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Article 4. Migration, mobilisation citoyenne et réseaux sociaux

2. La mobilisation citoyenne en faveur des migrants de la Route des Balkans : une typologie

2.1 Internet-based

Les associations en faveur des migrants de la Route des Balkans créées exclusivement en ligne, ont tiré principalement parti de la fonction « créative » de Facebook (Van Laer, J. & Van Aelst, P., 2010 : 1148) dont la facilité de créer un groupe est à la portée de tout un chacun, la liberté de demander à qui que ce soit d’y adhérer, également. Ainsi, au courant de l’année 2015 on a vu paraître sur la toile Refugee Aid Macedonia, Help the refugees children in Macedonia, Refugee Aid Serbia147, Refugee Aid Croatia148, Help the refugees in Macedonia149.

Refugee Aid Macedonia et Help the refugees children in Macedonia sont deux regroupements nés spontanément à l’été respectivement à l’automne 2015, et qui comprend chacune près de quatre cents membres. Si Refugee Aid Macedonia axait son activité autour de l’appel aux dons en faveur des migrants, elle a, entre temps, disparu. La page Facebook a été fermée et la dernière trace que j’en ai gardée datait de juillet 2017. Quant à Help the refugees children in Macedonia, elle existe encore mais son activité sur Facebook s’est essoufflée progressivement au point de répertorier plus que deux publications durant l’année 2017, une en 2018 et aucun en 2019. Il a tout de même été jugé important de les mentionner en raison des questions qu’elles soulèvent et qui renvoient aux limites des réseaux sociaux, sur lesquelles je reviendrai plus amplement, et à celle de la distinction entre groupe et communauté.

Un groupe ne devient communauté, notamment d’intérêts, que lorsqu’un ensemble de conditions sont réunies, parmi lesquelles il y

147 https://www.facebook.com/groups/999905293382660. Dernière consultation, le 02 novembre 2019. Ce groupe est distinct de Refugee Aid Serbia (RAS) dont il sera question plus loin.

148 www.facebook.com/groups/779761672134987. Dernière consultation, le 02 novembre 2019.

149 www.facebook.com/groups/help.mk.refugees. Dernière consultation, le 02 novembre 2019.

a principalement le sentiment d’appartenance et la dimension relationnelle (Marcoccia, 2001), qui créent une culture du partage et conditionnent simultanément les finalités de l’intérêt commun qui réunit les membres et la réflexivité qui se développe autour de cet intérêt, parmi eux. Autrement dit, qui conditionnent la maturation et la transformation, deux phases particulièrement importantes du cycle de vie d’une communauté d’intérêts (Wenger et al., 2002).

Effectivement, pour que la maturation se fasse, il est d’une part nécessaire que les relations au sein de la communauté soient intenses, - alors que Facebook ne permet pas toujours d’instaurer des liens stables parmi ses membres (Van Laer, J. & Van Aelst, P., 2010 : 1160) -, et d’autre part, qu’elle accueille un important nombre de nouveaux adhérents. Or, cette phase est la plus instable car met la communauté à un double défi : préserver son harmonie initiale tout en intégrant de nouveaux membres, ce qui est en soi un facteur de déstabilisation, et garder son dynamisme ce qui, dans la plupart du temps, requière un changement afin de perdurer. Ce changement peut être de différents ordres, allant de la création de nouvelles activités à la mise en place d’une collaboration avec d’autres communautés ou regroupements. Et c’est précisément là que Refugee Aid Macedonia et Help the refugees children in Macedonia ont échoué, une part en cessant d’exister et l’autre en n’existant plus qu’en tant que coquille vide.

Dès lors, le constant que j’en fais est que la durée d’une communauté créée exclusivement sur Facebook est soumise à l’imprévisible et dépend largement de la dimension relationnelle et l’engagement de ses membres mais également de l’histoire qu’ils réussissent ou pas, à écrire autour d’un intérêt commun qui les anime.

Pour les associations qui ont perduré au-delà de la fermeture de la Route des Balkans, il y a Refugee Aid Serbia, Refugee Aid Croatia et Help the refugees in Macedonia. Les deux premières sont des groupes fermés, c’est-à-dire que pour pouvoir en faire partie, il est nécessaire d’avoir l’approbation de l’administrateur du groupe voire des membres, alors que la troisième est un groupe ouvert, que tout le monde peut intégrer, pour autant qu’on garde un ton neutre.

Effectivement, ces groupes mettent tous, plus au moins explicitement, en garde contre les propos racistes et les incitations à la haine et à la violence qui vaudraient à l’auteur son contenu effacé et sa personne exclue. Ce faisant, ils instaurent une

communauté qui se constitue non uniquement d’un intérêt commun mais tout autant de valeurs, de pratiques, de codes et de règles, à l’exemple de cette charte de bons usages.

Les deux groupes fermés ont été crées en août respectivement en septembre 2015, et comptent 1'522150 et 449151 membres. Leurs objectifs sont similaires et se concentrent principalement sur la mobilisation de l’aide d’urgence (p.ex. récolte et/ou distribution des biens de première nécessité et des premiers soins). Leurs actions sont ponctuelles et directes, par exemple en lançant un appel aux dons. Donner de l’argent est une manière active de mobilisation citoyenne mais qui demeure peu risquée et demande peu d’engagement (Garrett, 2006)152, ce qui se prête bien à un réseau social comme Facebook. Cette pratique est par ailleurs utilisée fréquemment, à différentes échelles.

Help the refugees in Macedonia s’en démarque de plusieurs points de vue. C’est une initiative qui réunit un nombre relativement important de membres, à savoir 9'194153 depuis sa création en avril 2015, dont cinq administrateurs et modérateurs de la page Facebook. Ses membres sont à la fois des nationaux et des internationaux, avec une prépondérance internationale. Elle organise et participe à plusieurs événements par an, à l’exemple de Macedonia says Welcome, organisé dans le prolongement de Europe says Welcome. European day of action for refugees, ou encore de Challenges on the Western Balkan migration Route. A pathway for European solidarity, Cooperation on the governance of migration in Western Balkans and central European countries.

L’année 2016 enregistre le nombre le plus élevé d’événements, trente-huit, entre la période allant de 2015 à 2017 et qui coïncide avec la période de suivi de cette initiative sur Facebook. Help the refugees in Macedonia se mobilise de manière plus large en faveur de la cause des migrants et au sein du débat européen sur la gestion et la politique migratoire régionale et européenne.

150 https://www.facebook.com/groups/999905293382660. Dernière consultation, le 02 novembre 2019.

151 www.facebook.com/groups/779761672134987. Dernière consultation, le 02 novembre 2019.

152 Van Laer, J. & Van Aelst, P. « Internat and social movement action repertories

», Information, Communication and Society, vol. 13, no. 8, 2010, p.1152.

153 www.facebook.com/groups/help.mk.refugees. Dernière consultation, le 02 novembre 2019.