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Depuis plusieurs années, l’industrie vidéoludique n’a cessé de connaître un succès grandissant à travers le monde et rivalise désormais avec l’industrie de la littérature et de la cinématographie (Buseyne, 2018). En effet, la comparaison des chiffres d’affaires des trois dernières années des différents secteurs de l’industrie du divertissement montre que le jeu vidéo remporte largement la main en termes de popularité avec un chiffre comptabilisant 174,9 milliards de dollars en 2020 (Gaudiaut, 2021).

Parmi les différents types de jeux vidéo actuellement sur le marché, le jeu de rôle en ligne massivement multijoueur, communément abrégé en MMORPG (Massively Multiplayer Online Role-Playing Game), est bien connu depuis l’arrivée de World of Warcraft en 2004. La particularité de ces jeux est le regroupement massif de joueurs dans un monde constamment en ligne, leur permettant de communiquer et d’interagir entre eux. La communication dans ce type de jeu est d’ailleurs un aspect

particulièrement important, car il relève de l’identité communautaire des joueurs et leur permet, entre autres, d’accomplir des quêtes qu’ils ne pourraient accomplir en jouant seuls. L’identité des joueurs se répercute aussi sur leur façon de parler et définit ce qu’Ensslin (2011) appelle le langage du gaming. Ce langage est riche en vocabulaire spécifique et, comme nous le verrons au fil de cette étude, devient de plus en plus spécialisé en fonction du jeu et du monde auquel il appartient.

Compte tenu de la richesse d’un tel vocabulaire, il nous semblait intéressant de pouvoir rendre compte des progrès qu’ont faits les systèmes de traduction automatique dans ce contexte. En effet, tout comme les technologies ont impacté l’industrie vidéoludique avec, par exemple, l’arrivée de nouvelles expériences de jeu par le biais de casques de réalité virtuelle, les systèmes de traduction automatique (TA) ont, eux aussi, connu des avancées sans précédent depuis l’apparition des systèmes neuronaux (« Ce que vous devez absolument savoir sur la traduction neuronale », 2020), issus directement des avancées en recherche d’intelligence artificielle. La mise en relation entre la TA et le jeu vidéo est un croisement encore peu reconnu (Bushouse, 2015), comme nous le verrons au cours de l’état de la recherche. C’est précisément ce domaine encore peu exploré et la facette du langage du gaming, qui permet d’identifier les joueurs selon le vocabulaire

6 qu’ils utilisent, qui nous a toujours fasciné et qui nous a guidé lors du choix du sujet de ce mémoire.

1.2 Problématique, hypothèse et méthodologie

L’objectif premier de ce mémoire est d’évaluer l’impact de la traduction automatique lors de conversations écrites entre joueurs. Notre travail de recherche se concentrera ainsi sur les questions suivantes :

1 : La traduction automatique aide-t-elle à la compréhension et à l’échange d’informations entre joueurs de langues maternelles différentes ?

2 : Quels problèmes de compréhension surviennent lorsque des joueurs

communiquent à l’aide d’un système de TA et comment ces incompréhensions sont-elles résolues ?

Notre hypothèse de base est que la communication entre joueurs de langues maternelles différentes sera possible, mais que des malentendus peuvent survenir, en particulier au niveau du lexique, au vu de la terminologie spécifique des jeux. Par exemple, les noms de donjons ou de compétences ne seront pas toujours traduits de manière compréhensible pour les participants. Nous formulons cette hypothèse en nous référant aux recherches de Koehn et Knowles (2017), qui comparent la performance entre un système de

traduction statistique et un système de traduction neuronal. Leur étude leur a permis de constater que les systèmes neuronaux étaient de pauvre qualité lorsqu’il s’agissait de générer des termes ou des phrases dans des domaines spécialisés tels que le domaine juridique ou médical. Pour un contexte aussi particulier que le langage du gaming (voir section 3.4), nous pensons que des erreurs de traduction auront lieu et qu’elles

provoqueront des problèmes de compréhension pour les joueurs.

