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CHAPITRE 2 TRANSPORT NEUTRONIQUE

2.1 Éléments de physique atomique et nucléaire

2.1.2 Interactions neutron noyau

De manière générale, les lois de conservation suivantes sont respectées lors d’une réaction nucléaire :

– Conservation du nombre total de nucléons ; – Conservation de la charge électrique totale ;

– Conservation de l’énergie totale (cinétique, potentielle et de masse) ; – Conservation de la quantité de mouvement totale ;

Dans les réacteurs nucléaires, les neutrons possèdent une énergie cinétique pouvant aller de 0 à 20 MeV environ. Dans cette plage énergétique, les interactions neutron - noyau se déroulent en deux étapes.

1. Le neutron incident est absorbé par le noyau cibleA

ZX. Il y a ainsi formation d’un noyau

composé et excité [A+1Z X]∗. Cette première étape est schématisée comme n + AZX → [A+1Z X]∗.

L’énergie d’excitation du noyau composé est égale à l’énergie cinétique du neutron incident plus l’énergie de liaison associée au système neutron incident/noyau cible moins l’énergie de recul du noyau composé.

2. De 10−15 à 10−13 seconde après sa formation, le noyau composé se désexcite en émet- tant au moins une particule (un photon, un nucléon ou un noyau léger). Les possibles voies de désexcitation du noyau composé, qui déterminent la nature des réactions, sont présentées au tableau 2.2. Les paragraphes suivants en font une brève description.

Tableau 2.2 Voies de désexcitation du noyau composé

Voie de désexcitation Détail de la réaction

Diffusion élastique (n, n) résonante [A+1Z X]∗ → A ZX + n

Diffusion inélastique (n, n0) [A+1Z X]∗ → A

ZX

+ n0 Capture radiative (n, γ) [A+1Z X]∗ → A+1Z X + γ Transmutation (n, p) [A+1Z X]∗ → A

Z−1Y + p

(n, α) [A+1Z X]∗ → A−3Z−2Y + α Réactions (n, xn) [A+1Z X]∗ → A+1−x

Z X + xn Fission (n, f ) [ A+1 Z X] ∗ A1 Z1Y1 + A2 Z2Y2+ (νp+ νd)n + γp+ γd+ y(β+ νe) Diffusion

La diffusion n’altère pas la nature du noyau cible, mais peut altérer l’état de celui-ci. Une fraction de l’énergie cinétique du neutron incident est généralement transférée de manière définitive au noyau cible. Si, après la réaction, le noyau cible est laissé à l’état fondamental, la réaction est dite élastique. Dans ce cas, il y a conservation de l’énergie cinétique totale puisque le transfert d’énergie entre le neutron incident et le noyau cible ne s’est fait que

sous forme cinétique. La diffusion élastique peut se dérouler de deux manières. Elle est dite résonante lorsqu’elle passe par le noyau composé et potentielle dans le cas contraire. La diffu- sion élastique potentielle est généralement plus probable que la diffusion élastique résonante. Dans la diffusion élastique potentielle, le neutron incident et le noyau cible peuvent être vus comme deux boules de billard impénétrables.

Si, après la réaction, le noyau cible est laissé dans un état nucléaire excité, la réaction est dite inélastique. Dans ce cas, une partie de l’énergie cinétique du neutron incident est utilisée pour exciter le noyau cible. De ce fait, l’énergie cinétique totale n’est pas conservée, mais l’énergie totale du système doit toujours l’être. Globalement, la diffusion a pour effet de réduire la vitesse des neutrons.

Capture radiative

Lors d’une capture radiative, le noyau composé émet seulement un rayon gamma γ. Le nouvel isotope ainsi produit contient un neutron de plus que le noyau cible et peut être radioactif ou non. Cette réaction a une importance majeure pour les réacteurs nucléaires puisqu’elle contribue à la diminution de la population neutronique dans le cœur du réacteur. Cette réaction permet aussi la production de radioisotopes médicaux.

Transmutation

Dans le cas de la transmutation, le noyau composé émet un proton ou une particule alpha α (noyau d’hélium4

2He composé de deux neutrons et de deux protons). Cette réaction a pour effet de changer la nature chimique et conséquemment la nature isotopique du noyau cible.

Réactions (n, xn)

Le noyau composé peut émettre plusieurs neutrons (x ≥ 2). Cette réaction a pour effet de changer la nature isotopique du noyau cible en réduisant son nombre de neutrons.

