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Insécurité : nuances et mesures

Dans le document Centre-ville, piétonnisation et modes de vie (Page 127-130)

5. Habiter : sécurité, tranquillité, convivialité

5.2. Sécurité et criminalité

5.2.6. Insécurité : nuances et mesures

Les derniers paragraphes mettent en exergue le sentiment d’insécurité sur le piétonnier – insécurité routière et insécurité liée aux activité criminelles ou à la présence d’un certain public – tel que décrit dans

95Le Soir. Samedi 26 et dimanche 27 octobre 2019, p.19. « Pour qui y met les pieds, Bruxelles est loin d’être une ‘no-go zone’ ».

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les médias ces derniers mois et tel qu’évoqué par nos informants. Lors d’entretiens, il est toujours plus facile de mettre le doigt sur les éléments avec lesquels les informants ne sont pas d’accord ou souhaiteraient changer, que sur ce qui va bien, se déroule normalement et, par conséquent, est parfois passé plus facilement sous silence ou mentionné de façon moins explicite. Il est donc important de nuancer notre illustration du ressenti d’insécurité sur le piétonnier. Premièrement, de nombreux informants parlent très positivement d’un sentiment de sécurité sur le piétonnier, que ce soit lié à l’absence de voitures (voir 4.2.) ou que ce soit lié au fait qu’on y retrouve toujours du monde, comme le raconte Morgane, habitante du quartier :

« Peut-être que j’ai un rapport différent au concept de sécurité mais pour moi, l’insécurité c’est vraiment être dans un endroit où y’a pas de contrôle social, où si vous criez, y’a personne pour vous entendre. Alors qu’un endroit où il y a de l’effusion, du bordel, du joyeux, etc. ce n’est pas de l’insécurité car il y aura forcément toujours quelqu’un, soit quelqu’un qui sincèrement pourra vous aider, soit des gens qui par leur simple présence donnent l’impression à un potentiel agresseur qu’il pourrait avoir des problèmes ».

De nombreux habitants du centre-ville ne se sentent donc pas vraiment concernés par ce sentiment d’insécurité, même s’ils sont au courant des récits qui s’y rapportent souvent et arrivent parfois à leurs oreilles.

« J'entends des commerçants dire que sur les boulevards ‘ça craint’. Maintenant pourquoi ? Est-ce que c'est parce que c'est en chantier et que donc c'est glauque, abandonné tandis qu'avant il y avait du passage en voiture mais les passages de voitures ça ne rassure quand même pas les piétons. Je ne sais pas, mais c'est ce que j'entends. Et j'entends que les petites rues ici seraient des coupe-gorges. J'entends des commerçants qui disent ‘le matin je nettoie mes bacs de fleurs, j'enlève des seringues’. On me dit qu'on trouve des tâches de sang parfois sur le sol. Donc il doit y avoir vraiment des choses, mais moi je n'ai rien vu de mes propres yeux. » [Dominique ; membre active du comité de quartier Saint-Jacques]

De plus, comme le fait remarquer l’article dans Le Soir cité ci-dessus et se basant sur une étude inédite de l’Observatoire bruxellois de la prévention et de la sécurité, il y a, sur tout le territoire de Bruxelles, une marge importante entre les craintes individuelles et les faits dont les personnes sont victimes : « En effet, alors que les craintes en matière de sécurité des répondants visent principalement les agressions et les délits patrimoniaux tels que les vols et cambriolages, ce sont les faits les moins redoutés qui ont, selon les répondants, faits le plus de victimes »96. Ces faits les moins redoutés sont, à l’échelle de la RBC : la discrimination, les remarques et insultes dans l’espace public et le harcèlement moral.

Le sentiment d’insécurité que nous avons décrit dans cette section est parfois lié à un sentiment de manque de présence policière sur le piétonnier, ou encore, à l’impression que la police ne peut pas agir efficacement sur un piétonnier. Cependant, durant nos observations, nous avons remarqué une présence policière très marquée au sein du périmètre, qu’elle soit stationnaire (parfois pendant plusieurs heures) ou en mouvement.

