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III. Les interactions entre la photorespiration et le métabolisme primaire dans les

2) Interactions avec le Cycle de Krebs

A la lumière, la fixation de CO2 par la RuBisCO ainsi que le cycle photorespiratoire

permettent la production de 3-PGA, qui après réduction par des enzymes du cycle de Calvin-Benson deviendra du G3P. Les trioses-phosphates peuvent être utilisés pour la production de saccharose dans le cytosol, ou la production d’amidon dans les chloroplastes (voir Ruan , 2014). Ils peuvent aussi alimenter la glycolyse (voie de dégradation des sucres en pyruvate) afin de produire du pyruvate dans le cytosol (Figure 9). Le pyruvate est ensuite transporté dans la matrice mitochondriale pour y être décarboxylé par la PDH, et produire de l’acétylCoA et du NADH, à partir de NAD et de CoA-SH. L’acétylCoA peut être utilisé par le cycle de Krebs et permettre la production de pouvoir réducteur sous forme de NADH ou FADH2 par diverses déshydrogénases (isocitrate déshydrogénase (ICDH), 2-oxoglutarate

déshydrogénase (2-OGDH), malate déshydrogénase (MDH) dans la matrice mitochondriale et la succinate déshydrogénase (SuDH) qui est associée à la membrane). Au cours de ce cycle, du CO2 sera produit par les enzymes PDH, ICDH, et 2-OGDH (Figure 9).

Le pouvoir réducteur produit par le cycle de Krebs peut être utilisé par les complexes I (NADH déshydrogénase) et II (SuDH) de la chaîne de transfert d’électrons mitochondriale. La réoxydation des molécules de NADH et de FADH2 va alors produire des protons, et initier

Figure 9. Schéma simplifié des interactions entre le cycle de Krebs et le cycle de Calvin-Benson, ainsi que la régulation de son activité par l’activité photorespiratoire mitochondriale. Encadrés blancs, enzymes cytosoliques uniquement. G3PDH, glycéraldéhyde-3-phosphate déshydrogénase ; PGK, 3-phosphoglycérate kinase ; PGPM, phosphoglycérate phosphomutase ; PK, pyruvate kinase ; PEP, phoshoenolpyruvate ; PEPc, PEP carboxylase ; PDH, pyruvate déshydrogénase ; PDK, PDH kinase ; ICDH, isocitrate déshydrogénase ; 2-OGDH, 2-oxoglutarate déshydrogénase ; SCoAS, succinylCoA synthase ; SuDH, succinate déshydrogénase ; MDH, malate déshydrogénase ; GDC/SHMT, glycine décarboxylase/sérine hydroxyméthyl aminotransférase.

un transfert d’électrons vers l’ubiquinone, puis vers les complexes III, IV et V (Schertl et Braun, 2014). Ce dernier complexe constitue l’accepteur final de la chaîne d’électrons, permettant l’oxydation de l’O2 en H2O (consommation d’oxygène). Au cours de ces réactions,

des protons passent au travers de la membrane interne des mitochondries via les complexes I, II et V, générant un gradient de protons qui sera utilisé par l’ATP synthase, produisant de l’ATP dans la matrice mitochondriale (Figure 10).

Ainsi, une des fonctions majeures du cycle de Krebs est la production de pouvoir réducteur afin d’alimenter la chaîne de transfert d’électrons mitochondriale pour la production d’ATP. Ce cycle permet aussi de fournir les squelettes carbonés nécessaires à la biosynthèse d’acides aminés, via la synthèse de 2-OG. En effet, ce dernier est nécessaire à la production du glutamate par la Fd-GOGAT, qui est ensuite utilisé pour l’assimilation de l’azote inorganique dans les chloroplastes via l’activité de la GS2 (Lancien et al., 1999 ; Hodges, 2002 ; Araujo et

al., 2008 ; Foyer et al., 2011).

L’activité du cycle de Krebs a été étudiée plus en détail chez plusieurs espèces. Chez l’épinard, des mesures de l’intensité de la respiration mitochondriale en réponse à différents substrats du cycle de Krebs ont été réalisées sur des mitochondries purifiées à partir de feuilles. Puis diverses activités de ce cycle, ainsi que la quantité des métabolites exportés ont été dosées sur ces mêmes extraits (Hanning et Heldt, 1993). Les données suggéraient que le citrate était exporté hors des mitochondries pour servir à la synthèse de glutamate via le 2- OG, tandis que l’oxaloacétate, produit par la PEPc, était convertit en malate, qui était retransformé en oxaloacétate pour servir à la production de citrate. Par contre, le succinate et le fumarate étaient très peu utilisés pour la production de malate (Hanning et Heldt, 1993). Chez Xanthium strumarium, des expériences de marquages au 13C avec du glucose ou du pyruvate solubilisé dans de l’eau simple ou lourde ont été réalisées sur des feuilles (Tcherkez

et al., 2009). Les résultats démontraient que :

- Les décarboxylations associées au cycle de Krebs étaient réduites à la lumière par rapport à l’obscurité.

