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Les systèmes d’Alice et de Bob ont chacun été intégrés dans deux boîtiers rackables de 19 pouces. Un boîtier 3U (5,25 pouces de hauteur) contient la totalité de l’optique, ainsi que l’électronique directement liée aux composants optoélectroniques : chez Alice, circuit d’alimentation de la diode, et circuit amplificateur de la photodiode ; chez Bob, électronique de la détection homodyne et circuit de régénération de la synchronisation. Un boîtier 4U (7 pouces) contient l’électronique restante, les ordinateurs de contrôle, les alimentations de l’électronique ainsi que les cartes d’acquisition et de génération de signaux.

92 Chapitre 6 : Intégration et pilotage du système optique

6.1.1

Boîtier optique

Fibres et composants fibrés

Nous avons choisi de fixer la totalité des composants fibrés sur une plaque épaisse (1 cm) d’aluminium taraudé. Les fibres sont placées dans des roues de lovage fines vissées dans la plaque, ce qui permet de s’assurer de leur stabilité mécanique. Par ailleurs, la plaque joue le rôle d’un réservoir thermique relativement important ; elle n’empêche pas les fluctuations globales de température dans le boîtier, mais permet de limiter l’impact des fluctuations rapides sur les composants sensibles. En particulier, les modulateurs électro-optiques se sont montrés plus stables une fois fixés sur la plaque, métal contre métal.

Isolation mécanique et vibratoire de l’interféromètre

Notre montage optique peut être vu comme un grand interféromètre, délocalisé entre Alice et Bob, puisque le signal et l’oscillateur local sont séparés chez Alice mais interfèrent chez Bob. Pour que la génération de clés fonctionne correctement, il est nécessaire de s’assurer que l’interférence est bonne. Nous avons vu, dans le chapitre précédent, qu’un contrôle délicat de la longueur des deux chemins optiques et de la puissance des deux faisceaux est nécessaire. Dans la mesure où la phase du signal porte de l’information, il faut aussi s’assurer que la phase relative entre OL et signal est bien contrôlée.

Dans la fibre de transmission, les signaux sont multiplexés et leur phase relative ne change donc quasiment pas. Il reste environ 100 mètres pendant lesquels les signaux sont séparés, parmi lesquels 80 m correspondent aux lignes à retard de 400 ns. Cette longueur est assez importante, et toute fluctuation thermique ou mécanique peut in- duire une modification de la phase de l’impulsion qui s’y propage. En pratique, nous avons vu deux effets majeurs :

• une dérive lente mais très importante de la phase, du fait des fluctuations ther- miques dans la fibre et la dilatation qui en découle. Cette dérive peut être consi- dérée comme linéaire sur une seconde, et la vitesse de dérive est de l’ordre de 2π toutes les 30 secondes quand les boîtiers sont stabilisés thermiquement (5 à 10 minutes après leur fermeture).

• une fluctuation rapide de la phase, à des fréquences typiques de 100 – 1000 Hz. Cette fluctuation est directement reliée à l’environnement vibratoire des boîtiers, et peut être très forte (amplitude de plus de π, c’est-à-dire phase indéfinie à l’échelle de la seconde) si, par exemple, les boîtiers sont placés en suspension dans un rack contenant beaucoup de ventilateurs.

La dérive lente ne nous pose pas de problème, et la section 6.2.3 décrit le rétro- contrôle permettant sa gestion. En revanche, il ne nous est pas possible de contrôler la fluctuation de phase due aux vibrations, car elle est à la fois trop rapide et forte- ment non périodique. Nous avons donc dû isoler le montage optique, de façon à limiter l’impact des vibrations. Pour ce faire, nous avons soigneusement fixé les fibres à la plaque de support, et avons placé des plots anti-vibratoires entre la plaque et le boîtier qui la supporte. Les composants optiques sont ainsi mieux découplés du boîtier ex- terne, ce qui a permis de faire fonctionner le démonstrateur dans des conditions réelles raisonnablement bruitées.

6.1. Intégration du montage optique et électronique 93 Isolation électrique de la détection homodyne

Le circuit électronique de la détection homodyne est très sensible aux perturbations électriques et électromagnétiques. En particulier, la partie du montage placée avant l’amplificateur de charge forme une boucle électrique d’environ 1 cm de longueur, mais le gain de l’amplificateur (120 000) est tel que toute onde électromagnétique captée

par cette micro-antenne produit un bruit significatif, voire très important, en sortie de détecteur.

