Nom commun : Jegün küriye (« monastère de gauche/de l’est »)
Bannière, ligue : bannière des Torud de la bannière Ejin, actuelle ligue Alashan
Situation : près de « Mao-mu », à 20 li au sud du lac Subu (Donghai東海), au nord d’Ejin qosiu/Ejina qi.
État actuel : probablement détruit pendant la révolution culturelle.
Histoire : fondé au XVIIIe ou au XIXe siècle. Plus de mille moines sous les Qing.
Références : Hedin, 1943, vol. III, p. 37 ; Bergman, 1945, p. 142 ; Montell, 1945, p. 372-391, pl. 14-15 ; Ma Hetian, 1949, p. 9 ; Dong Zhengjun, 1952, p. 64-69.
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3. LIGUE DES ORDOS
Bannière Qanggin : Qanggin qosiu (Hangjin qi 杭錦旗) — bannière arrière de l’aile droite (Baraun ar-un qoitu qosiu) Bannière Dalad : Dalad qosiu (Dalate qi 達拉特旗) — bannière arrière de l’aile gauche (Jegün ar-un qoitu qosiu) Bannière Otu : Otu qosiu (Etuoke qi 鄂托克旗) — bannière médiane de l’aile droite (Baraun ar-un dumdatu qosiu) Bannière Vang : Jiyün vang-un qosiu (Wang qi 王旗) — bannière médiane de l’aile gauche (Jegün ar-un dumdatu qosiu) Bannière Jungar : Jegünar qosiu (Zhungeer qi 準格爾旗) — bannière avant de l’aile gauche (Jegün ar-un emünetü
qosiu)
Bannière Jasa : Jasa qosiu (Zhasake qi 扎薩克旗), créée en 1736 — deuxième bannière avant de l’aile droite (Baraun ar-un emünetü ada qosiu)
Bannière Üüsin : Ügüsin qosiu (Wushen qi 烏審旗) — bannière avant de l’aile droite (Baraun ar-un emünetü qosiu)
La ligue des Ordos (Ordus ciulan/Erduosi ciulan), appelée sous les Qing Yeke juu-yin ciulan (ch. Yikezhao meng 伊克昭盟, souvent abrégé Yi meng), « confédération du Grand temple » d’après l’appellation courante du Vang-un oul-un juu [41], est délimitée par la grande boucle du fleuve Jaune.
Forçant les Ming à se retirer, les Mongols s’installèrent sur ce territoire qui avait appartenu aux Xixia puis aux Chinois au milieu du XVe siècle. Ayant rallié les forces mandchoues en 1631, ils furent subdivisés en six bannières entre 1649 et 1659, auxquelles fut ajoutée une septième en 1736. Toutes furent organisées en ailes droite et gauche.
Cette région traditionnelle d’élevage, qui commerçait activement avec la Chine, se sinisa au cours du XXe siècle (en particulier les bannières Dalad et Jungar) et évolua vers l’agriculture. Les missionnaires catholiques belges de la Congrégation du Cœur Immaculé de Marie (CICM), dite de Scheut, qui établirent le « vicariat du Ningxia » de 1865 à l’arrivée du communisme, y fondèrent des villages fortifiés de Chinois catholiques, tels Sandaohe 三道河 (bannière Qanggin) et Boru balasun (bannière Otu). On comptait 22 000 à 25 000 habitants dans les années 1930.
Le fleuve Jaune changea plusieurs fois de cours ; sous les Ming et les Qing, il se déplaça d’une quinzaine de kilomètres vers le sud, réduisant le territoire des Ordos. Une partie des bannières Jungar, Dalad et Qanggin est aujourd’hui située sur la rive gauche du fleuve. De même, en raison des changements du cours du fleuve, la boucle marécageuse du Hetao, bordée au nord par la chaîne de montagnes des Qarauna, a été incluse tantôt dans les bannières Urad (Ulaancab), tantôt dans les bannières Qanggin et Dalad. Au milieu des années 1800, par exemple, les bannières Qanggin et Dalad réclamèrent la propriété des terres du Hetao après le déplacement du cours vers le nord.
