Les investisseurs expriment une demande sociale permanente d’information afin d’assurer leurs prises de décision et de garantir la survie de leurs entreprises, dans un environnement de plus en plus turbulent et incertain.
Comme l’exprime E.Morin (1997), « alors que l'ignorance de l'incertitude conduit à l'erreur, la connaissance de l'incertitude conduit non seulement au doute mais aussi à la surveillance. L'incertitude n'est pas seulement le cancer qui ronge la connaissance, c'est aussi son ferment, c'est elle qui pousse à investiguer, vérifier, communiquer, réfléchir et inventer ». Dès lors, les
investisseurs doivent repousser les limites de l’incertitude afin de mieux explorer un
environnement qui apparaît instable, imprévisible, complexe, voire chaotique. Cette attitude
permet aux investisseurs de décrypter l’environnement, de le comprendre et de le maîtriser.
Cela incite les investisseurs, notamment les gérants de portefeuille à mettre en place des
économique en plein mutation. Autant dire que l’information comporte en elle-même une valeur ajoutée significative.
Selon D.Foray (2000), les agents économiques pensent que l’usage de la connaissance dans
l’entreprise a été bouleversé par les progrès de l’informatique et par la multiplication des outils de communication et que le développement des systèmes d’information stratégiques
concertés est le levier de la nouvelle économie qualifiée d’économie de la connaissance. Face
à de telles réalités, les agents économiques, notamment les gérants de portefeuille, doivent chercher à répondre au besoin pressant de la maîtrise de l’information et de la connaissance dans un système économique en pleine mutation. Dans ce contexte, ils ont intérêt à obtenir, conserver ou accroître leurs avantages concurrentiels par les biais informationnels qu’ils détiennent ou qu’ils essaient d’acquérir. Cela incite les gérants de portefeuille à collecter
continuellement des informations dans le but d’accroitre le patrimoine informationnel.
Chedia Dhaoui (2008) pense que « L'utilité de l'information comme enjeu stratégique pour l'entreprise, réside dans le fait qu'elle a de la valeur pour aider les décideurs dans leurs prises de décisions stratégiques. ». En effet, nous constatons que les gérants de portefeuilles considèrent souvent les informations en provenance de l’environnement comme une ressource stratégique. A partir de cela, ils cherchent une solution afin de transformer ces informations en connaissance dans le but de préparer leurs actions ou leurs décisions. Cette solution exige des gérants de portefeuille d’acquérir des informations pertinentes, de les exploiter et de les protéger. A cet égard, l’intelligence économique leur suggère des démarches et des moyens leur permettant de gérer avec optimalité leur patrimoine informationnel.
1 Hiérarchisation catégorielle et différenciation heuristique
Les concepts d’information et d’intelligence sont souvent étroitement mêlés, comme en témoignent les terminologies anglo-saxonnes afférentes à ces champs thématiques :
Intelligence Information, Intelligence Information Management…Néanmoins, ces termes
génériques prêtent souvent à confusion, notamment quand on ajoute des adjectifs qualificatifs et que les spécialistes formulent des interprétations différentes. Nous voudrions essayer de structurer ces concepts généraux et protéiformes en distinguant différentes catégories d’intelligence d’information, comme l’illustre la figure 7 ci-dessous.
Source : Rothberg,H and Erickson, S. (2005) From Knowledge to Intelligence; Creating Competitive Advantage in the Next Economy. Butterworth Heineman/ Elsevier.
Figure 7 :Hiérarchie des systèmes d’intelligence
Outre les services dits d’intelligence qui sont parfaitement connus et identifiés, il existe d’autres domaines et concepts qui se recoupent et s’imbriquent les uns dans les autres.
