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Sternaspis scutata (Ranzani, 1817) et biomasses individuelles de Laonice cirrata et Lumbrineris latreilli

Période 18-34 mois : de mars 2005 à juillet 2006

IV.4.2. L'influence du Rhône sur la communauté

IV.4.2.1. Influence des apports en MOP

En raison de conditions climatiques particulièrement sèches ces dernières années, la contribution des apports terrestres par le Rhône dans le pool de matière organique a été particulièrement faible par rapport aux apports marins (III.3.2. p 83). Cette faible contribution s'est répercutée au niveau de la taille du peuplement (densité totale) de la station SLT Rhône.

D'après les mesures réalisées au cours de deux années de fortes crues (1994 et 1995) (Salen-Picard et al., 2003), la densité totale du peuplement à SLT Rhône avait une valeur moyenne d'environ 8700 ind / m² alors que dans cette étude, elle n'était que d'environ 4200 ind / m² (valeur rapportée à la même maille de tamis).

La densité totale et la biomasse de la communauté des Vases Terrigènes Côtières diminuent naturellement avec l'éloignement du delta du Rhône (Salen-Picard et al., 2003;

Hermand et al., 2008). Cependant, la densité totale du peuplement de la zone de clapage (station PA) était aussi élevée que celle du peuplement de la station SLT Rhône. Vu la position géographique de la zone de clapage, une densité moindre, plus proche de celle de SLT Fos, aurait été attendue. Cette densité plus élevée dans les clapages ne peut pas avoir exactement la même cause que celle de SLT Rhône, généralement attribuée à la grande quantité de matière organique disponible au droit du fleuve. Les sédiments clapés contenaient en effet moins de carbone organique et d'azote que les sédiments des deux autres stations (cf. III.3.3. p 88). Plusieurs facteurs peuvent avoir permis l'installation d'un peuplement aussi dense : (1) le milieu, vierge ou quasiment vierge, a permis l'installation de nombreux animaux (Guerra-Garcia et Garcia-Gomez, 2006); (2) une faible quantité de matière organique évite la réduction du sédiment qui constitue un frein à la restauration de la macrofaune (Bolam et al., 2004); (3) la matière organique dans les clapages présentait des proportions de glucides insolubles moins élevées que dans les autres stations, ce qui lui a conféré une capacité trophique plus élevée et donc une meilleure qualité nutritionnelle; (4) le sédiment contenait moins de silts.

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IV.4.2.2. Influence du taux de sédimentation

La taux de sédimentation élevé qui règne au large du Rhône se traduit, au niveau sédimentaire, par d'importantes teneurs en particules fines (argiles et silts) et au niveau des peuplements benthiques par la dominance des taxa dépositivores (Spionidae, Paraonidae, Sternaspis scutata, Lumbrineris latreilli notamment). La sédimentation ambiante agit comme une contrainte sur un certain nombre d'organismes et modèle les communautés. De nombreuses études s'accordent pour dire que la sédimentation influe négativement sur la biomasse, la diversité et la structure fonctionnelle des communautés macrozoobenthiques (Rhoads et al., 1978; GESAMP, 1994; Newell et al., 1998; Pfannkuche et al., 1999; Aberle et Witte, 2003; Gibbs et Hewitt, 2004; Wlodarska-Kowalczuk et al., 2005). Il a été montré qu'une concentration de 80 mg / L de matières en suspension pouvait augmenter le risque de mortalité et gêner la nutrition des bivalves suspensivores, des oursins ou encore des polychètes tubicoles dépositivores (Akoumianaki et Nicolaidou, 2007). Au large du Rhône, Naudin et al. (1992) ont mesuré des teneurs en particules dans l'eau variant d'environ 45 mg / L à plus de 4400 mg / L dans le néphéloïde benthique (2 m maximum au dessus du fond). Ces conditions environnementales ne permettent pas l'installation et la survie des espèces animales les moins adaptées. Ainsi, dans les zones où le taux de sédimentation est élevé, les animaux dépositivores sont souvent les plus nombreux (Wlodarska-Kowalczuk et Pearson, 2004; Wlodarska-Kowalczuk et al., 2005) notamment les "dépositivores de sub-surface profonds",(tels que Sternaspis scutata) (Fauchald et Jumars, 1979) capables de s'enfoncer dans le sédiment (Wheatcroft, 2006).

Au sein des peuplements des trois stations, seuls dix-sept taxa ont montré des fréquences relatives élevées et / ou des dynamiques temporelles "remarquables". Dans les communautés du type de celles des Vases Terrigènes Côtières (dans les vases circalittorales par exemple), il n'est pas exceptionnel de rencontrer dans les communautés benthiques un cortège de quelques taxa dominants et un ensemble de taxa moins nombreux voire rares qui les accompagnent (Picard, 1965; Picard, 1971; Pearson et Mannvik, 1998; Salen-Picard et Arlhac, 2002; Salen-Picard et al., 2003; Wlodarska-Kowalczuk et Pearson, 2004;

Akoumianaki et Nicolaidou, 2007; Hermand et al., 2008). À grande échelle, même s'il existe une variabilité spatiale naturelle, les communautés de ce type ont des taxa en commun dès que les conditions environnementales tendent à se ressembler. C'est le cas notamment des espèces des genres Prionospio ou Lumbrineris signalées par Wlodarska-Kowalczuk et Pearson (2004) dans une biocénose arctique soumise à la sédimentation générée par un glacier.

