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2.1.4 Organisation du chapitre

L’objectif de ce chapitre est de montrer comment le praticien peut mettre en oeuvre la méthode de Quasi-Monte Carlo pour évaluer des produits dérivés com-plexes avec une précision accrue par rapport à la méthode de Monte Carlo. Dans la seconde section, nous introduisons les outils théoriques nécessaires à la bonne compréhension des mécanismes de l’intégration Quasi-Monte Carlo en insistant sur les di¤érences fondamentales avec la méthode de Monte Carlo, notamment la di¢ culté à mesurer l’erreur d’intégration. Dans les sections 3 et 4, nous étudions les suites de Weyl et les suites de Halton, deux familles de suites équiréparties performantes. Nous montrons comment améliorer les propriétés de ces suites en vue d’une intégration numérique en grande dimension et nous proposons des algorithmes extrêmement rapides pour les générer. Dans la cinquième section, nous discutons le problème des temps de calcul, qui sont un élément détermi-nant dans le choix d’une méthode numérique. Dans la sixième section, nous appliquons la méthode de Quasi-Monte Carlo pour évaluer des produits op-tionnels : nous commençons par véri…er que la méthode de Quasi-Monte Carlo converge plus rapidement que la méthode de Monte Carlo sur une intégrale test, puis nous montrons comment combiner l’approche Monte Carlo avec l’approche Quasi-Monte Carlo pour obtenir une estimation de l’erreur systématique et une réduction de variance importante. La conclusion du chapitre est donnée dans la section 7.

de la discrépance de la suite échantillonnante et de la variation de la fonction in-tégrée. Ce résultat incite à rechercher les meilleures suites uniformes au sens de la discrépance. Dans le dernier paragraphe, nous montrons que la discrépance des suites est bornée inférieurement et qu’il existe des suites équiréparties, appelées suites à discrépance faible, pour lesquelles la discrépance asymptotique coïn-cide avec cette borne inférieure. Ces suites présentent un intérêt évident pour l’intégration Quasi-Monte Carlo, car leur très haut degré d’uniformité est la garantie d’une convergence rapide pour l’estimateur (2.2). Pour une démonstra-tion des résultats énoncés, nous renvoyons le lecteur à Niederreiter (1978, 1992) et Drmota et Tichy (1997).

2.2.1 Suites équiréparties, intégration numérique, discré-pance

L’objectif de ce paragraphe est : (i) de traduire en termes mathématiques les propriétés "visuelles" des suites équiréparties (ce sont des suites dont les points se distribuent dans le cube unité de manière homogène et uniforme), (ii) d’iden-ti…er les fonctions intégrables à l’aide de telles suites et (iii) de proposer un

"instrument" pour mesurer et comparer l’équirépartition des suites : la discré-pance.

Dé…nition d’une suite équirépartie

Dans cette section,(un)n 1désigne une suite à valeurs dans le cube unité fermé Cs = [0;1]s. La mesure de probabilité empirique induite par les N premiers points deuest dé…nie par uN =N1 PN

n=1 un, où un est la mesure de Dirac au pointun. Pour toutA Rs on a :

u

N(A) = 1 N

XN n=1

1A(un) = Cardfn2 f1; : : : ; Ng:un 2Ag

N ;

où1A(:)est la fonction indicatrice de l’ensembleA dé…nie par : 8x2Rs; 1A(x) = 1 si x2A

0 si x =2A :

Par construction, uN(A) est la proportion de points appartenant à A parmi fu1; : : : ; uNg.

Pour toutx2Cs, on désigne parJx le pavé semi-ouvert, d’extrémitéx, ancré en0:

Jxdef= [0; x[ = Ys i=1

[0; xi[; x= (x1; : : : xs)0 avec0 xi 1:

Nous donnons ci-dessous la dé…nition d’une suite équirépartie (Kuipers et Niederreiter 1974).

