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Intégration de l’ACV de bâtiment en phase de conception

1.3 L’analyse de cycle de vie

1.3.3 Intégration de l’ACV de bâtiment en phase de conception

1.3.3.1 Outils existants

Il existe de nombreux outils d’ACV des bâtiments. Les plus importants en France sont Equer (implémenté dans Pleiades/ACV) (Polster, 1995), Elodie, Cocon-BIM, e-LICCO. Les logiciels adaptés à l’ACV à l’échelle quartier sont Equer (Popovici, 2005), NEST et Vizcab.

Différentes méthodologies sont intégrées au sein de ces outils. Concernant les allocations d’impacts pour les produits recyclés et l’énergie exportée, on distingue la méthode des stocks et la méthode des impacts évités. Dans la méthode des stocks aucun impact ni bénéfice environnemental n’est affecté au bâtiment qui fournit un produit à recycler et les impacts du recyclage des produits sont affectés au bâtiment qui utilise les produits recyclés. Si un bâtiment exporte de l’énergie aucun impact n’est attribué à la production d’énergie car il ne s’agit pas de la fonction principale du bâtiment. La méthode des impacts évités considère que le recyclage des matériaux évite la fabrication de matériau neuf. Le bénéfice environnemental du recyclage est attribué équitablement entre le bâtiment d’où vient les matériaux recyclés et le bâtiment qui les emploie. Un bâtiment qui exporte de l’énergie aura un bénéfice environnemental car il s’agit d’énergie qu’il n’a pas été nécessaire de produire par ailleurs. Cette dernière méthode est utilisée dans Equer.

La question du carbone biogénique est prise en compte dans Equer. Il s’agit de différencier les impacts du bois de forêts gérées de manière durable, du bois de forêt mal ou non gérées (Peuportier et al., 2013). Dans le cas de bois d’origine durable, un nouvel arbre est replanté et le carbone biogénique absorbé lors de la croissance de cet arbre est pris en compte. Si ce matériau est recyclé ou réutilisé le stockage se perpétue. Si le matériau est incinéré en fin de vie, le carbone biogénique stocké est réémis dans l’atmosphère. Ces émissions peuvent être réduites via l’utilisation d’un récupérateur de chaleur.

Les outils d’ACV s’appuient sur différentes bases de données environnementales, indicateurs environnementaux et méthodes de calculs des indicateurs. Parmi les bases de données existantes, les plus utilisées dans les outils français sont ecoinvent, INIES

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(produits de construction), PEP (équipements) et EPD (produits et équipements à l’échelle européenne).

La fiabilité d’Equer et d’autres outils ACV a été étudiée par intercomparaison (Peuportier et al., 2004 ; Salmon et al., 2011).

1.3.3.2 Obstacles à l’utilisation de l’ACV en conception

La pratique actuelle de l’ACV se fait généralement a posteriori pour évaluer une conception ou pour proposer une solution plus performante, elle joue peu de rôle dans les phases amont de conception qui sont pourtant les plus importantes en termes de possibilités architecturales et de performances environnementales. Rejoignant les problématiques évoquées précédemment dans la partie 1.2.1, l’utilisation des outils ACV dans les phases les plus amont de la conception connaît plusieurs obstacles identifiés par Jusselme et al. (2018) :

 La méthode ACV peut s’avérer complexe à mettre en œuvre et nécessite du temps. Les outils actuels sont peu adaptés aux phases de préconception des concours architecturaux où la contrainte de temps est grande.

 En phase amont de conception, le projet est encore peu détaillé et de nombreuses incertitudes planent sur la conception tandis que l’ACV nécessite de nombreuses données détaillées pour fournir des résultats fiables (Figure 1.12). Cette incompatibilité réduit le champ des possibles de l’écoconception et les potentiels d’amélioration des performances environnementales. Deux solutions sont possibles : la première est d’appliquer les outils sur des projets simplifiés, la seconde est d’évaluer dès la phase amont un projet détaillé mais qui contient de fortes incertitudes sur les hypothèses. Néanmoins, les résultats générés sont peu fiables. Des outils ACV simplifiés qui écartent des étapes et des aspects de l’étude peuvent également être appliqués (Malmqvist et al., 2011). Leurs résultats peuvent sous-évaluer les impacts de 10 % à 83 % par rapport à une ACV complète suivant le degré de simplification appliqué (Lewandowska et al., 2015).

changer. Des concepteurs ayant peu d’expérience en ACV peuvent trouver les résultats arbitraires et peu précis.

