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II. La photorespiration

4) Intérêts agronomiques liés à la photorespiration

Dans un contexte d’augmentation de la population mondiale et de changement climatique, il est devenu urgent d’obtenir des plantes avec un fort rendement, une meilleure résistance aux stress et/ou utilisant peu d’intrants. Le cycle photorespiratoire étant associé à des pertes de carbone et d’ammonium (au niveau du complexe GDC), ainsi que d’énergie (consommation d’ATP par la glycérate kinase), il est devenu une cible privilégiée pour l’amélioration des plantes (Maurino et Weber, 2013). Dans ce contexte, la suppression ou la réduction du cycle photorespiratoire chez les plantes d’intérêt agronomique pourrait permettre d’augmenter la fixation de carbone tout en limitant les pertes en carbone, en azote et en énergie, conduisant donc à l’augmentation de leur biomasse. Plusieurs cibles peuvent être utilisées pour réduire la photorespiration, par exemple l’augmentation de la fixation de CO2 et/ou une diminution de la

fixation d’O2,par la RuBisCO. Cependant, le facteur de spécificité de la RuBisCO (ratio entre

les Vmax et Km pour l’O2 et le CO2) n’est pas modifiable par mutagénèse, et les tentatives de

mutagénèse sur la grande sous-unité de la RuBisCO pour augmenter l’activité catalytique, par transformation de chloroplastes, ne sont pas encore assez développées pour l’application àdes plantes d’intérêt agronomique (Parry et al., 2013). Une autre possibilité serait le remplacement de sous-unités de la RuBisCO de plantes d’intérêt agronomique par celles venant d’autres espèces avec des propriétés plus avantageuses. Mais les résultats ne sont pas

Figure 7. Différentes voies alternatives déjà réalisées chez des plantes afin de réduire les pertes photorespiratoires. En bleu, la voie du glycérate de la bactérie E. coli ; En vert, la voie de l’oxydation du glycolate ; En rouge, la voie du catabolisme du glyoxylate. RuBisCO, ribulose-1,5-bisphosphate carboxylase/oxygenase;PGP,2-phosphoglycolate phosphatase; GOX, glycolate oxydase; CAT, catalase; GGAT, glutamate:glyoxylate aminotransférase; GDC, complexe glycine décarboxylase; SHMT, sérine hydroxymethyl transférase; SGAT, sérine:glyoxylate aminotransférase; HPR, hydroxypyruvate réductase; GLYK, glycérate kinase; GS, glutamine synthétase; GOGAT, glutamine 2-oxoglutarate aminotransférase; GLCD, glycolate déshydrogénase; GCL, glyoxylate carboligase; HYI, hydroxypyruvate isomerase; TSR, tartronate semialdehyde

réductase; MS, malate synthase; NADP-ME, enzyme malique à NADP; PDH, pyruvate déshydrogenase ; RuBP, ribulose-1,5-bisphosphate; THF, tétrahydrofolate; 5,10-CH2-THF, 5,10-méthylène-THF (Maurino et Weber,

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encourageants (voir Singh et al., 2014). Les cyanobactéries possèdent des carboxysomes, complexes de plusieurs protéines dont la RuBisCO et l’anhydrase carbonique, qui permettent de fortement concentrer le CO2 au voisinage de la RuBisCO. Récemment, l’introduction des

protéines du carboxysome de Synechococcus chez le tabac a été réalisée, mais les plantes présentent un fort retard de croissance (Lin et al., 2014). Aussi, l’inhibition de la photorespiration à travers des mutants d’enzymes de la photorespiration pourrait être envisagée mais la présence d’un phénotype photorespiratoire confirme qu’elle est essentielle à la croissance des plantes (Timm et Bauwe, 2013). Une autre possibilité serait d’introduire une voie alternative à la photorespiration, qui agirait en parallèle et limiterait les pertes de CO2 et

d’ammonium, ou bien qui aurait un coût énergétique moins élevé. Plusieurs voies alternatives ont déjà été décrites chez A. thaliana, N. tabacum et S. tuberosum.