Dé…nition 2.1 Une suite u à valeurs dans Cs est équirépartie (ou uniformé-ment distribuée) si et seuleuniformé-ment si :

8x2Cs; lim

N!+1 u

N(Jx) = s(Jx); (2.3) où sdésigne la mesure de loi uniforme surCsde densité de probabilitéd s(x) = 1Cs(x)dx.

Cette dé…nition signi…e que la suite des mesures empiriques uN "converge" vers la mesure de loi uniforme sur tous les sous-pavés du cube unité ancrés à l’origine.

Une conséquence de la relation (2.3) est que les suites équiréparties intègrent les fonctions en escalier surCs, donc les fonctions Riemann-intégrables (car toute fonction Riemann-intégrable est limite d’une suite de fonctions en escalier). Nous détaillons ce point ci-dessous.

Classes de fonctions intégrables

Dans la méthode de Monte Carlo, l’estimateur (2.1) converge dès que f est Lebesgue-intégrable sur le cube unité. Cela est une conséquence directe de la loi des grands nombres. L’approche Quasi-Monte Carlo étant basée sur des suites déterministes, il n’est plus possible d’appliquer ce résultat pour justi…er la convergence de l’estimateur :

Q^N !

N!+1

Z

Cs

f(u)du: (2.4)

Le théorème suivant donne les familles de fonctions intégrables à l’aide des suites équiréparties (voir Drmota et Tichy (1997) pour une démonstration).

Théorème 2.1 Les propositions suivantes sont équivalentes : 1. la suite uest équirépartie,

2. (2.4) est véri…ée pour toute fonctionf continue surCs,

3. (2.4) est véri…ée pour toute fonctionf Riemann-intégrable surCs.

L’approche Quasi-Monte Carlo est donc limitée aux fonctions Riemann-intégrables.

L’exemple suivant montre qu’il n’est pas possible d’étendre (2.4) à l’ensemble des fonctions Lebesgue-intégrables sur Cs. Posons U def= fun:n2N g l’ensemble des points de la suiteu et considérons la fonction1U. Cette fonction est inté-grable sur le cube unité au sens de Lebesgue, mais pas au sens de Riemann et son intégrale est nulle. Etant donné queN1 PN

n=11U(un) = 1pour toutN2N , on en déduit quelimN!+1Q^N = 1. En conséquence, la moyenne empirique de l’échantillon ne converge pas vers la moyenne théorique de la fonction.

Remarque 2.2.1 Le point 2 du théorème 2.1 signi…e que la suite ( uN)N2N

converge étroitement vers la mesure de loi uniformeCs. Il permet d’étendre le concept de suites équiréparties aux espaces topologiques compacts, alors que la dé…nition 2.1 ne peut pas être directement transposée. Sur ce sujet, le lecteur est invité à consulter Drmota et Tichy (1997).

Nous énonçons à présent un théorème de Weyl (1916) qui est aussi connu sous le nom de "critère de Weyl" (Kuipers et Niederreiter 1974). Ce théorème est fondamental, car il montre que pour établir qu’une suite est équirépartie, il su¢ t de véri…er qu’elle permet d’intégrer une classe de fonctions particulières de la formex!e2 ihm;xiavecm2Zsn f0g.

Théorème 2.2 La suiteuà valeurs dansCsest équirépartie si et seulement si pour toutm2Zsn f0g on a :

1 N

XN n=1

e2 ihm;uniN !

!+10; (2.5)

oùhx; yi=Ps

k=1xkyk désigne le produit scalaire euclidien sur Rs.

La démonstration de la formule (2.5) repose sur le théorème de Fejér multi-dimensionnel (Bachman, Narici et Beckenstein 2000, p. 259) qui montre que toute fonction continue surCspeut être approchée uniformément par une suite de polynômes trigonométriques, c’est-à-dire par des combinaisons linéaires de fonctions de la formex ! e2 ihm;xi avec m 2 Zsn f0g. L’idée est de considé-rer une suite qui véri…e (2.5). Elle intègre donc les polynômes trigonométriques puis, par "passage à la limite", on en déduit qu’elle intègre les fonctions conti-nues (point 2 du théorème 2.1). Cela prouve que toute suite qui véri…e (2.5) est équirépartie. Réciproquement, pour montrer que toute suite équirépartie véri…e (2.5), il su¢ t de remarquer que les fonctionsx! e2 ihm;xi avec m 2Zsn f0g sont continues surCs, d’intégrale nulle et l’on conclut avec le point 2 du théo-rème 2.1. Nous renvoyons le lecteur à Kuipers et Niederreiter (1974) ou Drmota et Tichy (1997) pour les détails de la démonstration.

