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Cadre de définition du bâtiment zéro-énergie dans la littérature

1.2 Le bâtiment zéro-énergie

1.2.2 Cadre de définition du bâtiment zéro-énergie dans la littérature

Le bâtiment zéro-énergie n’a pas encore trouvé de consensus dans la littérature scientifique qui contient de nombreuses définitions différentes. Dans leur revue de la littérature, Athienitis et al. (2015) proposent : « un bâtiment zéro-énergie est défini comme un bâtiment qui, en moyenne sur l'année, produit autant d'énergie de sources renouvelables (électrique et thermique) qu'il n'en consomme au total. La définition la plus stricte impose la production d'énergie sur site ». Si on peut établir un critère quantitatif à partir de cette description (bilan nul annuellement), d’autres aspects restent à définir explicitement. Quels sont les seuils de tolérance de ce bilan ? Quels usages comprennent la partie consommation ? La partie production comprend-elle seulement l’autoconsommation ou aussi l’export ? S’agit-il d’énergie primaire, finale ou d’autre chose ? Quels coefficients ou poids sont attribués aux vecteurs énergétiques selon qu’ils soient renouvelables ou non ? Ces questions correspondent à quelques-uns des critères de définition d’un bâtiment zéro- énergie.

À partir de revues de la littérature, Marszal et al. (2011) et Sartori et al. (2012) proposent une liste des différents critères et aspects qui servent à définir un bâtiment zéro- énergie (Tableau 1.1). Marszal et al. (2011) comparent douze méthodologies proposées par des chercheurs impliqués dans le programme IEA SHC Task 40/ECBS Annex 52 appelé « Towards Net Zero Energy Solar Building » et identifient ces huit points clés :

Le bâtiment zéro-énergie

 période d’évaluation du bilan ;

 usages énergétiques inclus dans le bilan (frontières du bilan) ;  type de bilan ;

 options de fourniture en énergies renouvelables ;

 connexion à des réseaux d’énergie ou indépendance du bâtiment ;  efficacité énergétique ;

 interactions entre le bâtiment et le réseau.

Sartori et al. (2012) complètent ce cadre en ajoutant les aspects suivants : la frontière physique (bâtiment ou ensemble de bâtiments) ; les conditions aux limites du système ; la symétrie des échanges avec les réseaux ; des indicateurs qui caractérisent l’aspect temporel de la couverture énergétique locale ; un plan de mesures et vérification. Dans la suite, nous passons en revue les critères de définitions du bâtiment zéro-énergie.

1.2.2.1 Connexion du bâtiment au réseau

Ce critère indique si le bâtiment est connecté à un réseau d’énergie. Généralement, il s’agit d’un réseau électrique mais cela peut aussi être un réseau de gaz, un réseau de chaleur urbaine ou un réseau de froid. Le terme plus large « zero energy building » (ZEB) regroupe les bâtiments connectés au réseau et les bâtiments autonomes. Le « net zero

energy building » (NZEB) est très évoqué dans la littérature scientifique et désigne un

bâtiment connecté à au moins une infrastructure énergétique, avec laquelle il peut avoir des échanges d’énergie (Sartori et al. 2012).

Le bâtiment zéro-énergie autonome est peu avantageux et non recommandé dans un contexte européen où la plupart des réseaux énergétiques sont denses et fiables. L’impossibilité d’exporter le surplus de production serait aussi contraire à l’esprit de la directive européenne sur la performance énergétique du bâtiment qui vise à favoriser la participation des bâtiments zéro-énergie à la transition énergétique. Par ailleurs, un bâtiment autonome aura naturellement besoin de plus de systèmes pour la production et le

stockage d’énergie afin d’assurer le bilan d’énergie annuel nul à cause de la saisonnalité des besoins des occupants et des apports solaires.

Tableau 1.1 - Cadre de définition du NZEB selon (Sartori et al., 2012)

Critère principal Sous-critères

Frontières du système

 Frontière physique  Frontière du bilan  Conditions aux limites

Système de pondération

 Indicateur et coefficients de pondération  Symétrie avec le réseau

 Variation temporelle des coefficients

Bilan zéro-énergie

 Période du bilan  Type de bilan

 Efficacité énergétique

 Fourniture d’énergies renouvelables

Caractéristiques temporelles de la couverture énergétique

 Taux de couverture énergétique  Indicateur d’interaction avec le réseau

Mesure et vérification

1.2.2.2 Frontières du système

La frontière physique d’un bâtiment zéro-énergie permet d’identifier les systèmes de

production d'énergie qui sont « sur-site » ou « hors-site » (voir « fourniture d’énergie renouvelable »). Dans certains cas la frontière physique peut concerner un ensemble zéro- énergie de bâtiments dans lequel des bâtiments connectés entre eux ne respectent pas nécessairement ce critère.

