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complexification au sein des territoires portuaires en période de transition

3.1. Introduction au chapitre 3 : processus de complexification du territoire portuaire

Ce chapitre s’intéresse plus particulièrement à l’étude du territoire industrialo-portuaire de Marseille, engagé dans un processus de préfiguration d’un pôle métropolitain.

Depuis le début des années 2000, le Port de Marseille, confronté à des difficultés de développement, a été contraint de définir une nouvelle politique de prospection commerciale. Celle-ci avait pour but de maintenir les activités existantes et le trafic maritime associé mais d’accueillir également de nouvelles activités, afin d’accroitre le trafic maritime du port et de mieux valoriser le foncier disponible (seuls 20% des 10 000 hectares de la ZIP étant exploités). Durant cette période marquée par la prise de conscience des aspects environnementaux et par différentes tensions (coût des matières premières, notamment énergétiques mais également des conflits d’usages récurrents avec des agriculteurs, des associations, des collectivités, etc.), le Port a dû s’adapter et faire évoluer son activité fortement polluante et finalement peu connectée avec son territoire environnant (Pichon et

al., 2015). La stratégie du Port a ainsi cherché à répondre aux enjeux de transition énergétique

(utilisation plus rationnelle de l’énergie et développement des énergies renouvelables) et à ré- investir l’interface port-ville. L’écologie industrielle a ainsi été promue afin de développer de nouvelles synergies entre les industries implantées sur la ZIP et faire évoluer les pratiques de coopération entre les acteurs socio-économiques présents sur le territoire portuaire. Différents diagnostics ont alors été menés en parallèle par le Port, notamment un diagnostic des technologies clés présentes sur le territoire, un diagnostic énergétique (Jublan, 2004) et une analyse de flux de matières et d’énergie (Junqua, 2004). A partir de l’année 2008, différents partenaires du Port (SAN Ouest Provence, SCOT Ouest Etang de Berre, Ecole des mines d’Alès, etc.) vont également mener des études opérant ce lien entre écologie industrielle et problématique énergétique au service du territoire. L’autorité portuaire a ainsi évolué dans sa réflexion, partant d’une problématique de diversification industrielle à une problématique plus globale de mutation industrielle, dans le contexte de la transition énergétique. Depuis 2013, le projet de plateforme PIICTO (Plateforme Industrielle et d’Innovation du Caban – Tonkin) illustre cette dynamique coopérative progressive sur le territoire portuaire, associant différentes parties prenantes locales (industriels, autorité portuaire, collectivités, chercheurs, etc.) autour du déploiement et de l’expérimentation de nouvelles solutions innovantes pour la gestion de l’énergie et des matières.

Ce chapitre vise donc à évaluer en quoi une approche territoriale, décloisonnée et interfonctionnelle de l’écologie industrielle permet d’accroître les performances en termes de gestion des ressources (troisième hypothèse de recherche). Sur la base d’une étude d’exemples concrets développés ou en cours de réflexion sur le territoire, et de rencontres d’acteurs, ce chapitre propose d’illustrer

Page 128 l’opportunité liée aux nouvelles interactions entre milieu portuaire, milieu agricole et milieu urbain, dans une optique de meilleure gestion des ressources à une échelle territoriale relativement nouvelle en France, à savoir la métropole. Ce chapitre approfondit et illustre les différents scenarii de transitions socio-écologiques identifiés sur Marseille-Fos, ce qui permet de discuter notamment la dimension de proximité dans le contexte industrialo-portuaire. Il vise à discuter, par une analyse qualitative, l’hypothèse d’une plus-value de l’approche territoriale de gestion des ressources (que nous avons résumé par les phases et termes de l’équation, en introduction générale) en opposition et/ou complémentarité aux approches sectorielles plus classiques, déclinées par sous-systèmes territoriaux (synergies interfonctionnelles versus des synergies sectorielles) à des échelles « macro », « meso » et « micro ».