Discrépance d’une suite

Les suites de points éligibles à l’intégration Monte Carlo doivent passer une batterie de tests statistiques d’indépendance et d’uniformité plus ou moins exi-geants. Dans le cas de l’intégration Quasi-Monte Carlo, c’est uniquement la haute uniformité multidimensionnelle des points de la suite échantillonnante qui nous intéresse, car plus les points sont uniformément distribués, plus l’on espère obtenir une convergence rapide dans la relation (2.4). Pour mesurer l’uni-formité des suites en dimensions multiples, l’idée est de généraliser la distance de Kolmogorov-Smirnov qui est utilisée en statistiques pour tester l’adéquation de la loi empirique d’un échantillon à valeurs dansRavec une loi de probabilité donnée. Cette distance de Kolmogorov généralisée est appelée la discrépance : elle mesure la déviation de la distribution empirique des points de la suite can-didate par rapport à la mesure de la loi uniforme sur le cube unité. Le mot

"discrépance" dérive du verbe latin "discrepare" qui signi…e "être di¤érent de".

La discrépance est donc une mesure de non-uniformité, ce qui signi…e que plus la discrépance d’une suite est faible, plus la suite est uniforme. Dans ce qui suit, u1; : : : ; uN désignent lesN premiers points de la suiteu.

Dé…nition 2.2 Pour tout x2Cs, la quantité

DN(Jx; u)def= j uN(Jx) s(Jx)j (2.6) est appelée discrépance locale deu1; : : : ; uN relativement au pavé Jx.

La discrépance locale mesure l’écart entre la mesure uniforme (i.e. le volume) d’un pavé ancré à l’origine et la proportion de points de la suite qui se situent dans le même pavé. Notons que, d’après la dé…nition 2.1, la suiteuest équiré-partie si et seulement silimN!+1DN(Jx; u) = 0pour toutx2Cs.

On montre facilement3 que DN(Jx; u) prend ses valeurs dans[0;1]. En consé-quence, l’application x ! DN(Jx; u) appartient à L1 Cs . En prenant la normeL1de la discrépance locale, on dé…nit une mesure globale de l’écart entre la distribution induite par le positionnementu1; : : : ; uN dans le cube unité et la distribution uniforme (voir Drmota et Tichy 1997).

Dé…nition 2.3 On appelle discrépance à l’origine de u1; : : : ; uN la quantité : DN(u) = sup

x2Cs

DN(Jx; u) = sup

x2Csj uN(Jx) s(Jx)j: (2.7) La détermination de cette grandeur revient à identi…er l’intervalle ancré à l’ori-gine qui contient la proportion de points la plus anormalement faible ou la plus anormalement dense relativement à son volume. Etant donné que la discrépance locale est majorée par1, on a :

8N 2N ; 0< DN(u) 1 (2.8)

Par ailleurs, il est clair que plus la discrépance est petite, plus la séquence formée par u1; : : : ; uN est uniforme. La proposition ci-dessous montre que les suites équiréparties sont les suites dont la discrépance est asymptotiquement nulle.

Proposition 2.3 La suiteuest équirépartie si et seulement si : DN(u) !

N!+10: (2.9)

La discrépance à l’origine est une généralisation de la distance de Kolmogorov-Smirnov aux suites multidimensionnelles : en e¤et, lorsques= 1, on a la formule (Niederreiter 1992) :

DN(u) = max

1 n Nmax u(n)

n N ; u(n)

n 1

N

= 1

2N + max

1 n N u(n) 2n 1

N ;

3D’une part, 0 uN(Jx) 1, d’autre part 0 s(Jx) 1, donc 1 uN(Jx)

s(Jx) 1.

où u(1) < : : : < u(N) sont les N premières valeurs de la suite classées dans l’ordre croissant.