Dans la partie consommation, la frontière du bilan énergétique délimite les différents usages de l'énergie qui sont inclus ou non dans le bilan zéro-énergie. Ces cinq usages principaux sont généralement inclus : chauffage, climatisation, eau chaude sanitaire,

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éclairage et consommation des auxiliaires (ventilation et équipements techniques). Il n’existe pas de consensus sur la prise en compte de l’énergie liée aux usages spécifiques des occupants : électroménager, ordinateurs, cuisine, etc. La directive européenne ne la considère pas dans le bilan zéro-énergie. Néanmoins avec l’amélioration des performances thermiques, les usages spécifiques peuvent représenter la majorité de la consommation d’un bâtiment neuf. Ces usages produisent par ailleurs des apports thermiques qui influent sur les besoins de chauffage et de climatisation. Enfin, l’autoconsommation concerne tous les usages de l’électricité ; ne pas considérer les usages spécifiques fausserait l’évaluation de la partie consommation. La frontière du bilan peut également inclure les systèmes de production d’énergie renouvelables dont la production est considérée dans le bilan2.

Les conditions aux limites déterminent les conditions de fonctionnement du

bâtiment : le site, l’usage (p. ex. résidentiel, tertiaire), le type et nombre d’usagers, la morphologie, le climat, les standards de confort, etc. Ces informations sont indispensables pour pouvoir comparer des projets entre eux.

1.2.2.3 Système de pondération

Un système de pondération est composé de coefficients de pondération permettant de convertir les usages de différents vecteurs énergétiques (électricité, gaz, bois…) dans un indicateur unique. Il se caractérise également par une manière de prendre en compte des exports (compensation/symétrie) et par le pas temporel des coefficients (annuels, mensuels, horaires).

L’indicateur le plus fréquemment utilisé est celui qui exprime une équivalence en

énergie primaire. Il est notamment utilisé dans la réglementation thermique française (Cep) et il est recommandé par la directive européenne sur la performance du bâtiment. L’énergie primaire comprend l'entièreté des processus énergétiques, de l’extraction des sources d'énergie, aux procédés de conversion, aux transports et aux réseaux de distribution.

2 https://www.buildup.eu/en/news/overview-zero-energy-buildings-does-definition-influence-their-

L’indicateur d’énergie finale est un autre indicateur qui correspond à l’énergie qui est délivrée au bâtiment.

Les coefficients de pondération convertissent les quantités de vecteurs énergétiques

vers l’indicateur choisi. La détermination des coefficients de pondération peut être subjective dans le but de favoriser ou décourager l'usage de certains vecteurs énergétiques. Attribuer un coefficient relativement faible à un vecteur énergétique particulier va encourager sa consommation et décourager sa production. Un choix plus scientifique est d’attribuer des coefficients à partir des données d’ACV.

La symétrie consiste à donner le même coefficient de pondération à l'import et à

l'export d'un vecteur énergétique sur le réseau. La symétrie signifie que l'énergie exportée sur le réseau se substitue à une production équivalente sur le réseau. Dans une approche asymétrique un même vecteur énergétique importé et exporté n’est pas pondéré des mêmes coefficients.

La résolution temporelle des coefficients dépend de l’agrégation temporelle qui est

choisie : annuelle, mensuelle, horaire. Une agrégation temporelle à l’échelle de l’année est trop grossière pour rendre compte notamment des pointes hivernales et journalières. Des coefficients de pondération mensuels représentent relativement bien les variations saisonnières tandis que l’échelle horaire retranscrit mieux les pointes journalières.

1.2.2.4 Bilan zéro-énergie

La période sur laquelle est effectué le bilan zéro-énergie est le plus souvent une

année, ce qui est aussi préconisé par la directive européenne sur la performance du bâtiment. L’usage d’autres périodes comme les mois, le cycle de vie ou quelques années peuvent mener à des choix de conception différents. Dans le cas d'un bilan annuel, la production d'électricité photovoltaïque estivale permet d'équilibrer la consommation hivernale. Un bilan mensuel nul pourrait être plus exigeant sur l’isolation thermique et la capacité de production renouvelable pour répondre aux pointes hivernales. Une période de cycle de vie ou de plusieurs années pourrait inclure l'énergie grise dans le bilan, dont une alternative est d’annualiser ces consommations et de les compter dans un bilan annuel.

