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Le facteur Rho est une protéine essentielle chez les entérobactéries intervenant dans la terminaison de la transcription de l’ARN. Ce mécanisme nécessite une interaction directe entre la protéine Rho et l’ARN en cours de transcription. De nombreuses études ont permis de mieux comprendre comment se font ces interactions.

Comme dit précédemment, le domaine N-terminal de la protéine Rho contient des motifs qui lui permettraient de se lier à l’ARN. Les structures du domaine N-terminal en présence ou en absence d’ARN ont mis en évidence la présence d’un motif «OB» caractéristique des domaines de liaisons aux ADN / ARN simple brin [107,110,111]. In vitro, Rho a démontré une forte affinité pour les séquences d’ARN poly(C) qui stimulent son activité ATPase [104]. L’obtention d’une structure cristalline du domaine N-terminal de Rho lié à un oligonucléotide composé de 9 cytosines a permis de mieux comprendre l’affinité de Rho pour ce type de séquences [110]. Différentes études utilisant de grandes variétés de substrats ARN ont permis de mieux comprendre les interactions entre Rho et l’ARN [110,112]. En particulier, l’étude de la terminaison de la transcription de deux ARNm ont permis d’avancer grandement dans la compréhension de ces interactions : les ARNm trp t’ et

λ cro [53,113-115].

Les sites d’interactions de l’ARN sur Rho 2.2.1)

Ces différentes informations ont permis de montrer que Rho possède en réalité deux sites de fixations des ARN, mais possédant différentes affinités pour ces derniers [112,116,117]. Ces deux sites sont nommés respectivement site primaire et site secondaire [116].

Le site primaire d’interaction aux ARN (ou PBS : « Primary RNA Binding Sites ») correspond au site caractérisé par le motif «OB». Ce dernier est présent dans le domaine N- terminal de chacun des protomères de Rho et permet la fixation d’environ 60 à 80nt d’ARN [51,118]. Il est composé des résidus 22 à 116 [58]. Les études des structures

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cristallographiques ont mis en évidence trois régions distinctes dans le domaine N-terminal qui forment le site d’interaction primaire. La première région est composée des résidus 58 à 62 dont la leu58 et la Phe62 qui forment une poche hydrophobe [110]. La seconde région est la boucle permettant la liaison entre les feuillets β3 et β4 [59]. La dernière région est composée des résidus 103 à 110 contenant également une poche hydrophobe composée des résidus Glu108, Arg109 et Tyr110 [59] (Figure 7). Les interactions entre ce site et l’ARN nécessitent la présence de pyrimidines et plus précisément de cytosines dans ce dernier [104,116]. De plus, il a également était montré que ce site pouvait fixer des séquences d’ADN simple brin, mais avec une affinité beaucoup plus faible que pour l’ARN simple brin [26,119,120].

Le site secondaire d’interaction aux ARN est, quant à lui, localisé au niveau du domaine C-terminal de chacun des protomères de Rho (Figure 8 A). Il est constitué de deux motifs structuraux nommés Q et R-loops [109]. Les différents motifs Q-loops, composés des résidus 282 à 292, sont présents sur la partie haute du domaine C-terminal et sont dirigés vers

Figure 7 : Site primaire d’interaction aux ARN du facteur Rho.

A) Structure cristallographique de l’hexamère du facteur Rho vu du dessus (PDB = 3ICE) [14]. Chaque protomère est représenté par une couleur différente et le site primaire d’interaction aux ARN est représenté en rouge. B) Schéma représentant les interactions spécifiques entre l’ARN et Rho. Le fragment d’ARN est représenté sous forme de bâton bleu et les résidus de Rho interagissant directement avec l’ARN sont nommés et colorés en noir [14].

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le centre de la protéine [26]. Les R-loops sont, quant à elles, composées des résidus 321 à 329 et sont impliquées à la fois dans l’hydrolyse de l’ATP et la liaison à l’ARN [121]. Les R- loops sont localisés à l’interface entre les protomères au niveau du domaine C-terminal proche du site de fixation de l’ATP. Des mutants de Rho au niveau des Q et des R-loops affectent le site secondaire d’interaction [59,109,117]. À l’inverse du site primaire, ce dernier n’est spécifique qu’aux séquences d’ARN simple brin bien qu’il est une plus faible affinité que le site primaire. Les interactions entre le site secondaire et les molécules d’ARN ne semblent pas nécessiter de nucléotides spécifiques [112,116]. Ces dernières se font sur une région de 8 nucléotides et sont essentielles pour l’induction de l’hydrolyse de l’ATP [116].

Le site d’interaction de Rho sur l’ARN 2.2.2)

Environ 20 % de la terminaison de la transcription chez E. coli serait dépendante de l’action de la protéine Rho [48]. Cette terminaison s’initie lorsque Rho se lie, dans la majorité des cas, au niveau de la région terminatrice. Cette dernière n’est pas clairement définie, mais elle serait composée de deux éléments distincts sur une région d’ARN d’une taille de 150 à 200nt. La première séquence est le site « rut » (Rho Utilization) [50]. La seconde séquence est le site de terminaison de la transcription à proprement parler également nommée tsp (Transcription Stop Point) [57].

