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Cadre de vie

Dans le document Centre-ville, piétonnisation et modes de vie (Page 163-166)

6. Piétonnisation, centre-ville, modes et cadre de vie

6.2. Cadre de vie

Indépendamment des changements opérés en termes de mode de vie, il nous apparait important de considérer le potentiel d’accueil du piétonnier d’une part et d’évoquer, même succinctement, son impact en termes de durabilité.

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Nous l’avons assez évoqué, notre recherche s’est déroulée en plein cœur d’une période d’indétermination, de latence durant laquelle une certaine flexibilité d’usages et une forte mixité d’usagers existent toujours sur le piétonnier (voir notamment les chapitres 2 et 5). Nous avons également, à plusieurs reprises, détaillé les processus en cours qui nous semblaient avoir un impact progressif potentiel sur l’évolution de cette flexibilité/mixité et n’y revenons donc pas ici en détails (voir notamment 2.4. et 4.3.3.). Nous souhaitons plutôt mettre l’accent ici sur les appropriations et les éléments positifs du piétonnier tout en les contrastant avec les limites du projet, en termes d’aménagement, de mise en place, d’écarts entres les attentes et visées et la réalité. Ce qui nous invite naturellement, pour conclure, à traiter de la question de la durabilité (voir 6.2.2).

6.2.1. Prises et potentiel d’accueil

Nous prenons ici comme prédicat de base que la qualité d’un espace public est étroitement liée à son potentiel d’accueil. Ce dernier est lui-même fonction de prises fonctionnelles, sociales et sensibles faisant système et constituant, pour les usagers, un panel de critères les orientant vers un horizon de choix (et finalement vers une éventuelle modification ou maintien de leur mode de vie). Nous considérons également comme Pattaroni et collègues (2009) mais beaucoup d’autres également (Hubert et al. 2017 ; Gehl 2011 ; Jacobs 1961), que ces prises gagnent à être multiples et variées afin de garantir une mixité d’usages et d’usagers au sein de l’espace public. En somme, diminuer le nombre de prises d’un environnement urbain, c’est diminuer son potentiel d’accueil et, ce faisant, affecter la mixité d’appropriations qui le caractérisent dans l’espace et dans le temps. C’est à l’aune de ces conceptions que les appropriations et les limites du projet de piétonnisation sont brièvement présentées ici en leur état actuel.

En termes d’amélioration nette du cadre de vie, tant nos entretiens que nos observations illustrent que le boulevard apaisé constitue un endroit bien plus accueillant qu’auparavant. Le fait qu’il vienne retisser du lien entre l’est et l’ouest de la ville ou constituer un environnement qualitatif en tant que tel pour un grand nombre de personnes aux profils variés semble assez clair. À l’heure actuelle, on y voit effectivement de très nombreuses personnes différentes : certaines y passent, d’autres y séjournent. À ce titre, la présence de famille et d’enfants occupant le piétonnier pendant de longues périodes dans le cadre d’activités ludiques ou sociales nous a semblé particulièrement notable durant les mois les plus cléments en termes de météo. Mais, de manière générale, on vient y faire ses courses domestiques, on s’y adonne au shopping, on y fréquente des établissements HORECA, on s’y divertit, on le visite, on s’y insurge, on s’y rassemble, on y travaille, on y dort et tente d’y survivre, etc. Cette diversité est encore, au moment où l’on écrit ces lignes, bien réelle et, comme nous l’avons souligné, elle est souvent au cœur de ressentis et de perceptions plus ou moins positives (voir chapitre 4).

C’est en partie en ce sens que les limites du projet se donnent à voir. Par manque de gestion transversale et intégrée, de processus informatifs clairs, etc., la piétonnisation n’a pas été assez accompagnée par les pouvoirs publics et, de ce fait, elle n’est pas parvenue à fédérer et à capitaliser sur l’attrait réel que le processus représentait et représente toujours – certes à différents titres – pour une très grande variété de publics.

