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CHAPITRE 2. LA FRONTIÈRE FRANCO-BELGE, GENÈSE D’UNE DISCONTINUITÉ

1. Les infrastructures de transport

Il y a un lien de causalité réciproque entre les infrastructures de transport et la présence d’une frontière – tout au moins dans le cas de frontières « classiques », à savoir en-dehors de toute logique d’intégration supranationale. D’une part, les États ont tendance à favoriser l’accessibilité intérieure de leur espace national et à contrôler les flux entrants et sortants, d’où une organisation des infrastructures davantage parallèle à la frontière que perpendiculaire. D’autre part, comme les infrastructures de transport conditionnent la

circulation des hommes et des biens, l’organisation des réseaux parallèle à la frontière entrave les flux frontaliers et renforce le rôle de barrière de la frontière. Cette configuration évolue dans le cadre européen actuel, avec la politique des RTE-T (cf. chapitre 1) ; qui vise à améliorer la continuité de l’espace européen. L’étude de ces infrastructures est donc importante pour souligner l’effet séparateur de la frontière, qualifié ici de classique, par rapport aux effets récents favorisant les flux entre pays. Nous distinguerons ici les infrastructures autoroutières, ferroviaires et fluviales.

a. Les autoroutes

Jusqu’aux années 1990, les autoroutes ont été tracées parallèlement à la frontière. En France comme en Belgique, il s’agissait de bien relier les pôles à l’intérieur du pays, et ainsi de favoriser les liens de Dunkerque et de Lille avec Paris, et ceux de Tournai, Courtrai et du littoral belge avec Bruxelles. C’est le cas des autoroutes E42/A25 Lille- Dunkerque, E15/A26 Calais-Lens, A19 Ypres-Courtrai. C’est autour de Lille que se trouvaient les seules liaisons autoroutières transversales importantes : l’autoroute E17/A1 Paris-Gand et l’autoroute E42/A27 Lille-Bruxelles – ces dernières autoroutes répondant à une logique de circulation internationale bien plus que régionale.

Cette armature transversale s’est récemment enrichie d’une nouvelle autoroute : l’autoroute du littoral E40/A16, ouverte en 1998 après de nombreux atermoiements. Il s’agit de la jonction de l’autoroute Ostende-Fürnes avec l’autoroute plus récente reliant Dunkerque à Calais et Boulogne-sur-Mer.

Les rebondissements qui ont entouré et freiné la réalisation de cette autoroute sont révélateurs d’enjeux nationaux antagonistes. L’autoroute Ostende-Fürnes répondait à une stratégie de desservir les ports et villes balnéaires belges, en drainant la clientèle la plus large possible. Il aurait alors été possible de créer une autoroute ou au moins une voie rapide de Dunkerque à la frontière, mais c’était hors de question puisque cela aurait profité uniquement aux ports belges, plus attractifs.

Carte 28. Le réseau routier et autoroutier en 2000

Carte 28. Le réseau routie

r et autoroutier en 2000 C art e : © Di re ct ion du pl an e t de l ’é val uat io n, C onsei l ré gi onal N or d- P as- de-C al ai s, j ui n 20 00

La position des autorités françaises changea suite à la décision de construire le Lien fixe transmanche, en 1986. Un important programme infrastructurel tant autoroutier que ferroviaire accompagna cette réalisation, avec en particulier l’autoroute reliant Calais à Dunkerque. Les intérêts dominants de part et d’autre pour la réalisation d’une autoroute qui traverse la frontière ont donc été inversés : la France souhaitait désormais drainer par autoroute jusqu’à Calais une partie du trafic transmanche qui transitait par les ports belges ; les lobbies portuaires belges se sont élevés contre la jonction autoroutière, ce qui a freiné sa réalisation. De fait, avant même la mise en service du Tunnel en 1994, une partie importante du trafic entre le continent et la Grande-Bretagne s’était concentrée sur Calais. Les ports belges d’Ostende et de Zeebrugge ont perdu d’importantes parts de marchés. La figure 4 illustre l’évolution du nombre de passagers transitant par Zeebrugge de 1980 à 2002 : le trafic en 2000 est trois fois moindre qu’il ne l’était au début des années 1980. Avant même l’ouverture du Tunnel, au début des années 1990, le trafic a fortement chuté pour atteindre un premier palier en 1994, puis a de nouveau chuté après cette date. Depuis la fin des années 1990 on observe une légère reprise, liée au positionnement du port pour les ferries vers Hull, permettant un accès rapide au nord de l’Angleterre et à l’Écosse.