2.2.2.1) Le site rut

Bien que le site rut ne soit pas encore une séquence clairement définie, plusieurs éléments communs aux sites rut ont pu être caractérisés par les différentes études réalisées sur différents sites connus. Le site rut possède le plus souvent une taille de 70-80 nucléotides ayant un fort rapport cytosine (C) : guanine (G), peu ou pas de structure secondaire et dépourvue de ribosome [51-56]. Bien que ces éléments permettent d’identifier une grande partie des sites rut, certaines composantes restent relativement variables en fonction des sites

rut, ce qui rend difficile le fait de définir clairement ce type de site. Par exemple, la taille du

site est un élément très variable pouvant aller du simple au double en fonction des sites rut étudiés. Les études de protection de l’ARN contre l’activité de la RNase A ont montré que Rho protège un fragment de 70-80nt d’un polymère poly(C) et de l’ARNm trp t’ [118,122]. A contrario, il a également pu être montré que les 44nt définissant le site rut de l’ARNm λtR1 permettent l’induction d’une terminaison de la transcription Rho-dépendante in vitro [50,123]. Différentes études ont tenté de mieux caractériser les résidus cytosine essentiels pour

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l’induction de la terminaison Rho-dépendante dans les sites rut, mais n’ont pu clairement identifier ces derniers [124,125].

Ces différents résultats semblent indiquer que le site rut est défini comme une séquence d’ARN suffisamment longue pour être reconnu par Rho, contenant peu de structure secondaire et un fort ratio C:G.

Figure 8 : Sites d’interaction secondaires aux ARN et de fixation de l’ATP du facteur Rho.

A) Structure cristallographique de l’hexamère du facteur Rho vu du dessus lié à un fragment d’ARN et à de l’ADP-BeF (Adenosine-5’ -diphosphate Beryllium Fluoride, molécule analogue de l’ATP) (PDB = 3ICE) [14]. Les P-loop formant le site de liaison de l’ATP sont représentés en rouge et l’ADP-BeF est représenté en cyan. Le fragment d’ARN est représenté en violet, la Q- et la R-loop sont représenté en magenta et vert respectivement. B) Représentation schématique de l’interaction entre l’ARN et les différents protomères de Rho ainsi que de l’état de liaison à l’ATP. Les différents protomères sont représentés par de larges rectangles de différentes couleurs. Les Q et R- loops sont illustrés par des traits de couleurs foncées de même couleur que leur protomère. Le protomère F est représenté deux fois pour montrer son orientation avec les sous-unités A et E respectivement. Les deux moitiés des sites de fixation de l’ATP sont représentées par de petits rectangles sur chacun des protomères ; les rectangles légèrement ouverts représentent l’insertion du doigt d’arginine dans le site actif des états T* et T. Le ribose ainsi que le groupement phosphate du squelette de l’ARN est coloré en orange et numéroté selon leur ordre sur le fragment d’ARN. Les résidus protéiques interagissant avec l’ARN sont nommés. L’étoile jaune à l’interface entre les sous-unités B et C représente le maximum d’interaction entre l’ARN et la protéine [14].

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2.2.2.2) Le site de terminaison de la transcription

Si le site rut correspond au site de fixation de Rho sur l’ARNm en cours de synthèse, le site de terminaison de la transcription correspond comme son nom l’indique au site de relargage du transcrit. Bien que ce site soit connu, il est très difficile de la caractériser et pour l’instant, la seule définition existante est qu’il s’agit d’une ou plusieurs séquences d’ARN en aval du site rut et induisant une pause du complexe d’élongation [50,52,126].

Des études ont pu montrer qu’il existe un couplage cinétique entre Rho et le complexe d’élongation [127]. Ce couplage cinétique est induit par le fait qu’une fois l’ARN au niveau du site rut, Rho doit rejoindre par translocation le complexe d’élongation qui lui continue la transcription de l’ARNm afin d’effectuer le relargage du transcrit. La présence de sites de pauses aux niveaux des tsp permettrait de ralentir le complexe d’élongation et ainsi de permettre au facteur Rho de rattraper ce complexe. Les différentes études réalisées sur les sites tsp ont pu montrer que ces derniers ne sont pas responsables de la spécificité de la terminaison Rho-dépendante. Bien qu’ils soient indispensables pour la terminaison, ils peuvent être remplacés par d’autres séquences induisant des pauses transcriptionnelles [57].

Ces différents résultats semblent indiquer que le site rut est l’élément essentiel des terminateurs Rho-dépendant. Le site de terminaison de la transcription est, quant à lui, moins important et peut-être aisément remplacé tant que la séquence contient un site permettant d’induire une pause du complexe d’élongation.

Activité ATPase de Rho