Peuportier et al. (2013) considèrent qu’une évaluation détaillée peut être réalisée durant les phases amont de conception grâce à l’utilisation de données génériques pour simplifier et accélérer la saisie de l’étude ACV. Ces hypothèses par défaut concernent les fiches d’impacts moyens associées aux matériaux, les distances de transport des matériaux de construction jusqu’au site, les procédés de fin de vie. Des hypothèses plus précises et adaptées au projet peuvent ensuite utilisées lorsque plus d’informations apparaissent quant aux fournisseurs.

Afin de faciliter la saisie en phase amont tout en conservant un certain degré de fiabilité, il convient de concentrer les efforts de modélisation sur les facteurs incertains les plus influents au regard des critères choisis par les décideurs. Parmi les facteurs influents identifiés par Pannier (2017) sur les émissions de CO2-équivalent, les hypothèses liées à l’occupation (nombre d’occupants, consignes de température, apports internes) peuvent être générées de manière fiable et simplifiée grâce à un modèle stochastique d’occupation (Vorger, 2014). De la même manière, l’utilisation d’un modèle de mix électrique dynamique (Roux, 2016) réduit les besoins de saisie de l’utilisateur tout en augmentant la précision de l’évaluation environnementale. D’autres facteurs influents identifiés sont : la durée de vie du bâtiment et de ses composants, le rendement du réseau d’eau, les températures extérieures, les données environnementales utilisées. Informer les décideurs sur les paramètres influents est primordial pour assurer une bonne répartition des efforts de conception dans la recherche d’information et de détail. La mise en place de références (bâtiments, hypothèses…) est également une nécessité pour guider les concepteurs.

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Figure 1.12 - Relation entre la quantité d’options de conception et la quantité de d’informations disponibles durant la phase de conception (Malmqvist et al. 2011)

1.3.3.3 Importance de l’ACV en écoconception

Malgré les difficultés entourant sa mise en œuvre, l’ACV est un outil indispensable en écoconception. Pour orienter les décideurs vers les choix de conception les plus pertinents, l’ACV doit être contextualisée pour correspondre le plus possible à la réalité locale dans laquelle le bâtiment devra s’inscrire. Ainsi Ortiz-Rodríguez et al. (2010) réalisent les ACV contextualisées de maisons situées en Espagne et en Colombie. La comparaison entre les deux pays fait apparaître de fortes différences dans les impacts et leur répartition dans le cycle de vie, par exemple la phase d’utilisation est la plus impactante en Espagne ; à l’inverse la phase de construction est la plus impactante en Colombie. La contextualisation est essentielle en conception pour identifier les stratégies d’optimisation les plus adaptées à un projet.

Stephan et al. (2013) montrent qu’un bâtiment passif situé en zone périurbaine peut être plus impactant qu’un logement en appartement en centre-ville à cause du transport des occupants. De plus, quand l’unité fonctionnelle est exprimée en impacts par m², il est plus facile de répondre aux exigences de consommation d’énergie primaire par m² du label maison passive avec un bâtiment de grande taille car, à occupation égale, les besoins de consommation sont répartis sur une plus grande surface ; par ailleurs l’énergie grise devient un contributeur important des impacts. Ces résultats montrent l’importance de

l’ACV mais aussi de la bonne définition de son cadre d’étude et de son unité fonctionnelle pour une évaluation environnementale fiable des bâtiments. Plus généralement, la bonne pratique de l’ACV permet d’éviter le problème de déplacement des impacts qui peut arriver lorsque une optimisation de la conception se concentre principalement sur un contributeur (p. ex. la performance énergétique) ou un indicateur (p. ex. l’émission de GES) en particulier (Soares et al., 2017). Cette problématique peut être rencontrée avec la généralisation des futurs bâtiments zéro-énergie et BEPOS. Le couplage de l’ACV avec des outils d’optimisation multicritère peut permettre de répondre efficacement à cette problématique.

L’optimisation multicritère de bâtiment