle insurmontable. Traqué pendant cinq ans, la meute

horrible enfin dépistée, l’animal humain rentré au gîte à bout de forces lâchait son ventre et évacuait l’eau fade de l’idéalisme puritain. Lequel d’entre nous ne se sentit alors dépossédé ? […]. La leçon de la guerre

allait se perdre dans une immense gaudriole. On promenait, comme à la mi-carême, des symboles de carton,

le bœuf gras de “L’Allemagne paiera”, le Poilu, la Madelon, l’Américain Ami-des-Hommes, La Fayette, tous

des héros ! tous ! Qu’aurais-je jeté en travers de cette joie obscène, sinon un saint ? » (Entretien avec Frédéric

Lefèvre, EEC I, Pléiade, p. 1039-1040). Ou bien encore : « L’épreuve sensible de la guerre avait éveillé dans beaucoup d’âmes ce que j’appellerai le sens tragique de la vie, le besoin de rapporter aux grandes lois de l’univers spirituel, de faire rentrer dans l’ordre spirituel la vaste infortune humaine. Le problème de la Vie est

153 Le choc brutal que lui infligent les changements de mentalité se ressent dans son

journal, dans lequel elle n’aura de cesse de déplorer le présent et d’exposer en même temps

ses idées conservatrices :

Sans que, de ces ravages même (que les parvenus les plus bassement et naïvement orgueilleux prennent seuls pour leur victoire et une ignoble et fausse revanche) ne naissent d’ici peu la catastrophe qu’ils

souhaitent à tort pour eux et prennent pour le couronnement de leurs ambitions, nous libérant enfin et à jamais de cette racaille, de cette plèbe immonde qui recouvre la beauté de la France et crée chaque jour

entre nous et les autres nations un malentendu atroce qui n’a que trop duré et nous mènerait à pas de géant à notre perte totale si, par les secousses véhémentes et méritées d’une réaction à laquelle tu67 ne crois pas encore […] le bon droit reprenait enfin sa place, débarrassait le pays de cette imposture, balayant les faux défenseurs d’un peuple qui n’a besoin de personne pour se défendre, qui est le peuple

le plus fidèlement royal du monde et le plus conservateur (chacun de nous porte avant tout amour une

fleur de lys gravée au fond de son cœur), et remettant sur le trône, pour qu’étincelle à nouveau sur toute l’Europe le bon goût et le génie de la France, la grande famille Royale qui fit jusqu’à la Révolution

notre force et notre valeur, et dont les derniers enfants, quelles que soient les injures qui leur furent faites et toutes les ignominies depuis cent ans infligées, referont, par leur pardon et leur amour inné pour cette Patrie qui est la nôtre, mais avant tout la leur et leur patrimoine éternel et légal, la grandeur Perdue, la grandeur urgente, à moins que nous ne lui préférions la mort de la France à venir. (J3, 28.04.26, p. 184)

Ainsi, dans cette longue note, sont détaillées et résumées les opinions politiques de

Mireille Havet, opinions qui n’ont pas beaucoup changé depuis son plus jeune âge, puisqu’en

1919, elle écrivait déjà dans son journal ses partis pris, annonciateurs de ses positions à venir :

Dieu que cette vue cependant a fait taire en moi mes velléités socialistes, et que l’hôtel Ritz avec son rang de perles m’a paru un précieux asile.

Je n’aime pas encore les boîtes de sardines comme dirait Irma [de Manziarly] ! Evidemment que de les

aimer de la rue Marbeuf, avec beaucoup de femmes de chambre, d’argenterie et de luxe n’engage à rien

! (J1, 14.11.18, p. 52)

La pauvreté lui est non seulement étrangère, mais encore lui est-elle hostile. Les

portraits qu’elle dresse au hasard des rencontres sont sans équivoque et d’un seul bloc : « Les

petites coopératives ouvrières avec de pauvres enfants, des sacs jaunes, des lampes

électriques. Un ouvrier et le réflecteur d’une bicyclette qui empestait l’acétylène. Vies

obscures. Des visages en pans coupés apparaissent mêlés à la boue » (J2, 22.10.22, p. 349).