Fondamentalement, on peut distinguer cinq catégories d’intelligence hiérarchisées de bas en
haut en fonction de leur intensité technologique : intelligence artificielle ; gestion de la connaissance ; intelligence économique ; intelligence compétitive : intelligence stratégique
Les deux premières catégories d’intelligence émanent de technologies désormais d’usage
commun. Ainsi, le champ heuristique de l’intelligence artificielle a connu une forte extension
depuis les années cinquante et vise maintenant à expliquer les modes de pensée et de raisonnement permettant de développer les techniques et les programmes informatiques de nature à rationaliser les comportements et les modes de décision. C’est ainsi que sont apparues la robotique, les systèmes experts et les systèmes d’aide à la décision, tous ces systèmes se fondant sur des technologies ayant la capacité d’apprendre.
Un pas supplémentaire devait intervenir avec les systèmes de gestion de la connaissance qui procèdent à la base des systèmes experts. Ces systèmes sont à l’origine d’une branche particulière de l’ingénierie qualifiée « d’ingénierie de la connaissance », dont les techniques s’appuient sur plusieurs éléments : acquisition de la connaissance, codification de la connaissance, évaluation et preuves des systèmes codifiés, implémentation des systèmes. La codification se fonde normalement sur des règles qui, à mesure qu’elles se compliquent du fait
de la multiplicité des chaînes, peuvent devenir des réseaux de neurones, c’est-à-dire une autre
forme de stimulation du cerveau humain. A partir de là, il est possible de parvenir à d’autres
fonctions comme les systèmes de compréhension du langage naturel ou les visions informatisées, des techniques en apparence fort éloignées de l’intelligence économique, de l’intelligence compétitive ou de l’intelligence stratégique, mais qui ont souvent contribué à leur développement. IA Intelligence artificielle GC- Gestion de la connaissance IE Intelligence économique IC Intelligence compétitive IS Intelligence stratégique
Il existe nombre de définitions de l’intelligence économique, définitions qui dépendent de ceux qui en interprètent et en appliquent les principaux paradigmes. Egalement, les sémantiques sont variables suivant les pays. Ainsi, aux Etats-Unis et dans les pays anglo- saxons, le terme de business intelligence se réfère à des activités en relation avec la gestion de la connaissance. Concrètement, il s’agit de méthodologies et de modèles qui tentent de découvrir l’information « cachée » dans les bases de données afin de fournir des instruments utiles aux prises de décision. Parmi les disciplines dérivées, on peut notamment citer le
Marketing Intelligence qui se réfère aux aspects commerciaux et à l’environnement compétitif
des entreprises. De cette manière, il devient possible de modéliser les comportements des clients réels ou potentiels dans le but d’accroître les ventes ou simplement d’affronter efficacement la concurrence.
D’une manière différente, les auteurs français définissent l’intelligence économique comme
l’ensemble des actions coordonnées de recherche, de traitement et de distribution visant à
exploiter les informations utiles aux acteurs économiques (Martre – 1994). Cette définition
comporte pour ses auteurs une double conséquence :
- D’une part, l’intelligence scientifique, qui s’efforce de « ne pas inventer la roue », c’est-à-dire qui vise à rechercher, dans les sources scientifiques accessibles, l’apparition de nouveaux domaines scientifiques apportant des avantages économiques différentiels.
- D’autre part, l’intelligence compétitive qui, sur la même ligne, tend à suivre l’activité
des laboratoires ou des usines des pays les plus compétitifs, avec pour objectif de
connaître les avancées et d’améliorer ainsi la compétitivité.
Dans la lignée de ces concepts, on conçoit aussi souvent l’intelligence économique comme les activités de l’Etat visant à défendre les intérêts économiques du pays dans un contexte d’internationalisation et de mondialisation. Tel est le cas en France comme dans plusieurs pays européens et aussi d’ailleurs au Vietnam, du moins si l’on se réfère aux déclarations officielles d’intention.
