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L’émission des lasers à cascade quantique repose sur une transition intersousbande, tran- sition entre deux états électroniques de la bande de conduction d’un puits quantique de semi- conducteur. Seuls les électrons sont impliqués et la transition peut être accordée en fonction de la taille du puits quantique. Nous allons voir que pour avoir du gain laser, il faut une inversion de population entre les états impliqués dans la transition laser. Le gain est renforcé grâce à l’effet cascade permettant à un électron de générer plusieurs photons. L’ajustement des états électroniques par ingénierie quantique des puits et des barrières permet d’obtenir les conditions nécessaires à l’émission du LCQ. C’est ce que nous allons détailler dans cette partie.

I.2.1 Principe schématique de fonctionnement des LCQ

Les lasers à cascade quantique se composent de couches nanométriques de 2 types de semiconducteurs, formant alternativement des puits quantiques et des barrières. On présentera dans ce manuscrit deux couples de matériaux puits/barrière qui sont la base des LCQ utilisés dans nos expériences : GaAs/AlGaAs et InGaAs/AlInAs. Comme on l’a détaillé dans la partie I.1.1, dans les puits quantiques, les états électroniques sont confinés et on peut contrôler l’énergie qui sépare ces niveaux en jouant sur l’épaisseur des couches et donc sur la largeur des puits.

La figure I.7 présente schématiquement deux puits quantiques, encadrés de barrières, où sont confinés des états électroniques. Si on arrive à injecter sélectivement des électrons dans l’état de plus haute énergie, ces derniers peuvent se désexciter vers un niveau inférieur en émettant un photon d’énergie égale à l’écart entre les niveaux. Pour obtenir un effet laser, il faut imposer une inversion de population entre les états 3 et 2, impliqués dans la transition (on parlera d’état haut et d’état bas pour désigner ces états). Pour cela, on aura besoin à la fois de peupler préférentiellement l’état haut, état 3, mais aussi d’extraire efficacement les

I.2. Ingénierie quantique des LCQ 15

électrons de l’état bas, état 2. On pourra ainsi maintenir un temps de vie des électrons dans l’état 3 supérieur à celui des électrons dans l’état 2 et garantir l’inversion de population.

Figure I.7 – Schéma de fonctionnement d’un LCQ : alternance de puits quan- tiques et de barrières, transition intersous- bande permettant l’émission d’un photon

de faible énergie. Figure I.8 – Schéma de fonctionnementd’un LCQ : sous application d’un champ électrique, la structure des puits/barrière s’aligne pour permettre la transition par effet tunnel.

En appliquant un champ électrique à la structure composée des puits quantiques, on as- sure le transport électronique et on favorise l’injection d’électrons (surlignée en bleu) dans l’état haut de la transition par effet tunnel résonant, comme présenté dans le schéma figure I.8. L’électron se désexcite vers l’état bas puis un processus non-radiatif permet de dépeupler l’état 2 vers l’état 1 (dépopulation surlignée en orange). On crée ainsi une inversion de popu- lation entre les états 3 et 2, nécessaire pour obtenir un effet laser. On détaillera les processus d’injection et de dépopulation contribuant à l’inversion de population dans la sous-partie sui- vante. La zone responsable de l’émission est répétée un grand nombre de fois. Cette structure périodique garantit un effet cascade, pour lequel un électron, passant d’une période à la sui- vante, peut être à l’origine de plusieurs photons. Tous les électrons présents dans les puits quantiques de la structure subissent ce même processus en même temps.

I.2.2 Inversion de population

Nous avons vu le fonctionnement schématique d’un LCQ dans la partie précédente. La structure d’un LCQ est en réalité bien plus complexe et les étapes d’injection et de dépopu- lation sont permises grâce à plusieurs puits quantiques.

Zone d’émission

La zone d’émission se compose en général de quelques puits couplés, dans lesquels sont confinés les états électroniques impliqués dans la transition laser. Celle-ci peut être verticale, les électrons impliqués dans la transition sont localisés dans les mêmes puits, ou bien diagonale dans l’espace réel, les états impliqués dans la transition se trouvent dans des puits voisins. Une telle transition est plus ajustable encore car chacun des états peut être adapté indépendam- ment. De plus, pour une transition diagonale, le temps de vie de l’état haut est allongé et donc l’inversion de population est plus importante. Cependant la force d’oscillateur, qui caractérise

16 Chapitre I. Lasers à Cascade Quantique

le couplage quantique entre deux états, est plus faible pour une transition diagonale. Elle dé- pend principalement du recouvrement entre les fonctions d’onde des états concernés. Le gain de la transition entre deux sous-bandes électroniques i et j permet de comparer l’efficacité des différentes régions actives. Il s’exprime [19] :

g(ν0) ∝ ∆N.f∆νij (I.9)

où ∆N est l’inversion de population, ∆ν est la largeur de la transition et fij est la force d’os-

cillateur. On peut voir grâce à cette formule que l’efficacité d’une transition est un compromis entre l’inversion de population (le temps de vie de l’état haut) et la force d’oscillateur (le recouvrement entre les niveaux).

