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Chapitre 1 : Mars, un objet d’intérêt exobiologique ?

5. L’hypothèse de la vie sur Mars

5.2. Indices d’une vie passée

McKay et al. (1996) discutèrent de la possible présence d’enregistrements fossiles d’une activité biologique martienne passée dans une météorite nommée ALH84001. Premier point intéressant, cette météorite, découverte en 1984 en Antarctique, est une SNC supposée originaire de Mars (les arguments en faveur d’une origine martienne des SNC sont traités plus en détail dans le chapitre 2). Deuxième point, son âge : elle se serait formée il y a plus de quatre milliards d’années (Jagoutz et al., 1994) dans un environnement tempéré et chimiquement « réducteur » (McKay et al., 1996), c'est-à-dire durant la période où de l’eau liquide stable est supposée présente sur Mars (le phyllosien). D’ailleurs en observant finement la structure de la météorite, des fissures apparaissent et de l’eau à l’état liquide semble avoir coulé au travers. L’équipe de McKay fait donc l’inventaire des différents indices qui permettent de suggérer que cette météorite referme les traces d’une ancienne activité biologique martienne :

• dans les fissures de la météorite, des globules de carbonates se sont formés en présence d’eau liquide. Leur origine martienne a été déterminée grâce à leur âge : ils se seraient formés il y a environ 4 milliards d’années (Borg et al., 1999). Ces globules présentent plusieurs couches. Le centre est composé de calcite et est entouré par trois anneaux : un premier anneau noir composé de carbonate de fer (sidérite), un second anneau blanc composé de carbonate de magnésium (magnésite) et un troisième anneau qui contient des cristaux de magnétite et de sulfure de fer (Figure 14). La structure et la composition de ces globules de carbonates sont similaires à des dépôts de carbonates par minéralisation biologiquement induite par des bactéries

Figure 14 : Vue en coupe microscopique des

globules de carbonates présents dans la météorite ALH84001. En orange la calcite, entourée de trois anneaux : en noir à l’intérieur, la sidérite, en blanc, la magnésite et en noir à l’extérieur, la magnétite et les sulfures de fer. Source : Photo d’Allan Treiman

Figure 15 : Image prise en microscopie électronique à transmission de l’anneau contenant de la magnétite. Cette zone riche en magnétite montre la distribution des cristaux de magnétite. Source : (McKay et al., 1996)

• les grains de magnétite (Figure 15) et de sulfure de fer auraient pu également être produits par minéralisation biologique. Dans le cas des cristaux de magnétite, certaines morphologies sont similaires à celles de cristaux de magnétite produits par des bactéries magnétotactiques. De plus aucun processus abiotique connu ne produit de telles morphologies.

• des HAP (Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques) sont présents notamment dans les globules de carbonates. Ces HAP (Figure 16) pourraient être les reliquats d’une dégradation microbienne. Des analyses de l’environnement (neige, glaces) dans lequel a été retrouvé ALH84001 et des témoins lors de son transfert jusqu’en laboratoire indiquent que ces molécules sont propres à la météorite

Figure 16 : À gauche (A), spectre moyen obtenu par spectrométrie de masse de l’intérieur des surfaces des fractures riches en carbonate, les masses 178, 202, 228 et 252 correspondent respectivement au phénanthrène, au pyrène, au chrysène et au pérylène ou benzopyrène. À droite (B, C, D, E), les signaux des HAP en fonction de la distance depuis la surface de la croûte de fusion de la météorite. Ces signaux indiquent que la concentration en HAP est nulle en surface et élevée à l’intérieur de la matrice minérale, ce qui serait un indicateur de la non contamination de la météorite. Source : (McKay et al., 1996)

• pour terminer, des structures morphologiques observables à très fort grossissement sont similaires en forme et en taille à des nanobactéries (Figure 17). Des formes allongées, qui ressemblent à des bactéries filamenteuses fossilisées dans des roches terrestres, ont été détectées.

Figure 17 : Images prises en microscopie électronique analytique à balayage. À gauche, surface d’un anneau riche en fer dans laquelle des formes ovoïdes de 100 nm de long sont présentes. À droite, vue de la région centrale des globules de carbonate montrant des ovoïdes nanométriques et des formes allongées. Source : (McKay et al., 1996)

Suite à la publication de ces résultats, de nombreux travaux ont tenté d’expliquer la présence et la formation de ces indices par des processus inorganiques :

• les globules de carbonates auraient pu se former abiotiquement lors de l’impact à l’origine de l’éjection de la météorite dans l’espace (Scott et al., 1997), ou suite à des processus d’évaporation (Scott et al., 1998; Warren, 1998; Scott, 1999; Golden et al., 2001)

• la présence de HAP pourrait s’expliquer soit par de la contamination terrestre, soit par l’apport de HAP sur Mars, via le milieu interplanétaire. Dans cette deuxième hypothèse, la roche originelle de la météorite aurait pu renfermer ces HAP avant d’être éjectée dans l’espace (Becker et al., 1999; Bada, 2002). Il est d’ailleurs suggéré que ces deux sources sont à l’origine des HAP

• les formes allongées et les ovoïdes pourraient être des artefacts d’abrasion ou d’altération produits lors de la préparation de l’échantillon pour les analyses en microscopie (McKay et al., 1996)

• les cristaux de magnétite et de sulfure de fer auraient pu être formés par condensation directe d’un gaz ou par précipitation d’un fluide à haute température (Bradley et al., 1996). Toutefois la forme particulière d’une partie des cristaux de magnétite rappelant des cristaux biogéniques terrestres reste le seul argument qui n’a pas été pleinement expliqué par des processus inorganiques (Thomas-Keprta et al., 1998; Buseck et al., 2001)

McKay et al. (1996), bien que n’excluant pas la possibilité que tous ces indices aient pu être formés par des processus inorganiques, conclurent que la météorite ALH84001 contient les preuves d’une activité biologique martienne passée du fait que ces indices soient regroupés dans une étroite association spatiale. Toutefois le verdict final des travaux portés sur cette météorite fut qu’elle ne contient pas de preuves formelles d’une vie martienne passée.