1.3 La r´ egression param´ etrique lin´ eaire en environnement impr´ ecis
1.3.2 Intervalles, Intervalles flous et arithm´ etique associ´ ee
Comme pr´esent´e dans la section pr´ec´edente, dans une approche r´egressive param´etrique lin´eaire en environnement impr´ecis, les impr´ecisions peuvent intervenir aussi bien au niveau des sorties observ´ees que de la structure du mod`ele d´etermin´ee par l’utilisateur. Il est donc important de pouvoir repr´esenter ces impr´ecisions, afin de pouvoir les exhiber, les quantifier, les manipuler et `a terme les exploiter.
Ainsi, nous proposons de pr´esenter le formalisme des ensembles flous introduits par Zadeh [74], ainsi que les op´erations associ´ees intervenant dans les mod`eles impr´ecis. Cela permettra par la suite de discuter des techniques r´egressives impr´ecises en ayant `a disposition un forma-lisme unifi´e et rigoureux. Les sous-ensembles flous, plus pr´ecis´ement dans notre cas des nombres flous ou intervalles flous, peuvent ˆetre vus comme des familles d’intervalles emboˆıt´es. Dans un premier temps, nous introduisons donc les notations associ´ees `a la repr´esentation des intervalles conventionnels.
Un intervalle a est d´efini comme l’ensemble d’´el´ements de < compris entre une borne inf´erieure a− et une borne sup´erieure a+, c’est-`a-dire :
a = {x|a−≤ x ≤ a+, x ∈ <} (1.10)
Il est possible de caract´eriser cet intervalle a dans un espace permettant d’exhiber de mani`ere imm´ediate son incertitude en choisissant l’espace de repr´esentation Midpoint/Radius. Dans ce cas, le Midpoint repr´esente le point Milieu de l’intervalle, et est donn´e par :
Ma= (a−+ a+)/2 (1.11)
Quant au Radius, ou demi-largeur, il repr´esente l’incertitude de l’intervalle a, qui devient donc directement accessible. Le Radius est donn´e par :
Ainsi, il est possible de d´efinir l’intervalle a de deux mani`eres distinctes, soit dans l’espace des bornes :
a = [a−, a+] (1.13)
soit dans l’espace Midpoint / Radius :
a = (Ma, Ra) (1.14)
Le passage d’une repr´esentation `a l’autre est r´ealis´e grˆace aux ´equations (1.11) et (1.12) ou encore selon les ´equivalences suivantes :
a−= Ma− Ra (1.15)
a+= Ma+ Ra (1.16)
En th´eorie des ensembles, on associe `a l’intervalle a de < sa fonction caract´eristique, g´en´eralement not´ee χa ou encore 1a. Cette derni`ere explicite l’appartenance de tout ´el´ement de < `a l’intervalle a. Formellement, χa est la fonction d´efinie par :
χa: < −→ {0, 1} x 7−→ χa(x) = ( 1 si x ∈ a 0 sinon (1.17)
Graphiquement, la fonction χa est la fonction rectangulaire illustr´ee `a la figure 1.7.
degré 1
degré 0
Fig. 1.7: Repr´esentation de la fonction caract´eristique d’un intervalle
Dans le cas plus g´en´eral d’un intervalle flou A, une distribution de possibilit´e d´efinie sur < et mod´elis´ee par une fonction d’appartenance not´ee µA, est associ´ee `a A. Formellement, cette
fonction µA est d´efinie par :
µA: < −→ [0, 1]
x 7−→ µA(x) (1.18)
La figure 1.8 en donne une repr´esentation graphique, et met en ´evidence que deux types d’in-formations sont `a consid´erer pour d´efinir un intervalle flou, correspondant `a deux dimensions distinctes :
• la dimension horizontale, commune aux intervalles conventionnels, qui est l’axe des r´eels <
• la dimension verticale, permettant la repr´esentation des degr´es d’appartenance, qui est donc l’intervalle [0, 1]
La fonction d’appartenance constitue une extension de la fonction caract´eristique, dans la mesure o`u elle prend ses valeurs dans l’intervalle [0, 1] et non plus uniquement dans l’ensemble {0, 1}.
