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2.1. Inhibiteurs de la Neuraminidase

 Mécanisme d’action

La NA agit en fin de réplication en clivant le pont entre les particules virales et la membrane de la cellule infectée. Ce clivage a pour conséquence la libération dans l’organisme des virus néoformés. Les antineuraminidases inhibent par compétition spécifique l’action de la NA en bloquant de façon irréversible le site actif de l’activité sialidase. Il s’ensuit alors une entrave au relarguage des virons qui s’agrègent à la surface de la cellule hôte par liaison de leur HA aux résidus d’acide sialique non clivé. La dissémination virale s’en trouve ainsi diminuée (Fig.27) [59, 89, 96].

Figure 27 : Electromicrophotographie des cellules MDCK infectées par le

virus de la grippe A.

(A)Libération et diffusion des particules virales en absence des inhibiteurs de NA.

(B) Agglutination et immobilisation des particules virales à la surface des cellules en présence des inhibiteurs de NA.

La barre correspond à 1µm [59].

les résultats de l’analyse cristallographique de la NA complexée avec son substrat et la mise en oeuvre de moyens matériels et logiciels informatiques puissants ont ouvert la voie à la création rationnelle assistée par ordinateur de deux antineuraminidases -analogues isostériques de l’acide sialique- : Zanamivir (GG167, Relenza®) développé en 1993 par le laboratoire GlaxoWellcome et l’Oseltamivir (GS4104, Tamiflu®) en 1997 par Roche, agissant à la phase tardive sur la libération des virions néoformés, les deux molécules sont approuvé

par le FDA [1, 83, 89]. Un autre inhibiteur de la neuraminidase encore plus puissant qui s’est avéré efficace contre les 9 sous-type NA ; le Peramivir, RWJ-270201® (Johnson & Johnson -1999-) est actuellement en phase clinique -Voir Tab.5 et Fig.28- [81, 83, 97].

Tableau 5 : Inhibition de la NA des virus Influenza A et B [59].

L’Antineuraminidase

Inhibition (CI50%, nmol/L)

A/N1 A/N2 B

Zanamivir 0.5-2.5 0.9-5.6 1.0-7.9

Oseltamivir 0.3-1.0 0.2-0.8 1.7-18.3

RWJ-270201 0.2-1.4 0.5-0.9 0.6-11.0

CI50% = la concentration réduisant l’activité de l’enzyme par 50%.

 Forme d’administration

Le Zanamivir se présente sous la forme d’une poudre sèche destinée à l’inhalation orale à l’aide d’un diskhaler similaire à celui utilisé dans le traitement de l’asthme. Les groupements hydrophiles du Zanamivir expliquent le faible franchissement de la barrière gastro-intestinale. L’estérification permettant de « masquer » ce groupement carboxyle et ainsi d’accroître le franchissement de la barrière digestive [8, 89], donne l’Oseltamivir (administré per os sous forme de gélules et de poudre pour suspension buvable) [98].

Pour le Peramivir les essais de la phase I et II chez l’homme ont montré une excellente tolérance et une bonne efficacité en diminuant la charge virale après administration orale. Mais, en raison de sa faible biodisponibilité par cette voie, le développement de cette forme galénique a été stoppé et une forme à usage parentéral, par voie intramusculaire ou intraveineuse qui a donné d’excellents

d’autorisation de mises sur le marché, délivrées par la FDA américaine, il est prévu d’utiliser le péramivir uniquement dans le contexte d’une pandémie de grippe. L’administration par voie parentérale est particulièrement intéressante dans le cas de patients critiques, chez lesquels l’utilisation de la voie orale n’est pas possible, et la possibilité d’une dose unique prophylactique par voie intramusculaire, dans le contexte d’une pandémie fait l’objet de recherches [15].

Figure 28 : Structures chimiques du Neu5Ac et des Antineuraminidases

Tableau 6 : Propriétés pharmacologiques du Zanamivir et de l’Oseltamivir

[59, 89].

Zanamivir Oseltamivir Spectre Virus A+B Virus A+B Absorption orale (%) faible (<5) élevée (~80) Voie inhalée orale Distribution pharynx 80% VRS+VRI VRI 10-20%

Demi vie 3-5 heures 6-10 heures -VRI : voie respiratoire inférieure

-VRS : voie respiratoire supérieure  Posologie

L’utilisation de l’Oseltamivir « Tamiflu® », l’antiviral considéré comme efficace contre l’infection de l’Homme par le virus A/H5N1, reste une alternative pour le traitement des malades avant la disponibilité du vaccin [46]. L’OMS recommande le traitement par Oseltamivir, à la dose de 75 mg chez l’adulte, deux fois par jour, pendant cinq jours et à doses adaptées en fonction du poids, chez l’enfant de plus de un an (Voir notice du Tamiflu® -Annexe 8-

[99]), ceci dans les formes modérées. Dans les formes graves, des doses de 150 mg/jour pendant sept à dix jours ont été suggérées, chez l’adulte. Le Zanamivir en inhalation n’a jamais été utilisé dans les cas de grippe A/H5N1 [15]. L’administration du médicament en nébulisation à des patients infectés par le virus A/H5N1, comporte des risques de transmission éventuelle du virus par le biais d'aérosols [42].

