A Les portraits
1.1. Les enfants de la guerre
Mireille Havet est profondément marquée par la guerre, qui lui enlève ses amis les plus proches, partis au front et le monde dans lequel elle vit, ainsi que sa psychologie, ne
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peuvent s’appréhender que dans leur contexte historique. Elle se décrit très souvent
appartenant à « une génération de fer que la guerre a rudement forgée » (J2, 26.03.23, p. 398).
Le tableau est dressé, et dès lors, l’idée de ce sacrifice d’une génération, même pour ceux qui
ne sont pas allés combattre, est profondément ancrée dans les écrits de Mireille Havet, et influencera toute sa vie.
La guerre, en effet, reviendra la hanter, tout au long de son journal. Cette réminiscence est le signe de la profonde blessure infligée à son esprit, qui ne pourra jamais cicatriser. Elle écrit en 1926 : « Il fait beau enfin… Beau comme il ne faisait plus, comme je n’avais plus vu
faire en France depuis la guerre, car la guerre avait, en plus de nos amis et de tous les jeunes hommes qui devraient nous accompagner en ce moment sur la terre, tué des saisons ! » (J3, 17.09.26, p. 245)
Cet événement majeur qu’est la guerre agit donc dans l’esprit littéraire de Mireille
Havet comme un phénomène surhumain, et surnaturel, pouvant influer sur toutes les choses des hommes et de la nature.
Impossible pour la diariste d’oublier le traumatisme subi, et même lors d’une fête du 14 juillet, des réminiscences du 11 novembre 1918 s’imposent à son esprit.
[…] notre triste armistice étant en novembre, et vraiment, ce n’est pas une fête gaie. Elle appartient à tous les peuples comme à nous. C’est le jour où la mort subite des hommes fut suspendue. Ceux qui, le
10 novembre, étaient marqués au front, le 11 furent acquittés et rendus à la vie ! Quelle vie ! Personne ne reconnaissait plus personne. Ah ! que ce retour fut triste… Il en revint si peu de ceux qui, en 1914,
disaient : « nous aurons la récompense de traverser Paris avec nos drapeaux ».
Je ne connais pas de fête plus triste que celle de l’armistice. Alors, toutes les veuves et toutes les mères
sortirent et réclamèrent leur bien-aimé. On s’aperçut alors qu’elles étaient les plus nombreuses, celles qui n’attendaient plus personne et fermaient leur fenêtre aux cris de joie sauvage des survivants, violant
les survivantes sur les places, tandis que la Marseillaise et le canon, toujours le canon, excitaient les foules à oublier leurs morts. Horreur de ce souvenir. (J2, 18.07.22, p. 320)
Même les scènes de joie que l’annonce de la paix est censée apporter ne convainquent
pas la diariste. Ces dernières apparaissent dans le journal comme un écho lointain : « J’entends les salves de la fête populaire » (J1, 12.11.18, p. 49), commente à peine Mireille
Havet. De la fête, elle ne retient que la violence : celle de ne pas voir revenir les morts, celles du bruit des canons rappelant la sauvagerie des combats, et celle des hommes brutalisant les
femmes jusqu’au viol, mentionné plusieurs fois dans ses notes. Son récit, profondément
143 Le journal de Mireille Havet étant rédigé au moment exact des faits, il relate avec exactitude et spontanéité les réactions de cette dernière. Ainsi, en 1918, elle dresse un tableau
édifiant de l’armistice.
Toute la noirceur de la guerre se trouve contenue dans ces lignes. La jeune femme
résume de cette manière le sentiment de presque toute une génération, ayant l’avenir devant
elle, mais dont les illusions ont été brisées brutalement.