Le calcul de la discrépance à l’origine dans le cas s = 1 ne pose donc aucun problème particulier. En revanche, dès ques 2, l’estimation deDN(u)devient particulièrement délicate (Thiémard 2000a, 2000b). Montrons maintenant que la discrépance conditionne la vitesse de convergence de la quadrature Quasi-Monte Carlo.

2.2.2 Majoration de l’erreur d’intégration

Dans l’approche Monte Carlo, l’erreur d’intégration est proportionnelle à la quantitéVar [f(U)], la variance def(U), qui constitue une mesure du degré de variabilité de la fonction que l’on intègre. Pour analyser l’erreur d’intégration de la quadrature Quasi-Monte Carlo, considérer la variance de la fonction est d’un intérêt limité, car cette grandeur est de nature probabiliste. Pour cette raison, nous devons introduire une nouvelle mesure d’irrégularité pour la fonction f, appelée variation au sens de Hardy et Krause. Ce nouvel outil étant dé…ni, nous pourrons énoncer l’inégalité de Koksma-Hlawka, qui est l’une des seules formules connues pour la majoration de l’erreur d’intégration dans l’approche Quasi-Monte Carlo. Nous suivons la démarche de Niederreiter (1992).

Inégalité de Koksma-Hlawka

SoitIs l’ensemble des sous-pavés de Cs de la forme Qs i=1

h

a(i)1 ; a(i)2 i avec 0 a(i)1 < a(i)2 1. Pour toutA2 Ison note :

(f; A) = X2 l1=1

X2 l2=1

: : : X2 ls=1

h( 1)l1+ +lsf a(1)l1 ; : : : ; a(s)ls i

: (2.10)

SoitP l’ensemble des partitions deCsconstituées d’éléments deIs.

Dé…nition 2.4 (Variation au sens de Vitali) La variation au sens de Vi-tali d’une fonctionf :Cs!Rest dé…nie par :

V(s)[f] = sup

P2P

X

A2P

j (f; A)j: (2.11)

Lorsque V(s)(f) <+1, on dit quef est à variation bornée au sens de Vitali.

Lorsque la dérivée partielle @u@sf

1:::@us existe et est continue, Niederreiter (1992) démontre la relation suivante :

V(s)[f] = Z

Cs

@sf

@u1: : : @us

du1: : : dus:

Soulignons qu’une fonction peut être à variation bornée au sens de Vitali sans pour autant être di¤érentiable.

Pour tout 1 k s et pour tout jeu d’indices 1 i1 < i2 < < ik s, on dé…nit une fonction sur Ck = [0;1]k en considérant la restriction de f aux points (u1; : : : ; us) 2 Cs tels que uj = 1pourj =2 fi1; : : : ; ikg. On note V(k)[f;i1; : : : ; ik]la variation au sens de Vitali de cette nouvelle fonction. Cette quantité est appelée variationk-dimensionnelle de f au sens de Vitali.

Dé…nition 2.5 (Variation au sens de Hardy et Krause) La variation au sens de Hardy et Krause d’une fonctionf :Cs!Rest dé…nie par :

VHK[f] = Xs k=1

X

1 i1<:::<is s

V(k)[f;i1; : : : ; ik]: (2.12) Lorsque jVHK[f]j<+1, on dit que f est à variation bornée au sens de Hardy et Krause.

Nous disposons de tous les éléments pour énoncer le théorème de Koksma-Hlawka.

Théorème 2.4 (Inégalité de Koksma-Hlawka) Sif :Cs!Rest à varia-tion bornée au sens de Hardy et Krause alors, pour toute suite(un)n 1 à valeurs dansCs, on a la relation :

1 N

XN n=1

f(un) Z

Cs

f(u)du VHK[f]DN(u); (2.13) oùDN(u)désigne la discrépance à l’origine de fu1; : : : ; uNg dé…nie par (2.7).

