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1.5 Perspective sociologique

1.5.2 Intégration/Discrimination

1.5.2.1 Définitions

En sociologie, l'intégration est le processus permettant à un individu ou groupe d'individu de se rassembler et de devenir membre d'un autre groupe plus étendu. Cela est rendu possible par l'assimilation de ses valeurs et des normes de son système social. Cela induit la nécessité de présence de deux facteurs: la volonté de s'insérer (intégrabilité) et la capacité intégratrice du corps social.

Dans le domaine social, la discrimination est la distinction, l'isolement, la ségrégation de personnes ou d'un groupe de personnes par rapport à un ensemble plus large. Elle consiste à restreindre les droits de certains en leur appliquant un traitement spécifique défavorable sans relation objective avec ce qui permet de déterminer l'ensemble plus large. Qu'elle soit volontaire ou inconsciente, la discrimination porte atteinte, à l'égalité des droits, à l'égalité des chances, mais aussi à l'égalité des devoirs de chacun. La discrimination est définie également d'un point de vue juridique, pour définir un cadre propice à la défense des droits d'égalité entre les individus. En droit du travail, la discrimination est le traitement inégal et défavorable appliqué à certaines personnes en raison notamment, de leur origine, de leur nom, de leur sexe, de leur apparence physique ou de leur appartenance à un mouvement philosophique, syndical ou politique.88

Suite aux travaux de Tom Humphries en 1975, la discrimination envers les personnes sourdes ou malentendantes a un nom: c'est l’apparition du mot audism. Chercheur à

88

Les politiques pour l’inclusion et intégration en Colombie, voir :

58 l’université Gallaudet il a développé ce concept pour comprendre comment l’idéologie peut pousser la société à discriminer les sourds.

C'est ce qui est apparu en retraçant l'histoire de la Surdité et de l'éducation des sourds: ce sont les entendants qui sont décisionnaires de l'orientation des sourds, de ce qui est jugés important ou non pour eux.

"L’audisme se manifeste sous deux aspects généraux. L’un est la présomption ou la

croyance qu’il faut encourager (ou même forcer) les personnes qui sont sourdes à être autant que possible comme les non-Sourds. L’autre est le fait de s’octroyer le contrôle des personnes Sourdes, de leur retirer le pouvoir, en prenant des décisions au sujet de leurs langues, de leur éducation, des services qu’il leur faut, et ainsi de suite ; et ce, sans beaucoup de consultation, ou même aucun apport des personnes Sourdes et sourdes et la communauté des Sourds"89.

La supposition selon laquelle les personnes Sourdes et sourdes doivent être comme les non-Sourds implique une répudiation du langage des signes et de la culture des Sourds, la fixation sur l’idée de "surmonter" l’obstacle de la surdité, la promotion évangélisatrice de "l’audition" et de la parole, et une attitude pathologique relative à la surdité. Il y a également la croyance implicite qu’une personne qui ne peut pas entendre est, par le fait même, inférieure à celles qui le peuvent.

Le deuxième aspect de l’audisme : s’octroyer le contrôle des personnes Sourdes. Par exemple, ce sont des non-Sourds qui prennent des décisions sur le choix de langue, des options éducatives, de la prestation de services, de l’emploi et sur d’autres éléments de la vie quotidienne d’une personne sourde etc. Des non-Sourds qui travaillent dans le monde de la communication, dans l'audiovisuel, décident si les personnes Sourdes et sourdes auront accès à la programmation télévisuelle et cinématographique grâce au sous-titrage. Des non- Sourds autorisent les codes de construction, les normes architecturales et les règlements de sécurité qui régissent les décisions de fournir, ou non, des alarmes visuelles, et des édifices accessibles aux personnes Sourdes.

L’intégration sociale et scolaire des personnes sourdes en Colombie est très difficile à évaluer car il n’existe aucune statistique officielle. En moyenne les enfants sourds entrent à

59 l’école entre 7 et 9 ans.90 Ils doivent faire face à plusieurs difficultés : un diagnostic la plupart de temps tardif, le manque de soutien de la part de la famille, et un rejet du système scolaire car la plupart d’entre eux ne connaissent à cet âge encore aucun langage.

Dans certaines régions de Colombie il n’y a pas d’institutions pédagogiques pour la population sourde. Quelques lycées traditionnels peuvent compter une ou deux personnes sourdes, mais gère plus du fait des complications engendrées, notamment économiques.91

Un des obstacles récurrents pour les sourds est l’apprentissage écrit de l’espagnol. La plupart d’entre eux ont subi des thérapies afin de mieux communiquer mais souvent au prix d’énormes frustrations. À une certaine époque, les méthodes pratiquées n’étant pas les meilleures, les sourds rejetaient l’espagnol. Aujourd’hui l’accent est mis sur son apprentissage, compris comme moyen fondamental pour écrire et lire le monde qui les entoure. Travailler de manière ludique, leur donner la confiance nécessaire sont la clé. Certes, plusieurs sourds écrivent mal l’espagnol, mais l’objectif est d’y remédier en stimulant le développement de la pratique d’écriture.

