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Article III : Un mutant photorespiratoire glycolate oxydase chez Arabidopsis thaliana

IV. La forte inhibition de la photosynthèse chez les mutants photorespiratoires

la sénescence

La sénescence est un processus de mort cellulaire programmée, jouant un rôle majeur dans la vie de la plante en remobilisant des nutriments des organes sources vers les organes en développement. Ce processus est particulièrement important pour les plantes céréalières lors du développement et au cours du remplissage du grain. Par conséquent, l’amélioration du recyclage de l’azote pendant la sénescence représente une cible de choix pour augmenter l’efficacité d’utilisation de l’azote chez des plantes d’intérêt agronomique comme c’est déjà le cas chez le colza, l’orge et le blé (Avice et Etienne, 2014 ; Distelfeld et al., 2014). Il existe deux types de sénescence : la sénescence naturelle (déclenchée par des changements dus à l’âge de l’organe et/ou de la plante) et la sénescence induite (déclenchée par des signaux environnementaux) (Schippers, 2015). Généralement, la sénescence naturelle est déclenchée

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par la forte accumulation d’hormones (éthylène, acide abscissique, acide jasmonique, acide salicylique) dans les feuilles, ou bien la diminution de la quantité de brassinostéroides. La sénescence induite peut être déclenchée par différents stress : l’obscurité prolongée, un stress sècheresse, un stress salin, une attaque de pathogènes, une faible concentration en azote dans le milieu, une forte ou faible concentration en sucres dans le milieu in vitro (van Doorn, 2008 ; Guo et Gan, 2012 ; Schippers, 2015). Dans tous les cas, cela conduit à l’expression de SAGs (Senescence Associated Genes) dont certains codent des protéases qui vont dégrader les protéines de feuilles, en particulier celles des chloroplastes (qui représentent plus de 50% des protéines totales foliaires) (Roberts et al., 2012). Les acides aminés issus de cette dégradation sont ensuite exportés vers des organes puits via le phloème (Avila-Ospina et al., 2014). En parallèle, la chlorophylle est aussi dégradée (Pruzinska et al., 2005), et l’azote qui en est issu pourra être refixé sur des acides organiques pour l’export.

Plusieurs mutants photorespiratoires développent un jaunissement de leurs vieilles feuilles après leur transfert de fort CO2 dans l’air (Timm et al., 2012). C’est le cas du mutant

amiRgox1/2 dans lequel, suite à un transfert de fort CO2 dans l’air, les feuilles les plus âgées

devenaient jaunes, tandis que les plus jeunes feuilles restaient vertes, en plus d’un retard de croissance. Les quantités de chlorophylles, de RuBisCO et de protéines totales solubles par surface dans les feuilles les plus âgées de ce mutant diminuaient fortement après 5 jours par rapport au contrôle (80% de RuBisCO, 67% de protéines totales et 70% de chlorophylles en moins). De plus, les transcrits du gène SAG12, codant une cystéine protéase spécifiquement exprimée lors de la sénescence (He et Gan, 2002) s’accumulaient 3000 fois plus dans ces feuilles après 5 jours de transfert par rapport au contrôle. Les quantités de nombreux acides aminés dans les feuilles les plus âgées du mutant amiRgox1/2 augmentaient graduellement par rapport au contrôle suite au transfert. Parmi les acides aminés détectés, plus de 50% du total était de la Gln après 5 jours de transfert chez la lignée amiRgox1/2, contre seulement 20% chez la lignée contrôle.

Ces changements de quantité de protéine, de RuBisCO, de chlorophylles et de transcrits

SAG12 dans les feuilles les plus âgées ressemblent fortement à ceux observables lors de

l’apparition de la sénescence naturelle et/ou induite chez des plantes sauvages:

- Chez A. thaliana, l’apparition de la sénescence naturelle après 50 et 85 jours ainsi que l’apparition de la sénescence induite après 4 à 6 jours d’obscurité s’accompagnent d’une

forte réduction de la quantité de RuBisCO dans les feuilles. De même, ces feuilles-là jaunissant rapidement, démontrant donc que la quantité de chlorophylles diminue aussi. En parallèle, les transcrits du gène SAG12 sont entre 1000 et 10000 fois plus accumulés dans ces conditions par rapport à la condition témoin (Keech et al., 2010).

- Chez A. thaliana, l’apparition de la sénescence induite par l’obscurité s’accompagne d’une réduction de la quantité de chlorophylles dans les feuilles (40% après 3 jours et 90% après 7 jours) (Seltmann et al., 2010).

- Chez A. thaliana, l’apparition de la sénescence naturelle s’accompagne d’une réduction de la quantité de chlorophylles dans les feuilles et d’une augmentation de la quantité de transcrits du gène SAG12 (Watanabe et al., 2013).