L’inégalité (2.13) est fondamentale, car elle nous donne une indication précise sur le rôle essentiel de la discrépance des suites échantillonnantes dans l’approche Quasi-Monte Carlo. Plus précisément, il ressort que la vitesse de convergence de la méthode de Quasi-Monte Carlo dépend exclusivement des propriétés d’unifor-mité (i.e. de la discrépance) de la suite échantillonnante utilisée. Cet argument nous incite à rechercher parmi les suites équiréparties, celles dont la discrépance est arbitrairement faible. De telles suites, si elles existent, devraient permettre d’obtenir une vitesse de convergence élevée pour la quadrature (2.4). Cette ques-tion sera abordée dans le dernier paragraphe.

Auparavant, nous discutons la portée opérationnelle de l’inégalité de Koksma-Hlawka en la comparant avec la majoration de l’erreur disponible dans la qua-drature Monte Carlo.

Comparaison avec l’approche Monte Carlo

Dans la méthode de Monte Carlo, la majoration de l’erreur obtenue en appli-quant le théorème de la limite centrale :

1 N

XN n=1

f(Un) Z

Cs

f(u)du q1 =2 [f]

pN; (2.14)

oùUn est une suite de points i.i.d. de loi UCs et [f]def= p

Var [f(U)] désigne l’écart-type de la fonctionf ,q1 =2 étant le quantile d’ordre1 =2 de la loi normale standard.

En comparant les formules (2.13) et (2.14) on s’aperçoit que les deux inégalités ont la même structure mathématique, dans le sens où les propriétés de la fonc-tion à intégrer et les propriétés de la suite échantillonnante sont séparées. En e¤et, l’erreur d’approximation donnée par (2.13) est le produit deVHK[f], qui mesure l’irrégularité de la fonctionf, parDN(u), qui mesure l’irrégularité de la suite échantillonnante. De manière analogue, l’erreur d’intégration donnée par (2.14) est le produit de [f] qui mesure l’écart-type (donc l’irrégularité dans un sens probabiliste) de la fonctionf parq1 =2=p

N qui mesure la vitesse de convergence d’un échantillonnage basé sur une suite aléatoire.

Supériorité théorique de l’approche Quasi-Monte Carlo D’un point de vue théorique, la majoration de l’erreur fournie par l’inégalité de Koksma-Hlawka présente deux avantages incontestables sur la formule (2.14) :

– La formule (2.13) constitue une majoration à priori de l’erreur commise qui est e¤ective et déterministe, tandis que (2.14) est une majoration probabiliste, vraie avec une probabilité 1 seulement. En d’autres termes, il subsiste toujours une incertitude quant à l’erreur commise dans l’approche Monte Carlo, alors que l’erreur est connue de manière certaine dans l’approche Quasi-Monte Carlo.

– La vitesse de convergence de la quadrature Monte-Carlo est voisine de1=p N quelle que soit la qualité du générateur pseudo-aléatoire choisi pour e¤ectuer les calculs, tandis que la vitesse de convergence de la quadrature Quasi-Monte Carlo dépend de la qualité de la suite échantillonnante utilisée. Cela signi…e que l’on peut espérer "accélérer" la quadrature Quasi-Monte Carlo en utilisant des suites toujours mieux équiréparties.

Cependant, l’intérêt de l’inégalité (2.13) reste essentiellement théorique comme nous le discutons ci-après.

De la di¢ culté opérationnelle pour estimer l’erreur d’intégration Dé-terminer l’erreur commise dans l’intégration Quasi-Monte Carlo revient à cal-culer le produitVHK[f]DN(u). En pratique, il s’avère que cette estimation de

la variation d’une fonction4 et le calcul de la discrépance à l’origine d’une suite sont des tâches impossibles à réaliser avec des temps de calcul raisonnables. Cela est un désavantage par rapport à la méthode de Monte Carlo dans laquelle l’es-timation de l’erreur est rapide et systématique (il su¢ t de calculer la variance empirique de la fonctionf à partir de l’échantillon simulé).