Assurer l’inversion de population est un point crucial pour permettre l’effet laser. Pour cela, on injecte sélectivement des porteurs dans l’état haut de la transition grâce à un état électronique ou une minibande (ensemble d’états couplés sur plusieurs puits) présent dans le puits adjacent. L’état injecteur est ajusté en modifiant le champ électrique jusqu’à atteindre l’énergie de l’état haut. La structure est alors alignée et le transport par effet tunnel résonant de l’injecteur vers l’état haut peut avoir lieu sélectivement, à travers la barrière d’injection (5 à 10 fois plus épaisse que les autres barrières). Les couches servant d’injecteur sont dopées n par des atomes de silicium pendant la croissance. Pour maintenir l’inversion de population, il faut aussi extraire rapidement les électrons de l’état bas de la transition laser, il existe pour cela plusieurs dessins possibles de dépopulation que nous allons détailler.

Dépopulation des LCQ MIR

Le dessin de la première démonstration du LCQ [1] propose un mécanisme de dépopulation par émission de phonons optiques longitudinaux (LO-phonons). Ce mécanisme non-radiatif, très rapide (de l’ordre de 0.1 ps), permet de dépeupler efficacement l’état bas.

Figure I.9 – Exemple de dessin d’un LCQ MIR avec dépopulation par LO-phonon (flèche verte). L’état injecteur (vert) permet de peupler l’état haut (bleu). La transition (flèche orange) a lieu vers l’état rouge. Le transport est assuré grâce à une minibande, surlignée en bleu.

I.2. Ingénierie quantique des LCQ 17

Pour cela le dessin est réalisé de sorte qu’il y ait une transition égale à l’énergie d’un LO-phonon entre l’état bas de la transition laser et un état de plus basse énergie. Après la dépopulation vers l’état inférieur, le transport est assuré par une minibande jusqu’à l’état injecteur de la période suivante. La figure I.9 présente un exmple d’un tel processus de dépo- pulation, pour le LCQ MIR basé sur GaAs étudié au chapitre IV, d’après [20].

Pour améliorer les performances des LCQ MIR et obtenir de fortes puissances émises en continu, un autre dessin a été développé. Ce dessin s’appuie sur l’association résonante de 2 LO-phonons pour dépeupler encore plus efficacement l’état bas de la transition. Ce dessin est présenté sur la figure I.10, d’après la structure de LCQ MIR basé sur InP qui sera étudiée au chapitre V, d’après [21].

Figure I.10 – Exemple de dessin avec dépopulation en résonance avec 2 LO-phonons (flèches vertes). L’état injecteur (vert) permet de peupler l’état haut (bleu). La transition (flèche orange) a lieu vers l’état rouge. Le transport est assuré grâce à une minibande, surlignée en bleu.

L’état bas (rouge) est dépeuplé vers un état inférieur (rose) séparé de l’énergie du phonon. La structure est construite de manière à ce qu’un deuxième état inférieur (orange) soit séparé du premier par l’énergie du phonon, permettant de dépeupler le premier état (rose) pour maintenir une extraction efficace de l’état bas vers le premier niveau inférieur.

Il existe d’autres types de dépopulation comme le type "bound-to-continuum" où l’état bas se dépeuple par effet tunnel vers une minibande. On ne le détaille pas ici car il n’est pas employé dans les structures des LCQ étudiés dans cette thèse.

Dépopulation des LCQ THz

Il existe plusieurs mécanismes de dépopulation pour les LCQ THz. Le mécanisme de dé- population par émission de LO-phonon a également été mis en place pour les LCQ THz et a permis d’obtenir de bonnes performances en puissance et en température. Le fonctionnement est analogue au mécanisme décrit pour les LCQ MIR, l’état bas se dépeuple de manière réso- nante vers un état de plus basse énergie, séparé par l’énergie d’un LO-phonon. La dépopulation de type "bound-to-continuum" est également utilisée pour les LCQ THz.

18 Chapitre I. Lasers à Cascade Quantique

Le dessin présenté sur la figure I.11, d’après la structure de [22], est la structure du LCQ basé sur GaAs qui sera étudié au chapitre VI. Il s’agit d’une structure hybride entre un mécanisme "bound-to-continuum" (dépopulation par effet tunnel de l’état rouge vers l’état violet) et un mécanisme LO-phonon, entre l’état violet et l’état orange. Les structures de ces LCQ sont composées de peu de puits quantiques mais nécessitent un fort champ électrique pour aligner les états sur l’énergie du phonon.

Figure I.11 – Exemple de dessin d’un LCQ THz avec dépopulation hybride "bound-to- continuum" et LO-phonon. L’état injecteur représenté en vert permet de peupler l’état haut (bleu). La transition a lieu vers l’état rouge. La dépopulation est assurée couplage tunnel vers les états violet puis l’émission d’un phonon (flèche verte) vers l’état orange qui est l’injecteur de la période suivante.

Nous avons vu différents éléments d’ingénierie quantique : l’ajustement de l’émission, l’in- jection de porteurs, le transport des électrons et le maintien de l’inversion de population par divers mécanismes de dépopulation. Le contrôle précis et subtil de ces différents points est crucial pour obtenir l’émission d’un LCQ. Pour cela, la résolution numérique de l’équation de Schrödinger dans le potentiel constitué des puits et barrières de la structure est d’une grande aide. L’étape de croissance parfaitement contrôlée des couches très fines de semiconducteur sur de nombreuses périodes est aussi cruciale que le dessin pour les performances d’un LCQ. La zone active est bien sûr le cœur d’un laser à cascade quantique mais ce dernier ne pourrait pas émettre de façon efficace sans un guide d’ondes permettant de confiner une grande partie des photons dans la cavité.