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Interventions à préconiser

CHAPITRE 1 : PROBLÉMATIQUE

1.3 Être femme et « criminelle »

1.3.5 Interventions à préconiser

Faith (2002) croit que les programmes hors des murs carcéraux sont beaucoup plus efficaces pour les femmes judiciarisées. La vision qui émerge du rapport « La création de choix » prônait, dès les années 90, une approche permettant l’appropriation du pouvoir d’agir et la responsabilisation des choix dans un environnement de respect, de dignité et de soutien (Frigon, 2002). S’appuyant sur les recommandations du rapport Landreville publié en 1986, Lalande (2007), pour sa part, observe que déjà dans les années 80, les organismes communautaires étaient appelés à jouer un rôle clé dans la gestion des problèmes sociaux et de la criminalité. Déjà, l’incarcération devait donc être considérée comme une mesure d’exception (Lalande, 2007).

réinsertion sociale (Leduc, 2011). Pourtant, Cortoni et Lafortune (2009) croient que les programmes qui ne sont pas directement axés sur le crime sont plus bénéfiques, autant chez les hommes que chez les femmes. En effet, pour ces auteurs :

les approches correctionnelles qui réduisent efficacement la récidive sont des interventions positives, constructives et centrées sur l’acquisition d’habiletés qui ciblent les problèmes à la source du comportement criminel, le développement de nouvelles compétences et la mise en valeur des forces de l’individu, tout cela dans le but d’aider celui-ci à mener une vie saine et sans délinquance (p. 62).

Même si « une mesure dans la communauté apparaît fatalement comme insignifiante à côté d’une peine de prison » (Lalande, 2007, p. 79), plusieurs auteurs se sont intéressés aux interventions alternatives adaptées aux situations des femmes. Inspirés du modèle d’Andrews et Bonta (2006) et considérant que le comportement criminel est le résultat d’un apprentissage social, Cortoni et Lafortune (2009) proposent de distinguer deux facteurs de risque, soit les facteurs statiques et les facteurs dynamiques. Les facteurs statiques, tels que le passé criminel et l’âge, contribuent à l’augmentation du risque de récidive puisqu’ils ne sont pas modifiables. Les facteurs dynamiques ou les facteurs criminogènes, tels que les attitudes, l’estime de soi, l’impulsivité, la motivation et l’anxiété sont des caractéristiques modifiables qui ont un impact significatif sur la diminution du risque de récidive. Les interventions axées sur les facteurs de risque dynamiques semblent être les plus susceptibles d’influencer l’individu à commettre un crime considérant que le comportement criminel est acquis. En ce sens, plusieurs recherches permettent de constater qu’un suivi adéquat, tant au niveau judiciaire que social, permet de réduire de 50 % le risque de récidive chez les hommes et les femmes criminalisées (Lameyre & Salas, 2004 cité dans Di Falco, 2009).

positif chez les femmes (Bilderbeck, Faria, Brazil, Jakobowitz & Wikholm, 2013 ; Harner & Riley, 2013). Forouzan et ses collègues (2012), quant à eux, suggèrent de réaliser une intervention avec les femmes avant leur incarcération.

Il est reconnu que les femmes judiciarisées vivent des souffrances (De Koninck, Pâquet-Deehy, Denni, Savard & Turgeon, 1994 ; Faith, 2002) et qu’elles ont besoin d’encouragements (Frigon, 2002). Selon la chercheuse féministe Marcus-Mendoza (2010), les femmes judiciarisées ont besoin d’une approche sensible à leur histoire et à leur style d’apprentissage. Les interventions devraient favoriser leur responsabilisation (Olver, Stockdale & Wormith, 2011). Cortoni et Lafortune (2009) ajoutent que pour accentuer l’efficacité des interventions, les programmes devraient être axés sur le développement des compétences, de l’estime de soi et de l’acquisition d’habiletés, et ce, à partir des forces individuelles et collectives.

Réagissant moins bien que les hommes aux interventions qui suscitent la confrontation (Marcus-Mendonza, 2010), les femmes ont ainsi besoin d’interventions positives, et ce, dans une perspective de changement (Meunier et al., 2013). Pour y parvenir, Marcus-Mendoza (2010) explique qu’il faut soutenir les femmes dans leurs démarches en créant des espaces propices à l’émergence de succès. Meunier et al. (2013) ajoutent qu’il faudrait repenser les interventions dans le but de favoriser une reprise de pouvoir chez les femmes judiciarisées. Selon ces auteurs, en impliquant les femmes dans des projets communs et stimulants, les chances de succès et de réussite augmentent, ce qui permet de diminuer le risque de récidive (Meunier et al., 2013).