Par ailleurs, l’expérience montre que la majoration (2.13) surestime fortement l’erreur commise (cf. Ökten 1997), tandis que la relation (2.14) donne une esti-mation pertinente de l’erreur d’intégration de la quadrature Monte Carlo.

En…n, la conditionjVHK(f)j<+1est restrictive, car elle impose en particulier quef soit bornée. Owen (2004) montre que cette condition est rarement véri…ée par les fonctions qui interviennent dans l’évaluation des produits optionnels.

On déduit de ces observations que, contrairement à la méthode Monte Carlo, on ne sait pas calculer e¢ cacement l’erreur commise dans une quadrature de type Quasi-Monte Carlo (Snyder 2000, Warnock 2001, Owen 2005). Ce pro-blème constitue le principal obstacle à la mise en oeuvre opérationnelle de la méthode de Quasi-Monte Carlo. Toutefois, comme nous le verrons dans la der-nière section, il est possible d’utiliser l’approche Quasi-Monte Carlo comme une méthode de réduction de variance dans l’approche Monte Carlo, ce qui permet de combiner les avantages théoriques et opérationnels des deux méthodes et, en particulier, de calculer l’erreur d’intégration.

2.2.3 Suites à discrépance faible

Comme nous l’avons souligné, la discrépance correspond au taux de convergence théorique de la méthode de Quasi-Monte Carlo. Dans ce paragraphe, nous en-visageons la possibilité de construire des suites de discrépance arbitrairement faible.

Dé…nition

Pour espèrer "battre" la quadrature Monte Carlo, il nous faut rechercher des suites de points déterministes dont la discrépance soit au moins inférieure à la discrépance d’une suite aléatoire(Un)n 1 de loi uniforme sur le cube unité. La discrépance d’une telle suite véri…e ce que l’on appelle "la loi du logarithme itéré" (cf. Tezuka 1995, p. 52) :

lim sup

N!+1

r 2N

ln lnNDN(U)p:s:= 1)DN(U)p:s:= O

rln lnN N

!

: (2.15) La relation (2.15) prouve que les suites aléatoires uniformes sont équiréparties presque-sûrement, ce qui nous permet de proposer une première dé…nition (em-pirique) du concept de suite à discrépance faible.

4Pour une ré‡exion approfondie sur le calcul de la variation d’une fonction multidimen-sionnelle, le lecteur pourra consulter Bouleau et Lépingle (1993), Owen (2004) ou Tu¢ n (1997, 2005).

Dé…nition 2.6 On dit qu’une suite équirépartie est à discrépance faible si sa discrépance est asymptotiquement meilleure que la discrépance d’une suite aléa-toire.

La dé…nition précédente donne un premier critère pour sélectionner les suites équiréparties susceptibles de donner satisfaction dans la quadrature Quasi-Monte Carlo. En revanche, elle n’indique pas s’il existe des suites dont la discrépance est inférieure àp

N 1ln lnN. Le résultat suivant, démontré par Halton (1960), répond à cette interrogation.

Théorème 2.5 Pour toute dimension s 1, il existe une suite u à valeurs dansCstelle que :

DN(u) =O (lnN)s

N : (2.16)

Notons que le théorème précédent repose sur une preuve constructive : l’auteur a explicité une famille de suites multidimensionnelles véri…ant (2.16). Ces suites sont appelées les suites de Halton et elles seront présentées en détail dans la section 2.4. On connaît aujourd’hui d’autres suites équiréparties dont la discré-pance est de l’ordre de O((lnN)s=N). Elles portent généralement le nom de leur auteur. Les plus connues sont les suites de Faure, les suites de Sobol et les suites de Niederreiter. Pour une analyse détaillée de la construction de ces suites, nous renvoyons le lecteur à Faure (1982), Niederreiter (1992), Thiémard (2000a), Jäckel (2002) et Glasserman (2004).

La conjecture suivante montre que la relation (2.16) dé…nit un ordre de grandeur optimal pour la discrépance d’une suite équirépartie (Drmota et Tichy 1997, p.