Source : Kamer voor Handel en Nijverheid,Bruges

Figure 4. Évolution du nombre de passagers transitant par le port de Zeebrugge, de 1980 à 2002

L’évolution est similaire pour le port d’Ostende. Ostende est en effet un point de passage habituel pour les flux entre Cologne et Londres, et a perdu sa position forte sur cet axe est-ouest au profit de flux passant par Bruxelles, Lille et Calais.

0 500 000 1 000 000 1 500 000 2 000 000 2 500 000 1980 1985 1990 1995 2000

La jonction entre les deux autoroutes du littoral s’inscrit dans une tendance globale de déviation des trafics. Pour aller plus loin dans l’analyse, des données sur le trafic autoroutier seraient nécessaires, en distinguant le trafic transfrontalier (à l’échelle locale) du trafic transnational (à petite échelle). Cependant, ce type d’analyse rencontre des limites empiriques : comme l’ont montré les chercheurs du Laboratoire d’économie des transports (LET) de Lyon, les données disponibles sont généralement de simples comptages qui ne permettent pas de distinguer à quelle échelle spatiale correspondent les flux85. Les données sur les flux ferroviaires sont plus aisées à manier.

b. Le rail

Les voies ferroviaires qui traversent la frontière sont peu nombreuses. Ainsi, un dunkerquois désirant se rendre en train à Ypres doit passer par Lille et Courtrai… Ce n’était pas le cas dans la première moitié du XXe siècle, car plusieurs lignes transversales existaient. Mais sur les sept lignes traversant la frontière en 1939, seules deux sont encore en activité :

LIGNE 1939 2004

Lille-Tournai 12 19 Lille-Mouscron

dont Tourcoing Mouscron 13 3 16 11

Menin-Tourcoing-Les

Francs 5 0

Lille-Comines Belgique 12 0

Armentières-Comines (utilisée seulement pour le trafic marchandises) 0 (ligne démantelée en 1988) Hazebrouck-Poperinge ? 0 (ligne démantelée en 1955) Dunkerque-La Panne ? train touristique en 1990) 0 (il y a eu un essai de

Source : SNCF, SNCB Dans ce tableau ne figurent que les lignes de notre zone d’étude. D’autres lignes existent plus au sud, notamment entre Valenciennes, Maubeuge et Mons

Tableau 2. Nombre de liaisons ferroviaires, les jours ouvrables, en 1939 et aujourd’hui Il y a eu une rationalisation du réseau ferroviaire entre les deux dates : les deux lignes qui restent, les plus rentables, se sont renforcées, tandis que les autres ont été supprimées.

85 DIAZ OLVERA, L., LE NIR, M., PLAT, D., RAUX, Ch. – Les effets-frontière : évidences théoriques,

impasses empiriques. Études et recherches, Laboratoire d’économie des transports, 1995, 104p.

DIAZ OLVERA, L., LE NIR, M., PLAT, D., RAUX, Ch. – Les effets de frontière, une barrière à la compréhension des échanges internationaux ? Espace géographique, 25(3), 1996, p.193-202

Carte 29. Le réseau ferré en 2000

Carte 29. Le réseau ferré en 2000

C art e : © Di re ct ion du pl an e t de l ’é val uat io n, C onsei l ré gi onal N or d- P as- de-C al ai s, j ui n 20 00

Certes, la plupart des lignes existant en 1939 ne comportaient qu’une voie, et ne connaissaient pas un trafic considérable. Celles de l’agglomération lilloise répondaient à une logique de déplacements des travailleurs des usines textiles ; celles de la Flandre intérieure à des relations commerciales de proximité. Mais elles étaient le signe de

l’intensité des relations locales et de leur fréquence. Émile Coornaert rappelle que le

marché de Poperinge était notamment fréquenté par des Français, et réciproquement « chaque semaine, les fermières des villages belges apportaient beurre, œufs, volaille aux marchés de France (…) jamais on n’avait cessé de fraterniser : les uns allaient aux « ducasses » des autres ; villes et villages invitaient les musiques des voisins (…) » (Coornaert 1970, p.325-326).