Non seulement le peuple n’a pas de valeur individuelle à ses yeux, mais si par malheur

celui-ci venait à renfermer un individu particulier, ce dernier ne pourrait y faire s’épanouir ses

talents :

Si la pauvreté n’est pas la plus grande misère du monde ni le plus nuisible ennemi de l’amour, c’est que je suis une sotte prétentieuse et naïve qui n’a rien compris encore aux lois essentielles de la vie. Ce que l’on appelle une nature chimérique devient vite une nature honteuse quand la fortune n’en fortifie pas les chimères, ne leur donne pas des ailes d’or ou tout au moins des ailes indépendantes, qui n’ont besoin

de personne pour quitter terre et divaguer sans ridicule ni préjudice dans le ciel de leurs erreurs. (J3,

67 Mireille Havet s’adresse ici à Reine Bénard, ainsi qu’elle le fait souvent, apostrophant ses amantes par l’intermédiaire d’une conversation fictive tenue dans son journal.

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23.12.25, p. 157)

Pour autant, Mireille Havet elle-même, où se situe-t-elle ? Bien que d’une condition bourgeoise, alors même qu’elle se réclame des Soyecourt, lignée à laquelle elle prétend être apparentée, sans qu’il soit démontré que ce soit réellement le cas, elle ne semble pas

considérer son cas particulier et sans s’assimiler à une noblesse oisive, aime en partager le mode de vie et l’argent. Plus que tout au monde, elle souhaite s’extraire de sa vie bourgeoise

mais limitée, se soustraire coûte que coûte à la pauvreté qui la guette. Grâce à des maîtresses fortunées, elle trouve le moyen de profiter de leurs divertissements et de leurs luxes, de même

que de leurs opinions. Encore une fois, la diariste fait figure d’exception, et ne se le cache pas. Elle fréquente une société qui n’est pas la sienne, grâce à son art et à sa réputation presque

exclusivement – fait permis d’ailleurs paradoxalement par une ouverture d’esprit de cette société qu’elle-même réprouve – tout en déplorant sa place particulière mais à la fois en s’en

enorgueillissant. Plus dure et conservatrice que la caste à laquelle elle n’appartient pas, elle

cultive ses opinions tranchées et ne se prive pas de les détailler dans son journal.

Rares sont les moments où la diariste évoque clairement sa situation financière. Seules les périodes de grande précarité permettent de voir apparaître combien les soucis d’argent

hantent la jeune femme : « Quant à moi, je suis pauvre. Je l’ai toujours été, on me l’a toujours

appris, prouvé, et ce n’est peut-être que ce soir, après 27 ans d’illusions et de lâchetés romantiques, mais qui ont fini leur temps, que je comprends toute l’étendue de ce mot auquel je n’ai jamais voulu faire attention » (J3, 23.12.25, p. 157).

La diariste le dit elle-même, elle a « louvoyé à travers toutes les zones sociales » (J3,

28.04.26, p. 185), et après toutes ses expériences, a choisi un camp pour l’accueillir. Habituée depuis son enfance à occulter les problèmes d’argent – sa mère usait de multiples astuces pour

que sa famille se maintienne dans une certaine apparence d’aisance, dans « l’illusion de la

fortune » (J3, 23.12.25, p. 158), elle raconte :

ma mère, par un prodige de dévouement, de sublime adresse, de bonté qu’ont seules les mères comme la mienne […] avait réussi à m’élever sans que jamais, durant mon enfance, je n’aie senti autour de moi

les sacrifices de la pauvreté. Cependant nous étions pauvres. Les sacrifices étaient quotidiens et

surhumains et, bien que nous sachant sans aucune fortune ni chance d’héritage, j’ai cependant vécu en ignorant l’envie d’un sort meilleur, la tristesse des intérieurs économes ou hasardeux, ni la moindre

privation. Cette aisance, que ma mère sut nous donner, cette élégance profonde et de chaque instant dans laquelle elle nous éleva fut le plus grand reproche que lui firent mes tantes et même certaines amies. (J3, 23.12.25, p. 157)

155 données, continue sur cette voie. Préférant ignorer sa propre situation, « chose ennuyeuse » (J3, 23.12.25, p. 157), et se recommander aux bons soins de ses ami(e)s, elle se plaît donc à rappeler combien elle aime cette France traditionnelle, sa beauté ancienne et noble. Les

subterfuges de sa mère lui en ont donné l’habitude, et Mireille Havet continue donc dans la

droite ligne de ce qui lui a été enseigné durant son enfance.