2 Connaissance, Intelligence compétitive et intelligence économique
L’intelligence compétitive a pour but d’améliorer la position compétitive sur les marchés des nations comme des entreprises, ces dernières étant évidemment les principaux protagonistes et destinataires. Si la connaissance apporte une valeur différentielle, l’intelligence apporte le pouvoir, comme l’assurent Helen Rothberg et Scott Erickson (2005). Ou dit d’une autre manière, l’intelligence compétitive recherche « ce dont on a besoin à partir de ce que l’on
sait ».
Source: Olier, E. (2011)-Geoeconomy and Globalization. Pearson-FT- Prentice Hall. Figure 8 : Le losange d’intelligence (Intelligence Diamond)
Cependant, selon E. Olier (2011), les auteurs précités semblent ignorer certaines perspectives qui pourraient devenir essentielles à l’intelligence compétitive et même stratégique, dans la mesure où une prise de décision efficace implique que l’on établisse quatre éléments du
losange d’intelligence tels qu’ils apparaissent sur la figure 8 :
- Hypothèses conditionnantes : nous savons que nous connaissons - Connaissance latente : nous ne savons pas que nous connaissons - Lacunes d’information : nous savons que nous ignorons
- Points aveugles : nous ne savons pas que nous ignorons.
Il apparaît ainsi que les activités d’intelligence, indépendamment de l’adjectif qu’on peut leur attribuer, doivent permettre d’amener la connaissance à tous les sommets de ce qui appelé
losange d’intelligence, c’est-à-dire des aspects de la connaissance qui interagissent les uns
avec les autres. Par ailleurs, en unissant les points verticaux, c’est-à-dire « ce que nous savons » ou « nous savons que », nous parvenons à nous mouvoir dans le contour stratégique de l’organisation, tandis que horizontalement, c’est-à-dire en prenant en considération « ce
que nous ne savons pas », nous définissons essentiellement l’axe de l’intelligence. En agissant
Hypothèses conditionnantes :
(Information determining factors)
« Nous savons que nous connaissons ».
W
Points aveugles : (Blind spots)
« Nous ne savons pas que nous ignorons ».
« What we do not know that we do not know »
Connaissances latentes :
(Underlying knowledge) « Nous ne savons pas que nous connaissons »
« What we do not know that we know ».
L :
(Information gaps)
« Nous savons que nous ignorons » « What we know that we do not know »
simultanément dans les deux directions, nous conférons à l’intelligence son caractère stratégique qui constitue en réalité le différentiel de compétitivité.
Pour autant, l’intelligence stratégique résulte d’une agrégation des concepts antérieurs avec pour objectif de fournir l’information et la connaissance afin de rendre possibles des prises de décision de nature stratégique. Néanmoins, il faut tenir compte du fait que l’information peut conduire non pas à la connaissance, mais à des interférences indésirables comme la rumeur ou la perplexité, ainsi que le montre la figure 9.
Source : Rothberg, H. and Erickson, S. (2005) op.cit.
Figure 9 : Information, rumeur et connaissance
Néanmoins, les concepts d’intelligence économique et d’intelligence stratégique restent
souvent utilisés indifféremment en assimilation avec la terminologie française, c’est-à-dire par
référence aux stratégies d’intelligence pour les prises de décision visant à défendre les
intérêts économiques de l’Etat ou des entreprises. La figure 10, empruntée à E. Olier (2011,
synthétise les différents niveaux d’intelligence en conformité avec les objectifs stratégiques à atteindre qui expriment l’idée de strategic emphasis ou « emphase stratégique
Figure 4- Emphase
Hautement stratégique Orientation stratégique
Aide à la prise de décision sur la base
à caractère stratégique
IS
Intelligence stratégique---
Analyse compétitive : Intelligence compétitive Orientation tactique
Comprendre les mécanismes des marchés
Orientation tactique/stratégique
Comprendre les mécanismes qui agissent sur les marchés, les dynamiques, les technologies,
Recueil de données/ information Orientation tactique : Comprendre les mécanismes
des marchés
IC
HautementtactiqueFaible Etendue des objectifs Importante Source Olier, E. (2011) Geoecomy and Globalization. Pearson- FT- Prentice Hall.