Aujourd’hui, tout le monde ne trouve pas son compte de la même manière dans la piétonnisation – certains n’y trouvent d’ailleurs pas leur compte du tout – mais, dans l’absolu, cela n’est peut-être pas réellement un problème si le projet parvient à entretenir, au cœur de la RBC, un creuset de diversité, un melting pot comme on dit parfois.

Malheureusement, le déficit d’action publique et de vision explicite menace clairement le devenir du piétonnier (voir chapitre 2). D’abord, il renforce les phénomènes de non-adhérence – voire de rejet – au projet. Ce mécanisme opère d’une part parce que la diversité et la mixité ne sont pas accompagnées,

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expliquées et valorisées et que, par conséquent, elles viennent nourrir des imaginaires délétères en ce qu’ils compromettent l’ouverture à l’autre, ou simplement son acceptation. D’autre part, cette non-adhérence est probablement liée au fait que les pouvoirs publics ont préféré – ou se sont contentés de – contraindre plutôt que convaincre (nous y revenons dans les recommandations, voir 7.1.1.). Ensuite, ce déficit permet – voire favorise – l’essor et la prise d’ampleur de processus qui, à terme, contribueront inévitablement à saper les fondations de la mixité et de la diversité en faisant disparaitre certaines des prises de l’environnement.

Comme l’ont exposé Brenac et collègues (2013), ces processus, plus si larvés que ça sur le piétonnier, tiennent souvent de logiques liées au marketing urbain et s’appuient sur des logiques multiples (commerciales, touristiques, immobilières, etc. ; voir 4.3.).

Rien n’est (totalement) joué mais tout est en jeu ! 6.2.2. Un projet durable ?

Nous nous proposons de clôturer ce chapitre par quelques remarques générales qui gagneront à être envisagées conjointement aux recommandations présentées au sein de l’épilogue.

Dans l’édito de son second portfolio, le BSI-BCO a récemment (re)présenté les conditions dans lesquelles le piétonnier pourrait être un « projet-pilote pour un centre-ville bruxellois durable et convivial » (Vermeulen et al. 2018). Nous avons évoqué ci-dessus ce que ce projet de recherche a pu fournir comme information sur la tendance qu’avait la piétonnier à être et à demeurer un espace public convivial (voir 5.4.). Qu’en est-il donc de son impact en termes de développement urbain durable ?

Notre recherche ne peut pas réellement contribuer à fournir des renseignements plus élaborés sur cette thématique que les données plus quantitatives générées dans l’enquête MOBI évoquées en introduction (voir 1.4.). Elle confirme cependant que les attentes d’une très grande majorité des personnes interviewées s’alignent avec des aspirations au sein desquelles des préoccupations environnementales occupent une place relativement significative. Au-delà d’enjeux de type réchauffement climatique, dégradation des écosystèmes, etc. qu’ont finalement assez peu évoqués nos informants, ce sont davantage des problématiques liées à la qualité de l’air et à l’accès à la nature (à travers la présence d’espaces verts) qui semblent avant tout retenir explicitement l’attention lorsque la situation du centre-ville bruxellois est évoquée.

En général, parmi nos informants, même les personnes défendant bec et ongle la mobilité automobile admettent généralement que son emprise est sans doute trop importante sur les territoires (voir 4.2.). Ce constat, assez unanime, est à la fois relié aux déplacements carbonés (pollution, qualité de l’air) mais également à un souhait assez diffus et hétérogène de retrouver du lien aux lieux et une tendance à voir, dans une forme de ralentissement et de rapprochement, un moyen d’y arriver. On peut donc faire l’hypothèse que le piétonnier qui participe, à sa manière, à ces deux phénomènes a le potentiel de réellement enclencher des dynamiques évoluant vers plus de durabilité (voir 7.2.2.). Cela étant, une nouvelle fois, pour être partagée et rendue effective, cette orientation potentielle doit très certainement être renforcée, explicitée et accompagnée.

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