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1.3 L’analyse de cycle de vie

1.3.1 Les étapes de l’ACV

La démarche de l’ACV est axée autour de quatre grandes étapes illustrées à la Figure 1.5 Figure 1.5 – Principales étapes de l'ACV définie selon l'ISO 14040:2006:

i. la définition des objectifs et du champ de l’étude ; ii. la réalisation de l’inventaire de cycle de vie ; iii. l’évaluation des impacts environnementaux ; iv. l’interprétation des résultats.

La démarche de l’ACV est profondément itérative et évolutive. Les étapes successives de la définition de l’objectif et du champ de l’étude, de l’analyse de l’ICV, de l’évaluation des impacts et de l’interprétation sont réalisées plusieurs fois à mesure que de nouvelles informations deviennent disponibles et que les données s’affinent, jusqu’à atteindre un niveau satisfaisant de qualité de l’inventaire et des résultats (Figure 1.6 – Processus itératif de l’ACV. Figure traduite de ICLD Handbook – General guide for LCA detailed guidance ). Chacune des étapes est décrite dans la suite.

Figure 1.6 – Processus itératif de l’ACV. Figure traduite de ICLD Handbook – General guide

for LCA detailed guidance (European Commission - Joint Research Centre - Institute for

Environment and Sustainability, 2010)

1.3.1.1 Étape 1 : la définition de l’objectif et du champ de l’étude

Une définition claire et transparente des objectifs et du champ de l’étude évite l’interprétation erronée ou biaisée des résultats et facilite la reproductibilité et la comparaison de l’étude par des pairs. La définition de l’objectif se caractérise notamment par six points :

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 Les applications de l’étude. Une ACV peut être menée par exemple pour de l’écoconception, la comparaison de produits ou services, la labellisation, la certification ou l’évaluation d’une empreinte carbone.

 Les limites de l’étude. Elles peuvent être : le nombre d’indicateurs d’impacts retenus, certaines limites méthodologiques (étude plus ou moins détaillée) ou des limites géographiques et temporelles.

 Les raisons et les motivations de l’étude. Il s’agit de décrire le contexte décisionnel qui entoure l’étude et la nature des décisions qui pourraient être prises suivant les résultats de l’ACV.

 Le public visé en priorité par les résultats de l’étude. Il peut être interne, externe ou public, puis technique ou non technique.

 Le commanditaire de l’étude. Il doit être précisé ainsi que tous les autres acteurs qui peuvent avoir de l’influence comme des co-financeurs et des experts en ACV impliqués dans l’étude.

Une fois les objectifs fixés, le champ de l’étude est défini en accord avec les raisons de l’étude, le contexte décisionnel, les applications et les destinataires des résultats. Le champ de l’étude décrit en détail la méthodologie adoptée, la façon dont les résultats seront présentés et leur qualité. Le champ de l’étude est décrit à partir des points clés suivants :  le système d’étude, ses fonctions, son unité fonctionnelle et flux de références ;

 la méthodologie adoptée dans la modélisation de l’ICV notamment en ce qui concerne les coproduits et aspects multifonctionnels de certains procédés et produits ;

 les frontières du système ;

 le choix des catégories d’impact considérées et des méthodes de caractérisation qui leurs sont associées ;

 les types, les sources des données utilisées dans l’ICV et leur qualité en termes de représentativité et pertinence technologiques, géographiques et temporelles.

Fonction(s) du système et unité fonctionnelle

Le système d’étude est décrit par les fonctions qu’il réalise, agrégées en une unité fonctionnelle. Cette notion est centrale en ACV car elle permet la comparabilité entre

produits et services. L’analyse fonctionnelle du système permet de déterminer la ou les fonctions qui composent l’objet d’étude. L’unité fonctionnelle (UF) nomme et quantifie les aspects quantitatifs et qualitatifs de cette ou ces fonctions. Elle doit pouvoir répondre aux questions « quoi ? », « combien ? », « comment ?» et pour « pour combien de temps ? ». À cette UF est associé un flux de référence, ou plusieurs flux de référence s’il l’objet d’étude est multifonctionnel. Un flux de référence exprime une relation directe avec l’UF ou une quantité de ce produit. La comparaison entre produits est possible uniquement selon des unités fonctionnelles équivalentes, autrement cette comparaison pourrait mener à des erreurs. Dans le cas d’une comparaison de différents matériaux, ils doivent être associés à un même contexte d’usage. Par exemple, le plastique PET et le verre peuvent être comparés dans le cas d’« une bouteille en plastique PET de 1 l. » et d’« une bouteille en verre de 1 l. ». Si la comparaison concerne un même type de matériau ou un même produit, l’objectif peut être de comparer différents procédés de production, par exemple « 1 baril de diesel produit de manière chimique classique » et « 1 baril de biodiesel produit avec des résidus agricoles » (à performances égales à l’utilisation).

Modélisation de l’ICV

Les choix de modélisation de l’ICV doivent être énoncés lors de la définition du champ de l’étude et vont dépendre des objectifs de l’étude : l’approche attributionnelle et l’approche conséquentielle, l’allocation ou l’extension du système pour les produits multifonctionnels.