3.1.1. Un processus dé-corrélé d’une véritable ambition territoriale et politique

Nous montrons par cette analyse de cas que le processus de complexification de la Métropole d’Aix- Marseille-Provence ne s’opère pas de manière pro-active sur le territoire industrialo-portuaire mais résulte plutôt d’un processus d’évolution distinct des différents sous-systèmes constitutifs du système territorial, processus lui-même déclenché par une série d’aléas et de facteurs endogènes et exogènes. Cela renvoie à l’hypothèse que ce processus de complexification, ici illustré par le phénomène de métropolisation, dépend d’une démarche volontaire et conjointe des parties prenantes afin de pouvoir appréhender collectivement, à cette échelle de territoire, des enjeux (d’aménagement du territoire, de gestion énergétique, etc.) dans une logique de coopération entre acteurs (synergies). Cette démarche, basée initialement sur des besoins vitaux de chaque partie prenante (soit criticité sur l’accès à une ressource, soit incapacité à l’exploiter seul) se différencie en cela des approches d’opportunités qui visent à la structuration de niches, par un ou des acteurs isolés, qui n’entrainent pas forcément un bénéfice mutuel pour l’ensemble des parties prenantes (commensalisme). Cette démarche collective et partenariale s’illustre par exemple à travers le cas du projet de plateforme PIICTO qui a émergé suite à la perte d’un important prospect commercial (entreprise Hexcel) et à la mise en liquidation judiciaire de deux industriels locaux, avant que le territoire métropolitain (notamment ses élus) ne se saisisse pleinement de ce besoin d’évolution de son modèle d’organisation. Cela illustre aussi la difficulté d’évaluer concrètement l’impact et le poids de l’initiative territoriale métropolitaine (cf. partie 3 de l’équation présentée dans la problématique de recherche). La démonstration d’un gain en efficacité (ou d’une diminution de la dépense, des intrants), via l’établissement de boucles en interne est intuitivement facile à comprendre. Plus le nombre de boucles est important, plus le système sera complexe. Au-delà, pour que ce système soit résilient, il faut que ces boucles ne soient pas déconnectées entre elles et qu’elles ne dépendent pas non plus d’un seul et unique itinéraire ou vecteur (qui pourrait fragiliser, par sa disparition ou son disfonctionnement, le comportement du système global). Pour autant, démontrer une augmentation réelle de la complexité par une étude des évolutions socio-écologiques des niveaux de diversité et connectivité, n’est pas chose facile. C’est sur ce point que nous avons focalisé notre travail.

Si l’échelon métropolitain apparait opportun pour appréhender certains enjeux, notamment ceux liés à la transition énergétique, il convient néanmoins de ne pas perdre de vue la diversité des initiatives prises à des échelons plus locaux (ex : Plaine du Lubéron, Fos, Aubagne, etc.). En effet, la mission

Page 129 actuelle de préfiguration de la future Métropole d’Aix-Marseille Provence raisonne davantage en termes de grands « zoning » dans son analyse du territoire et de fait « simplifie » sa vision des espaces. Par exemple, l’étang de Berre est caractérisé comme une zone pétrochimique en occultant quelque peu les dimensions urbaines et agricoles, entre lesquelles émergent justement de nouvelles formes de coopérations concrètes et locales, qui ne ressortent pas autant à la seule échelle métropolitaine en raisonnant entre grands ensembles.

3.1.2. Une phase de transition énergétique qui s’appuie sur une diversification du mix énergétique et sur de nouvelles interactions fonctionnelles locales

L’étude de la dynamique du territoire métropolitain d’Aix-Marseille-Provence a mis en évidence un double processus local de diversification du mix énergétique, qui reste appuyé sur une utilisation non négligeable des sources d’énergies fossiles (importées) mais qui intègre également de plus en plus une mobilisation de sources d’énergies renouvelables locales (éolien, biomasse, photovoltaïque, géothermie, etc.) et de matières premières secondaires (déchets urbains, agricoles, industriels) grâce au développement d’échanges matériels et informationnels (interactions ou synergies) entre les sous-systèmes industriel, agricole et urbain.

Le système aurait diminué sa consommation globale, toute autre chose étant égale par ailleurs (niveaux de consommation individuelle, nouveaux besoins, augmentation de la population ou de la mobilité, etc.). En effet, en augmentant les taux d’utilisation interne des matières (boucles de recyclage et utilisation en cascade des flux de matières), le système d’étude accroît son stock et limite les quantités rejetées dans le milieu naturel.

Bien que programmée à travers un certain nombre de documents de planification locaux, cette logique d’économie davantage circularisée demeure encore balbutiante sur ce territoire et devra encore faire la démonstration de son efficacité, à grande échelle, pour concrètement observer une modification substantielle du métabolisme territorial, que ce soit au niveau des inputs ou des outputs.

Ce chapitre correspond principalement à la publication suivante (en cours de soumission):

- Mat, N., Cerceau, J., Junqua, Lopez-Ferber, M., 2015. Complexity as a mean for resilience in port metropolitan areas: application to Aix-Marseille case study in France.

Ce chapitre s’appuie également sur les productions et compléments apportés aux publications suivantes :

- Mat, N., Cerceau, J., 2015. Economie circulaire et écosystèmes portuaires. Note stratégique et prospective réalisée pour le compte de la Fondation Sefacil.

- Mat, N., Cerceau, J., Junqua, G., Moine, H., Dagnet, F., Lopez-Ferber, M., 2015. Transformations toward sustainable port cities: dynamics and processes of adaptation in the

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Marseille area. Proceeding during the 11th Biennial Conference of the European Society for Ecological Economics. Leeds (UK).

3.2. La complexité comme facteur de résilience d’un territoire