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Interventions pour améliorer la littératie en santé mentale

6.2 Recommandations

8.1.1 Interventions pour améliorer la littératie en santé mentale

La littératie en santé mentale renvoie aux « connaissances et croyances relatives aux troubles mentaux permettant de les prévenir, de les reconnaître et de les gérer »334. Les mesures visant l’amélioration de la littératie de la population ciblent donc les habiletés à repérer et à gérer l’information sur la santé mentale. Elles incluent l’amélioration de la capacité à reconnaître certains troubles et différents types de problèmes de santé mentale ainsi que l’amélioration des connaissances et la modification des croyances et des attitudes en ce qui a trait aux facteurs de risque, à la demande d’aide et aux traitements335.

Pertinence

Les chercheurs dans le domaine de la santé mentale accordent de plus en plus d’importance à la littératie, particulièrement pour les jeunes adultes, probablement dû au fait que les premiers symptômes de troubles mentaux se

présentent généralement avant l’âge de 26 ans336 et qu’un délai de traitement trop long augmente le risque d’épisodes subséquents plus graves337. Aussi, des connaissances déficientes et des attitudes défavorables face aux troubles mentaux peuvent nuire à la mise en place de mesures de promotion et de prévention ainsi qu’à la capacité de la population à reconnaître et à répondre rapidement et adéquatement aux besoins d’aide des personnes souffrant de troubles mentaux. Elles contribuent également à la stigmatisation et à la discrimination envers ces dernières338.

Selon les résultats d’études australiennes, européennes et américaines, la littératie en santé mentale de la population est déficiente à plusieurs égards339. À titre d’exemple, dans l’étude de Jorm et coll. (1997), deux vignettes cliniques ont été présentées à plus de 2000 australiens. Seulement 39 % des australiens questionnés ont été en mesure d’identifier correctement la dépression dans ces vignettes340. Une étude similaire réalisée en Suisse parvient au même résultat341. Cette capacité limitée à reconnaître les symptômes d’un trouble mental, tant chez soi que chez les autres, peut contribuer à augmenter le délai de traitement et, dans certains cas, entraîner une recherche d’aide inappropriée.

334. Jorm et coll. 1997, cité en p. 396 dans Jorm, 2000.

335. Jorm, 2000.

336. Moon et coll., 1999.

337. World Health Organization, 2004a.

338. World Health Organization, 2004a.

339. Jorm et coll., 1997; Lauber et coll., 2003.

340. Jorm et coll., 1997.

Avis scientifique sur les interventions efficaces en promotion de la santé mentale et en prévention des troubles mentaux

90 Institut national de santé publique du Québec

Niveau de preuve :

2

Niveau d’efficacité :

&

De plus, la littératie en santé mentale des jeunes hommes serait moins élevée que celle des jeunes femmes. L’étude de Cotton et coll. (2006) auprès de jeunes australiens âgés entre 12 et 25 ans, montre que, non seulement, les jeunes hommes ont beaucoup moins d'habiletés à reconnaître les symptômes associés à la dépression mais qu’ils sont également plus prédisposés à choisir l’alcool comme traitement342.

L’écart entre l’opinion du public et celle des professionnels de la santé par rapport aux traitements, particulièrement en ce qui concerne l’efficacité des approches pharmacothérapeutiques343, a été documenté par plusieurs chercheurs344. La perception négative du public face au traitement médical peut nuire à la demande d’aide et contribuer à une mauvaise utilisation des approches pharmaceutiques345. Enfin, les proches dont la littératie en santé mentale est déficiente risquent de ne pas être en mesure d’apporter une aide adéquate et efficace à une personne en détresse.

Efficacité

Les preuves de l’efficacité des mesures de littératie sont plutôt limitées. Il existe toutefois un consensus d’experts à l’effet qu’il faut améliorer les connaissances et modifier les croyances et les attitudes de la population, particulièrement des jeunes adultes, face aux troubles mentaux346.

Quelques chercheurs se sont intéressés à la capacité des campagnes de communication à transmettre des messages favorables sur la santé mentale et à soutenir des changements d’attitudes face aux troubles mentaux.