 Données cliniques

Les antineuraminidases, actifs sur les virus de type A et B, n’empêchent pas le développement de la réponse immunitaire après vaccination ou infection [89]. A titre curatif, leur efficacité n’est cependant nette que lorsqu’ils sont prescrits précocement dans les 24 à 48 premières heures de la maladie [1, 18, 59, 89, 90]. L’utilisation des ces antiviraux en curatif devrait diminuer substantiellement l’impact épidémiologique de la pandémie, voire la proportion de la population atteinte, dans l’hypothèse où le traitement curatif réduirait la durée de la phase infectieuse. Ce qui est en faveur de la constitution de stocks d’antiviraux destinés à couvrir, au minium les besoins dans le traitement des cas [92].

Actuellement, on ne dispose pas de données suffisantes permettant d’apprécier l’efficacité curatif et prophylactique de ces antiviraux, dans le cadre d’une pandémie de grippe [12, 15].

 Résistances aux inhibiteurs de la neuraminidase

Certains travaux sur la sensibilité à l’Oseltamivir des souches A/H5N1 isolées en Asie du sud-est, ont mis en évidences des cas humains de résistance partielle Du virus A/H5N1 à l’Oseltamivir [100].Le premier a été documenté en 2005 au Vietnam : Il s’agissait d’une jeune fille de 14 ans de la région de Hanoï. Elle avait reçu une dose prophylactique (75 mg une fois par jour) d’Oseltamivir pendant 4 jours. Son état s’aggravant elle reçut un traitement à pleine dose (75 mg deux fois par jour) pendant 7 jours. La patiente a survécu. Un virus A/H5N1 porteur d’une mutation H274Y (remplacement d’une histidine par une tyrosine à la position 274) a été isolé. Cette mutation confère une résistance de haut niveau à l’Oseltamivir, la dose requise pour avoir 50% de l’inhibition de l’activité

neuraminidase (CI50) de cet isolat a été 90 nM, alors que la CI50 pour les souches sensibles à l’Oseltamivir est de (0.1- 10 nM) [90].

Chez les virus grippaux type A pour s’adapter à la chaîne latérale de l'Oseltamivir, le site de liaison de la neuraminidase doit subir un réarrangement pour créer une poche (Fig.29 -A-). Plusieurs mutations limitant ce réarrangement moléculaire peuvent diminuer l'attachement de l'Oseltamivir à sa cible. (Fig.29 -B-)

D’après l'analyse moléculaire, (Fig.29 -C-) La poche est crée par la rotation de l'acide aminé nommé E276 et sa liaison par la suite à R224, événements qui sont empêchés par les mutations R292K, N294S et H274Y ; ayant pour résultat la résistance à l'Oseltamivir. Aucune de ces mutations n’empêche l'attachement de la neuraminidase à l’acide sialique, son substrat naturel, les virus subissant ces mutations peuvent ainsi survivre et se propager. En revanche, et fort heureusement la mutation H274Y conférant une résistance des souches A/H5N1 à l’Oseltamivir ne donne pas de résistance croisée avec le Zanamivir,

l'attachement de cette drogue n'exige aucune réorientation des acides aminés. Les données disponibles à ce stade n’indiquent pas que les virus présentant ces mutations soient plus facilement transmissibles ou plus virulents [101, 102].

Figure 29 : Mécanisme de résistance des virus grippaux type A à

l’Oseltamivir [102].

En faite l’échec thérapeutique et l’émergence des résistances peuvent survenir suite à une ou plusieurs mutations simultanées ou cumulées en un ou plusieurs sites de la cible de l’antiviral. D’où l’intérêt, pour mieux guider la thérapeutique, de recourir aux tests phénotypiques et/ou génotypiques de détection de la résistance d’un virus à un ou plusieurs antiviraux pour déterminer le rôle précis des mutations, dans la résistance et de la nécessité éventuelle d’avoir recours à des doses plus importantes d’Oseltamivir pendant des durées de traitement plus longues [85].