Le bâtiment zéro-énergie

Trois types de bilans sont proposés par Sartori et al. (2012). Ils sont relatifs à la

frontière physique évoquée précédemment (Figure 1.3). Le bilan de type « load/generation » se situe à l'intérieur de la frontière physique du bâtiment. Dans ce type de bilan la consommation est entièrement couverte par de l’import et toute la production est exportée. Le deuxième bilan « import/export » prend en compte la part d'autoconsommation et l’export. Un troisième bilan appelé « monthly net balance » est basé sur des bilans mensuels de type « load/generation » mensuels. La production d’énergie n’est pas considérée de la même manière suivant le type de bilan adopté. Du point de vue du bilan « import/export », la production se traduit par de l’autoconsommation qui réduit la quantité d'énergie importée du réseau, elle est donc considérée comme une mesure d'efficacité énergétique pour le bâtiment et le réseau. En bilan « load/generation », la production est considérée indépendamment de la consommation du bâtiment.

1.2.2.5 Efficacité énergétique

Un bâtiment zéro-énergie exige des niveaux minimaux d'efficacité énergétique. Ces exigences peuvent être des caractéristiques normatives, des performances à respecter, ou les deux. Les caractéristiques normatives peuvent être des valeurs du coefficient d'échange

U des murs et des fenêtres, un niveau d'étanchéité à l'air, une valeur de COP de pompe à

chaleur. Les exigences de performances peuvent porter sur les besoins de chauffage, de climatisation ou sur la consommation totale. Une méthodologie de calcul de la Commission européenne permet aux États membres de définir ces niveaux de performances. Les exigences peuvent également porter sur une réduction de la consommation par rapport à un bâtiment de référence de fonction similaire.

Figure 1.3 - Relations entre la frontière physique du bâtiment et les réseaux d'énergie. Illustration des types de bilan (Sartori et al. 2012)

1.2.2.6 Fourniture d’énergie renouvelable

Une définition du bâtiment zéro-énergie peut imposer une exigence minimale de fourniture en énergie renouvelable. Plusieurs options de fourniture en énergie renouvelable existent et sont divisées en deux grandes catégories : « sur site » et « hors site ». Marszal et al. (2010) classent les types de fourniture d'énergie renouvelable par rapport à leur distance (Figure 1.4 - Les différentes options de fourniture d'énergie renouvelable pour un bâtiment zéro-énergie connecté au réseau (Marszal et al., 2010)). Parmi les possibilités de fournitures « hors site », il existe des solutions financières qui consistent à acheter de l'énergie renouvelable, à investir dans le développement de projets renouvelables ou de rénovation de bâtiments proches. Torcellini et al. (2006) classent les options de fourniture d'énergie renouvelable selon les critères suivants :

 1) pas d'émissions de CO2, peu de pertes liées au transport ou à la conversion d'énergie ;

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 3) disponibilité, reproductibilité, potentiel de développement pour les futurs bâtiments zéro-énergie.

Cette hiérarchie favorise les solutions « sur site » (panneaux photovoltaïques, cogénération) par rapport aux solutions « hors site » (importation de biogaz ou achat d'électricité verte).

Figure 1.4 - Les différentes options de fourniture d'énergie renouvelable pour un bâtiment zéro-énergie connecté au réseau (Marszal et al., 2010)

1.2.2.7 Caractéristiques temporelles de la couverture énergétique

Voss et al. (2010) définit deux outils d’évaluation de la couverture énergétique du bâtiment : le « taux de couverture énergétique » caractérise la capacité du bâtiment à couvrir ses besoins par autoconsommation, et « l'indice d'interaction avec le réseau » caractérise les échanges entre le bâtiment et le réseau. Ces deux indicateurs doivent être calculés pour chaque vecteur énergétique mis en jeu.

