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Participants et corpus

3. Présentation des participants

3.3. Interviewés de traditions juives et descendants

Henri

Henri est né en 1946 à Rabat, au Maroc. Ses deux parents étaient aussi nés à Rabat. Son grand-père paternel était venu de Salonique (Thessalonique en Grèce actuelle) vers l’âge de 14 ans et a épousé sa grand-mère paternelle originaire de Larache (partie espagnole du Maroc). Ses grands-parents maternels sont originaires d’Alger et sont venus au Maroc dans les années 1920, son grand-père était fonctionnaire et a été muté à Rabat. Henri a deux frères et une sœur, un frère décédé en 1990. En 1950, la famille s’installe à Meknès. Henri y vivra de 1950 à 1963, la première année dans le nouveau mellah11, puis en ville nouvelle (où vivait plutôt la population européenne). Il a vécu à Meknès jusqu’en 1963, dans un environnement francisé, et dans une famille de traditions juives mais non pratiquante. Il a quitté le Maroc pour ses études, en 1963, ayant passé et réussi le concours d’entrée d’une école supérieure d’électronique dans le Maine-et-Loire. Il y restera quatre ans pour obtenir un diplôme d’ingénieur. Il a ensuite vécu en Israël de 1968 à 1979. Il y rencontre sa femme (également originaire de Meknès), se marie en 1971 et ils auront deux enfants. Il est aujourd’hui retraité et vit en région parisienne.

Bagage linguistique : français, arabe marocain et standard. Henri a suivi des cours d’« arabe dialectal » pendant deux ans et trois ans d’« arabe classique » à l’école au Maroc. Il étudie aujourd’hui l’hébreu moderne à l’université.

J’ai rencontré Henri à l’université, avec l’aide d’un de mes professeurs. L’entretien s’est déroulé en mai 2008, dans un café parisien, et a duré 45 minutes.

Danièle

Danièle est née en 1939 à Nabeul en Tunisie, de parents juifs. Sa mère avait la nationalité française et son père, la nationalité italienne dont il a été déchu pendant la seconde guerre mondiale, puis il a eu la nationalité tunisienne et s’est fait naturalisé Français avant 1950. Danièle a deux sœurs plus jeunes, l’une née en 1944 et l’autre en 1950, également nées en Tunisie. Elle arrive en France en 1956 avec sa mère et ses sœurs, un an après son père, en région parisienne puis en Meurthe-et-Moselle. Elle a travaillé dans des compagnies d’assurances, au service juridique, puis

dans une maison d’édition. Elle est aujourd’hui retraitée et vit à Paris. Son mari est lorrain, non juif, et ils ont une fille de 37 ans mariée récemment et mère d’un petit garçon.

Bagage linguistique : français, arabe tunisien et elle étudie aujourd’hui l’hébreu moderne à l’université.

J’ai rencontré Danièle à l’université, avec l’aide d’un de mes professeurs. L’entretien s’est déroulé en juillet 2008, dans un café parisien, et a duré 1h10.

Raymond

Raymond est né en 1930 à Tlemcen en Algérie, de parents juifs. La famille de sa mère était de Maghnia et celle de son père de Tlemcen. Raymond est l’aîné de trois enfants, sa sœur est née en 1936 et son frère en 1946, également à Tlemcen, ils ont tous les deux travaillé dans l’enseignement. Tout comme Raymond, qui, après avoir été surveillant d’internat, enseigné pendant un an ou deux, est devenu à 28 ans directeur d’un collège d’enseignement général de la région de Tlemcen. Il s’est, dit-il, « formé sur le tas », sans passer par l’école normale.

Il rencontre sa femme vers l’âge de 20 ans, dans l’association communautaire de la jeunesse juive qu’il dirige. Ils ont eu trois enfants : une fille née en 1957, un fils né en 1960, tous deux en Algérie et une dernière fille née en 1967 en France. Leurs trois enfants sont aujourd’hui enseignants. Raymond a six petits-enfants (quatre filles et deux garçons). La famille a quitté l’Algérie en 1964 pour s’installer en France, un départ qui s’est effectué « tranquillement » selon Raymond. Il est, depuis, retourné plusieurs fois en Algérie et y a gardé des amis, qui lui rendent aussi visite en France.

Bagage linguistique : français, arabe algérien, hébreu moderne.

J’ai rencontré Raymond à l’université, avec l’aide d’un de mes professeurs. L’entretien s’est déroulé en avril 2009, chez Raymond à Paris, et a duré 2h17.