Il est possible d’associer `a un intervalle flou deux intervalles particuliers correspondant aux deux valeurs extrˆemes du degr´e d’appartenance. Ainsi, le support de A est l’intervalle constitu´e des ´el´ements appartenant au moins un peu `a A. Il est donc d´efini au degr´e 0 par Support(A) = {x ∈ <|µA(x) > 0}. Le noyau de A est quant `a lui l’ensemble des ´el´ements appartenant totale-ment `a A. C’est donc l’intervalle d´efini au degr´e 1 par N oyau(A) = {x ∈ <|µA(x) = 1}.
Lorsque la fonction d’appartenance est lin´eaire, l’intervalle flou A est trap´ezo¨ıdal (figure 1.8). Il est alors compl`etement d´efini par son support et son noyau. Dans tous la suite, on notera :
SA= Support(A) = [SA−, S+A] (1.19)
KA= N oyau(A) = [KA−, KA+] (1.20)
Quant `a l’intervalle flou trap´ezo¨ıdal A, il sera not´e A = (KA, SA). En utilisant une repr´esentation des intervalles par les bornes conform´ement `a (1.13), on obtient alors :
A = ([KA−, KA+], [S−A, SA+]) (1.21)
Il est ´egalement possible de noter l’intervalle flou trap´ezo¨ıdal A en exploitant une repr´esentation dans l’espace Midpoint / Radius (cf. ´equation (1.14)) de chacun de ses intervalles significatifs, c’est-`a-dire en exhibant de mani`ere directe l’impr´ecision du support (impr´ecision maximale envisageable) et celle du noyau (impr´ecision attach´ee aux ´el´ements d’appartenance maximale) :
A = ((MKA, RKA), (MSA, RSA)) (1.22)
Lorsque le noyau d’un intervalle flou est parfaitement d´efini, c’est-`a-dire d’impr´ecision nulle (RKA = 0), l’intervalle flou est unimodal. Dans le cas d’une fonction d’appartenance lin´eaire,
degré 1
degré 0
Noyau
Support
Fig. 1.8: Repr´esentation d’un intervalle flou trap´ezo¨ıdal
degré 1
degré 0
Fig. 1.9: Repr´esentation d’un intervalle flou triangulaire
l’intervalle flou A devient triangulaire (figure 1.9). Il est alors compl`etement d´efini par son intervalle support [SA−, SA+] et son noyau pr´ecis KA restreint `a un unique ´el´ement, c’est-`a-dire KA= {kA}, RKA = 0 et MKA = kA. Dans ce cas, l’intervalle flou triangulaire A sera not´e :
A = (kA, [SA−, SA+]) (1.23)
l’impr´ecision du support ´etant alors directement accessible :
A = (kA, (MSA, RSA)) (1.24)
Un autre cas particulier concerne les intervalles flous triangulaires sym´etriques (figure 1.10). Dans ce cas, l’unique ´el´ement du noyau est d´efini comme ´etant le milieu de l’intervalle support,
degré 0 degré 1
Fig. 1.10: Repr´esentation d’un intervalle flou triangulaire sym´etrique
c’est-`a-dire :
kA= MSA (1.25)
L’intervalle flou triangulaire sym´etrique A est alors compl`etement d´efini par son intervalle sup-port, puisqu’en substituant l’´egalit´e (1.25) dans (1.24), on obtient :
A = (MSA, (MSA, RSA)) (1.26)
Sachant qu’un unique intervalle d´efinit alors compl`etement l’intervalle flou A (figure 1.11), pour une raison de simplicit´e, il sera not´e :
A = (MA, RA) (1.27)
ou dans l’espace des bornes :
A = [SA−, SA+] (1.28)
Reste `a souligner que les repr´esentations (1.27) et (1.28) sont similaires `a (1.13) et (1.14). Seul le contexte d’utilisation (a intervalle ou A intervalle flou triangulaire sym´etrique) permet de les distinguer.
degré 1
degré 0
Fig. 1.11: Repr´esentation d’un intervalle flou triangulaire sym´etrique
Quel que soit le type d’intervalle flou consid´er´e, il est n´ecessaire que les intervalles support et noyau soient bien d´efinis. Cela se traduit de mani`ere g´en´erale par :
• dans l’espace des bornes : celles-ci doivent ˆetre bien ordonn´ees, c’est-`a-dire SA− ≤ SA+ et KA−≤ KA+;
• dans l’espace Midpoint / Radius : les Radius doivent ˆetre positifs, c’est-`a-dire RSA ≥ 0 et RKA ≥ 0.
