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LES INFLUENCES DES PEDAGOGUES OCCIDENTAUX ET LEURS LIMITES

ET "L'ECOLE DE GENEVE"

IV. LES INFLUENCES DES PEDAGOGUES OCCIDENTAUX ET LEURS LIMITES

Bien qu'atteignant son apogée après 1923, c'est dès le début de Io révolution, et sur certains points avant elle, qu'il convient de situer le commencement de l'influence des pédagogies nouvelles sur les péda­

gogues soviétiques, et ce dans la quasi-totalité des groupes en présen­

ce ("anarcho-communistes" exclus).

Ainsi, il est indéniable que Dewey a exercé une influence marquante à la fois sur Chatski, Blonski et Choulguine, particulièrement avant leur découverte du marxisme. On notera également l'influence de Sharelman reconnue par Blonski. Par ailleurs la biographie de lounat­

charski fait état de son étude des pédagogies occidentales et nous avons déjà noté les rapports qu'il eut, ainsi que Kroupskaia, avec Adolphe Ferrière (cf. également Fitzpatrick, 1970, 305).

Levitine, dans son avant-propos des "Problèmes internationaux de pédagogie sociale", écrit en 1919 :

"Le matériel publié dans la série contemporaine d'articles réunis sous le titre général Problèmes internationaux de pédagogie sociale fut déjà publié dans la rubrique, dont j'avais la responsabilité, de la revue l'Ecole Russe dans les années 7914-1917 sous forme d'articles séparés sur les Courants pédagogiques internationaux les plus nouveaux à l'Ouest."

Parmi les articles parus avant 1917 auxquels levitine fait allusion se trouve celui d'Adolphe Ferrière, Les lois de l'évolution et les problè­

mes nouveaux de l'éducation, paru en 1914 dans le numéro 12 de la revue l'Ecole Russe.

Cependant l'influence d'Adolphe Ferrière remonte plus loin que ne le constate levitine, et les premières traductions d'œuvres de Ferrière ont lieu en 1911. Son livre Projet d'école nouvelle est traduit et

publié à Saint-Petersbourg en 191 l (traduction de Kazarov et Woulf édition A. Bogdanov) puis à Moscou en 1912 (traduction Zimina é

d

tion Biblioteka svobodnojo vospitania u obrasovania u sackity de

;

ei

-Bibliothèque d'instruction et d'éducation libre et de protection des enfants -, direction Gorbunov-Rosadov).

Par. ailleurs,

orb�nov-Posadov édite dans sa revue Svobodnoe vospi­

tan1e (Education libre) deux articles d'Adolphe Ferrière :

- 0 metodack propodavania (sur les méthodes d'instruction) no 7 1911, 1-3

I I

- Ouslovia ouspechaosti sovinetsnogo vospitania v internatach (les conditions du succès de l'éducation mixte dans les internats), no 10, 1911, 99.

Les Cercles de la Libre Education qui représentaient dans ces années­

là la pédagogie nouvelle russe se firent ainsi les propagateurs des idées ouest-européennes en matière d'éducation et influencèrent les pédagogues qui après la révolution resteront fidèles à cette orientation ou se dirigeront vers une conception marxiste de l'éducation. Après la révolution le groupe de Pétrograd reprendra à son compte certaines de ces idées et assurera leur diffusion à travers l'édition de 1918 d'une bibliographie sélective sur I' Ecole du Travail comprenant August Lay, John Dewey, Kerschensteiner, Adolphe Ferrière, Maria Montessori et Ventzel.

11 convient également de noter l'influence de Jacques Dalcroze dont les travaux inspirèrent les orientations de l'éducation esthétique par l'introduction de la gymnastique rythmique. Cette influence ne fut par contre pas importante chez ceux qui s'intéressèrent à l'éducation après la révolution de 1917 et qui y vinrent animés d'un souci politique premier, décidés à conquérir au bolchevisme le domaine culturel pour y introduire l'équivalent de la révolution politique et sociale.