Dans cet état d’esprit, elle se situe elle-même aux côtés de tous les autres jeunes gens
de sa génération, dans un « nous » collectif :
Cependant c’est la paix… la vie va reprendre. Belles utopies. Il n’y a plus de paix possible dans nos cœurs, ou du moins de paix intelligente. Nous sommes des masses abruties, brisées et sans avenir. […]
On dirait que les liens furent coupés entre les êtres. Nous nous sommes tous perdus, nous sommes tous morts à nous-mêmes et je ne vois pas de renaissance. Cette guerre nous laisse pantelants et désorganisés. (J1, 14.11.18, p. 50)
Pour autant, ce jugement systématique que porte Mireille Havet n’est pas général. Elle
relate elle-même la vision beaucoup plus heureuse d’une de ses amies :
Mary au contraire était bavarde, avide de commentaires et de questions, trouvait tout beau, tout gai, tout
harmonieux. Mon accueil dut lui paraître sombre et peu à la hauteur de l’armistice. […] Elle s’était promenée dans Paris ces deux soirs, et n’en avait rapporté qu’une excellente impression, bien contraire à la mienne. […] Elle s’y était amusée au contraire, ne voyant pas un signe de canaillerie et d’imbécilité
dans les manifestations criardes de parisiens. (J1, 14.11.18, p. 51-52)
Elle partage cependant cet état d’esprit négatif avec certains de ses amis, symptôme
qui démontre que de son cas particulier, une généralisation n’est pas impossible. Son ami Sacha, revenu de la guerre, lui tient d’ailleurs ces propos : « Personne ne sait ce que fut la
guerre pour nous, continua-t-il, nous sommes une génération sacrifiée. Nous ne connaîtrons plus jamais certains bonheurs de jeunesse entre jeunes gens et jeunes filles, certaine gaîté.
[…] » (J2, 26.09.22, p. 344)
A la vision pessimiste de l’armistice et tous les désagréments qu’il apporte, s’ajoute
pour Mireille Havet la perte de ses proches. En effet, la jeune femme n’oubliera jamais ses amis morts et le traumatisme subis par ces disparitions qu’elle définit comme injustes.
L’immense gâchis de l’intelligence est au cœur des préoccupations de la jeune
poétesse.
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pas besoin de poète, manger et boire suffit ! […] Ils ont été à la guerre, mais toujours, en majorité, ils en
sont revenus avec un appétit décuplé par cette égalité du malheur. Les Intellectuels, peu nombreux,
furent tous tués. L’égalité avec les autres nous reste. A nos côtés, ils osent d’asseoir. « Bah ! disent les hommes, n’avons-nous pas tous fait la guerre ? »
Hélas si ! vous l’avez faite. On n’a protégé personne ! mais vous, vous pouviez la faire ! Mes amis
étaient privilégiés. De quel droit ? – Du droit divin de l’Intelligence, et pour que la France reste la France et non ce qu’elle devient, une étable à cochons ! (J2, 18.07.22, p. 321)
Ses maîtres à penser, à commencer par Apollinaire, disparus prématurément, laissent la jeune fille livrée à elle-même, sans soutien pour accomplir sa destinée, pour la guider dans sa carrière et dans la vie. « Cette génération de 30 ans qui nous manque et fait entre les hommes
le blanc. Nos maîtres sont morts et nous sommes seuls. Il faut compter que l’incohérence de
notre époque vient de ce vide accidentel des talents, des intelligences supprimées par la mort » (J2, 26.09.22, p. 344).
Mireille Havet se retrouve alors seule et désemparée, figure d’âme errante représentée
isolée au milieu de la joie de ses contemporains : « Un homme civil m’aborda. […] A sa
question : "Mademoiselle, comment pouvez-vous être seule un si beau jour ?", je répondis : "que voulez-vous monsieur, mes amis furent tous tués" » (J1, 12.11.18, p. 48). Elle ne peut
trouver sa place dans la nouvelle ère qui s’annonce. A travers ces quelques mots, s’inscrit tout de même toute la réalité sociopolitique de l’époque, et le conflit entre les différentes strates de
la société : « Pensez donc, Sacha, nous sommes à l’aube, nous qui aimions tellement le soir. L’âpreté d’une aurore, la fraîcheur matinale, la dureté des lumières et des rapports, tout atteste l’aube, cet atroce moment d’accouchement, le début pénible d’une chose » (J2, 26.09.22, p.
344).