Ces terres, maintenant assainies, fertiles et bien irriguées, apparaissent sur une carte de géographie moderne comme le seul point vert de l’ouest de la Mongolie-Intérieure. Elles appartiennent à la ligue Bayan naur (actuels district de Wuyuan 五 原 , municipalité de Linhe 臨 河 et bannière Qanggin arrière/Hangjin houqi). Le reste de la région, qui du temps de Gengis Khan était décrit comme un paradis de verdure, fait face à de sérieux problèmes de désertification.
Des territoires ayant autrefois appartenu aux Ordos sont désormais intégrés au Shaanxi, au Ningxia, à la municipalité de Kökeqota et à la bannière de gauche de la ligue Alashan. En 1956 les bannières Vang et Jasa fusionnèrent sous le nom de bannière Ejen qoriya (Ejin qorua, Yijin huoluo 伊金霍洛旗).
La ligue doit son nom (Ordos <ordu, palais, résidence mobile formée de tentes, à l’origine de notre mot « horde ») au célèbre site des Huit tentes blanches ou Huit palais blancs, qui conservaient des « reliques » (en réalité des objets personnels) ayant appartenu à Gengis Khan et à sa famille. Il s’agit du principal sanctuaire gengiskhanide de Mongolie méridionale, fixé sous les Qing à Ejen qoriya (enclave de la bannière Vang), où la Chine communiste édifia en 1956 le « mausolée » de Gengis Khan, important lieu de pèlerinage pour les Mongols et Chinois de toute la Mongolie-Intérieure, et site touristique
135 incontournable (voir chapitre I, « Les Ordos »). On vénérait également dans les Ordos trois étendards (sülde : support matériel de l’âme force de vie) dans les bannières Vang (étendard noir de Gengis Khan), Üüsin (étendard blanc de Gengis Khan) et Otu (étendard blanc et noir ou polychrome, ayant appartenu à Qabutu qasar). Près du site où l’on vénérait l’étendard noir de Gengis Khan, les princes de la bannière Vang avaient construit l’Ulaan mören süme (bannière Vang, détruit) et avaient confié son administration à des Darqad. Ce sont les moines de ce monastère qui effectuaient les rituels à l’étendard (Narasun & Temürbaatur, 2000, p. 86-87).
D’autres temples ancestraux et lieux de pèlerinages gengiskhanides se trouvaient dans les Ordos. Le sanctuaire d’Isi qatun (la « Dame mère », c’est-à-dire la principale épouse du qan – Sorqaqtani begi, m. 1252, mère de Qubilai qan), près d’Ejen qoriya, attirait les femmes qui espéraient tomber enceinte (Mostaert, 1956b, p. 292). La tente où l’on vénérait Tolui, le frère cadet de Gengis Khan, était située dans la bannière Otu, à Doluan quddu, puis fut déménagée vers l’ouest en 1944. Le monastère Jergenetü süme se trouvait à proximité de l’ancien site (Narasun & Temürbaatur, 2000, p. 130). On rendait également un culte à Qututai secen qong taiji et à Saang secen dans la bannière Üüsin, au Sharli-un süme [61] (près de leurs tombes), au Siber süme [62] (lieu de leur naissance) et au Darqan blama-yin süme (monastère bâti sur le site d’un petit temple construit par Saang secen pour vénérer son aïeul Qututai secen qong taiji en 1740) – voir les prières à Saang secen et à Qututai secen qong taiji récitées dans ce temple, publiées par Mostaert (1957) ; également Narasun & Temürbaatur (2000, p. 304).
La ligue des Ordos compte de nombreux monastères rupestres, formés autour de grottes occupées par des ermites tibétains et leurs disciples mongols depuis la fin des Ming : Narasun & Temürbaatur (2000, p. 16-17, 125, 134, 228-229, etc.). Le plus ancien site bouddhique rupestre est le monastère des grottes d’Arjai [54].
À la fin des Qing, des princes se firent édifier des palais chinois. Avec ses fontaines et ses jets d’eau, le palais de la bannière Jungar, construit en 1867, était la plus belle résidence des Ordos (Lesdain, 1908, p. 30, photo face p. 32). Le palais du jinong, dans la bannière Vang, bâti en 1902, comprenait des bâtiments en terre, en brique et des yourtes (Lesdain, 1908, p. 43). Tous deux ont été conservés (Zhongguo wenwu ditu ji : Nei Menggu zizhi qu fence, 2003, vol. II, p. 598, 612-613). Le Baraun sang (« palais du sud », i. e. palais du tusalaci) de la bannière Üüsin fut construit à la fin du XIXe siècle par le duc Baljur, descendant de Qututai secen qong taiji (Mostaert, 1956a, p. 126 et fig. 8). Les monastères les plus importants étaient à l’origine des temples princiers, fondés et entretenus par les nobles de la bannière à laquelle ils appartenaient.