- A la lumière, le fumarate était produit via l’oxaloacétate et le malate, tandis que le 2-OG était produit à partir d’un stock de citrate vacuolaire non-marqué pour la synthèse de glutamate, nécessaire à l’assimilation d’azote.

Chez Brassica napus, des expériences de marquages au 13CO2 ont montré que le glutamate

Figure 10. Schéma simplifié de la chaîne de transfert d’électrons mitochondriale. Cyt, cytochrome ; FAD, Flavine adénine dinucléotide. Le trait pointillé rouge réprésente le flux d’électrons (Adapté de Schertl et Braun, 2014).

Les auteurs ont proposé que le citrate produit durant le jour était stocké pendant la nuit, pour être réutilisé le lendemain par le cycle de Krebs (Gauthier et al., 2010).

L’activité de plusieurs enzymes du cycle de Krebs peut être régulée par la quantité de NADH et de NH4+ dans les mitochondries. En effet, il a été montré que l’activité de la PDH

mitochondriale purifiée à partir de feuilles de maïs et de pois était inhibée par de faibles concentrations en NADH (Ki = 20 µM) (Thelen et al., 1998). L’activité de l’ICDH à NAD purifiée à partir de feuilles de pois est aussi inhibée par le NADH (Ki = 180 µM)

(Igamberdiev et Gaderström, 2003). Ces données suggèrent une inhibition de l’activité de l’ICDH et de la PDH via l’augmentation des concentrations en NADH dans les mitochondries (Figure 9). Aussi, il a été démontré dans des mitochondries purifiées de jeunes plantules de pois que l’activité de la PDH kinase (PDK) était stimulée en présence de NH4Cl (dès 100 µM)

(Schuller et Randall, 1988). Chez les plantes, la PDK d’A. thaliana peut phosphoryler et inhiber le complexe PDH du maïs in vitro (Thelen et al., 2000). Ceci implique que l’accumulation de NH4+ dans les mitochondries pourrait aussi inhiber l’activité de la PDH, via

la PDK, par phosphorylation (figure 9). Donc, l’activité photorespiratoire du complexe GDC qui libère une forte quantité de NADH et de NH4+ dans les mitochondries pourrait inhiber

l’activité des enzymes PDH et ICDH (et potentiellement l’activité de toutes les déshydrogénases à NAD dans la mitochondrie) et stimuler l’activité de la PDK. En effet, sous des conditions de faibles concentrations en CO2 (forte photorespiration) et de lumière

saturante, le NADH s’accumule dans les mitochondries de protoplastes de pois (jusqu’à 500 µM) (Igamberdiev et Gaderström, 2003) et cela serait largement suffisant pour inhiber la PDH chez cette plante (Ki = 20 µM pour le NADH).

Cependant, dans la littérature, deux exemples d’expériences réalisées in vivo sont contradictoires. Des expériences de marquages du métabolisme primaire avec du

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C1-pyruvate sur des feuilles de Xanthium strumarium réalisées dans des conditions où la photorespiration est plus importante (140 et 400 µL.L-1 contre 1000 µL.L-1 CO2 dans l’air)

montrent une forte augmentation du taux de décarboxylations liés à la respiration (activités PDH, ICDH, et 2-OGDH), ainsi qu’une plus forte accumulation du marquage dans des composés intermédiaires de ce cycle (succinate et fumarate) (Tcherkez et al., 2008). Ceci proposait que l’augmentation de l’intensité photorespiratoire pouvait augmenter l’activité du cycle de Krebs. Mais, chez S. tuberosum, des marquages au 14CO2 avec des lignées antisens

. Introduction

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(due à l’inhibition de l’activité GDC) alors que parallèlement, celui lié à la respiration était augmenté chez ces lignées par rapport au contrôle (Bykova et al., 2005). Ceci démontrait qu’une diminution de l’intensité photorespiratoire pouvait augmenter l’activité du cycle de Krebs chez cette plante, contrairement à ce qui avait été observé chez Xanthium strumarium. Il reste cependant difficile de comparer ces deux expériences, avec d’un coté, le comportement métabolique de mutants photorespiratoires, et d’un autre coté, des plantes sauvages transférées quelques heures dans des atmosphères plus ou moins physiologiques.