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Lumbrineris latreilli et des polychètes Spionidae et Paraonidae ont été identifiés en grand nombre au large du Pô en Mer Adriatique (Simonini et al., 2005). C'est également le cas pour Sternaspis scutata, très abondant au large des zones deltaïques et des estuaires macrotidaux, comme le delta du Changjang (Rhoads et al., 1985), ou dans des zones soumises à d'importants apports terrigènes en Papouasie Nouvelle Guinée (Aller et Aller, 2004).

Hermand et al. (2008) ont classé les taxa les plus abondants au large du Rhône en fonction de leur fréquence le long d'un gradient de sédimentation (radiale orientée Ouest-Est au large de l'embouchure du Rhône) (Tableau IV XXVIII). Le peuplement de PA présentait au début de l'étude des fréquences élevées des taxa Aricidea claudiae, Cossura sp., Heteromastus filiformis, Laonice cirrata, Lumbrineris latreilli, et Sternaspis scutata (Figure IV 25) qui, selon ces auteurs, sont capables de supporter un taux de sédimentation élevé. Certains d'entre eux, comme Chaetozone cf.setosa et une autre espèce du genre Cossura, ont même été qualifiés de résistants à la sédimentation par plusieurs auteurs (Olsgard et Hasle, 1993; Wlodarska-Kowalczuk et Pearson, 2004).

Tableau IV XXVIII : Composition des groupes issus de taxa en fonction de la distance à l'embouchure du Rhône (Hermand et al., 2008). Le groupe A rassemble les espèces plus abondantes à proximité du Rhône (taux de

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Figure IV 25 : Répartition des taxa à SLT Fos, PA et SLT Rhône, sur l'ensemble de la période d'étude, en fonction de leur résistance à la sédimentation selon la classification établie par Hermand et al. (2008).

En appliquant le classement de Hermand et al. (2008) au peuplement de PA, certains phénomènes liés à la restauration du peuplement sont apparents (Figure IV 26). Les taxa inféodés à un taux de sédimentation élevé (groupe A) étaient très abondants au début de l'étude. Au cours du temps, ils ont diminué continûment alors que ceux inféodés à un taux de sédimentation faible ont augmenté. La communauté de PA a donc réagi aux clapages en

"s'enrichissant" de taxa qui supportent un fort taux de sédimentation et que l'on trouve habituellement au droit du Rhône. Ceci tend à montrer une similitude entre la réponse du peuplement à l'apport sédimentaire brutal des clapages et aux apports sédimentaires fluviaux, plus réguliers. Il faut toutefois noter que pendant la période d'étude, l'abondance des taxa du groupe A n'était pas particulièrement élévée à SLT Rhône, en raison de la faiblesse déjà signalée des débits du Rhône .

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Figure IV 26 : Variations de l'abondance (ind / 0,1 m²) des taxa à SLT Fos, PA et SLT Rhône, sur l'ensemble de la période d'étude, en fonction de leur résistance à la sédimentation selon Hermand et al. (2008). Le groupe A rassemblent les espèces plus abondante à proximité du Rhône (sédimentation élevée). D regroupe celles qui sont abondantes à plus de 10 km de l'embouchure (sédimentation faible).

En comparant avec les phénomènes constatés après les crues du Rhône, il apparaît que les espèces impliquées dans la restauration de la communauté à PA, sont aussi celles qui prolifèrent à SLT Rhône après les crues (Tableau IV XXIX). La plupart d'entre elles supportant un taux de sédimentation élevé répondent aux crues du fleuve par des pics de densité qui surviennent avec des délais variables de quelques mois (Mediomastus sp. ou Laonice cirrata) à quelques années (Sternaspis scutata).

Tableau IV XXIX : Comparaison des réponses des taxa dominants dans la communauté des Vases Térrigènes Côtières au large du Rhône à différentes facteurs et / ou phénomènes environnementaux. Les astérisques fournissent une indication de l’intensité de la réponse au taux de sédimentation. Leur nombre augmente avec l'intensité de la réponse.

Phénomènes Taux de sédimentation

élevé Crues du Rhône Rejets de dragages Références

Taxa (Hermand et al., 2008) (Salen-Picard et al., 2003) Cette étude

Aricidea claudiae ** * *

Cossura sp. ** ** *

Heteromastus filiformis *** *

Laonice cirrata *** ** ***

Levinsenia sp. * * *

Lumbrineris latreilli ** * ***

Mediomastus sp. *** *

Polycirrus sp. *** *

Sternaspis scutata ** ** ***

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IV.4.3. Écologie des taxa dominants et influence des paramètres