Le développement de la motivation (Scott & Ruddell, 2011) et le renforcement positif sont

significatif pour les populations marginalisées (L’Abbé-Sasseville, 2009). Dans cette même perspective, pour Leduc (2011), les interventions qui permettent le développement de l’empowerment sont essentielles puisqu’elles permettent à l’individu de reprendre du pouvoir sur sa vie. De plus, les activités qui permettent l’acquisition d’habiletés à la résolution de conflits, la gestion du stress et des émotions s’avèrent encore plus efficaces puisqu’elles améliorent la santé mentale des femmes.

Orrick, Worrall, Morris, Piquero, Bales et Wang (2011) ajoutent que le soutien social, par l’entremise de la communauté, des services, et des programmes publics, permet aussi la réduction du nombre de crimes. En fait, ces auteurs estiment qu’il y a une influence entre le support social et les comportements criminels. En ce sens, Bellot, Rivard et Greissler (2010) croient que l’intervention par les pairs et la reconnaissance d’autrui est un outil d’intervention efficace auprès des populations marginalisées. Cette tendance s’explique par le fait que l’utilisation de ressources collectives pour un bien-être collectif réduit le nombre de crimes commis dans une société (Orrick et al., 2011).

Mais encore, les auteures stipulent que les intervenants doivent avoir une approche globale (Strimelle & Frigon, 2007) ou une approche holistique (Meunier et al., 2013) en intervention auprès des femmes judiciarisées. Cette approche permet de prendre en considération les différentes sphères de la vie sociale d’un individu (Leduc, 2011).

Ainsi, les interventions doivent permettre le développement de nouvelles stratégies qui

(Strimelle & Frigon, 2007). Cependant, Frigon et al. (2003) soutiennent que la reconnaissance sociale est nécessaire au cheminement des femmes judiciarisées.

Plus précisément, Frigon et al. (2003) ont réalisé une étude auprès de quatre femmes incarcérées dans une prison fédérale, douze femmes dans une prison provinciale, cinq femmes dans une maison de transition et quatorze intervenantes du milieu carcéral. Cette recherche met en évidence le fait que les femmes incarcérées ont une faible estime d’elles-mêmes. Les intervenantes ont expliqué que les femmes ne voient généralement pas leurs propres compétences ou leurs capacités, ce qui semble avoir un effet direct sur leur motivation dans leur cheminement. De plus, contrairement aux résultats attendus, trouver un emploi n’est pas une préoccupation première pour les femmes judiciarisées (Frigon et al., 2003). Elles se soucient davantage de leur famille, leurs enfants et leur logement. Toutefois, les intervenantes rencontrées dans le cadre de cette recherche croient que l’insertion par le travail est bénéfique pour les femmes, puisqu’il permet d’instaurer une routine de vie, en plus d’offrir un lieu où elles se sentent valorisées. Conséquemment, cela peut diminuer l’attrait que représentent les activités illégales (Strimelle & Frigon, 2007). Arcand et al.

(2004) croient également que l’insertion par le travail est une piste intéressante à explorer, compte tenu du fait que les valeurs occidentales contemporaines accordent une importance au travail, et qu’il permet l’intégration sociale des individus (Arcand et al., 2004). Meunier et al. (2013) croient qu’avoir recours au crime est une façon pour les femmes de résoudre leurs problèmes économiques.

C’est pourquoi l’insertion par le travail peut être bénéfique dans le cheminement des femmes.

Considérant que les femmes judiciarisées au Québec ont davantage de chances de purger une

lien avec l’insertion des femmes (Gouvernement du Québec, 2011), la création de liens plus étroits avec le milieu communautaire pourrait-elle être un atout (Giroux & Frigon, 2011 ; Leduc, 2011) ?

L’intervention communautaire permettrait de prendre en considération l’histoire des femmes judiciarisées afin de mieux les soutenir pour un cheminement personnel, voire une transformation sociale (Descroisselles-Savoie, 2010) en plus de favoriser une intégration sociale et un cheminement significatif chez les femmes (Faith, 2002). Pourtant, rappelons-le, peu d’organismes et de programmes au Québec offrent des services ou un soutien à ces femmes (Frigon et al., 2003).

Les pratiques communautaires sont souvent dévalorisées, voire sous-estimées, alors qu’elles permettraient aux individus de reprendre du pouvoir sur leur propre vie, les plaçant au cœur des démarches (Leduc, 2011). En effet, les pratiques communautaires, si elles permettent d’agir sur le fonctionnement social des femmes, jouent un rôle clé dans le cheminement de ces dernières (Forouzan et al., 2012). Malgré leurs retombées positives, ces pratiques demeurent néanmoins méconnues et sont peu documentées (Leduc, 2011).