Ce n’est pas par principe ni décision raisonnée que j’ai refusé la pauvreté ni déjoué son emprise en niant

son importance, mais par folle insouciance naturelle, incapacité de concevoir certaines réalités

contrariantes et médiocres, dégoût de tout ce qui est misérable ou préoccupations d’avenir. Je me suis fiée, parce que cela m’était agréable, à ma jeunesse, aux hasards de la vie, à mon étoile ! (J3, 23.12.25,

p. 157)

Son goût pour le luxe évident s’oppose donc à sa conception du travail, dégradant et fatiguant à ses yeux, qu’elle préfère éviter à tout prix, et pour cela, elle est prête, même si elle s’en défend, à toutes les compromissions, car l’argent seul permet la vie artistique. Cette

aliénation par le travail, alors même qu’elle n’en est pas à l’abri, puisqu’elle ne dispose d’aucune fortune familiale, bien au contraire, la torture et l’horrifie. Même si elle n’a jamais

eu à « déchoir » (J3, 23.12.25, p. 158), ou à « descendre l’échelle sociale ni à souffrir des promiscuités ou de l’esclavage que créent des travaux précocement obligatoires et sans

rapports avec nos penchants » (J3, 23.12.25, p. 158).

Mireille Havet garde pourtant un grand effroi, une « honte brutale » (J3, 23.12.25, p. 159) de la pauvreté qui pourrait éventuellement la contraindre au travail, gâchant ainsi son talent en gaspillant son temps. La diariste ne veut pas devenir une « ouvrière haineuse ni une institutrice ravagée » (J3, 23.12.25, p. 158), fustige le « travail rétribué, la location de [son] temps, une servitude » (J3, 23.12.25, p. 159). Le travail, ce fléau de la pauvreté, hante la diariste : « La vie n’est drôle dans aucun corps de métier. On travaille, on gagne péniblement ! on ne s’amuse jamais. Le travail est un poids, une punition que l’homme ne supporte qu’eu

égard à la pauvreté. »

La vision de Mireille Havet reste donc celle traditionnelle de la noblesse68, qui vit de ses rentes et trouve honteux de travailler, quand cela ne leur est pas tout simplement interdit, ainsi que ce fut le cas en Grande-Bretagne.

Pourtant, si selon la jeune femme, elle n’est pas née au bon siècle, elle n’est pas non

68 Mireille Havet, dans son rapport au travail, se rapproche des surréalistes (« Nous n’acceptons pas les lois de l’Économie ou de l’Échange, nous n’acceptons pas l’Esclavage du Travail », tract publié dans La Révolution

surréaliste en 1925), et bien qu’elle ne partage pas leur opinions révolutionnaires, les rejoint dans leur haine

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plus née dans la bonne classe sociale. Loin de s’en désespérer, elle sait trouver les solutions

pour vivre dans un luxe affiché et sans avoir à se compromettre dans le travail. Le seul que la

jeune femme accepte est également celui qui se refuse à elle, l’écriture. Elle compte, au début

de sa carrière, faire fortune avec son art, mais au fur et à mesure que les années passent et que

les œuvres ne viennent pas, abandonne cette idée.

Parfois, à la faveur d’une brouille avec la femme qui l’entretient, à l’instar de celle qu’elle a avec son amie Reine Bénard, son ego se réveille et la réalité est soudainement

révélée à la diariste :

Je suis une paresseuse et une fille entretenue. […] Je suis l’inférieure, je suis l’obligée, je ne peux rien. J’ai tort. Ce que je réclame est grotesque, infamant, ce que je réclame, c’est le supplément d’une charité

dont le chiffre vient de créer ce malentendu. J’ai mal. […] Je n’ai rien à moi, je reçois tout, je mendie, je suis une charge, un souci pour celle que j’aime le plus. Rien de ce qui est ici ne m’appartient, pas un

morceau que je mange, pas un service que je paie à ma domestique. Ma faillite est complète, mon imposture infâme, grotesque. La dignité arrive trop tard. (J3, 23.12.25, p. 159-160)

commente-elle froidement et objectivement. Seuls ces moments de crise obligent Mireille Havet à regarder la réalité en face. Ne pouvant se résoudre au travail contraignant et barbare, ne réussissant pas à écrire pour vivre de sa plume, mais ayant un sens aigu – bien que

momentané – de l’honneur, la seule solution qu’elle entrevoit reste encore une fois le suicide.

Pourtant, la plupart du temps, cette décision extrême est écartée, et Mireille Havet se contente

de disposer de l’argent qui lui est octroyé et d’en faire usage.

Ainsi, son étoile la guide vers les maîtresses fortunées qui pourront la sauver de ce

cauchemar de la pauvreté ainsi qu’elle la conçoit, et lui permettront selon ses « goûts d’oisiveté et de luxe » (J3, 23.12.25, p. 158), de voyager sur des bateaux luxueux, de séjourner dans des palaces à longueur d’année et d’avoir à demeure une domestique pour s’occuper d’elle. Avec ses conquêtes, elle dispose donc d’une vie confortable et moderne. Du

« phonographe nouvellement acheté » (J2, 06.11.19, p. 93) et qui joue « d’agitants fox-trot »

(J2, début 1922, p. 216), dès 1919, à l’ « abomination » (J2, 01.10.19, p. 69) qu’est le

téléphone, Mireille Havet vit en prise avec son époque, profitant de toutes les inventions récentes et de tous les luxes existants.