Benjamin

Benjamin est né en 1945 à Meknès au Maroc, de parents juifs. Sa famille vivait à Meknès depuis plusieurs générations. Son père était tailleur et sa mère couturière. Benjamin a deux sœurs aînées et deux autres sœurs et deux frères cadets. Alors que Benjamin avait 3 ans, sa famille est partie vivre en Israël, mais est revenue au Maroc au bout d’environ deux ans. Après son baccalauréat, passé au lycée français à Meknès, il fait « Maths Sup » pendant un an à Rabat. Il a 19 ans quand il part ensuite en France, dans le Sud-Ouest, pour effectuer le reste de ses études d’ingénieur en chimie. Après cela, il revient travailler au Maroc, à Casablanca, dans le secteur des produits chimiques, de 1969 à 1982. Il est ensuite parti travailler six ans au Brésil, pour finalement s’établir en France où il réside aujourd’hui. Il est désormais à la retraite.

Il a connu sa femme pendant ses études en France, mais elle venait aussi de Meknès. Ils ont eu trois enfants, tous nés au Maroc, un fils en 1972, une fille en 1975 et un fils en 1976.

Bagage linguistique : français, arabe marocain, hébreu moderne.

J’ai rencontré Benjamin à l’université, avec l’aide d’un de mes professeurs. L’entretien s’est déroulé en mai 2008, à l’université, et a duré 26 minutes. Avant l’entretien, Benjamin s’est montré assez méfiant, voulant connaître à l’avance mes questions et il a été difficile de réussir à fixer un rendez-vous.

Bernard

Bernard est né en 1942 à Marrakech au Maroc, de parents juifs. Il est le troisième enfant d’une fratrie de sept. Sa mère est née en Algérie avant que son grand-père ne vienne s’installer au Maroc. Le père de Bernard était boucher-charcutier et sa mère, plus instruite, faisait des travaux de couture pour la communauté française. La famille quitte Marrakech en 1948 pour Casablanca, d’où était originaire son père. Bernard a ensuite fait sa scolarité à Casablanca dans les écoles de l’Alliance Israélite Universelle. Il réussit ensuite le concours de l'école normale israélite orientale de Paris et s’y installe en 1958. Il poursuit avec des études universitaires jusqu’en 1966. Durant cette période, ses parents quittent le Maroc pour venir s’installer également à Paris. Bernard a travaillé pour le Ministère de l’équipement, puis dans une société de service pour laquelle il a effectué plusieurs missions à l’étranger. Enfin, il a travaillé pendant trente ans dans une banque et est aujourd’hui à la retraite.

Il s’est marié et a eu trois enfants avec une femme qu’il a connue à l’école normale, née au Maroc mais qui avait principalement vécu en France. Ils ont divorcé en 1986.

Bernard, au moment de l’entretien, n’était pas retourné au Maroc depuis 1991.

Bagage linguistique : français, arabe marocain, arabe standard (il a un certificat d’études en arabe standard), hébreu moderne.

J’ai rencontré Bernard à l’université, avec l’aide d’un de mes professeurs. L’entretien s’est déroulé en juin 2008, dans un café parisien, et a duré 1h20.

Ethel

Ethel est née en 1956 à Casablanca au Maroc, de parents juifs. Elle a deux demi-sœurs, nées en 1964 et 1968, d’un autre père, le sien étant décédé alors qu’elle avait 9 mois. Ce dernier était juriste, bilingue en français et arabe, quant à sa mère, elle a exercé comme sage-femme.

Ethel n’a pas vécu à Casablanca mais à Rabat. En 1959, elle et sa mère s’installent en France, à Paris, jusqu’en 1962, date à laquelle elles reviennent au Maroc, pour se rapprocher de son grand-père qui était malade. Elles repartiront du Maroc, définitivement en 1971, pour habiter la région parisienne.

Ethel s’est mariée très jeune et elle a eu deux enfants, nés en 1974 et 1978. Son mari est médecin. C’est après avoir fondé sa famille qu’Ethel a fait des études. Elle a fait du droit et était, au moment de l’entretien, en train d’effectuer des études d’hébreu. Elle travaillé épisodiquement, en esthétique notamment, mais n’exerce pas d’activité professionnelle régulière.

uniquement à Marrakech : une fois à la fin des années 1970 et une fois en 2006.

Bagage linguistique : français, arabe marocain, hébreu moderne.

J’ai rencontré Ethel à l’université, avec l’aide d’un de mes professeurs. L’entretien s’est déroulé en juillet 2008, dans un café parisien, en présence de sa mère, et a duré 1h14.

J’ai revu Ethel quelque temps après l’entretien, pour lui donner (à sa demande) l’enregistrement. Elle m’a alors fait part de son étonnement de s’être livrée aussi longtemps et aussi facilement à une inconnue.

Jeanne

Jeanne est née en 1961 dans la région des Aurès en Algérie, de parents juifs. Elle a un frère et une sœur plus âgés qu’elle. La famille quitte l’Algérie en 1962 pour rejoindre de la famille installée en France.

Elle est aujourd’hui enseignante.