Leur intérêt pour les méthodes nouvel les ouest-européennes est surtout dû à une volonté de s'en démarquer. Ainsi par exemple, l'Ecole Uni­

tature du prolétariat, dans l'environnement impérialiste de cette dictature ? C'est ainsi et seulement ainsi que doit

Ainsi Kroupskaia rappelle-t-elle, avec Lepechinski, en 1918 que le but de l'éducati6n socialiste est un "développement le plus complet,

1. M.M. Pistrak, théoricien des Communes scolaires

En novembre 1918, Pol jan ski fit paraitre un Projet pour un vi li age sco­

laire dans lequel il déclarait, paraphrasant Marx, que la libération des élèves ne peut venir que des élèves eux-mêmes. li suffisait pour cela d'un terrain, d'un bâtiment et du matériel nécessaire à l'édifica­

tion d'une communauté pour enfants dans les ban 1 ieues des vil les, communauté dont l'organisation serait prise spontanément e

n main par

la jeunesse. Dans la ligne de ce projet "utopique" furent créées les Communes scolaires rattachées au NARKOMPROS.

Les noms de

Ponte­

lemon Lepechinski, Modeste Lepechinski et Moise Pistrok sont

1161

au développement de ces établissements. Pantelemon

Lepechln1kl, dan1

son discours à la Commission d'Etat pour I' Instruction

(27 mal 1918),

en traçait les liens avec les communes dans

lesquelle1 elles

devaient s'insérer :

"Maintenant déjà où la manière de vivre dans une commune ou une autre se rapproche de plus en plus de l'ordre

com-muniste, le relief de la liaison organique entre le travail de la collectivité scolaire et le processus de travail dans le milieu ambiant de l'école apparait toujours davantage."

(Op. cit.)

Il fonda lui-même, à l'automne 1918, la commune scolaire qui porte son nom, établissement qui fut ensuite transféré dans la banlieue de Moscou et dont M.M. Pistrak prit la direction en 1919.

Le démarrage de ces communes scolaires met en évidence à la fois les principes de leur organisation et les difficultés qu'elles rencontrè­

rent. A cet égard le qualificatif de pédagogie de la misère n'est pas emphatique. Les communes étaient en effet organisées dans des bâti­

ments non adaptés à cette utilisation et dans lesquels les "communards"

devaient prendre en charge l'ensemble des problèmes de vie, et de survie, qui passaient bien avant l'enseignement. Sans moyens particu­

liers, il leur fallait également servir de modèle au village environnant, et le travail politique ne devait pas non plus être négligé.

La difficulté de l'entreprise est soulignée par Kroupskaia qui écrivait

" La collectivité en son entier a dû frayer des voies nou­

velles dans le creuset d'une première expérience, travail­

ler à ses risques et périls, observer infatigablement, fai­

re des erreurs et en retirer des leçons. Les conditions ex­

térieures étaient terriblement difficiles, l'indigence ma­

térielle, la nécessité de consacrer un temps considérable aux travaux d'équipement, et surtout une totale incompré­

hension de la part des habitants du voisinage, même commu­

niste, étaient autant de bâtons dans les roues." (Préface à Pistrak, 1924.)

Dirigés par des éducateurs choisis pour leurs convictions politiques à qui l'on confiait un poste sur le "front culturel", ces établissements constituaient "l'armée rouge de la pédagogie".

A la fin de la guerre civile, et toujours dans le même esprit, furent mises en place des expériences de liaison étroite entre l'école et l'in­

dustrie, les communes scolaires devant fonctionner comme établissements pilotes. En 1922, sous la direction de Pistrak, furent menées les expé­ et enseignement sur les processus industriels.

Dans son

1

lvre Problèmes fondanentaux de I' Ecole du Travail ( 1925) Pistrak justifie cette liaison en considérant la participation des éco­

liers au travail en usine comme le problème cardinal de l'éducation l'auto-organisation des élèves {cf. Pistrak, 19220). Le troisième tou­

che aux méthodes pédagogiques qui prendront plus tard le nom de sys­

subira le contrecoup de l'abandon et de la condamnation de cette mé­

thode. Il fut, selon l'article de réhabilitation le concernant, "victime de la calomnie ennemie" en 1937. "En 1940 fut interrompue la vie de ce remarquable acteur de l'éducation populaire, constructeur plein d'abnégation de la nouvelle école polytechnique du travail", tels sont les euphémismes désignant les purges staliniennes et l'élimination de Pistrak (cf. Kornejcik, 1964).

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