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B) Créateur d'une identité littéraire.

1. Intertextualité et création.

"Ne vous est-il jamais arrivé, lisant un livre, de vous arrêter sans cesse dans votre lecture, non par désintérêt, mais au contraire par afflux d'idées, d'excitations, d'associations ? En un mot, ne vous est-il pas arrivé de lire en levant la tête ?"343

Nous pouvons, avant toutes choses, répondre à la critique adressée à la

Colin, Paris, 2010. Chapitre 10 "Le destin d'une oeuvre, qu'est ce qu'un classique ?". Texte 44. Italo Calvino. La machine littérature (1984). Page 136.

340Umberto, Eco. De superman au surhomme. Grasset, 1993. Format Kindle pour Amazon. Emplacement 1163.

341 Nadine, Toursel. Jacques, Vasseviere.. Littérature : textes théoriques et critiques. Armand Colin, Paris, 2010. Chapitre 2 "Les critères de qualité". Texte 8. Hans Robert Jauss. Pour une esthétique de la réception. (1972/1975). Page 39.

342Ibid.

philosophie de Paul Ricoeur que l'on pourrait également adresser à ce mémoire : on lui a reproché d'être "trop conciliant et de cacher sa pensée derrière celle

des interlocuteurs qu'il présente"344 cependant il faut y voir une modestie de sa

pensée ainsi qu'une méfiance envers "les prétentions à découvrir la vérité de

manière solitaire"345. En effet nous avons vu au cours de notre étude comment

notre lien avec les autres devient en fait source de création, et non pas de simple copie. Si l'on reprend la question de l'adaptation au cinéma on s’aperçoit que tout y est question d'intertextualité (dans les références, les manières de faire, l'inspiration, les hommages indirects...) : il existe une co-dépendance entre les genres, et la création semble passer bien souvent par ce mélange. Plutôt que de demander si l'adaptation et l'intertextualité dénaturent l’œuvre, il vaudrait mieux se demander si il n'a jamais été possible de rencontrer une œuvre pure, au sens de totalement dénuée d'intertextualité, et quelles en seraient ses qualités ? Car, comme nous le montre Calvino :

"12. Un classique est un livre qui vient avant d'autres classiques ; mais quiconque a commencé par lire les autres et lit ensuite celui-là reconnaît aussitôt la place de ce dernier dans la généalogie"346

Or il se passe exactement la même chose au niveau des références du

Comte. Tout d'abord dans l'intertextualité qu'il a engendré (toutes les créations

que nous avons étudié ci-dessus), notamment par son personnage principal qui inspirera plus d'une figure du surhomme (on retrouve ici l'idée de Monte-Cristo comme précurseur de Zarathoustra, Dumas aurait donc influencé la philosophie dans sa création : "Quoi qu'il en soit, on peut affirmer que beaucoup de la

prétendue surhumanité nietzschéenne a comme origine et modèle doctrinal non pas Zarathoustra mais le Comte de Monte-Cristo"347). Mais cette intertextualité

est surtout constitutive de l'originalité de la narration du Comte. En effet Dumas exploite les procédés narratifs :

"Dumas exploite ici judicieusement la figure de l'inversion fournit par la légende"348

"Dumas s'inscrit explicitement dans une relation intertextuelle"349

"Dumas reconnaît volontiers qu'on ne fait des livres qu'avec d'autres livres"350

344Jean, Grondin. Que sais-je, Paul Ricoeur. PUF, Paris, 2013. Introduction, page 8. 345Ibid.

346Nadine, Toursel. Jacques, Vasseviere.. Littérature : textes théoriques et critiques. Armand Colin, Paris, 2010. Chapitre 10 "Le destin d'une oeuvre, qu'est ce qu'un classique ?". Texte 44. Italo Calvino. La machine littérature (1984). Page 136.

347 Umberto, Eco. De superman au surhomme. Grasset, 1993. Format Kindle pour Amazon. cite Antonio Gramsci dans Letteratura e vita nazionale III emplacement 71

348 Alexandre Dumas. Le Comte de Monte-Cristo. Pocket classique, Paris, 1995. Tome II. Note 1. Page 496.

349 Daniel, Compère. Le Comte de Monte-Cristo, d'Alexandre Dumas. Encrage, Paris, 1998. Page 17.

Les référence à d'autres livres, d'autres figures de la littérature, d'autres histoires, mythes et légendes sont multiples et nombreuses, en commençant par le nom de Dantès qui, dors et déjà, implique et ancre le mythe dans une relation d'échange et d'inspiration avec La Divine comédie de Dante. On peut également parler des renvois et rappels à Byron, Les mille et une nuits, Simbad le marin... Les histoires passées inspirent et aident à développer l'intrigue et la narration du comte :

"Et maintenant, s'écria-t-il en se rappelant cette histoire du pêcheur arabe que lui avait raconté Faria, maintenant, Sésame, ouvre-toi !"351

La connaissance et la mémoire du passé historique littéraire permet ici à Edmond d'évoluer dans sa propre histoire et faire progresser l'intrigue, illustrant une fois de plus la puissance créatrice de nos relations d'échanges avec les livres, ainsi que le besoin de mémoire et d'adaptation / de mélange, du monde littéraire avec nos propres horizons d'attentes. L'intertextualité permet ici d'actualiser une œuvre passée tout en faisant évoluer les cadres du quotidien de celui qui s'en souvient et sait l'utiliser à bon escient. De Molière352, aux

Huguenots353, le mythe d'Icare354, Corneille355, les peintures de Léopold Robert,

de Schnetz356, jusqu'à Virgile357, Dumas nous fait voyager dans l'histoire de l'art.

Ces références ne rendant compte que de soixante-trois pages du livre, nous laissant donc imaginer le nombre et la variété du reste des références présentes dans l’œuvre. L'intertextualité devient ici cause et source de l'originalité de la narration du Comte de Monte-Cristo, qui crée sa propre identité littéraire en maniant et jouant des références :

"7. Les classiques sont des livres qui, quand ils nous parviennent, portent en eux la trace des lectures qui ont précédé la nôtre et traînent derrière eux la trace qu'ils ont laissé dans la ou les lectures qu'ils ont traversées (ou, plus simplement, dans le langage et dans les mœurs)"358

Dumas excelle dans le jeu du renvoi et du rappel, jouant de nos souvenirs et horizons d'attentes. Il crée des personnages en proie au même besoin que le lecteur : recherche constante des références intertextuelles ou réelles. L'intertextualité devient donc prétexte à la création, illustrant l'autre caractéristique de l'identité littéraire du Comte que nous allons désormais

351 Alexandre, Dumas. Le Comte de Monte-Cristo. Pocket classique, Paris, 1995. Tome I. P.313. 352 Ibid. Page 423. 353 Ibid. Page 430. 354 Ibid. Page 439. 355 Ibid. Page 458. 356Ibid. Page 485. 357Ibid. Page 486.

358Nadine, Toursel. Jacques, Vasseviere.. Littérature : textes théoriques et critiques. Armand Colin, Paris, 2010. Chapitre 10 "Le destin d'une oeuvre, qu'est ce qu'un classique ?". Texte 44. Italo Calvino. La machine littérature (1984). Page 136.

étudier : le mélange des genres.