Cependant, pour interpréter le tableau précédent il faut également tenir compte du progrès de la mobilité individuelle par automobile depuis la Deuxième Guerre Mondiale, et des multiples facettes de l’auto-mobilité et de la dépendance automobile, pour reprendre les expressions de Gabriel Dupuy86. En effet, des relations locales qui jusqu’alors ne pouvaient se faire qu’en train ont pu être remplacées par des trajets en voiture.

Mais d’après Émile Coornaert, la baisse des relations de proximité en Flandre rurale fut réelle, et commença même dès le début du XXe siècle : « en 1903, les chemins de fer belges construisirent un « vicinal » joignant Fürnes à Poperinghe. C’était « le progrès » : mais, du coup, les échanges furent drainés vers le nord et vers le sud, et pratiquement interrompus à travers la frontière » (Coornaert 1970, p.326). Dans ce contexte d’atténuation des relations de proximité, les relations ferroviaires ont-elles fait place à des flux routiers ? Qu’est devenue la fréquentation locale des populations flamandes belge et française ? Des éléments de réponse seront apportés à ces questions dans les chapitres 5 et 6, consacrés à la nuptialité frontalière et à son évolution.

Aujourd’hui, des réflexions sont en cours sur la remise en circulation de voies transfrontalières. Côté belge, il est prévu d’électrifier la voie Gand-La Panne, ce qui indique que les Belges misent sur une augmentation du trafic à ce niveau. Mais aucun projet de cette sorte n’existe dans le Dunkerquois. La rentabilité de ces lignes est encore hypothétique : la ligne Mons (Belgique) – Aulnoye (France) a été supprimée en 2000 en raison d’une fréquentation insuffisante.

Enfin, l’innovation majeure en matière de transport ferroviaire à travers la frontière franco-belge n’est pas transfrontalière, mais transnationale : il s’agit de la mise en place en 1996 de la ligne à grande vitesse Thalys entre Paris et Bruxelles (les prolongements Bruxelles – Cologne et Bruxelles – Amsterdam sont des lignes classiques et non à grande vitesse). Si l’on y ajoute les relations par Eurostar entre Londres, Paris et Bruxelles, c’est un véritable réseau ferroviaire transnational qui a été créé (cf. figure 5 p.121).

86 DUPUY, Gabriel. – La dépendance automobile : Symptômes, analyses, diagnostic, traitements. – Paris :

Hamez, Lizzi, 2003 Source : Eurostar, Thalys

Figure 5. Nombre de voyageurs Thalys et Eurostar entre Paris, Londres, Bruxelles et Lille en 2000

0 500000 1000000 1500000 2000000 2500000 3000000 3500000 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 Bruxelles-Paris Bruxelles-Londres Bruxelles-Lille Bruxelles-Cologne

Source : Thalys, Eurostar Les données comprennent le nombre de voyageurs dans les deux sens (aller + retour). Les relations considérées entre deux gares ne comprennent que les voyageurs qui montent dans l’une des gares, et descendent du train dans l’autre

Figure 6. Nombre de voyageurs sur les destinations Thalys et Eurostar de et vers Bruxelles

La taille des cercles est proportionnelle à la population des aires urbaines (Grand Londres, Ile-de-France, Région de Bruxelles-Capitale, Arrondissement de Lille). La taille des traits représente le nombre de voyageurs.

Les courants les plus importants répondent soit à une logique de relations entre les trois capitales Paris, Londres et Bruxelles, soit à la logique nationale de relations Paris- Lille. Le nombre de voyageurs entre Lille et Bruxelles est comparativement très peu élevé, compte tenu de la faible distance-temps entre les deux villes (38 minutes). De même, Jean-Marc Joan et Jean-Luc Van Gheluwe remarquaient en 1999 que « les liaisons Eurostar (…) restent assez peu utilisées sur le plan régional aux arrêts de Lille et Fréthun »87. La logique de ces trains à grande vitesse est bien davantage

transnationale que transfrontalière. Ainsi, il est impossible pour un voyageur montant

dans le train à Calais-Fréthun de descendre à Ashford à l’autre côté du tunnel : la première gare est Londres. De même un passager montant dans l’Eurostar à Ashford ne pourra pas descendre avant d’arriver à Lille.