- Chez l’orge, l’apparition de la sénescence induite par l’obscurité s’accompagne d’une réduction de 75% de la quantité de chlorophylles, de 60% de la quantité de protéines solubles, et d’une forte diminution de la quantité de RuBisCO après 7 jours (Avila-Ospina et al., 2015).

- Chez l’orge, l’apparition de la sénescence induite par de fortes ou faibles concentrations en nitrates dans le milieu de culture s’accompagne d’une diminution de 50% de la quantité de chlorophylles et de protéines solubles, ainsi que d’une diminution de la quantité de RuBisCO dans les feuilles sénescentes par rapport aux jeunes feuilles (Avila-Ospina et al., 2015).

Ces observations démontrent que le mutant amiRgox1/2 rentre effectivement en sénescence. Des changements similaires ont été observés chez le mutant shm1-1, qui après un transfert de fort CO2 dans l’air, présente une augmentation graduelle de la quantité de Val, Ile, Phe, Trp et

Tyr associée à une augmentation de la quantité de transcrits SAG12 par rapport au contrôle. Les quantités de pigments chlorophylliens sont aussi réduites dans les feuilles de ce mutant après ce transfert par rapport au contrôle (Kuhn et al., 2013).

La ressemblance de ces symptômes de sénescence chez les mutants photorespiratoires pour les enzymes GOX et SHMT, mais aussi le phénotype de sénescence du mutant pour l’enzyme GLYK suggèrent que le ralentissement de l’activité photorespiratoire et/ou différentes conséquences dues à ce ralentissement provoqueraient le déclenchement de la sénescence chez ces mutants photorespiratoires après un transfert de fort CO2 dans l’air. Le

ralentissement de l’activité photorespiratoire inhibe la fixation de CO2 après transfert dans

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produire une pénurie de carbone. C’est le cas dans le mutant amiRgox1/2, où 50% du carbone nouvellement assimilé reste bloqué dans le glycolate. Cette pénurie pourrait donc « mimer » en partie l’induction de la sénescence par de l’obscurité prolongée, où la fixation de carbone n’a plus lieu, en plus de la dérégulation du rythme circadien (Schippers, 2015).

Par ailleurs, chez le mutant amiRgox1/2, la diminution de la photosynthèse entraine une diminution de l’allocation de carbone vers certains acides organiques liés au cycle de Krebs : le fumarate, le malate et l’oxaloacétate. Un mutant d’A. thaliana surexprimant l’enzyme malique à NAD de maïs rentre plus rapidement en sénescence que le contrôle lors d’une obscurité prolongée, avec une plus faible quantité de fumarate dans ses feuilles, mais une plus grande quantité de succinate et de malate. Les auteurs ont proposé que la pénurie de carbone mais aussi la faible quantité de certains acides organiques chez cette plante déclenchaient la sénescence (Fahnenstich et al., 2007). Toujours chez A. thaliana, l’apparition de la sénescence naturelle s’accompagne d’une diminution de la quantité de fumarate, de malate, de 2-oxoglutarate et de succinate (Watanabe et al., 2013). Chez le mutant amiRgox1/2, la quantité de fumarate et de citrate n’est pas altérée après transfert dans l’air, par contre la quantité de succinate et de malate augmentent après transfert par rapport au contrôle. Chez le mutant shm1-1, la quantité de fumarate n’augmente pas après transfert dans l’air, par contre les quantités de succinate et de malate sont aussi fortement augmentées (Kuhn et al., 2013). Malgré quelques corrélations entre les mutants photorespiratoires, le lien entre la quantité d’acides organiques liés au cycle de Krebs et le déclenchement de la sénescence reste encore un peu flou. La sénescence observée chez les mutants photorespiratoires pour les enzymes GOX, SHMT et GLYK après transfert dans l’air serait donc essentiellement déclenchée par la pénurie de carbone induite par l’inhibition de la photosynthèse. Cette sénescence serait donc ressemblante à celle induite par l’obscurité. Pourtant, la quantité de nombreux acides aminés dans les feuilles les plus âgées du mutant amiRgox1/2 et du mutant shm1-1 augmente graduellement par rapport au contrôle suite au transfert dans l’air. Or, chez l’orge, l’apparition de la sénescence induite par l’obscurité s’accompagne d’une diminution de 70% de la quantité d’acides aminés totaux dans les feuilles sénescentes par rapport aux jeunes feuilles (Avila- Ospina et al., 2015). Par contre, chez A. thaliana, l’apparition de la sénescence naturelle s’accompagne d’une augmentation de la quantité de nombreux acides aminés (Leu, Val, Ile, Thr, Ser, Ala, Trp, Tyr, Asn, Pro, Gly, Phe) (Watanabe et al., 2013). Il reste donc difficile de définir exactement le type de sénescence observé chez les mutants photorespiratoires pour les enzymes GOX, SHMT et GLYK. Au vu de nos observations, cette sénescence serait

Figure 16. Modèle de mise en place des symptômes de sénescence chez les mutants photorespiratoires, suite à un transfert de fort CO2 dans l’air.