D’une part, il y a la brigade cycliste, les policiers à l’uniforme orange fluo, dont le rôle est principalement lié à la gestion du trafic et du stationnement mais qui, de par leur présence et leur proximité au terrain, ainsi que leur proactivité pour régler les problèmes sont devenus en quelques sortes des agents de quartier qui traitent un vaste éventail de problèmes. Lors de nos observations, nous les vîmes circuler sur le piétonnier toute la journée, verbaliser certains véhicules en infraction, donner des directives aux véhicules, calmer des tensions entre marginaux, ou encore, discuter avec des passants qu’ils connaissaient (fig.29). Grâce à leur

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travail soutenu, depuis 2005, le centre-ville a vu – d’après M. Stevens qui dirige la brigade – une grande amélioration en termes de respect du code de la route, permettant ainsi d’œuvrer à renforcer le sentiment de sécurité vis-à-vis du trafic pour les piétons et autre modes actifs. Cependant, ils ont également la réputation, parmi certains commerçants et automobilistes que nous avons interviewés, de ne se soucier que de mettre des PV aux voitures en infraction, plutôt que, par exemple, de se soucier des problèmes de trafic de drogue qui est source d’insécurité. Précisons ici que cela est normal car ça ne fait pas partie de leurs attributions mais de celles de leurs collègues que nous allons brièvement aborder.

D’autre part, il y a les agents de la brigade prévention intervention (vêtus d’un uniforme bleu), parfois rejoints par les forces de la brigade canine. Ces policiers patrouillent parfois à pied mais sont particulièrement visibles lorsqu’ils viennent pour faire une intervention en combi. Lors de nos observations, il devint apparent, par exemple, que lorsque des ‘tensions’ montaient sur la place de la Bourse, où qu’un ‘climat électrique’ s’y installait, les établissement HORECA aux alentours appelaient ces agents. Leurs interventions parurent parfois assez musclées par rapport à la dimension des tensions. Nous reviendrons sur le rôle de la police dans le sous-chapitre sur la gouvernance (voir 5.6.), mais nous tenions à signaler, dès à présent, leur présence continue sur le piétonnier (fig.46).

Fig.46 : Forces de police présentes sur le piétonnier.

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Finalement, à travers ces paragraphes il apparait très clairement que ce qui est ressenti comme sécurisant par certaines personnes (telle la présence de voitures) ne sera pas ressenti comme sécurisant par d’autres. Ainsi, certains informants ne ressentent cependant pas la présence de la police comme rassurante :

« Ce que je vois, par rapport à y’a 20 ans et aujourd'hui, à l'époque on avait une bonne relation avec la police, parce que le police c'était une vraie police de proximité : la police elle était là pour le citoyen, elle était là pour aider les citoyens, pour en faire sorte que tout se passe bien, pour la sécurité, pour... à l'écoute, tout simplement. Aujourd'hui, on est face à des policiers qui sont plutôt... c'est vulgaire, mais c'est plutôt business. Donc la police, elle est là, aujourd'hui, c'est malheureux à dire, mais je le dis haut et fort sans aucun... Ils sont là pour faire du pognon vulgairement, vraiment, ils sont là pour faire de l'argent » [Arthur ; commerçant].

Bien qu’Arthur exprime ici son désarroi par rapport au fait qu’il a l’impression que la seule activité de la police consiste à accumuler des contraventions, « pour faire du pognon », il apparait clairement qu’il n’associe pas présence policière à climat rassurant. Cette section montre que de nombreux amalgames sont présents dans les récits liés à l’insécurité sur le piétonnier. Ces amalgames peuvent être source de discrimination et donc d’insécurité pour certains usagers du piétonnier. Pour lutter contre cette insécurité, il semble donc important de déconstruire ces amalgames et d’étudier l’insécurité de manière transversale et critique pour proposer des mesures pertinentes. Nous remarquons cependant que certaines mesures risquent fortement de restreindre l’accès au piétonnier à certains ‘boucs-émissaires’ et semblent d’avantage s’aligner sur une politique visant à l’attractivité touristique et commerciale du piétonnier que sur l’amélioration réelle de la sécurité pour tous (voir Brenac et al. 2013). Nous y reviendrons ci-dessous.

Dans le document Centre-ville, piétonnisation et modes de vie (Page 127-130)