L’approche attributionnelle est la plus utilisée en ACV pour des raisons historiques et de praticité. Un modèle de cycle de vie attributionnel décrit le système d’étude dans une technosphère (l’ensemble des activités humaines, des procédés et des produits) statique et décrite par des données qui reflètent le panel moyen de procédés ou de technologies disponibles. L’approche conséquentielle se positionne en amont d’une décision et cherche à identifier les conséquences et les changements marginaux qu’une décision engendre sur les activités et procédés de la technosphère. Ces changements sont liés à des interactions économiques, politiques et/ou comportementales entre le système de premier plan (par exemple le bâtiment étudié) et les systèmes d’arrière-plan avec lesquels il interagit (par exemple le bâtiment étudié interagit avec le système électrique). Les procédés marginaux

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peuvent, entre autres, être liés à un changement de demande sur un produit ou service qui va causer l’activation de certains moyens de production, la construction d’une nouvelle usine ou au contraire le démantèlement d’une existante ; ou bien des changements de modes de consommation comme des effets rebond. Une des manières de modéliser ces changements marginaux est de coupler les données d’inventaire avec des modèles économiques d’équilibre généraux ou partiels de secteurs clés. Le choix entre approche attributionnelle et conséquentielle dépend principalement des objectifs de l’étude. Si l’ACV a pour but d’aider une décision, l’approche conséquentielle est la plus adaptée. Dans le cas d’une évaluation a posteriori d’un produit existant ou d’une certification, une approche attributionnelle est plus adaptée. En pratique, l’approche attributionnelle est la plus couramment utilisée de par sa facilité d’accès et son développement historique.

Les hypothèses de modélisation des procédés et produits multifonctionnels dans l’ICV font partie du champ de l’étude. Un produit ou procédé est multifonctionnel s’il délivre plus d’une fonction ou plusieurs coproduits. C’est par exemple le cas d’un incinérateur de déchet qui va éliminer des déchets, produire de la chaleur et l’électricité, ou un téléphone portable qui pourra remplir plusieurs fonctions. Il est courant de ne considérer qu’un ou une partie des fonctions ou coproduits d’un procédé multifonctionnel. Plusieurs méthodes permettent de prendre en compte ce caractère multifonctionnel dans l’ICV. Ces méthodes dépendent de l’objectif de l’étude, des données et informations disponibles, et des caractéristiques du produit ou procédé multifonctionnel. La norme ISO 14044 :2006 présente ces méthodes par ordre de priorité. La première méthode est la subdivision qui consiste à isoler directement une sous-fonction d’un procédé en collectant les données d’émissions et de ressources qui y sont directement liées. Lorsque la subdivision n’est pas possible à appliquer, la deuxième méthode est l’élargissement des frontières du système. Elle peut être appliquée de deux manières : en ajoutant des fonctions supplémentaires ou en appliquant de la substitution pour soustraire des fonctions qui sont inutiles à l’objet d’étude. Par exemple, le recyclage en fin de vie d’une cannette permet de produire de l’aluminium recyclé, mais la production d’aluminium ne fait pas partie de l’unité fonctionnelle généralement définie pour une cannette (« contenir 33 cl de boisson »). Ce coproduit de fin de vie de la cannette peut donc être soustrait du système en substituant une

de vie ce qui apporte un bénéfice au cycle de vie de la cannette s’il est réalisé. Enfin, lorsque l’extension des frontières du système n’est pas possible, il est possible de procéder à une allocation qui va distribuer les entrées et sorties du procédé aux différentes co- fonctions selon des critères d’allocation tels que la masse, le contenu énergétique, le coût, etc. En pratique il peut être difficile d’appliquer un critère d’allocation physique et une allocation économique est le plus souvent utilisée.

Frontières du système

Les frontières du système délimitent l’ensemble des procédés qui sont impliqués dans l’unité fonctionnelle et participent aux impacts environnementaux. Elles séparent le système d’étude du reste de la technosphère et de l’écosphère (l’environnement naturel). Les procédés qui font partie du système d’étude sont généralement classés entre ceux qui appartiennent au système de premier-plan et ceux qui appartiennent au système d’arrière- plan. Le système de premier-plan correspond aux procédés qui devraient être représentés par des données ou modèles spécifiques au système d’étude. Le système d’arrière-plan est généralement représenté par des données moyennes ou génériques et comprends les procédés sur lesquels ne peuvent pas agir les décideurs de l’étude. Théoriquement, toutes les activités de la technosphère peuvent être impliquées dans un produit ou une décision, mais seulement les plus pertinentes, celles qui contribuent significativement aux impacts du produit, sont retenues au sein des systèmes de premier plan et d’arrière-plan. Les procédés qui sont jugés négligeables sont séparés du système par la frontière, ils sont « cut-

off » en anglais.