Nous avons donc utilisé une alimentation linéaire de tension, plutôt qu’une ali- mentation à découpage, pour alimenter le circuit. Par ailleurs, nous avons placé toute l’électronique du détecteur, ainsi que les photodiodes, dans un boîtier métallique jouant le rôle de cage de Faraday, ce qui a permis d’éliminer les perturbations électroma- gnétiques. La variance standard du bruit électronique généré par le circuit est alors de 4 mV2, quand seule la détection est alimentée. Quand les autres circuits de Bob

(contrôleur de polarisation, circuit de synchronisation) sont aussi alimentés, le bruit électronique atteint 6 mV2, de façon stable. Enfin, la qualité de la masse des circuits

électronique joue un grand rôle dans la stabilité. Dans nos premières implémentations, des câbles trop longs ou mal isolés formaient des boucles de masse ou des antennes captant le bruit électromagnétique ambiant, et nous avons observé des pics de bruit atteignant 25 mV2.

6.1.2

Boîtier électronique

Les boîtiers électroniques contiennent principalement les ordinateurs de contrôle. Ils sont conçus pour la fixation d’une carte-mère ATX standard, ainsi que des disques durs et périphériques de lecture habituels des ordinateurs de bureau. Nous avons donc monté une configuration minimale, construite autour d’un processeur Intel Core 2 Quad Q6600, qui comporte quatre cœurs (c’est-à-dire que le processeur est divisé en quatre « mini-processeurs » capables de fonctionner en parallèle).

Cartes de conversion analogique-numérique

L’acquisition des données est réalisée grâce à deux cartes d’acquisition/émission de données de la société National Instruments. La carte rapide PCI-6111 possède deux voies d’entrée en tension (résolution 12 bits), et deux voies de sortie en tension (résolution 16 bits), qui peuvent être synchronisées grâce à une voie trigger analogique, à des taux d’échantillonages allant jusque 5 MHz en théorie et 1 MHz en pratique pour notre système. Le temps de montée de la modulation en sortie est d’environ 200 ns, ce qui est suffisamment petit par rapport à notre fréquence d’émission de 500 kHz (2 µs).

Ces cartes ont un déclenchement simultané de toutes les acquisitions et émissions conditionnées au signal trigger. Ceci nous permet donc d’acquérir et d’émettre tous les signaux en même temps, ce qui est crucial car leur valeur change à chaque impulsion. Il s’agit, chez Alice, des tensions de consigne des modulateurs d’encodage et de la tension de sortie de la photodiode de contrôle (deux sorties, une entrée) ; chez Bob, de la tension de consigne du modulateur de phase et des deux tensions de sortie de la détection homodyne (une sortie, deux entrées).

94 Chapitre 6 : Intégration et pilotage du système optique

La carte PCI-6704 est une carte analogique lente, permettant d’émettre des tensions quelconques entre10 V et 10 V, variant avec des fréquences d’au plus 100 kHz. Nous

l’utilisons pour émettre les tensions de commande variant lentement : la tension de commande du deuxième modulateur d’amplitude, qui contrôle le niveau fin de sortie d’Alice, et les quatre voies d’entrée du contrôleur de polarisation de Bob.

Ces cartes sont directement enfichées dans les cartes-mères, et reliées à des borniers placés dans les boîtiers optiques grâce à des câbles dédiés.

Générateur quantique de nombres aléatoires

Pour que le choix des amplitude, phase, et quadrature de mesure de chaque im- pulsion soit non biaisé, nous utilisons un générateur quantique de nombres aléatoires Quantis, de la société idQuantique. Ce générateur utilise une source de photons uniques transmise par une lame semi-réfléchissante suivie par deux détecteurs ; les deux bits 0 et 1 dépendent alors de la photodiode sur laquelle le photon est détecté. L’aléa de ce générateur repose sur un principe quantique, ce qui est crucial pour ne pas introduire de faille classique dans notre protocole quantique, et il est en mesure de générer jusque 16 Mbit/s de bits aléatoires. Nous avons besoin, en pratique, de 12 Mbit/s pour la génération des 212 bits d’amplitude et de phase codés à 500 kHz, et de 500 kbit/s

pour le choix de la quadrature de mesure ; un générateur dans chaque ordinateur est donc suffisant pour fournir l’aléa nécessaire. Ce générateur est fourni avec une interface PCI, ce qui permet de l’enficher directement dans la carte-mère de l’ordinateur et de l’utiliser de façon native dans le programme de gestion du système.