Jeanne n’est pas retournée en Algérie et ses parents non plus, bien qu’elle-même et son père en expriment le désir.

Jeanne a fait de l’hébreu moderne durant sa scolarité, jusqu’à l’université. Bagage linguistique : français, hébreu moderne, arabe algérien.

J’ai rencontré Jeanne par l’intermédiaire d’un ami commun. L’entretien s’est déroulé en février 2009, dans un café parisien, et a duré 1h05.

Raphaëlle

Raphaëlle est née en 1968 à Paris. Sa mère est Française, née à Paris, non juive et son père est juif, né en Algérie, il a vécu dans la région de Constantine. Celui-ci a quitté l’Algérie pour la France en 1962, alors qu’il avait 17 ans. Aujourd’hui, sa mère est fonctionnaire et son père pharmacien. Ses parents sont séparés et la mère de Raphaëlle a eu une deuxième fille en 1992 avec son conjoint, qui est français antillais.

Raphaëlle est réalisatrice de films. Elle a vécu en Tunisie et a effectué plusieurs voyages en Algérie. Elle a également tourné plusieurs films en Tunisie et un en Algérie. Après son premier voyage en Algérie et après avoir vécu à Tunis, où elle a pris des cours d’arabe tunisien, elle revient à Paris et étudie, pendant plusieurs années, l’arabe moderne standard et l’hébreu moderne.

Son mari est israélien.

Bagage linguistique : français, anglais, espagnol, arabe tunisien, arabe moderne standard et hébreu moderne.

J’ai rencontré Raphaëlle lors de la projection d’un de ses films, mais je me souvenais l’avoir préalablement rencontrée à l’université, au début de mon propre cursus d’arabe maghrébin. L’entretien s’est déroulé en mai 2009, chez elle à Paris, et a duré 1h02.

Haïm

Haïm est né en 1930 dans la région de Bizerte dans le nord de la Tunisie, de parents juifs, eux-aussi nés en Tunisie mais naturalisés français. Haïm est le second d’une fratrie de six enfants.

accèdait à l’indépendance (1956), avec sa famille, sauf Haïm et sa sœur aînée, pour s’installer à Paris.

Haïm a travaillé comme fonctionnaire dans la marine française et sa venue en France s’est faite suite à une « simple mutation », en 1960. Il faut préciser qu’avant de quitter définitivement la Tunisie et avant de se marier, Haïm avait déjà été muté quelque temps en France. En 1960, en quittant la Tunisie, il rejoignait sa femme mais aussi le reste de sa famille, déjà installée en région parisienne.

Il se marie, quelques mois avant de quitter la Tunisie, son épouse était de Tunis (dont le père était né à Benghazi en Libye). Ils ont eu trois enfants tous nés en France (une fille née en 1960, un garçon né en 1961 et une fille née en 1967), et aujourd’hui eux-aussi mariés et parents.

Bagage linguistique : français, arabe tunisien, arabe moderne standard. C’était son fils, dont le contact m’avait été donné par un ami, que je cherchais à rencontrer, mais il était trop occupé et persuadé qu’il n’avait rien à dire puisque ne connaissant pas l’arabe. Au bout de plusieurs appels, il m’a suggéré de contacter son père. Haïm avait réfléchit à son discours de départ en anticipant mes questions, il avait même préparé des documents. Si bien que c’est lui qui enclenché la conversation.

L’entretien s’est déroulé en juin 2008, chez lui à Paris, et a duré 1h25.

Simon et Esther

Esther est née en 1925 à Oujda au Maroc, de parents juifs. Simon est né en 1912 à Fez au Maroc, de parents juifs, il est décédé en juillet 2011. Simon et Esther se sont mariés en 1940. Esther était tapissière, Simon, couturier et tisserand au Maroc puis, imprimeur en France.

La mère d’Esther était Algérienne, de l’ouest, et parlait français. Esther a donc commencé à pratiquer l’arabe avec Simon.

Simon et Esther ont eu cinq enfants, trois garçons et deux filles, tous nés au Maroc entre 1943 et 1951.

Ils ont quitté le Maroc pour la France en 1961. Bagage linguistique : français, arabe marocain.

L’entretien s’est déroulé en février 2008, chez eux à Paris, en présence de la professeure qui me les a présentés, et a duré 1h28.

Cet entretien constitue plutôt un éclairage dans la mesure où je n’ai pas pu suivre la trame de mes thématiques, je me suis contentée des questions principales autour du parcours, des pratiques et de la transmission de l’arabe. En effet, à quatre interactants, il y a souvent eu des conversations parallèles, en dyades.

Clément et Sarah

Sarah est née en 1934 à Constantine en Algérie, de parents juifs. Elle a un frère plus âgé et une sœur plus jeune qu’elle. Sarah a été institutrice puis directrice d’école. Elle quitte l’Algérie en 1961 pour rejoindre Clément, son époux, dans le Sud-ouest de la France.