Afin de répondre à ces questions de manière concrète, nous allons réaliser une étude qui mettra en situation des joueurs de langues maternelles différentes qui discutent autour du MMORPG Final Fantasy XIV via l’outil de communication Skype1, qui utilise le

traducteur automatique Microsoft Translator. Lors de cette expérience, nous

assignerons des tâches aux participants afin qu’ils aient un fil rouge de discussion et des thèmes spécifiques à aborder. Ces tâches impliqueront une utilisation plus ou moins

1 https://www.skype.com/fr/

7 forte de la terminologie liée au jeu, ce qui nous permettra d’observer si les différentes traductions générées par la TA posent des problèmes de compréhension ou si, au contraire, elle les aide à mieux communiquer.

Ensuite, notre analyse consistera à évaluer le système de TA Microsoft Translator en deux temps. Dans un premier temps, nous procéderons à une évaluation automatique en comparant une liste de traduction de référence contenant des termes spécifiques au jeu avec la traduction générée par Microsoft Translator. Cette évaluation nous permettra ainsi d’obtenir des données quant à la qualité du système neuronal pour la traduction de la terminologie spécifique. Dans un second temps, nous effectuerons une évaluation humaine, qui mesure l’intelligibilité et l’exactitude des messages traduits par la TA au fil de la discussion. Nous analyserons aussi qualitativement les situations

d’incompréhension rencontrées par les participants. L’évaluation du système de

traduction sur ces deux fronts nous permettra d’observer la performance de ce système avec une terminologie spécifique qui appartient au langage si particulier du jargon vidéoludique.

1.3 Plan du mémoire

Le présent travail de recherche est composé de six chapitres. Dans le chapitre 2, nous analyserons d’abord les différents aspects qui englobent la traduction automatique, c’est-à-dire son histoire (section 2.2), en observant rétrospectivement les grandes étapes depuis sa conception. Nous nous intéresserons aux différents systèmes de TA (section 2.3) qui existent à ce jour en définissant leur fonctionnement, tout en faisant la distinction entre les systèmes basés sur les règles (section 2.3.1) et ceux basés sur les corpus (section 2.3.2). Nous verrons aussi plus en détail le système de TA utilisé dans le cadre de notre étude, Microsoft Translator (section 2.4). Ce chapitre se poursuivra avec l’utilisation de la TA dans les jeux vidéo (section 2.5) et l’état actuel de la question quant à ce domaine de recherche. L’état de la question abordera les différentes études sur la traduction des jeux vidéo (2.5.1), les études ayant abordé la TA instantanée dans les chats (2.5.2) et finira avec l’introduction des systèmes de TA dans les jeux vidéo (2.5.3).

Le chapitre 3 examinera les différentes façons de communiquer en jeu : nous verrons brièvement ce qu’implique la communication (section 3.2) et l’importance de la

communication pour des joueurs de jeu vidéo (section 3.3). Nous nous attarderons sur le

8 langage du gaming (section 3.4) et examinerons les différents types de jeu vidéo en ligne afin de pouvoir mieux cerner le genre qui nous intéresse dans le cadre de ce travail, c’est-à-dire la série des Final Fantasy (section 3.4.2.1). Dans ce même chapitre, nous verrons la typologie du chat (section 3.5) afin d’acquérir une meilleure connaissance du langage utilisé lors des discussions entre nos participants. Le chapitre 4 détaillera la méthodologie de notre étude, notamment la façon dont nous avons procédé au choix du jeu (section 4.2) et aux choix de nos différentes évaluations (section 4.3). Le chapitre 5 présentera les résultats obtenus à la suite de ces évaluations. Finalement, le chapitre 6 conclura notre étude, où nous résumerons notre travail en répondant à notre

problématique (section 6.1) et présenterons les limites de notre étude et les pistes à explorer (section 6.2).

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2 La traduction automatique