On trouvait des monastères de style tibétain employant l’adobe et la brique dans toute la ligue, mais les éléments d’architecture chinoise prédominaient dans les monastères des bannières Jungar (Lesdain, 1908, p. 42) et Qanggin (Hangjin houqi zhi 1989, p. 561).
Peu de monastères ont été préservés dans une ligue qui en comptait pourtant près de trois cents. Jusqu’au début du XXe siècle, certains d’entre eux étaient itinérants, sous la yourte, et n’ont laissé aucun vestige. D’autre part, le soulèvement des musulmans chinois en 1862-1877, l’occupation de la région par l’armée chinoise (1930-1936 : Van Hecken, 1963 ; Cammann, 1951) suivie de la guerre sino-japonaise (1937-1945), et surtout la révolution culturelle causèrent de nombreuses destructions et abandons de monastères dans cette région. Les monastères construits dans le Hetao furent plusieurs fois « déménagés » en raison des changements de cours et des crues du capricieux fleuve Jaune. Bien que l’ampleur des destructions rende impossible l’étude de caractéristiques spécifiques aux Ordos, les récits et les photographies de voyageurs, les recensements des monastères de la région publiés dans des monographies locales chinoises dans les années 1930, et les études récentes font du groupe des monastères de cette ligue l’un des mieux connus de Mongolie.
On trouvera des listes de monastères des bannières Ordos et des cartes les situant dans les ouvrages suivants :
136 • Erdeni-yin erike, fo 36 ro-37 ro ; Rockhill, 1894, p. 20 ; Wuyuan ting zhi, s. d., p. 39-42 ; Suisheng, 1920, juan 8, p. 25-26 ; Linhe xian zhi, 1931, p. 44b-45a ; Suiyuan gaikuang, 1933, vol. II, chap. 3 ; SuiMeng jiyao, 1936 ; Yimeng youyi si qi diaocha baogao shu, 1936, p. 97-98 ; Yikezhao meng zhi, 1935, p. 89-90, 107, 114, 119, 130, 134, 151 ; Suiyuan fenxian diaocha gaiyao, s. d., p. 33, 37, 42, 50-51, 63-64, 68, 73 ; Suiyuan tongzhi gao, 1941, juan 13 ; Yimeng zuoyi san qi diaocha baogao shu, 1941 ; Yikezhao meng gaikuang, 1946 ; Van Oost, 1932 ; Mostaert, 1934 ; Cammann, 1951 ; Van Hecken, 1963 (pour la bannière Otu) ; Mostaert, 1956a ; Mostaert, 1956b ; Altan andari, 1987 ; Liang Bing, 1989, p. 304-390 ; Hangjin houqi zhi, 1989, p. 570-571 ; Serruys, 1990-1991, p. 231 ; Wang Zhiguo éd., 1997, vol. II, p. 1512-1523 ; Rincendorji & Batu Jiral, 1998 ; Narasun & Temürbaatur, 2000 (voir le compte rendu de cet ouvrage par Chiodo, 2003-2004, p. 296-304) ; Delege, 1998, p. 504-518 ; Zhongguo wenwu ditu ji : Nei Menggu zizhi qu fence, 2003, vol. II, p. 572-614. Sur le fonctionnement des bannières Ordos : Mostaert, 1956b.
• Cartes : cartes de pâturages de 1909-1910 : Hs. or. 16, 19, 107, 108, 109, 113, 125, 114 (Heissig, 1944, p. 136-173, pl. XIII, XIV, XV ; listes de noms de monastères de ces bannières dans Heissig éd., 1961, p. xxii, n. 186) ; carte de la bannière Otu datant des années 1730 (Van Hecken, 1963) ; carte des Ordos datée de 1740-1744 conservée dans la bannière Otu et étudiée par Mostaert (1956a, p. 95-102) ; carte de Hedin (1966) ; Delege, 1998, p. 805-808 ; Zhongguo wenwu ditu ji : Nei Menggu zizhi qu fence, 2003, vol. I, p. 256-265.