En l’absence de données sur le trafic routier entre ces différentes villes, il est difficile d’aller plus loin dans l’analyse des relations transnationales ; les chiffres de trafic devraient en effet être relativisés en tenant compte des reports entre le train, la route, le bateau et l’avion. Mais plusieurs conséquences peuvent être retirées de l’existence des réseaux Thalys et Eurostar sur la nature de la frontière franco-belge.

En premier lieu, cette frontière terrestre n’est plus seulement localisée le long des bornes qui cheminent entre France et Belgique : elle se trouve également dans la gare du Nord à Paris et dans la gare du Midi à Bruxelles – ainsi qu’à Londres Waterloo. Les réseaux ferroviaires à grande vitesse ont pour répercussion de dissocier les effets de la frontière de son tracé physique. Certes, ce type de dynamique n’est pas nouveau en soi ; déjà en 1952, Jean Gottmann notait que « la frontière, ligne terrestre, a encore perdu de sa signification avec l’avènement de l’aviation, de la T.S.F, du radar, etc. » (Gottmann 1952, p.145). Les aéroports aussi servent de frontière, et ce depuis plus d’un demi-siècle. Mais les gares Thalys et Eurostar diffèrent des aéroports par une banalisation de la mobilité à travers les frontières : tandis que les voyages par avion impliquent de se rendre dans les aéroports situés généralement loin des centres-villes, d’arriver au moins 45 minutes avant le décollage, et une fois parvenu à destination de devoir encore faire le voyage jusqu’au centre ville, les trains à grande vitesse présentent des atouts de facilité, d’efficacité et de rapidité – les gares étant peu éloignées des centres, en zone urbaine dense, et étant en outre bien desservies par tous autres moyens de transport. En conséquence, il devient presque aussi facile et rapide pour un Parisien de se rendre en Belgique que pour un Lillois.

En second lieu, la mobilité engendrée par ces relations ferroviaires est d’une autre nature que les relations frontalières traditionnelles : il s’agit avant tout de relations entre métropoles de niveau international. Ainsi, la clientèle d’affaires constitue une part importante de la clientèle du Thalys. Il semble donc que l’espace des relations transnationales ne se fonde pas avec celui des relations transfrontalières : ce dernier est tissé par les flux des populations frontalières locales, qui traversent régulièrement la

87 JOAN, Jean-Marc, VAN GHELUWE, Jean-Luc. – Le littoral à l’heure du transmanche. Profils Nord-

frontière pour leurs achats par exemple, alors que le premier est davantage un espace de relations professionnelles ou de tourisme.

c. Les voies d’eau

De même que les voies ferrées, le schéma d’organisation des voies d’eau présente très peu de solutions de continuité à travers la frontière. La Lys et l’Escaut ne sont pas calibrés pour les canaux à grand gabarit, ce qui entraîne une rupture entre les réseaux fluviaux belge et français. Le canal de Fürnes est calibré uniquement pour des péniches de type Freycinet (300 tonnes) et donc pratiquement inutilisable pour le réseau à grand gabarit calibré à 3000 tonnes. Il y avait dans les POS des communes une servitude prévoyant l’élargissement possible de ce canal, mais la servitude a disparu ces dernières années. Un canal à grand gabarit entre Dunkerque et les ports belges n’a jamais été à l’ordre du jour tant que la frontière était forte, car une telle infrastructure aurait profité à ces derniers. On retrouve une donnée qui transparaît dans toute l’histoire de Dunkerque : la concurrence n’a jamais profité au port de Dunkerque, son développement s’est fait grâce au protectionnisme.

Le cas de l’Yser est aussi significatif : le fleuve est canalisé et navigable uniquement dans la partie belge. L’Yser, ruisseau côté France, n’excédant pas deux mètres de large, devient une voie d’eau prisée des plaisanciers une fois la frontière passée (cf. photos suivantes). Certes, le fleuve reçoit un affluent quand il arrive en Belgique, et son débit y est donc supérieur au débit côté français. Par ailleurs, l’aménagement de l’Yser en Belgique doit se comprendre comme un élément d’un vaste réseau national de voies d’eau ; la « culture fluviale » est comparativement moins développée en France.