40).

Conjecture 2.6 Pour toute dimension s 1, il existe une constanteCs >0, telle que pour toute suiteuà valeurs dansCs on a l’inégalité :

DN(u) Cs

(lnN)s

N pour une in…nité de valeurs deN. (2.17) Cette conjecture a été prouvée dans le cass = 1. Il est communément admis par les spécialistes qu’elle est vraie pours 2. Cela nous amène à proposer une seconde dé…nition pour la notion de suite à discrépance faible, plus précise que la dé…nition 2.6.

Dé…nition 2.7 Une suite uà valeurs dans Cs est dite à discrépance faible, si DN(u) =O (lnNN)s .

Etant donné que la discrépance mesure la vitesse de convergence de la quadra-ture (2.4), les suites à discrépance faible (au sens de la dé…nition précédente) sont les meilleures suites équiréparties envisageables pour réaliser l’approxima-tion Quasi-Monte Carlo. Pour cette raison et a…n de souligner les analogies entre

l’approche Monte Carlo et l’approche Quasi-Monte Carlo, elles sont fréquem-ment appelées "générateurs quasi-aléatoires" par les spécialistes. Dans la suite de ce travail, nous emploierons indi¤éremment les termes "suites à discrépance faible" et "générateurs quasi-aléatoires" bien que cette désignation puisse prê-ter à confusion : en e¤et, les suites à discrépance faible n’ont absolument rien d’aléatoire. Elles reposent sur des schémas de construction déterministes qui visent à optimiser la distribution hautement uniforme des points dans le cube unité.

Malédiction de la dimension La borne optimale (2.16) pour la vitesse de convergence est une fonction croissante de la dimensionsdu problème par la pré-sence du terme(lnN)s. Cela suggère que la quadrature Quasi-Monte Carlo perd de son e¢ cacité lorsque la dimension du problème augmente. En conséquence, il faut augmenter le nombre de simulations pour maintenir l’erreur d’intégration au-dessous d’un certain seuil lorsque la dimension augmente.

Il est communément admis que pour les dimensions supérieures à 20, la supé-riorité de l’approche Quasi-Monte Carlo sur l’approche Monte Carlo devient discutable (cf. Tu¢ n 1996b, Snyder 2000). Ce phénomène bien connu des spé-cialistes de l’analyse numérique est appelé la "malédiction de la dimension"

(Judd 2006). Il s’explique par le fait que le schéma de construction déterministe des points hautement uniformes des suites à discrépance faible perd de son

ef-…cacité dans les dimensions élevées, ce qui ralentit l’obtention de la propriété d’équirépartition lorsquesdevient arbitrairement grand. Nous reviendrons sur ce point lorsque nous mettrons en oeuvre les générateurs quasi-aléatoires présen-tés dans les sections 2.3 et 2.4. En particulier, nous montrerons comment utiliser l’intégration Quasi-Monte Carlo pour traiter des problèmes en dimension élevée.

De l’intérêt pratique de la borne optimale

L’équation (2.16) donne un ordre de grandeur asymptotique pour la discrépance, c’est-à-dire valide lorsqueN !+1. En pratique, elle n’a aucune utilité pour les valeurs deN utilisées qui sont tout au plus de l’ordre quelques dizaines de milliers. La …gure 2.1 représente le comportement de la fonctionDQMC:N ! (lnN)s=Npour di¤érentes valeurs des. A…n de faciliter les comparaisons, nous avons fait …gurer sur le même graphique la courbe d’équation DMC : N ! pN 1ln lnN qui correspond à la discrépance d’une suite aléatoire uniforme.

La comparaison des di¤érentes courbes amène plusieurs remarques : (i) la fonc-tion DQMC est croissante dans un premier temps, puis elle décroît vers 0 de plus en plus lentement quand la dimension augmente, (ii) elle peut atteindre des valeurs très élevées (de l’ordre de1011 pour s= 15au point maximum de la courbe rouge) et (iii) pour les valeurs deN raisonnables (inférieures à 106), DQMCest presque toujours supérieure à la discrépance d’une suite aléatoire sauf pours= 1et s= 2.