Les recherches australiennes sont particulièrement intéressantes en ce sens. Faisant face à des problèmes de santé mentale grandissants, le gouvernement australien a choisi de mettre en place une série de mesures visant à informer la population sur les troubles mentaux, particulièrement sur la dépression, de même que sur l’efficacité et l’accessibilité des traitements. Ces mesures incluent notamment l’élaboration d’une stratégie nationale en santé mentale, la National Mental Health Strategy347 et la réalisation d’une campagne nationale sur la dépression, le BeyondBlue: the National Depression Inititiative348. Certains chercheurs ont tenté d’identifier les changements de connaissances et d’attitudes qui ont pu s’opérer au regard de la santé mentale depuis la mise en place de ces mesures. L’étude de Goldney et coll. (2005) compare les résultats d’entrevues en face à face réalisées auprès de plus de 6000 australiens, en 1998 et en 2004. Les résultats montrent une nette amélioration de la capacité de la population à reconnaître les symptômes de dépression entre 1998 et 2004. Les auteurs signalent également une meilleure perception de l’efficacité des services professionnels et même des approches pharmacothérapeutiques.

342. Cotton et coll., 2006.

343. Jorm et coll., 1997; Lauber et coll., 2003.

344. Jorm, 2000.

345. Jorm et coll., 1997.

346. World Health Organization, 2004a; Commonwealth Department of Health and Aged Care, 2000; Jané-Llopis et Anderson, 2005.

347. Australian Government Department of Health and Aging 2005 cité dans Goldney et coll., 2005.

348. Hickie 2004 cité dans Goldney et coll., 2005.

Les résultats des études de Jorm et coll. (2005, 2006) sur l’impact de la campagne nationale BeyondBlue indiquent que cette mesure permet d’agir positivement sur la littératie en santé mentale. En comparant les résultats de deux sondages réalisés en 1995 et en 2003-2004 auprès de la population de deux États (l’un ayant été fortement exposé à la campagne et l’autre ne l’ayant été que légèrement), les auteurs concluent que les milieux ayant été fortement exposés à la campagne BeyondBlue montrent de meilleurs résultats en ce qui a trait à la reconnaissance des symptômes de dépression et à la perception des traitements349. Les individus sondés dans les milieux à forte exposition montrent également une plus grande sensibilité face à la discrimination vécue par les personnes atteintes de troubles mentaux350.

La Compass Strategy, implantée en Australie depuis 2001, constitue un autre exemple de campagne de communication sociétale ayant démontré son efficacité351. La Compass Strategy a pour but d’améliorer la littératie des jeunes adultes, de leur famille et des membres de la communauté, d’augmenter le taux de la demande d’aide et de réduire les délais de traitement chez les jeunes entre 12 et 25 ans présentant des débuts de symptômes de troubles de l’humeur ou psychotiques352. Les résultats d’une étude quasi expérimentale, avec groupe témoin, indiquent que la campagne a permis d’avoir un impact sur un ensemble de variables dont : la connaissance des campagnes de santé mentale, l’identification des symptômes de la dépression, l’augmentation de la demande d’aide, l’estimation de la prévalence des troubles mentaux, la conscience des risques suicidaires et la réduction des contraintes perçues face à la demande d’aide353.

Enfin, l’étude de Christensen, Griffiths et Jorms (2004) sur l’efficacité de deux interventions auprès d’utilisateurs d’internet présentant des symptômes de dépression, montre également des résultats prometteurs. Cette étude, avec devis randomisé, avait pour but d’évaluer l’efficacité de deux sites internet, l’un offrant de l’information sur la dépression (BluePages) et l’autre proposant une thérapie cognitive-comportementale selon une approche interactive (MoodGYM). Les auteurs concluent que les approches via internet permettent d’améliorer significativement les connaissances des internautes sur l’efficacité des traitements et de réduire les pensées cognitives dysfonctionnelles, tout en augmentant les connaissances sur les thérapies cognitive-comportementales354.

Toutefois, les outils pour mesurer la littératie portent principalement sur la capacité de reconnaître les symptômes cliniques des troubles mentaux et la connaissance sur les traitements. Ceci ne permet pas de prendre en compte la complexité de ce concept et un bon nombre d’études font abstraction d’éléments importants de la littératie, tels que les croyances et les attitudes face aux troubles mentaux.

349. Jorm et coll., 2005, Jorm et coll., 2006.

350. Jorm et coll., 2006.

351. Wright et coll., 2006.

352. World Health Organization, 2004a.

353. Wright et coll., 2006.

354. Christensen et coll., 2004.

8.1.2 Interventions de promotion de la santé mentale et de prévention des troubles