Cette position sociale désirée et recherchée par tous les moyens, se trouve associée logiquement à des « opinions monarchiques et religieuses » (J3, 19.12.25, p. 155). La jeune

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femme adoptant les codes d’une société fortunée, elle en adopte également en même temps les

idées politiques.

Pour autant, parfois ces opinions et cette vie viennent entrer en contradiction avec ce

qu’est réellement Mireille Havet, une jeune femme pauvre, invertie et qui aime se mêler à n’importe quelle société pour y faire « la noce ». Contradiction perpétuellement renouvelée et

jamais résolue.

2.2. La noce

La « noce », ainsi que Mireille Havet l’appelle, prend différents aspects : la drogue et

les femmes, la musique, se rencontrent dans tous les milieux. Ainsi, la vie festive ne se

résume pas qu’à une certaine catégorie de population, et dans la société qu’elle fréquente,

celle-ci est également très importante. La diariste rapporte ainsi dans son journal les soirées

auxquelles elle se rend, ou qu’elle esquive, selon son humeur et ses aspirations :

J’oublie qu’il peut y avoir des réceptions où je ne suis pas, des fêtes (relatives) qui sont pour la plupart

des femmes l’intérêt même et le but de leur ambition, des spectacles, des dîners et des déjeuners presque officiels en cela qu’on y rencontre à peu près l’élite de Paris, enfin tout le snobisme, les intrigues, les évènements de la vie mondaine, sociale d’une grande ville […] (J3, 25.03.26, p. 175)

Les milieux qu’elle fréquente, loin de les opposer les uns aux autres, Mireille Havet

les lie entre eux. Si la jeune femme tient tellement à vivre dans un cercle restreint composé

d’hommes et de femmes riches, distingués et bien nés, à nourrir des opinions politiques et

esthétiques traditionnelles, elle aime également le pendant opposé de cette société, noceur et provenant des bas-fonds de Paris. Sa vie luxueuse et oisive s’accommode en même temps de

divertissements qui la dépaysent et lui permettent d’affronter la vie sous toutes ses formes, ainsi que sa vision extrême l’exige d’elle.

Les fêtes mondaines ne peuvent contenter l’appétit de découverte de la diariste, et

cette dernière aspire à connaître les vices et les activités de tous. Malgré ce qu’elle peut

déclarer parfois : « Il faut rester dans son domaine de débauche, car, pour cela aussi comme pour le paradis, il y a des barrières infranchissables et des coteries. On ne sort pas de son enfer » (J2, 25.05.20, p. 121), Mireille Havet passe pourtant des fêtes des uns à celles des autres,

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peuple, rustre et vulgaire. Malgré son goût pour le luxe, la diariste se trouve à l’aise dans des

lieux plus populaires, ou du moins, ne les écarte pas par snobisme : « Au bar, sur un tabouret,

je ruminai ma tristesse, émoustillée d’une menthe verte comme l’absinthe, et de cigarettes au miel. […] Le gramophone, les chansons faubouriennes, les tangos, […] l’atmosphère étrange

de religion équivoque, de dogme sensuel. » (J2, 28.09.19, p. 65)

La diariste fréquente pendant sa jeunesse beaucoup de bars réservés aux homosexuels,

dans lesquels elle aime autant qu’elle déteste se rendre. Ce milieu interlope l’intrigue, mais la vulgarité du public qu’elle y trouve la déçoit. Ainsi décrit-elle ces endroits et leurs habitués :

« ce milieu inouï des bars, des tapettes et des gousses et des grues, où l’on ne parle que de boîtes où l’on mange, de Maxim’s, du Henry’s, du New York, du Récamier, du Liberty’s, où l’on se bourre de coco pour devenir gai, d’alcool salé pour avoir chaud, et d’opium pour

dormir et aimer en paix » (J2, 11.10.19, p. 83).

Mireille Havet se rend pourtant souvent dans ces lieux abritant ses compagnons de sexualité. Le thé Récamier, qu’elle fréquente très souvent, se trouve être le lieu de

rendez-vous des lesbiennes et des opiomanes. Son slogan de réclame, à propos de sa clientèle

féminine, est d’ailleurs suffisamment ambigu pour ne laisser aucun doute : « Vêtues des

modes de demain plus troublantes que celles de la veille, elles laissent dans leur sillon, la