Les intervalles flous pouvant ˆetre vus comme une g´en´eralisation des intervalles conventionnels par l’ajout d’une dimension verticale suppl´ementaire correspondant au degr´e d’appartenance de chaque ´el´ement, il est possible de les manipuler comme une collection d’intervalles convention-nels. Cela se fait en utilisant le principe des α-coupes (figure 1.12). Une α-coupe [A]α d’un intervalle flou A est d´efinie par l’intervalle compos´e des ´el´ements dont le degr´e d’appartenance `
a A est sup´erieur ou ´egal `a la valeur α consid´er´ee :
[A]α = {x ∈ <|µA(x) ≥ α} (1.29)
Une fois le principe des α-coupes retenu, pour un degr´e α fix´e a priori, tout calcul se ram`ene `a manipuler des intervalles conventionnels, et ce, au travers de l’arithm´etique qui leur est associ´ee. Il devient donc possible d’exploiter les op´erations de base d´efinies sur des intervalles convention-nels, c’est-`a-dire la somme de deux intervalles ainsi que la multiplication par un scalaire pour ´
evaluer la sortie d’un mod`ele (1.9), dont les param`etres sont impr´ecis, et les entr´ees pr´ecises.
Soient deux intervalles a = [a−, a+] = (Ma, Ra) et b = [b−, b+] = (Mb, Rb), leur somme est d´efinie dans les deux espaces de repr´esentation (bornes et Midpoint / Radius) par :
degré 1
degré 0 degré α
Fig. 1.12: Visualisation d’une α-coupe d’un intervalle flou
• dans l’espace des bornes :
a ⊕ b = [a−+ b−, a++ b+] (1.30)
• dans l’espace Midpoint / Radius :
a ⊕ b = (Ma⊕b, Ra⊕b) (1.31)
avec :
(
Ma⊕b= Ma+ Mb
Ra⊕b= Ra+ Rb (1.32)
Le produit de l’intervalle a par le scalaire ω ∈ < est d´efini par : • dans l’espace des bornes :
ω a = (
[ω · a−, ω · a+] , si ω ≥ 0
[ω · a+, ω · a−] , si ω < 0 (1.33)
• dans l’espace Midpoint / Radius :
ω a = (Mωa, Rωa) (1.34)
avec :
(
Mωa = ω · Ma
Rωa= |ω| · Ra (1.35)
Pour une formulation compl`ete du probl`eme de r´egression, il sera par la suite n´ecessaire de disposer d’op´erateurs ensemblistes, notamment d’une relation d’inclusion entre deux intervalles. En conservant le mˆeme formalisme que pour les op´erateurs arithm´etiques, l’inclusion de a dans b, c’est-`a-dire a ⊆ b est d´efinie comme suit :
• dans l’espace des bornes :
a ⊆ b ⇔ (
b−≤ a−
a+ ≤ b+ (1.36)
• dans l’espace Midpoint / Radius [10]
a ⊆ b ⇔ |Mb− Ma| ≤ Rb− Ra (1.37)
Il est ´egalement utile d’introduire la notion d’intersection non vide entre a et b, c’est-`a-dire a ∩ b 6= ∅, d´efinie comme suit :
• dans l’espace des bornes :
a ∩ b 6= ∅ ⇔ (
a−≤ b+
b−≤ a+ (1.38)
• dans l’espace Midpoint / Radius
a ∩ b 6= ∅ ⇔ |Mb− Ma| ≤ Ra+ Rb (1.39)
Tous ces concepts et op´erations basiques permettent maintenant de quantifier et manipuler des impr´ecisions dans un contexte de r´egression param´etrique lin´eaire, aussi bien au niveau des sorties observ´ees que des param`etres des mod`eles `a identifier.