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déclenchée par une forte inhibition de la photosynthèse dans l’air et provoquerait des symptômes liés tantôt à la sénescence naturelle, et tantôt à la sénescence induite par l’obscurité.

Le déclenchement de la sénescence n’a pas été observé chez les mutants ggt1 suite à 12 jours de transfert de fort CO2 dans l’air. Cependant, l’entrée en sénescence serait essentiellement

déclenchée par une forte inhibition de l’activité photosynthétique. Or, l’inhibition de la photosynthèse chez les mutants ggt1 est d’environ 40% par rapport au contrôle contre 55% pour le mutant amiRgox1/2 et 78% pour les mutants shm1-1 et glyk1) (Dellero et al., 2015b ; Dellero et al., soumis ; Timm et al., 2012). Il existe peut-être un seuil d’inhibition de la photosynthèse, situé entre 40 et 55% d’inhibition par rapport au contrôle, qui déclencherait l’entrée en sénescence chez les mutants photorespiratoires. Il est aussi possible que d’autres facteurs s’ajoutent à l’inhibition de la photosynthèse, qui seraient spécifique pour chaque mutant et peut-être liés à leur positionnement dans le cycle photorespiratoire et les interactions avec d’autres voies métaboliques. Néanmoins, il semblerait que l’inhibition de la photosynthèse soit un facteur majeur (Figure 16).

Egalement, lorsque les mutants ggt1 et amiRgox1/2 sont cultivés dans l’air, un fort retard de croissance est observé, mais ils ne montrent aucun symptôme de sénescence après 5 semaines de croissance et pourtant, la fixation de CO2 chez ces petites plantes est réduite. L’étude des

mutants ggt1 a révélé que ces plantes s’étaient adaptées en diminuant leur croissance en même temps que la quantité de RuBisCO dans leurs feuilles, permettant ainsi de conserver leur balance carbone/azote, en accord avec leur faible fixation de CO2. Cela démontre que le

phénotype de déclenchement de la sénescence observé chez les mutants photorespiratoires serait dépendant du stade de développement des plantes. Par conséquent, il est difficile de comparer ce qu’il se passe dans des plantes transférées de fort CO2 dans l’air après 6 semaines

de croissance et des plantes cultivées en air uniquement. Il est probable que des symptômes différents seraient observables si les plantes étaient transférées dans l’air après uniquement 4 semaines de culture en fort CO2, ou bien après deux semaines, par exemple.

Perspectives à court terme:

Afin de tester l’hypothèse d’une remobilisation de l’azote des feuilles âgées sénescentes vers les jeunes feuilles chez le mutant photorespiratoire amiRgox1/2 via le transport d’acides aminés, des plantes contrôles, amiRgox1/2 et compl pourraient être cultivées en hydroponie

en fort CO2. Un « pulse » de marquage au 15NO3- 15NH4+ 99% serait réalisé quelques jours

avant leur transfert, afin d’avoir un pool d’azote marqué et en partie assimilé dans les feuilles. Puis, les quantités d’azote marquées seraient analysées dans les jeunes et les vieilles feuilles par IRMS (azote total et protéines) et GC-MS (acides aminés) à différents temps après leur transfert de fort CO2 dans l’air. Il serait aussi intéressant d’analyser les changements après un

La photorespiration est une voie majeure du métabolisme primaire des plantes qui joue un rôle déterminant pour le bon déroulement de leur croissance et de leur développement. Ceci serait en grande partie dû à sa forte connexion avec d’autres voies du métabolisme primaire comme le cycle de Calvin-Benson, la biosynthèse des acides aminés, l’assimilation de l’azote, le cycle de Krebs et le métabolisme C1. Au cours de cette thèse, nous avons essayé

d’apporter des éléments de réponse sur le(s) mécanisme(s) d’inhibition de la photosynthèse chez les mutants photorespiratoires, mais aussi sur le processus de déclenchement de la sénescence chez certains de ces mutants suite à un transfert de fort CO2 dans l’air. L’analyse

des mutants ggt1 dans l’air et suite à un transfert de fort CO2 dans l’air, a permis de proposer

un modèle pour expliquer leur phénotype dans l’air, qui est étroitement lié à la régulation de leur balance carbone/azote. La caractérisation de ces mécanismes a permis d’apporter des informations supplémentaires pour la compréhension du fonctionnement du métabolisme primaire chez les plantes. Cependant, tout n’est pas encore connu en ce qui concerne le cycle photorespiratoire. Par exemple, l’identification de certains transporteurs de métabolites