Fission

Sous l’effet de l’excitation, le noyau composé se met à osciller jusqu’à prendre l’allure d’un haltère. Les deux extrémités du noyau déformé, étant toutes deux chargées positivement, se repoussent en raison de la force électromagnétique. La force nucléaire n’agissant qu’à courte portée n’est plus en mesure de retenir les deux extrémités. De cette façon, les deux extrémités se séparent (événement de scission) en deux nouveaux noyaux plus légers appelés fragments

de fission. Les fragments de fission ne sont généralement pas de mêmes tailles. Leurs nombres de masse A vont de 70 à 170 environ, 96 et 140 étant une des paires les plus probables pour l’23592 U par exemple. Rarement plus de deux fragments de fission se forment lors de cette réaction.

Les fragments de fission se trouvent généralement dans des états nucléaires très excités et vivent environ 10−12 seconde. Ils se désexcitent en émettant deux types de particules nucléaires dites promptes puisqu’émises très peu de temps après la scission. Pour commencer, les fragments de fission émettent en moyenne νp neutrons prompts par réaction. Les fragments

de fission appauvris en neutrons, encore excités, mais ne possédant pas suffisamment d’énergie pour émettre d’autres neutrons, émettent des rayons gamma prompts γp. Les noyaux résultant

de toutes ces émissions se nomment produits de fission primaires.

Les produits de fission primaires sont généralement instables puisqu’ils possèdent encore trop de neutrons comparativement aux protons pour former des noyaux stables. Afin de ré- duire le ratio neutrons/protons, chaque produit de fission primaire a le potentiel d’enclencher une chaîne de désintégrations, produisant plusieurs particules nucléaires et produits de fission secondaires instables, qui se termine lorsqu’un noyau stable est atteint. La demi-vie des pro- duits de fission (A1

Z1Y1et

A2

Z2Y2) varie d’une fraction de seconde à plusieurs milliers d’années. Le

Tableau 2.3 Voies de désintégration des produits de fission

Voie de désintégration Détail de la réaction

Émission βA

ZX → AZ+1Y + e + νe

Émission de neutron AZX → A−1Z X + n Émission de rayon gamma A

ZX

A ZX + γ

tableau 2.3 présente les principales voies de désintégration des produits de fission radioactifs. Les produits de fission se désintègrent la plupart du temps par émission β−, réaction au cours de laquelle le noyau émet un électron et un antineutrino électrique en transformant un de ses neutrons en proton. À l’occasion, les produits de fission se désintègrent en émettant des neutrons dits retardés puisqu’émis beaucoup plus tard, d’une fraction de seconde à quelques minutes, après la scission. En moyenne, νd neutrons retardés (d mis pour delayed) sont émis

par réaction. Des rayons gamma retardés γd peuvent également être émis par les produits de

fission. Par exemple, les isotopes métastables créés au cours de la chaîne de désintégrations retournent à leur état fondamental en émettant un rayon gamma.

Le nombre moyen de neutrons de fission émis par réaction ν = νp+ νd dépend du noyau

cible. Par exemple, dans le cas de fissions induites par des neutrons thermiques, ν = 2.48 pour l’23392 U, ν = 2.43 pour l’23592 U et ν = 2.87 pour le23994 Pu. Les neutrons retardés représentent environ 1 % des neutrons de fission. Les neutrons de fission sont très importants dans l’étude de la physique des réacteurs puisque ce sont eux qui permettent l’entretien de la réaction en chaîne en induisant, à leur tour, de nouvelles réactions de fission.

L’233

92 U, l’23592 U et le 23994 Pu sont des noyaux fissiles, car ils «[...] sont susceptibles de subir une fission sous l’effet de neutrons de toutes énergies, aussi faibles soient-elles.» (SensAgent, 2013). Le 232

90 Th, l’23892 U et le 24094 Pu sont quant à eux des noyaux fissibles, car ils «[...] se prêtent à la fission pour des neutrons dont l’énergie est supérieure à une certaine valeur appelée seuil de fission [...].» (SensAgent, 2013). Les réacteurs à fission nucléaire se divisent donc traditionnellement en deux catégories. Dans les réacteurs à neutrons thermiques, les neutrons initiant la majorité des réactions de fission ont une énergie cinétique faible (de l’ordre de 0.025 eV). En revanche, les réacteurs à neutrons rapides font usage de neutrons ayant une énergie cinétique de plusieurs dizaines d’électronvolts. Le 232

90 Th et l’23892 U sont aussi des noyaux fertiles puisqu’ils peuvent se transformer en noyaux fissiles par les réactions suivantes n +23290 Th →23390 Th β − −−−→ 22 min 233 91 Pa β− −−→ 27 j 233 92 U n +23892 U →23992 U β − −−−→ 24 min 239 93 Np β− −−→ 56 h 239 94 Pu où les demi-vies sont indiquées sous les flèches.