La jeune femme, profondément conservatrice malgré ses origines plus modestes, sent
bien que le monde s’est transformé du fait de la guerre, et résume ainsi les interrogations et
les méfiances de toute une classe sociale.
l’ivresse se répandait de plus en plus au gré d’une vulgarité familière et odieuse. […] Le Ritz alors s’illumina d’un rang de perle, ce fut comme l’éternelle ironie d’un sourire Français de bon aloi, malgré l’apacherie ambiante, et nous fûmes réconfortées par cette couronne… Ô Aristocratie !
Voici donc venu le temps de la horde ! Est-ce pour le Bolchevisme que nos amis sont morts !
Ah ! on est tout bouleversé et ahuri, on aurait presque envie de dire : rendez-nous notre bonne vieille guerre et notre angoisse et notre routinier malheur, car ce réveil de la France glorieuse manque de tenue. (J1, 12.11.18, p. 48-49)
La guerre, en effet, bouleverse tous les repères de la diariste, en transformant
profondément la société qui l’entoure. Si ses autres sentiments ne sont pas universels, et ne sont applicables que pour une certaine partie de sa génération, il n’en demeure pas moins
145 quelques réalités valables pour tous : rien ne sera plus pareil du fait de la fin de la guerre, et la vie de chacun a pris une inflexion telle qu’il est impossible, malgré tous les efforts possibles,
de restaurer le passé. Les jeunes gens revenus du combat, ou les jeunes filles les ayant attendus et ayant vu leurs proches mourir, ont un point commun, et de taille. Mireille Havet le résume de cette manière : « la guerre nous a donné une connaissance, une expérience de la vie
que nos parents ne possédaient que vers 40 ans. D’enfants, nous sommes devenus des
hommes et des femmes. La mort nous oblige à remplacer nos âmes » (J2, 26.09.22, p. 344).
La guerre 1914-1918 marque une rupture clairement relatée dans le journal, et de cette
rupture naîtront de nouveaux comportements, une nouvelle manière de voir et d’appréhender
la vie, particulièrement chez Mireille Havet. Le passage cruel et brutal entre l’enfance et l’âge adulte, thème récurrent chez la diariste, se matérialise symboliquement par la guerre. Elle a seize ans lorsque cette dernière débute, et en a vingt lorsqu’elle s’achève. La transition
forcée entre enfance et vie adulte coïncide donc parfaitement avec le conflit. Celui-ci a simplement amplifié le processus, non seulement pour Mireille Havet – ayant déjà d’ordinaire
un terrain sujet à la mélancolie et étant sensible à la douleur du changement – mais également pour tous les jeunes gens du même âge qu’elle. Leur adolescence, moment d’insouciance par
excellence, aura été marquée au fer rouge par la violence de la guerre. Ce qu’eux ont vécu, Mireille Havet suppute qu’aucun autre être ne peut le comprendre, d’où peut-être, son
empressement à en rendre compte. La leçon que la jeune femme tire de cette expérience est universelle et énoncée ainsi : « 20 ans est par excellence l’âge coupable. On voudrait tout réaliser, tout retenir, à l’heure même où s’écroule l’illusion de l’enfance, où se dresse le dur et nouveau visage d’une existence insoupçonnable en cela qu’elle n’est faite que de douleurs. La vie n’est réellement faite que de douleur » (J2, 30.04.20, p. 112).
Que sont-ils, et qui sont-ils, en définitive, les jeunes gens qui ont survécu à la mort et à la guerre ? Le fait qu’ils aient été amputés d’une grande partie des leurs leur confère un statut particulier, un malaise symbolique et si profond qu’il s’inscrira désormais dans leur être intime. La blessure qu’ils ont reçue, même invisible, et qui ne guérira jamais complètement,
Mireille Havet tient à en faire état, à la mettre en lumière de façon à expliquer des comportements pouvant sembler incompréhensibles à qui serait étranger à leur génération perdue. « Notre génération n’est plus une génération, mais ce qui reste, le rebut et le coupon d’une génération qui promettait, hélas, plus qu’aucune autre » (J2, 26.09.22, p. 344).