Figure 10 : Emphase stratégique et objectifs d’intelligence économique
La figure 10 ci-dessus, empruntée à E. Olier (2011, synthétise les différents niveaux d’intelligence en conformité avec les objectifs stratégiques à atteindre. L’intelligence stratégique garantit en définitive la cohérence de cette approche globale de l’intelligence.
3 Information et cycle de l intelligence
Les systèmes d’intelligence, notamment les systèmes d’intelligence stratégique et économique, sont devenus essentiels dans le contexte de l’économie globalisée. Néanmoins, ces systèmes ont pour finalité une stratégie défensive ou la protection d’installations et de services considérés comme stratégiques pour l’Etat, pour les entreprises ou les institutions financières.
Source Olier, E. (2011) Geoeconomy and Globalization. Pearson FT Prentice Hall.
Figure 11 : Collecte de données, connaissance et intelligence
Afin de mieux comprendre la logique inhérente à tous ces systèmes, il convient d’établir une modélisation du cycle de l’intelligence afin d’expliquer le rôle de l’information et de la connaissance dans les processus de prise de décision. Dans ce cadre, on suit le schéma reproduit dans la figure 11, en s’appuyant sur les données disponibles, pour atteindre la connaissance qui permettra une prise de décision rationnelle, en conformité avec le cycle d’intelligence de la figure 12. Décision Connaissance Intelligence Analyse Protection InformationSécurité Restructuration Vérification Données
Source : Olier, E. (2011) op.cit.
Figure 12 : Le cycle de l’intelligence
Cependant, il demeure évident que l’intelligence économique résulte d’un processus stratégique. En effet, sans stratégie, il est impossible d’implanter un modèle quelconque
Données Message Information Information Prise de conscience Prise de Connaissance Décision Intelligence C igence stratégique
d’intelligence économique, l’intelligence étant définie comme la capacité de compréhension et d’interaction permettant d’acquérir des avantages compétitifs. L’acquisition d’avantages compétitifs ou concurrentiels se fonde en effet sur le postulat d’une stratégie flexible et en adaptation constante aux changements de l’environnement.
Dans ce contexte thématique, E.Olier (2011) définit une méthodologie synthétique dite STEEP (social, technologique, économique, écologique, politique), intégrant les considérants politiques, l’environnement régional, les défis stratégiques, les contraintes politiques…, comme le montre la figure 13.
Eléments géoéconomiques Eléments régionaux Eléments géoéconomiques
i i Intelligence stratégique Social Politique Technologique Ecologique E Economique
Source Olier, E. (2011) op.cit.
Figure 13 : Méthodologie de l’intelligence stratégique
Une telle démarche pourrait s’avérer des plus fructueuses dans un pays en émergence et en
transition comme le Vietnam dans la perspective d’un processus de développement endogène.
L’obtention, la diffusion et le partage des informations pourraient permettre une amélioration des positions concurrentielles de cette économie émergente, désormais fortement intégrée dans l’échange international, par référence notamment aux petites et moyennes entreprises, protagonistes essentiels d’un développement équilibré.
1)Situation historique 2)Situation géopolitique -Interne
-Externe
3) Situationgéostratégique
1)Régions économiques, frontières 2))Alliance, corridors économiques 3)Nécessités :
expansionouendiguement
1)Situation économique actuelle et prévisionnelle 2) Matières premières : métaux stratégiques, gaz, pétrole
3)Autres enjeux : environnement, développement durable
1)Intérêts stratégiques : affrontements des pouvoirs économique et politiques 2)Softpower, hardpower, smartpower
C : analyse des
stakeholders
1)Définir les problèmes C 3)Analyse de connaissances 4) intelligence et prise de 1)Informations afférentes aux secteurs, aux pays,
2)Analyse des transformations financières 3)Analyse des informations publiques, des régulations, des organismes internationaux
A
des situations concurrentielles
A