Concernant le point (i), un calcul de @D@NQMC = (lnN)Ns 1(s lnN)con…rme la

1,0E-21 1,0E-17 1,0E-13 1,0E-09 1,0E-05 1,0E-01 1,0E+03 1,0E+07 1,0E+11 1,0E+15

1,0E+00 1,0E+02 1,0E+04 1,0E+06 1,0E+08 1,0E+10 1,0E+12 1,0E+14 1,0E+16 1,0E+18 1,0E+20 1,0E+22

Nombre de simulations = N

Discrépance Optimale

s=1 s=2 s=5 s=7 s=10 s=15 rand

Fig.2.1 –Discrépance optimale d’un générateur quasi-aléatoireDQMC= (lnNN)s pours= 1;2;5;7;10et15. A comparer avec la discrépance d’une suite aléatoire DMC=

qln lnN

N (courbe noire intituléerand).

forme observée pour les courbes (croissante puis décroissance) et montre que DQMCest maximale pourN 'esqui augmente très rapidement avecs. Concer-nant le point (ii), en appliquant la formule de Stirling (i.e. s! sse sp

2 s lorsques!+1) on obtient un équivalent du maximum atteint parDQMC :

DQMC(es) =ss es

ps!

2 s s !

!+1+1:

Le maximum de la borne optimale pour la discrépance devient très rapide-ment in…nirapide-ment grand. En…n le point (iii) montre que, pour des valeurs de N raisonnables les générateurs aléatoires ont un meilleur comportement que les générateurs quasi-aléatoires dès que la dimension est supérieure à2.

Ces di¤érentes remarques montrent que la borneDQMCn’a aucune utilité pour les valeurs raisonnables deN, car d’après la formule (2.8), la discrépance doit toujours être inférieure à 1. En conséquence, une comparaison des générateurs quasi-aléatoires basée exclusivement sur l’ordre de grandeur asymptotique de leur discrépance n’a qu’un intérêt théorique. En e¤et, la plupart des applications pratiques exigent des temps de calculs relativement courts (quelques minutes à quelques heures), ce qui impose de travailler dans un régime non-asymptotique

et avec des valeurs de N de l’ordre O 106 . Pour de telles valeurs de N, on ne dispose aujourd’hui d’aucun résultat théorique permettant d’appréhender le comportement des suites équiréparties.

On connaît aussi des suites, telles que la suite SQRT de Richtmyer, dont la discrépance asymptotique ne satisfait pas la dé…nition 2.7 et qui permettent cependant d’obtenir une convergence très rapide de la quadrature Quasi-Monte Carlo (Pagès et Xiao 1997, Takhtamyshev, Vandewoestyne et Cools 2007), ce qui soulève le problème de la mesure de la discrépance dans les régimes non-asymptotiques.

Mesure de la discrépance en régime non-asymptotique

Les études empiriques menées par Schlier (2004a, 2004b) puis Takhtamyshevet al.(2007) ont montré que l’ordre de grandeur moyen de la discrépance dans les régimes non-asymptotiques est de l’ordre de :

DN =O 1

N ; 0:6 1; (2.18)

y compris pour les grandes valeurs des. Ces résultats montrent que l’approche Quasi-Monte Carlo conduit rapidement à des taux de convergence meilleurs que l’approche Monte Carlo dans de nombreux cas. Ils illustrent le fait que : (i) les outils disponibles actuellement ne sont pas adaptés pour décrire le comporte-ment de la discrépance pour les "petites" valeurs deNet (ii) qu’ils ne permettent pas d’expliquer les bonnes performances de l’approche Quasi-Monte Carlo. On peut penser que la recherche mathématique donnera des résultats théoriques qui viendront éclairer les résultats obtenus dans les travaux cités précédemment.

Dans les deux sections suivantes nous présentons deux familles de générateurs quasi-aléatoires dont nous discutons les propriétés. Ces générateurs seront testés dans l’avant dernière section, ce qui permettra d’en évaluer les performances.