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Nous constatons donc que l’intensit´e mod´elis´ee reproduit correctement les observations dans les r´egions ´equatoriales mais que dans les r´egions polaires, elle est syst´ematiquement trop faible. En particulier, la d´ecroissance de l’intensit´e mod´elis´ee au-dessus des pˆoles est bien plus rapide que ce qui est observ´e. Cette diff´erence entre le mod`ele et les observations peut avoir trois types d’origines. Premi`erement, il se peut que l’´etalonnage des images soit mauvais dans les r´egions po-laires, par exemple `a cause d’une sous-estimation du niveau de lumi`ere diffus´ee. Deuxi`emement, il se peut que l’intensit´e pr´edite soit trop faible parce que le mod`ele ne prend pas en compte un ou plusieurs m´ecanismes de formation de la raie, lesquels pourraient ˆetre similaires `a ceux intervenant dans la formation du spectre chromosph´erique anormal de l’h´elium. Finalement, il se peut que le mod`ele utilis´e soit correct dans son expression th´eorique, c’est `a dire que tous les m´ecanismes majeurs de formation de la raie soient pris en compte, mais que l’un des param`etres empiriques n´ecessaires `a son application num´erique soit incorrectement d´etermin´e. Nous allons maintenant examiner en d´etail chacune de ces trois possibilit´es.

1.2.1 Erreurs d’´etalonnage

La premi`ere explication possible pour expliquer les diff´erences constat´ees au-dessus des pˆoles entre le mod`ele et les observations est un d´efaut d’´etalonnage des images. Remarquons tout d’abord que comme le mod`ele et les observations sont en accord dans les r´egions ´equatoriales, si une erreur d’´etalonnage est responsable des ´ecarts observ´es au-dessus des pˆoles, celle-ci ne doit ˆetre pr´esente que dans les r´egions polaires. Trois corrections appliqu´ees lors du traitement des donn´ees peuvent ˆetre incrimin´ees : la correction des variations spatiales de r´eponse du d´etecteur,

1.2. Interpr´etation 181

la soustraction de la lumi`ere diffus´ee instrumentale et la suppression de la contribution des raies autres que celle de l’He+dans le signal enregistr´e dans la bande passante `a 30.4 nm. Nous avons fait attention `a n’utiliser que des images prises `a des dates pour lesquelles la d´egradation globale du d´etecteur est faible. De plus, l’examen de la carte de r´eponse du d´etecteur pr´esent´ee sur la figure 2.3 montre que la d´egradation du CCD au-dessus du limbe est peu importante par rapport `a la d´egradation du disque et de ce fait, la correction pour les r´egions coronales n’exc`ede pas quelques pourcents. Comme l’´ecart observ´e au-dessus des pˆoles atteint un facteur 5 environ, il est improbable qu’il puisse ˆetre expliqu´e uniquement par une mauvaise ´evaluation des variations spatiales de la r´eponse du d´etecteur dans les r´egions polaires. Il se peut aussi que le niveau de lumi`ere diffus´ee instrumentale soit sous-estim´e au-dessus des pˆoles, auquel cas l’´ecart entre les observations et le mod`ele serait un r´esidu de lumi`ere diffus´ee instrumentale. Mais le passage de Mercure devant la couronne les 15 et 16 novembre 1999 a permis de mesurer directement le niveau de lumi`ere diffus´ee instrumentale dans une large portion du champ de vue avec une bonne pr´ecision, et en particulier au-dessus du pˆole Nord. De plus, l’intervalle de distances au centre du disque solaire couvert par ces mesures va de 1.1 R `a 1.6 R , ce qui garantit une bonne connais-sance du gradient de lumi`ere diffus´ee instrumentale. Ainsi, mˆeme en supposant que le niveau absolu de lumi`ere diffus´ee mesur´e lors du passage de Mercure est erron´e, les gradients d’inten-sit´e dans les images corrig´ees devraient ˆetre corrects. Finalement, il est possible que l’´evaluation de la contribution des diff´erentes raies contaminant la bande passante `a 30.4 nm soit fausse. Dans l’´etat actuel de notre connaissance de la r´eponse spectrale de EIT, nous ne pouvons pas prouver que les r´esultats fournis par les deux m´ethodes d´ecrites dans le chapitre 4 sont corrects. Mais un faisceau d’indices tend `a indiquer que ces deux m´ethodes sont coh´erentes entre elles et donnent des r´esultats compatibles avec certaines observations spectroscopiques. Par exemple, les intensit´es des raies du Si10+et du Fe14+obtenues par la m´ethode d’analyse par DEM (voir la section 4.2) sont coh´erentes avec les intensit´es mesur´ees `a l’aide des spectrographes SERTS [3] et CDS [2]. L’´ecart constat´e dans les r´egions polaires pourrait ´eventuellement ˆetre dˆu, comme nous l’avons discut´e dans la section 4.1.3, `a une mauvaise estimation de la contribution de la raie du Fe9+. Mais l’amplitude de l’´ecart impliquerait que l’´etalonnage du second ordre de la bande passante `a 30.4 nm soit en erreur d’un facteur 10 environ, ce qui est peu probable. En conclusion, les corrections appliqu´ees aux images utilis´ees pour notre ´etude correspondent `a l’´etat actuel des connaissances de la r´eponse de l’instrument. L’analyse stricte de l’´etalonnage pr´e-vol de EIT donne des barres d’erreur d’un facteur 2 ou plus [5]. Mais la comparaison entre les observations de EIT et celles d’autres instruments montre que ces barres d’erreur sont probablement tr`es pes-simistes, l’´etalonnage ´etant en fait probablement correct `a mieux que 50% pr`es. Ainsi, mˆeme si nous ne pouvons pas d´efinitivement ´ecarter la possibilit´e d’une erreur d’´etalonnage importante, les ´ecarts d’intensit´e constat´es dans les r´egions polaires entre les pr´edictions du mod`ele et les observations de EIT sont suffisamment grands pour qu’il soit tr`es improbable qu’ils puissent ˆetre compl`etement expliqu´es de la sorte.