Clément est né en 1931 à Batna en Algérie, de parents juifs. Il est le dernier d’une fratrie de cinq. En 1956, son père est tué dans un attentat. Clément réussi à ce moment-là un concours pour devenir inspecteur des impôts, il arrive donc à Paris pour suivre sa formation pendant deux ans. Il fait

ensuite 28 mois de service militaire et revient en France, dans le Sud-Ouest pour prendre sa première affectation.

Clément et Sarah s’établiront ensuite à Paris, où ils résident encore aujourd’hui. Ils ont deux fils nés en 1962 et 1967, l’aîné a deux filles.

Le couple n’est jamais retourné en Algérie et ne le souhaite pas.

Bagage linguistique : Français, arabe algérien, hébreu moderne. Clément a également eu une formation scolaire en Algérie en arabe moderne standard. Sarah n’en a fait qu’un trimestre au lycée, son père s’y opposait. J’ai rencontré Clément et Sarah par l’intermédiaire de l’un de mes professeurs. L’entretien a eu lieu en avril 2009, chez eux à Paris, et a duré 2h43. Tous les deux ont semblé heureux d’évoquer leurs souvenirs, ils m’ont raconté de nombreuses anecdotes, blagues, m’ont donné des proverbes en arabe, etc. Clément et Sarah, qui ont beaucoup d’humour et aiment rire, ont fait de cet entretien un moment très agréable pour moi.

Damien

Damien est né en 1967 à Paris. Il est le fils cadet de Clément et Sarah. Au moment où je l’ai rencontré il venait de réussir un concours important dans l’administration des finances, où il travaillait déjà depuis 18 ans. C’est en appelant la première fois Clément et Sarah chez eux que je suis tombée sur Damien. Je lui ai proposé un entretien à lui aussi. Celui-ci a eu lieu après que j’ai rencontré ses parents, en avril 2009, dans un café parisien, et a duré 59 minutes. Contrairement à ses parents, Damien a exprimé beaucoup d’amertume dans sa vision de l’histoire de ses parents et de l’Algérie. Ce décalage m’a beaucoup frappée. D’autant plus que Damien n’a pas vraiment joué le jeu de l’entretien en digressant plus sur sa vision du monde et de la politique que sur son expérience proprement personnelle.

məllāḥ est un terme propre au Maroc qui désigne un quartier juif, en ville. Voire une « petite agglomération » habitée par des juifs, à la campagne, selon Haïm Zafrani :

« Dans la vallée du Todgha (Tinghir), dans la région de Tiznit (Wijjan, Asaka), de Ouarzazat (Imini), de Demnat (Aït Bu Welhi), à Oufrane de l’Anti-Atlas, à Illigh et ailleurs, les juifs étaient généralement bilingues, berbéro-arabophones, quelques-uns exclusivement berbérophones. Ils constituaient naguère de petites agglomérations, appelées mellahs, établis là depuis un ou deux millénaires. » (Zafrani 2003, p. 23).

Simon Lévy explique toutefois que ce sens de « quartier juif » est une acception relativement récente :

« le mot mellah a obtenu la consécration du Petit Larousse : “quartier juif, au Maroc” (Éd. 1966, p. 644). L’usage du mot est effectivement limité au Maroc, et ignoré dans le reste du Maghreb. Le terme consacré pour “quartier juif” était hara à Tunis, Djerba (D. Cohen), Alger, Tripoli (W. Leslau), derb lihud, à Tlemcen, sharaɛ à Constantine (W. Marçais).

En fait le signifié “quartier juif”, pour Mellāh est une extension de sens relativement récente. Si aujourd’hui tout quartier juif peut être appelé Mellāh, naguère le terme désignait un quartier juif fermé, protégé par des murailles, et pratiquement auto-administré, sous la houlette du shekh

el-Mellah, (juif), représentant l’autorité temporelle. Il était géré par un conseil

de notables (heb. maɛamād). Pour tout procès entre juifs, le tribunal était compétent. C’était la concrétisation territoriale du statut de dhimma, reconnaissant aux juifs, contre paiement de jizia (capitation), liberté religieuse et autonomie administrative.

Mais plusieurs villes n’avaient pas de mellah. Rabat, Salé, Tétouan n’en ont eu qu’en 1808. Tanger, Casablanca, Safi, El Jadida ont eu des quartiers à prédominance juive, mais pas de véritable mellah. Cependant le mot a fini par prendre le sens large de “quartier juif” remplaçant, au Maroc, Hāra ou derb lihud. Il est vrai qu’au XXe siècle, l’autonomie administrative a perdu sa réalité concrète. » (Lévy 2001b, pp. 177-178, s’y reporter pour l’étymologie détaillée du mot).