146 La jeune fille, profondément portée à intellectualiser ses sentiments, relate donc le
fossé qui s’est creusé entre sa génération sacrifiée et le reste du monde. Par cette différence
fondamentale, la diariste explique la volonté, presque maladive, de certains de ses semblables
de vivre dans l’excès.
Ce besoin de profiter de la vie ressenti par la diariste, sans relâche et à fond, s’ancre
donc peut-être, en partie ou totalement, dans ce traumatisme.
Le désir indéracinable de vivre malgré tout dans cette solitude, et d’y créer malgré tout un foyer, d’y nouer malgré tout une action, m’emplit comme une revanche, comme une gageure rendue de plus en plus difficile par la mort. Tant pis… je m’attendrai à toutes les morts, à tous les lâchages, car ma
réponse et mon défi, sont une opiniâtreté sombre et violente, comme une vengeance promise et qui sera terrible ! (J1, 12.11.18, p. 46)
Ces mots semblent préfigurer toute la vie future de Mireille Havet. Cet avertissement grandiloquent résume à lui seul la destinée de la jeune femme, qui en effet, sera construite sous le signe de la violence. La guerre, après avoir dévasté la société, après avoir tué ses amis,
va offrir à Mireille Havet l’occasion de révéler son côté sombre et monstrueux, en partie lié
aux dégâts occasionnés par le traumatisme du conflit sur son âme.
1.2. La monstrueuse
La jeune femme ne se voile pas la face et ne cherche pas non plus à cacher aux autres sa personnalité extrême. Loin de la rebuter, même si elle s’en inquiète parfois, cette part d’elle-même est assumée voire revendiquée. « Je suis plus orageuse que l’orage, plus sensuelle qu’un char lunaire, plus méchante et brûlante que Satan » (J2, 25.05.20, p. 117),
écrit-elle en 1920, dans un moment d’exaltation négative. La diariste, encore et toujours, se
doit de jongler avec ces deux côtés opposés de son caractère. Si une partie d’elle-même recherche et aime le calme et le travail, l’autre souhaite l’inverse exactement. Comment vivre
avec cette ambivalence, et comment la présenter aux autres ?
La génération de la guerre, à laquelle elle appartient, se trouve, du fait même de son statut particulier, favoriser cette posture. Puisque plus rien ne sera comme avant, puisque les consciences ont été dévastées, pourquoi endiguer le flot de violence contenue dans son âme,
pourquoi l’occulter et essayer de la dissuader par tous les moyens ? La génération de Mireille Havet, du fait de la guerre d’abord, mais également de l’époque et des mentalités en
147 mouvement, parvient peu à peu à s’extirper du carcan dans laquelle elle se trouvait jusqu’alors
cantonnée.
La vie de la jeune femme est représentative de cet élan de libération. Non seulement elle assume pleinement et au grand jour une sexualité réprouvée et présentée comme hors norme, mais également une âme torturée et encline à la brutalité. Tout au long du journal, la diariste en donne un témoignage sans équivoque. La liberté octroyée à cette nouvelle
génération permet donc l’avènement d’un nouveau type, ou plus exactement, la révélation de ce qu’il fallait jusqu’alors cacher. Plus encore, non seulement cette génération à laquelle elle
appartient est seule face aux précédentes qui ne peuvent la comprendre, mais Mireille Havet elle-même se retrouve esseulée dans son propre camp, avec tout de même quelques
compagnons d’infortune, ayant eux aussi été durement marqués par les évènements vécus.
« Vous ne ressemblez à plus rien d’humain » (J2, 08.02.23, p. 385), lui assène un jour
une de ses conquêtes. Ce décalage entre la jeune femme et l’image qu’elle devrait renvoyer effraie mais fascine en même temps Mireille Havet. Si par moment, elle n’a plus rien d’humain, tout entière habitée par le démon, par le monstre, elle ne cherche pas à le contenir,
mais au contraire à explorer toutes ses facettes, et par là même, à se décrire avec le plus de précision possible : « Ai-je un cœur de pierre ? Suis-je un monstre ? Je ne plaide pas pour moi, je raconte, car on m’a tellement dit que j’étais différente des autres et scandaleuse.