1.2.2 Pertinence du mod`ele

Pour expliquer les ´ecarts observ´es, nous pouvons aussi supposer que le mod`ele est intrins`eque-ment incorrect pour les r´egions polaires. La premi`ere hypoth`ese dans ce sens est que le mod`ele ne prenne pas en compte certains processus de formation de la raie de r´esonance de l’He+. En effet,

nous avons vu dans la section 1.1 qu’aucun mod`ele th´eorique n’est `a l’heure actuelle capable de reproduire de fa¸con satisfaisante le spectre chromosph´erique de l’h´elium. En particulier, l’intensit´e calcul´ee des raies est syst´ematiquement trop faible d’un facteur 5 environ par rapport aux observations. Ceci est classiquement interpr´et´e comme la signature de l’existence dans la chromosph`ere d’un ou plusieurs m´ecanismes de formation des raies de l’helium non pris en compte par les mod`eles. Dans notre cas, un d´esaccord entre le mod`ele et les pr´edictions n’´etant constat´e que dans les r´egions polaires, si de tels m´ecanismes sont pr´esents dans la couronne, ceux-ci ne doivent avoir d’effet majeur sur l’intensit´e de la raie de r´esonance de l’He+ que dans les trous coronaux. En outre, au cours de la discussion de la section 1.2, plusieurs arguments nous ont amen´e `a conclure qu’il est raisonnable de penser que les m´ecanismes anormaux `a l’œuvre dans la chromosph`ere ne sont pas pr´esents dans la couronne.

Une autre possibilit´e pour que le mod`ele soit incorrect dans les r´egions polaires est que la fraction d’ionisation d’He+ calcul´ee ne corresponde pas aux conditions physiques r´egnant dans les trous coronaux. En effet, l’intensit´e de la raie de r´esonance de l’He+est directement propor-tionnelle `a la densit´e d’ions He+pr´esents dans la couronne. Une fraction d’ionisation d’He+dans les trous coronaux plus grande que celle utilis´ee dans le mod`ele permettrait donc d’expliquer les intensit´es observ´ees. La fraction d’ionisation d’He+ est obtenue en supposant l’existence d’un ´equilibre d’ionisation dans la couronne et des fonctions de distribution des vitesses des ´electrons maxwelliennes. Il est possible que cet ´equilibre ne soit en fait pas atteint, par exemple si le temps d’ionisation des ions He+ est suffisamment grand pour qu’ils puissent traverser des r´egions de temp´eratures diff´erentes avant d’ˆetre ionis´es. D’un autre cˆot´e, des mod`eles hors ´equilibre ther-modynamique d´evelopp´es par E. H. Avrett semblent montrer que de tels effets influencent peu les fractions d’ionisation de l’h´elium [1]. Dans l’hypoth`ese o`u l’´equilibre d’ionisation existe, la fraction d’ionisation d’He+ pourrait ˆetre modifi´ee si les fonctions de distribution des vitesses des ´electrons ne sont pas maxwelliennes. Dans l’´etat actuel des possibilit´es observationnelles, il ne nous est pas possible de tester directement si la fraction d’ionisation d’He+ calcul´ee avec la m´ethode d´ecrite dans la section 2.2.1 est correcte ou non. Nous devons donc retenir la possibi-lit´e que la fraction d’ionisation d’He+ soit anormalement ´elev´ee dans les trous coronaux comme interpr´etation possible des ´ecarts constat´es entre les observations et le mod`ele.

1.2.3 Erreurs de d´etermination des param`etres solaires

Finalement, la derni`ere possibilit´e pour expliquer la diff´erence constat´ee dans les r´egions polaires entre l’intensit´e observ´ee et pr´edite est qu’une ou plusieurs des grandeurs physiques n´ecessaires `a l’application num´erique du mod`ele soient mal d´etermin´ees. L’erreur faite sur l’in-tensit´e absolue de la raie chromosph´erique ne peut pas ˆetre responsable des ´ecarts observ´es. Augmenter l’intensit´e de la raie chromosph´erique augmenterait le signal uniform´ement, mais ne modifierait pas les gradients et de plus, l’intensit´e dans les r´egions ´equatoriales serait aug-ment´ee elle-aussi. Le mˆeme argument s’applique aussi `a la largeur de la raie chromosph´erique. Comme nous avons vu dans la discussion de la section 5.5 que la largeur de la raie coronale affecte peu l’efficacit´e du processus de diffusion r´esonante, l’erreur faite sur ce param`etre ne peut pas non plus expliquer l’amplitude des ´ecarts observ´es. La densit´e ´electronique que nous avons utilis´ee, obtenue `a partir d’observations des coronographes MarkIII et LASCO/C2, est en bon accord avec les mod`eles classiques de C. W. Allen (voir la section 4.6). Ainsi, les faibles