Le choix des frontières du système va dépendre de l’approche de modélisation choisie : dans une approche attributionnelle les procédés inclus dans les frontières sont ceux qui participent directement au système d’étude, alors que dans une approche conséquentielle les frontières doivent être élargies pour permettre la modélisation d’interactions plus complexes. La Figure 1.7 qui délimite les flux avec la technosphère et la biosphère qui sont inclus et exclus des frontières du système. Les procédés de fin de vie se situent dans la partie aval du système d’arrière-plan.

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Figure 1.7 – Schéma illustratif des frontières d’un système d’étude

Choix des catégories d’impact et des méthodes de caractérisation

Il est préférable de déterminer dans le champ de l’étude les différentes catégories d’impact qui seront calculées dans l’étape 3, ainsi que les éventuelles méthodes de normalisation et de pondération des résultats, en fonction des objectifs fixés. La sélection de ces catégories d’impact dès l’étape 1 permet de garantir un choix non biaisé par les résultats initiaux de l’étude et d’assurer la construction d’un ICV cohérent.

Qualité des données

Les données utilisées doivent être suffisamment représentatives des produits/procédés existant dans la réalité, et ces produits/procédés doivent être les plus appropriés au regard du système d’étude. La représentativité d’un procédé est définie par une représentativité technologique, géographique et temporelle. Un procédé est approprié s’il est bien celui qui correspond au système d’étude réel. Ces trois aspects caractérisent ensemble la représentativité de l’ICV du système d’étude (voir 1.5.1.1 sur les incertitudes en ACV). L’ICV doit par ailleurs inclure les flux élémentaires nécessaires à l’évaluation des indicateurs d’impact fixés dans les objectifs : il en faut davantage pour évaluer les impacts sur la santé et la biodiversité que pour un simple bilan carbone.

1.3.1.2 Étape 2 : analyse de l’inventaire de cycle de vie (ICV)

L’étape de l’inventaire de cycle de vie commence par l’identification de tous les procédés qui sont inclus dans les frontières de l’étude définies dans l’étape précédente. Les données d’inventaire de tous les procédés sont ensuite collectées dans les quantités qui correspondent à l’unité fonctionnelle. Ces inventaires sont composés de différents types de flux entrants et sortants :

 Les flux élémentaires : ce sont les ressources naturelles et les émissions de substances échangées avec l’écosphère. Les émissions sont classées par compartiment (sol, air, eau douce, océan). Les ressources inclus aussi la transformation et l’usage des sols.

 Les flux de produits : ce sont les produits et les services qui entrent et sortent des procédés. Ces flux relient plusieurs procédés entre eux pour former la chaîne de production. Ils peuvent être des produits chimiques, des vecteurs énergétiques, des composants, des produits complexes et des services de toutes sortes.

 Les flux de déchets : ce sont les flux de déchets solides, liquides et les eaux usées qui doivent être envoyés vers des procédés de gestion des déchets.

Les données d’inventaire des procédés proviennent généralement de bases de données dont la qualité dépend des quantités de données disponibles, de leur fiabilité et de leur représentativité (géographique, technologique et temporelles). Pour les procédés de premier-plan, des données peuvent être collectées à partir de sources plus spécifiques à

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l’étude : des mesures, des factures, des questionnaires. La modélisation permet en particulier d’obtenir des données d’inventaire spécifiques au système de premier-plan et aux procédés marginaux dans une approche conséquentielle.

D’autres types d’information peuvent aussi être collectés durant cette étape comme des données statistiques sur le marché d’approvisionnement, des caractéristiques techniques et technologiques de procédés, et toute autre information qui ne concerne pas directement l’évaluation des impacts environnementaux. Tout au long de cette étape, le praticien peut découvrir de nouvelles données ou des informations qui l’amèneront à réajuster le champ de l’étude. À l’issue de cette étape les flux élémentaires de l’ICV sont agrégés sur le cycle de vie complet du système, sur des étapes du cycle de vie, des sous-parties du système ou des périodes temporelles dans le cas d’une ACV dynamique. Le résultat final doit être un ICV qui contient exclusivement des flux élémentaires qui correspondent à l’unité fonctionnelle du système d’étude, à l’exception de certains flux de déchets qui peuvent être évalués séparément.

1.3.1.3 Étape 3 : évaluation des impacts environnementaux

Dans cette étape, les flux élémentaires de l’ICV rassemblés dans l’étape précédente sont traduits en impacts selon différentes catégories. Cette étape est constituée des activités suivantes :

 La classification et la caractérisation de chaque flux élémentaire en impacts environnementaux grâce à des facteurs de caractérisation.

 Optionnellement, la normalisation des résultats en les multipliant par un facteur de référence comme la moyenne nationale, un citoyen moyen ou des méthodes de monétarisation afin d’obtenir des résultats d’impacts sans unité.

 Optionnellement, suite à la normalisation, la pondération des résultats d’impacts par des facteurs de pondération qui décrivent l’importance donnée par les décideurs à chaque catégorie d’impact.

1.3.1.4 Étape 4 : interprétation des résultats

les itérations suivantes. Enfin, lorsque que l’étude est suffisamment mature, elle sert à analyser les résultats (analyse de contribution, analyse de sensibilité, analyse d’incertitude, analyse comparative) afin d’en tirer des conclusions et des recommandations robustes.