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Partie I : Médicaments à risque et sécurisation de la prescription

I.2 Colchicine, médicament à risque

I.2.11 Intoxication par la colchicine

I.2.11.3 Intoxications dans la littérature

En 2008, un rapport des Centres Anti-Poisons et de Toxicovigilance (CAPTV) a cherché à connaitre la pertinence du développement d’anticorps anti-colchicine en relevant le nombre d’intoxiqués par la colchicine en France. Le nombre d’expositions humaines à la colchicine entre 2000 et 2008 était de 706 cas dont 400 cas symptomatiques et 16 décès.

55 Malheureusement, les bases de données ne permettaient pas de savoir si la colchicine était directement impliquée car l’exposition concomitante à d’autres toxiques était possible (57).

En octobre 2014, le comité de coordination de toxicovigilance a réalisé un nouvel état des lieux des intoxications par la colchicine entre janvier 2000 et juin 2011, à la demande de l’ Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS, ex-ANSM) (17). La colchicine était présente dans 1329 expositions dont 57 % étaient symptomatiques contre 35 % pour l’ensemble des cas d’intoxications médicamenteuses (p < 0,001). Les proportions de cas graves et de décès étaient respectivement de 4,8 % (64 cas) et 2,9 % (39 cas). Le COLCHIMAX® était plus souvent impliqué dans les intoxications (62,5 %) que la COLCHICINE OPOCALCIUM®. Si le nombre d’intoxications dans un contexte d’exposition thérapeutique est majoritaire (43 % des expositions), le nombre de cas symptomatiques (45 % des cas symptomatiques) d’intoxication grave et de décès est bien plus élevé quand l’exposition est volontaire (67 % des décès). Ce rapport recommande pour limiter le risque d’intoxication grave par la colchicine, différentes mesures :

- « Modification du RCP et de la notice avec clarification du schéma thérapeutique dans le traitement de l’accès aigu de goutte,

- Renforcement des mesures de communication sur la marge thérapeutique étroite, - Renforcement des informations sur les interactions médicamenteuses dangereuses

et nécessité d’adaptation des doses thérapeutiques auprès des professionnels de santé,

- Modification du conditionnement avec limitation à 10 mg par boite et comprimés dosés à 0,5 mg,

- Renforcement des informations au patient,

- Mise à disposition d’anticorps anti-colchicine comme antidote ».

En octobre 2013, un comité technique de pharmacovigilance s’est réuni pour faire le point dans le cadre de l’enquête officielle de pharmacovigilance des spécialités à base de colchicine, ouverte en février 2011. Le Centre Régionale de Pharmacovigilance (CRPV) de Saint-Etienne était le CRPV rapporteur. Sur la période du 1er janvier 2012 au 31 mai 2013, 213 dossiers ont été codés avec la colchicine, 88 cas concernaient des diarrhées. Les diarrhées survenaient dans la plupart des cas dans un délai inférieur à 5 jours. Sur cette période, 14 décès ont été constatés dont 2 décès étaient dus à une interaction médicamenteuse avec les macrolides. Ce comité technique a conclu sur l’importance de transmettre une nouvelle fois

56 l’information aux prescripteurs sur les « posologies recommandées, l’adaptation à la fonction rénale, les interactions médicamenteuses et la prise en compte de la sévérité des diarrhées » (58).

Un groupe de travail « toxicovigilance des médicaments » s’est réuni en 2015 pour établir et validé une fiche guide de recueil des cas d’intoxications à la colchicine, pour pallier aux données manquantes du rapport de 2014 (59).

Comme nous l’avons vu précédemment, les modifications des RCP des spécialités COLCHICINE OPOCALCIUM® et COLCHIMAX® ont donc été revues (23), l’ANSM a fait des rappels sur les posologies, l’adaptation à la fonction rénale, les interactions médicamenteuses, l’apparition de diarrhées comme signe de surdosage (Annexe 1). Malgré cela, les comprimés à 0,5 mg ne sont toujours pas disponibles, les boites contiennent toujours vingt comprimés dosés à 1 mg et les doses recommandées dépassent toujours les posologies maximales que préconisent les sociétés savantes.

Le décès suite à l’intoxication par la colchicine est plus rare en pédiatrie. En effet, nous avons vu que la colchicine était prescrite d’avantage pour le traitement de la goutte, pathologie qui touche principalement l’adulte. En revanche, les enfants peuvent être traités par la colchicine dans la fièvre méditerranéenne familiale mais aussi dans la péricardite.

L’article de Kintz et al (55) décrit l’intoxication d’un enfant de 4 ans par la colchicine suite à une confusion de posologie (0,5 mg/kg/jour à la place de 0,5 mg/jour) et à l’association contre-indiquée d’azithromycine. L’enfant pesant 16 kg, il a reçu pendant deux jours 8 mg de colchicine soit seize comprimés à 0,5 mg. Suite à l’apparition de diarrhées à partir du deuxième jour, il est transféré en réanimation où le diagnostic de l’intoxication est posé. Son état se dégrade rapidement avec apparition d’une défaillance multiviscérale, il décède d’un arrêt cardiaque, 48 heures après le début du traitement par colchicine.

Dans cet article, les auteurs reprennent les données des intoxications par la colchicine chez l’enfant qu’ils ont trouvées dans la littérature. Dans les dix cas rapportés, les doses reçues étaient comprises entre 0,23 mg/kg et 1,5 mg/kg et six enfants sont décédés (Tableau 8). Contrairement à la dose supposée ingérée établie chez l’adulte, les auteurs pensent « qu’il n’y a pas de règle absolue en matière de quantité de colchicine potentiellement létale chez l’enfant ». En revanche, ils pensent qu’il est important « de se pencher sur les associations médicamenteuses, qui provoquent une augmentation de la colchicine ».

57 Tableau 8 : Doses de colchicine chez des enfants rapportées dans la littérature et évolution (55)

A l’étranger, comme au Québec par exemple, les auteurs s’inquiètent d’une éventuelle émergence des intoxications aiguës par la colchicine. En effet, suite à une publication de l’efficacité de la colchicine dans le traitement de la péricardite, la disponibilité de la colchicine chez les patients augmente et la quantité de comprimés remise au patient est souvent suffisante pour causer la mort lorsqu’elle est ingérée en une seule fois (60).

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II

Sécurisation de la prescription

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