Taux de couverture énergétique

Cet indicateur caractérise la corrélation moyenne entre consommation et production du bâtiment. Un indice élevé signifie que la production du bâtiment peut couvrir sa consommation (non nécessairement en autoconsommation) et donne la capacité d'une meilleure gestion du stockage et de l'export d'énergie. Un indice faible indique que le bâtiment doit beaucoup compter sur le réseau pour équilibrer sa consommation et pour exporter sa production. Le taux de couverture énergétique se calcule de la manière suivante : (1) avec p la production, c la consommation, i le vecteur énergétique et t le temps (heure, jour, mois). N correspond au nombre de données sur une année, 8760 dans le cas d’une description horaire. Cet indice est sensible à la résolution du pas de temps décrivant le bâtiment et il convient d’utiliser un pas de temps horaire voire infra-horaire pour calculer un indicateur pertinent (Voss et al., 2010).

Indice d'interaction avec le réseau

Cet indicateur évalue les échanges entre le bâtiment et le réseau. Il représente l’écart- type de l'export net sur l’année normalisé par la valeur maximale de l’export net sur l’année, l'export net étant la différence entre l'export et l'import à chaque pas de temps. L'indice d’interaction avec le réseau est calculé de la manière suivante :

(2) avec e l’énergie exportée, d l’énergie importée (« delivered »). ET correspond au calcul de l’écart-type.

Indice de flexibilité des interactions avec le réseau

Un troisième indicateur est proposé par Salom et al. (2011). Appelé indice de flexibilité des interactions avec le réseau, il évalue la capacité du bâtiment à s'adapter aux signaux du réseau en ajustant ses stratégies de consommation, de production et de stockage pour servir à la fois ses besoins et ceux du réseau. Cette flexibilité est évaluée par la

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différence entre deux indicateurs (eq. 5) calculés selon deux situations extrêmes : la première où la priorité est d’exporter un maximum l’énergie produite (les besoins étant couvert par les importations) (eq. 3), la seconde où la priorité est d’exporter le moins possible sur le réseau, l’autoconsommation et le stockage sont donc maximisés (eq. 4).

(3)

(4)

(5)

E est le bilan net d’énergie exporté sur le réseau, et L la consommation d’énergie du

bâtiment.

1.2.2.8 Mesure et vérification

L'évaluation des performances du bâtiment zéro-énergie doit être menée pour vérifier qu'il réponde aux objectifs de performance inscrits dans la réglementation ou définis par le client, l’écoconception visant une performance supérieure au niveau réglementaire. Ces objectifs sont généralement établis sous forme de classement de niveaux de performances. Le niveau de performance du bâtiment peut être évalué par une méthode de calcul (avant travaux) et par une méthode de mesure sur site (après travaux). Cette seconde option permet de vérifier si les performances réelles du bâtiment sont en adéquation avec les objectifs fixés par la réglementation et par le client, ainsi que l'efficience et la robustesse de la solution de conception. Un protocole de mesure et vérification (M&V) doit être établi pour évaluer le bâtiment une fois construit et occupé. Dans le cadre du bâtiment zéro- énergie connecté (NZEB), ce protocole de M&V devrait pouvoir évaluer son bilan import/export et éventuellement les caractéristiques temporelles du bâtiment telles que le taux de couverture énergétique et l'indice d'interaction avec le réseau. Il est nécessaire d'établir les caractéristiques de ces mesures : fréquence des mesures, durée de la mesure, nombre d'échantillons et durée d'application du protocole. Le protocole de M&V peut s'avérer complexe et coûteux : suivant les frontières du bilan considérées, les types de mesures et leurs quantités (de nombreux capteurs peuvent être nécessaires pour mesurer

intérieur, des usages précis de l'énergie définis par les frontières du bilan, ou par exemple le rechargement d'une voiture électrique qui doit être mesuré séparément.

Il est indispensable de définir la durée et les conditions de validité du bilan zéro- énergie dans le protocole de M&V. Quelle est la durée de validité d'un bilan zéro-énergie vérifié par le protocole ? À quelle fréquence doit être appliqué ce protocole durant le cycle de vie du bâtiment ? Quels sont les niveaux de tolérances et les ajustements du bilan par rapport à la variation des conditions aux limites (occupation, climat...) ? Ces aspects doivent être définis pour assurer aux usagers, aux pouvoirs publics et aux promoteurs des bâtiments fiables et qui respectent leurs exigences durant le cycle de vie. La méthode de la garantie de performance ajustée aux incertitudes sur les conditions d’usage du bâtiment semble être une solution adaptée et généralisable pour répondre à ces défis (Ligier et al., 2017).