1.5.2.2 L'accès au travail

Selon une étude statistique publiée en 2007, les personnes souffrant d'une déficience auditive ont des difficultés à accéder au monde du travail92.Les restrictions d’accès à l’emploi (proportion d’inactifs de 15 % contre 3 %) et de participation aux loisirs, ainsi qu’un isolement relationnel (surtout pour les femmes) constituent les principales difficultés associées à ces déficiences auditives. Les aides techniques destinées à compenser ce handicap sont peu utilisées.

Suivant l’importance de sa surdité, une personne peut être en grande difficulté voire dans l’impossibilité de communiquer dans le cadre de sa vie quotidienne, dans le cadre de ses études, de ses activités professionnelles, de ses démarches administratives etc. Des professions se sont créées pour permettre l’accessibilité : interprète en langue des signes française (LSF), codeurs en langage parlé complété (LPC), vélotypistes chargés de

90 Ministère d’Éducation nationale 2009. 91 En Colombie le 95% des lycées sont privées. 92

Voir : Enquête HID 2007 : http://www.drees.sante.gouv.fr/handicap-auditif-en-france-apports-de-l-enquete- hid-1998-1999,5098.html

60 retranscrire en notes extrêmement rapides les échanges oraux (réunions, colloques), sous- titreurs adaptateurs.

Pour faciliter l'accès des personnes sourdes au monde du travail, et plus généralement aux dispositifs sociaux, un plan gouvernemental a été élaboré et mis en place en France suivant la loi de 2005. Les interprètes en LSF et les codeurs sont inscrits dans la convention collective des établissements et services médico-sociaux. On dénombre aujourd’hui 280 interprètes. Pour les interprètes, il existe des diplômes d’université, licences ou masters d’interprétariat en LSF dont les cursus de formation sont organisés dans les universités suivantes : Paris 3, Paris 8, Lille 3, Aix-en-Provence 1, Rouen, Grenoble 3, E.S.I.T Dauphine, IUP de Toulouse. Pour les codeurs en langage parlé complété, il existe une licence professionnelle. Le champ est plus restreint dans la mesure où seules deux universités organisent cette formation (Lyon 1, Paris 6). Les vélotypistes sont formés par les entreprises qui les mettent à disposition des organisateurs de réunions, congrès, etc.

Selon ALVAREZ93 : « Un des aspects qui a favorisé l’accès des personnes sourdes était les nouvelles politiques de l’état colombien et dans le cas de Bogotá le maire Gustavo Petro. Ces politiques ont mis aux point divers aspects concertants à la population sourde ; d’abord, construire des structures plus adéquates pour ce type de population, aussi même privilégier l’accès aux outils informatiques et finalement former plus des interprètes bilingues ».94

Les différents moyens et méthodes qui permettent aux personnes sourdes de participer à la vie sociale au sein des divers groupes humains qui constituent la communauté nationale restent très fortement marqués par des approches professionnelles liées à des interventions de type conférences. La dénomination même du métier d’interprète en LSF renvoie davantage à l’équivalent bilingue ou trilingue dans les organismes internationaux qu’à des situations relevant du quotidien des personnes sourdes. Quoique fondant leur action sur une image et des représentations différentes, les codeurs en LPC, les vélotypistes s’apparentent à cette démarche et demande de reconnaissance professionnelle. Le déploiement des actions prévues dans ce plan accroîtront les sollicitations vers les interprètes LSF et autres professionnels.

93 Directrice INSOR. 94

Voir : http://www.bogota.gov.co/article/gestionpublica/el-gobierno-de-la-ciudad-difunde-el-lenguaje-de- se%C3%B1as-escolares

61 En dehors de ceux-ci, on assiste à l’émergence d’intervenants divers (« interface », « médiateur »…) pour lesquels il n’existe pas actuellement de garanties en termes de formation ni de réel cadrage de leur métier et dont les profils sont très divers. Pour l'UNISDA, il convient de cadrer les interventions de ces professionnels, afin qu’ils ne viennent pas en substitution d’intervenants plus qualifiés. Pour s’inscrire dans la philosophie de la loi du 11 février 2005 il convient d’identifier les besoins des personnes et tenter d’y répondre en formant des professionnels ou en ajustant et assouplissant les réponses du milieu et des individus formés aux différentes techniques.

Il s'agit de mettre ainsi à la disposition des personnes sourdes les personnes formées aux différentes techniques de communication pour leur permettre de participer au même titre qu'un non-Sourd à la vie sociale et au monde du travail.

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