Source : Direction du plan et de l’évaluation, Conseil régional Nord-Pas-de-Calais, juin 2000

Hamez, 2000

Photo 6. L’Yser côté français

Hamez, 2000

Mais en ce qui concerne les liaisons par voies d’eau, c’est le sort du port de Lille qui est le plus spectaculaire. Il est certes relié à Dunkerque et Valenciennes par le canal de la Deule et le canal de Neufossé. Ce dernier est calibré pour les péniches de type Rhein- Herne-Kanal (RHK), les plus courantes en Europe, dont le port en lourd est de 1350 tonnes. Mais le réseau français n’a aucun lien cohérent avec le réseau fluvial belge à grand gabarit. À Lille, le canal de la Lys ne supporte que les gabarits de 750 tonnes. Des aménagements sont en cours pour un calibrage de type RHK ; mais quand ils seront terminés, le problème restera un manque de liaisons entre les canaux du nord et ceux de l’Île-de-France.

Certes, des discussions ont lieu depuis le début des années 1990 sur la réalisation du canal Seine-Nord et de son prolongement jusqu’en Belgique. Elle a même été inscrite au Schéma directeur transeuropéen des voies navigables à grand gabarit en octobre 1993. Mais sa réalisation est sans cesse repoussée. Un rapport d’audit de l’Inspection générale des finances, a d’ailleurs rendu, en 2003, un avis défavorable à sa réalisation, sous prétexte que la rentabilité économique serait insuffisante, et que le port de Dunkerque en profiterait moins que les ports belges88.

En conclusion, si les réseaux nationaux d’infrastructures de transport ont été organisés parallèlement à la frontière, et en conservent aujourd’hui les stigmates, des évolutions différentes sont perceptibles à l’échelle locale transfrontalière et à l’échelle transnationale.

À l’échelle transfrontalière, les réseaux locaux d’infrastructures ne sont pas

mieux connectés, voire ils le sont moins dans le cas du réseau ferré. Certes, le domaine

des transports urbains, qui sera analysé dans le chapitre 8 à propos des récentes actions transfrontalières, amènera à nuancer ce constat, car l’interconnexion des lignes de bus a été facilitée – même si leur fréquentation est encore très faible. Mais un des éléments les plus symptomatiques reste le progressif abandon au cours du XXe siècle des voies ferrées transfrontalières, non rentables.

En revanche, à l’échelle transnationale, cette frontière est traversée par de multiples infrastructures nord-sud et est-ouest, qu’il s’agisse des autoroutes ou des lignes ferroviaires à grande vitesse. La région frontalière devient de façon croissante une

simple zone de transit entre les grandes métropoles qui l’entourent. Elle en retire des

bénéfices en termes d’accessibilité : Lille se « rapproche » en distance-temps des grands centres qui l’entourent. Mais la majeure partie des flux transnationaux lui échappe, comme l’a montré l’analyse du nombre de voyageurs par Thalys.

En ce qui concerne le réseau d’infrastructures de transport, il ressort donc que la ligne frontière demeure une ligne de discontinuité à l’échelle locale, mais pas à l’échelle

88 Inspection générale des finances, Conseil général des Ponts et chaussées. – Rapport d’audit sur les grands

projets d’infrastructures de transport : Annexes :Volume II, étude des projets : les projets fluviaux. – Paris, février 2003, N°2002-M-026-01. – 20p.

transnationale. Les mutations de la frontière franco-belge se feraient donc davantage

à petite qu’à grande échelle, la frontière se rematérialisant en profondeur à l’intérieur des territoires nationaux, dans les gares Thalys et Eurostar – voire à l’échelle

de l’ensemble des territoires nationaux si l’on tient compte de la mobilité par autoroute. Cette hypothèse sera testée dans la deuxième partie en considérant les mariages franco- belges comme un indice du degré de fréquentation des populations.

L’échelle d’analyse considérée jusqu’à présent était l’échelle régionale. Mais la discontinuité que représente la frontière ressort également à l’échelle locale, en considérant les différents milieux géographiques séparés par la frontière.