Cinq gènes codant trois enzymes bactériennes (glycolate déshydrogénase (GLCD), glyoxylate carboligase (GCL) et tartronate semialdehyde reductase (TSR)) de la voie du catabolisme du glycolate d’E. coli avec un adressage spécifique aux chloroplastes ont été exprimés chez A. thaliana (Figure 7, en bleu) (Kebeish et al., 2007). Cette voie alternative permet de métaboliser le glycolate en glycérate en trois étapes, sans consommation d’énergie ni production d’ammonium, et un bilan nul pour l’utilisation du pouvoir réducteur (NADH). De plus, l’étape de décarboxylation a lieu directement dans le chloroplaste, permettant d’augmenter sa refixation par la RuBisCO. De façon remarquable, ces plantes ont 30% de diamètre de rosette en plus dans l’air et 50% de masse sèche en plus dans les feuilles et les racines. Des expériences de marquages au

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CO2 et de mesure du « Post-Illumination Burst » ont montré que l’étape de

décarboxylation de la GDC était réduite de moitié chez ces plantes (Kebeish et al., 2007). Aussi ces lignées montrent une augmentation de 50% de leur assimilation nette de CO2

par rapport au contrôle. Il faut noter que des changements significatifs sont déjà observables avec les plantes ne surexprimant que les 3 sous-unités de la GLCD. Mais ces lignées ne sont pas très stables d’une génération à l’autre (Kebeish et al., 2007).

 Deux gènes codant deux enzymes bactériennes de la voie du catabolisme du glyoxylate de

E. coli (Glyoxylate carboligase (GCL) et Hydroxypyruvate isomérase (HYI)) avec un

adressage peroxysomal, ont été surexprimés de façon transitoire chez

N. tabacum(Carvalho et al., 2011). Cette voie alternative permet de métaboliser le glyoxylate en hydroxypyruvate avec la production de CO2 uniquement, limitant ainsi les

pertes d’ammonium (Figure 7, en vert). Cependant les plantes transformées exprimant les gènes codant pour la GCL, ou bien pour la GCL et la HYI, présentent des lésions nécrotiques au niveau des feuilles après un transfert de fort CO2 dans l’air, associées à une

accumulation de glycine et de sérine. Des expériences avec du 14C-glycolate ont montré que la glycine et la sérine étaient légèrement moins marquées dans les plantes transformées, suggérant une très faible activité de la voie alternative. La présence de la protéine GCL a pu être détectée dans les feuilles, mais pas celle de HYI. Ceci impliquerait que la majeure partie du glyoxylate serait décarboxylé dans le peroxysome sans être pris en charge par la suite, conduisant à des pertes en carbone encore plus importantes dans l’air (Carvalho et al., 2011).

 Deux gènes codant deux enzymes végétales (GOX et Malate Synthase (MS)) avec un adressage chloroplastique ont été surexprimés chez A. thaliana (Fahnenstich et al., 2008) (Figure 7, en rouge). Cette voie alternative utilise aussi la NADP-ME et la pyruvate déshydrogénase (PDH) déjà présentes dans le chloroplaste. Elle permet de convertir le glycolate en acétyl-CoA, avec la production de pouvoir réducteur (NADH et NADPH), une double décarboxylation au voisinage de la RuBisCO (qui peut augmenter sa réassimilation), et pas de perte d’ammonium. Cependant, les plantes transformées (GOX-MS) présentaient un fort retard de croissance dans l’air, absent en conditions de fort CO2. Comme la GOX produit de l’H2O2 dans le chloroplaste par cette voie

alternative, le gène codant la catalase a été rajouté avec un adressage chloroplastique afin de métaboliser l’H2O2 produit (Figure 7, en rouge) (Maier et al., 2012). Les plantes

transformées résultantes (GMK3) ont 20% de feuilles de rosette en plus, avec une masse fraîche et sèche de la partie aérienne 30% plus importante que le contrôle dans l’air. De même, elles accumulent plus d’amidon dans les feuilles par rapport au contrôle. Mais les feuilles des mutants sont moins épaisses, avec une quantité de pigments chlorophylliens par surface diminuée et une assimilation nette de CO2 inchangée par rapport au contrôle

(Maier et al., 2012).