Evidemment, contre la tradition je me rebelle » (J2, 21.02.23, p. 388).
Ce que la société lui renvoie comme l’image d’un monstre, Mireille Havet, de son
côté, ne le perçoit pas ainsi, et ne l’accepte pas. Tout ce qu’elle vit, et tout ce qu’elle fait, lui
semble au contraire profondément humain, avec tous les défauts que cette condition entraîne chez elle.
Ainsi, la diariste dénonce clairement les faiblesses de son caractère, qui la pousse à se croire si différente des autres. Elle cite ses « plus graves défauts d’intolérance et d’orgueil »
(J3, 19.09.26, p. 249). Le juge qu’elle incarne pour elle-même est le plus dur de tous, et le
plus intransigeant : « C’est ainsi que ne suis pas charitable et que je juge mes erreurs avec une
amertume terrible, inexorable, qui suicide l’être en moi que j’aurais dû devenir » (J2,
148 Son regard sans complaisance dresse la liste des travers de son âme.
Un géant seul pourrait avoir des entrailles aussi vides que les miennes et, en même temps, cette cruauté. Oui, je suis cruelle, dure, égoïste. Je brise, je marche quand même sur des visages qui crient au secours.
Mon talon déchire un peu plus la bouche du supplicié. Je n’écoute personne, mère, je passe sur toi. Amour fidèle, je te laboure le ventre. Je t’enseigne la douleur.
A toi de marcher sur les faibles.
Je suis un monstre, un minotaure, j’ai faim ! […] Toute vie humaine en travers sera comme une haie, saccagée. Il faut que j’aille en avant ! Il faut que je vous éclaire. Il faut que je crée avec mon sang, avec
la tempête, avec le courage.
Conquérant ! une armée meurt derrière toi.
L’histoire ne gardera que ton nom de boucher. (J2, 13.04.22, p. 268-269)
La disproportion de ses désirs – elle écrit d’ailleurs à ce propos : « ma faim de l’univers est […] tellement disproportionnée » (J2, 13.04.22, p. 268) – entraîne chez elle des
comportements eux aussi déséquilibrés. Du monstre, Mireille Havet passe ainsi au géant,
autre figure inhumaine, puis au minotaure. L’image65
de la bête sans conscience, féroce et que rien ne peut arrêter, est développée à loisir par la diariste. « J’étais comme une bête enragée. L’intelligence, l’éducation ne sont d’aucun secours. Autant discuter avec la foudre et le feu. J’étais un animal dangereux et sourd à la logique humaine, et ont on ne se débarrasse qu’en l’abattant » (J3, 24.09.25, p. 122).
Elle va même plus loin en convoquant le diable. La monstrueuse qu’elle incarne finit par être diabolique et par invoquer l’image de Satan. L’enfer vers lequel la diariste plonge
inexorablement, semble bien mérité selon elle, puisqu’elle-même se trouve être un disciple du
diable.
ah ! tu as raison de sauter Satan, tu as raison de sauter sur la plage, car tu as devant toi une âme damnée,
une âme qui t’appartient.
Ton enfer sera ma délivrance. (J2, 10.06.20, p. 133)
Cette âme damnée que Mireille Havet sent en elle et qu’elle ne peut maîtriser, ni
apprivoiser, et le monstre, comme elle aime se décrire, ne proviennent pourtant pas des actions criminelles de la jeune femme. En effet, les seuls péchés qu’elle commet sont de vivre selon ses envies et sa nature, et non pas des exactions ou des délits. Le monstre incarné n’est
coupable que par les opinions et la vie de la jeune femme, mais cela suffit à la diariste pour se sentir mise au ban de la société et répudiée. La différence entre les autres et elle-même, bien
qu’acceptée par la jeune femme, ne lui permet pas de sortir de ces images obsessionnelles du
monstre et du diable, qui semblent ancrées profondément dans son âme. Si cette dernière