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1 Chapitre : Bibliographie

1.3. Effet des opérations de compactage et de traitement sur les sols

1.3.3 Interactions entre les liants et les éléments perturbateurs

 La matière organique

La matière organique peut perturber le traitement d’un sol. Il reste cependant à bien définir ce que l’on appelle matière organique. Dans les sols naturels, la matière organique du sol peut être définie comme étant de la matière carbonée produite par des êtres vivants, végétaux et animaux telle que les composés humiques (acide fulviques, acides humiques et humines évolués), les polysaccharides et les composés peptidiques… (Le Borgne, 2010). Dans les sols urbains, Beyer et al. (2001) ont montré que la matière organique du sol a une nature chimique différente. En plus de la présence d'humus et du carbone inorganique (résultant de la présence de carbonate de calcium) dans ces matériaux, le carbone technogène (COTtech) est également une source de carbone.

La matière organique communément rencontrée dans les sols superficiels de type agricole perturbe généralement le traitement des sols de plusieurs manières. Les acides organiques (acide acétique, acides humiques, acides tanniques, ETDA) empêchent la prise et donc les produits cimentaires de se former à cause des faibles valeurs du pH que ces composés imposent (Tremblay et al., 2002). Ces auteurs ont montré que les acides organiques qui induisent dans la solution du sol des pH inférieurs à 9 comme les huiles, les hydrocarbures non miscibles et les sucres de type C12H22O11 (combinaison de fructose et glucose) retardent la prise en enrobant les particules de ciment (ralentissement de l’hydratation) mais, une fois l’hydratation lancée, ces composés sont sans conséquence sur les résistances finales (Tremblay et al., 2002).

La matière organique peut également être inhibitrice de prise hydraulique car une certaine quantité de liant sera alors perdue pour le développement des réactions hydrauliques (GTR, 2000).

 Les chlorures

L’origine anthropique des chlorures est associée à plusieurs sources : épandage sur les routes, effluents industriels, eaux usées et eaux de lixiviation des déchets, épandage d’engrais… (Saussaye, 2012). Les chlorures sont également rajoutés comme adjuvants accélérateurs de prise cimentaire (Saussaye, 2012). Seule une étude de Xing et al. (2009) montre un affaiblissement des performances mécanique après l’ajout de chlorures. Ils expliquent cette chute par la réaction du Cl avec le Ca 2+ et Al2+ pour former une phase de type Ca2Al(OH)6 Cl(H2O) (ou sel de Friedel). Le développement de ce minéral inhibe la formation des silicates de calcium hydratés sans améliorer la cohésion. Le Borgne (2009) attribue une certaine dépendance des résultats de Rc au type de sol traité. En effet, il a montré qu’un dopage en chlorure d’un limon ne change pas ses performances, en revanche l’utilisation des chlorures dans un sable traité engendre une accélération de prise.

 Les composés à base de soufre

L’impact des ions sulfates sur le traitement des sols a été largement étudié et, compte tenu de l’occurrence de cet élément dans les sols urbains, une attention particulière lui est portée. Les interactions sulfates/produits de traitement donnent lieu à des dégradations de deux ordres :

une diminution des résistances mécaniques : Xing et al. (2009) ont étudié le comportement en compression simple à 28 jours des sols riches en sulfates et ont montré que la résistance baisse lorsque la concentration en sulfates augmente. Cordon (1962) et Wang (2002) ont observé également que de fortes concentrations en sulfates causaient une fissuration et une réduction de la résistance mécanique du matériau. Le Roux et al. (2000) expliquent la chute de la résistance mécanique par l’affaiblissement des propriétés liantes lors de la consommation des espèces liantes pour la formation des phases secondaires (ettringite et thaumasite). Verástegui-Flores et al. (2014) ont montré par ailleurs qu’une circulation d’eau riche en sulfates dans un sol traité

provoque une décalcification des produits cimentaires. La décalcification étant une dissolution de la portlandite et l’appauvrissement en atomes de Ca des C-S-H et autres hydrates, la conséquence directe est la chute des performances mécaniques de ces matériaux ;

des gonflements importants : le processus menant à ce type de désordre résulte également de la formation d’espèces sulfatées comme l’ettringite ou la thaumasite résultant de la dissolution dans le premier cas de l’aluminate de calcium et, dans le second cas, de la dissolution des silicates de calcium. Le processus de formation de ces minéraux est synthétisé sur la Figure 15 (Le Roux et al., 2000).

L’ettringite ou « sel de Candlot » est un « trisulfoaluminates de calcium hydraté » de formule chimique (3CaO, A12O3, 3CaSO4, 32H2O). Sa structure est représentée sur la Figure 16. Elle se

62 présente sous deux formes, qui ne diffèrent que par leur mode de cristallisation, l’ettringite primaire et l’ettringite secondaire.

Figure 15: Schéma des réactions conduisant aux minéraux sulfatés expansifs d'après Le Roux et al. (2000)

L’ettringite primaire se forme dans une matrice non durcie lors des premières phases de l’hydratation du ciment, par action du gypse sur le C3A. Elle ne présente aucun danger pour les ouvrages (l’ettringite dite d’hydratation précoce est non nocive et indispensable pour réguler la prise du ciment). L’ettringite secondaire ou différée prend naissance dans la matrice cimentaire solide. Elle est nocive dans un béton car elle provoque un gonflement du matériau. Dans le domaine des bétons, les réactions sulfatiques font l’objet de nombreuses recherches et on distingue l’attaque sulfatique interne (avec présence de sulfates initialement dans la matrice cimentaire) ou externe (lorsque les sulfates sont apportés par l’environnement au contact du béton).

Figure 16: Structure de l'ettringite (Le Roux et al., 2000 ; Moore et al., 1970)

Enfin, dans le domaine du traitement des sols, Le Borgne (2010) a proposé une synthèse bibliographique des études traitant des seuils en composés soufrés provoquant des perturbations lors du traitement (Figure 17).

Il met l’accent sur la difficulté de fixer un seuil unique qui soit valable pour tous les sols. En effet, en plus de la concentration en composés soufrés, la composition du sol est importante pour la formation des minéraux perturbateurs. La solubilisation de la silice et de l’alumine pour permettre la formation de l’ettringite ou de la thaumasite dépend de la composition des sols et, suivant la disponibilité de ces deux éléments, les réactions opérant dans le sol peuvent être différentes.

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Figure 17: Synthèse des études traitant la perturbation des prises cimentaires par les composés soufrés

(Le Borgne, 2010 ; Puppala et al., 2011)