Les gènes codant les trois sous-unités de l’enzyme glycolate déshydrogénase (GLCD ; D, E et F) d’E. coli avec un adressage chloroplastique (comme dans Kebeish et al., 2007 chez

A. thaliana) ont été introduit chez S. tuberosum (Nölke et al., 2014). Cette construction permet l’expression simultanée des trois sous-unités de la GLCD, afin de produire une polyprotéine. De plus, cette enzyme peut dégrader directement le glycolate en glyoxylate

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dans les chloroplastes sans produire d’H2O2 (comparé à la voie photorespiratoire qui

utilise la GOX). Etonnamment, les plantes transformées sont plus grandes, avec plus de feuilles, 25% de photosynthèse en plus, et une intensité photorespiratoire réduite par rapport au contrôle. Les plantes accumulent plus de glucose, fructose, sucrose, et d’amidon dans les feuilles par rapport au contrôle. De plus, la masse des tubercules est doublé (2,3 fois plus de masse) chez ces plantes.

Cette dernière voie alternative offre des résultats prometteurs par rapport aux autres (augmentation du rendement d’une plante d’intérêt agronomique).

Récemment, la surexpression des sous-unités H ou L du complexe GDC a été réalisée chez A.

thaliana, et les résultats, quoi que surprenants, offrent des perspectives pour l’amélioration

des plantes via l’augmentation de l’activité du cycle photorespiratoire.

La séquence codante la protéine H du complexe GDC de Flaveria pringlei a été introduite chez A. thaliana (Timm et al., 2013b). Deux lignées (FpH L17 et FpH L18) surexprimant ce gène montrent une plus grande croissance dans l’air par rapport au contrôle, avec environ 20% en plus de diamètre de rosette, de nombres de feuilles par plante, de masse fraîche et de masse sèche. Ces plantes font 15% de photosynthèse en plus que le contrôle, avec un taux de transfert d’électrons photosynthétique 30% plus important sous forte lumière (350 à 900 µmol de photons.m-2.s-1). Aussi, la quantité relative de plusieurs métabolites du cycle de Calvin (RuBP, R5P, Ru5P+X5P), de la photorespiration (glycolate, glycine, glycérate) ainsi que le ratio glycine/sérine sont réduits chez les lignées FpH L17 et FpH L18 par rapport au contrôle. Il a été proposé que la surexpression de la protéine H du complexe GDC favorisait l’activité du cycle photorespiratoire, provoquant une baisse de certains intermédiaires photorespiratoires (glyoxylate et glycine) (Timm et

al., 2013b). Ces intermédiaires exerçant un rétrocontrôle négatif sur l’activité

photosynthétique, il y aurait ainsi une levée de répression sur la photosynthèse, d’où l’augmentation de la fixation de CO2 observée dans les lignées FpH L17 et FpH L18

(Timm et al., 2013).

La séquence codante la protéine L du complexe GDC de Pisum sativum (mtLPD) a été introduite chez A. thaliana afin d’y être surexprimée de façon constitutive (Timm et al., 2015). Trois lignées résultantes (PsL-L1, PsL-L2 et PsL-L3) montrent une plus forte

croissance par rapport au contrôle dans l’air, associée à une augmentation de 15% de la fixation nette de CO2 et de l’activité photorespiratoire (décarboxylation par le complexe

GDC), mais uniquement en jours courts (pas de différences observables à partir de 12h de photopériode). Le taux de transfert d’électrons photosynthétique chez ces plantes est plus important, même sous faible intensité lumineuse, et l’état d’activation de la RuBisCO est légèrement augmenté par rapport au contrôle. Aussi, le ratio glycine/sérine est réduit de moitié chez ces lignées. De la même façon que précédemment, il a été proposé que l’augmentation de l’activité photorespiratoire abaissait la quantité de certains métabolites photorespiratoires « toxiques » pour la RuBisCO et/ou le cycle de Calvin-Benson, permettant d’obtenir une plus grande activité photosynthétique chez les lignées PsL-L1, PsL-L2 et PsL-L3 (Timm et al., 2015).

III. Les interactions entre la photorespiration et le métabolisme