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Chapitre 1 : Mars, un objet d’intérêt exobiologique ?

3. Propriétés physico-chimiques des calcites biogéniques contrôlées

3.2. Comparaison de la résistance thermique par TG-ATD

3.2.2. Comparaison des pertes de masse par analyses TG

Ensuite la comparaison entre les pertes de masse de chaque échantillon a été effectuée. L’hypothèse a été faite que les particularités des biominéraux –éléments mineurs/traces et/ou défauts cristallins – vont avoir une influence sur l’énergie de stabilisation du cristal et donc, faire varier leur résistance thermique par comparaison avec leurs homologues abiotiques. Le but a donc été de quantifier cette variation en comparant la résistance thermique des différents échantillons de calcite biogéniques, abiotiques ou sédimentaires afin d’observer une éventuelle discrimination entre un domaine biologique et un domaine abiotique.

Les pertes de masse des 16 échantillons ont donc été incluses dans un même thermogramme de type TG (Figure 7).

Figure 7 : Thermogramme de type TG représentant la perte de masse des échantillons de calcite biogéniques (couleur verte), sédimentaires (couleur bleue) et abiotiques (couleur rouge) de la première série d’analyse en fonction de la température. La droite (AB) correspond à la tangente à la courbe de perte de masse de l’échantillon CB8, dont la résistance thermique est la plus élevée comparativement aux autres échantillons de calcite biogéniques. Cela délimite le domaine biologique. La droite (A’B’) correspond à la tangente à la courbe de perte de masse de l’échantillon CA1, dont la résistance thermique est la plus faible comparativement aux autres échantillons de calcite abiotiques. Cela délimite le domaine abiotique. Pour ce premier thermogramme, les différences de températures entre les deux tangentes sont représentées par les segments [AA’] et [BB’] et sont respectivement 30,16 ± 0,02 °C et 21,89 ± 0,02 °C

Le thermogramme de type TG obtenu pour la première série d’analyse des échantillons indique clairement une séparation du domaine de dégradation thermique, en fonction de la température, entre les échantillons de calcite biogénique et les échantillons de calcite abiotique. Cette séparation est visualisée grâce aux segments [AA’] et [BB’]. Les points du segment [AA’] correspondent à l’intersection entre la ligne de base initiale pour une perte de masse nulle et les deux droites (AB) et (A’B’). Les points du segment [BB’] correspondent à l’intersection entre la ligne de base finale pour une perte de masse théorique de - 43,975 % et ces deux droites. La droite (AB) est la tangente à la courbe de perte de masse de l’échantillon CB8 et la droite (A’B’) est la tangente à la courbe de perte de masse de l’échantillon CA1. Ces deux tangentes ont été choisies car l’échantillon CB8 a la résistance thermique la plus élevée par comparaison avec les autres échantillons biogéniques tandis que l’échantillon CA1 a la résistance thermique la plus faible par comparaison avec l’autre échantillon abiotique. Ces deux tangentes, (AB) et (A’B’), correspondent donc respectivement à la limite supérieure du domaine de dégradation thermique des calcites biogéniques, et à la limite inférieure du domaine de dégradation thermique des calcites abiotiques.

Les valeurs des segments [AA’] et [BB’] pour le thermogramme obtenu pour la première série d’analyses sont respectivement de 30,16 ± 0,02 °C et 21,89 ± 0,02 °C. En faisant la moyenne des deux, la différence de température entre le domaine biologique et le domaine abiotique est de 26,03 ± 4,16 °C (incertitude calculée à partir du plus grand écart absolu à la valeur moyenne). Les valeurs des segments [AA’] et [BB’] obtenues lors de la première série d’analyse avec les deux autres séries d’analyse ont été comparées afin de confirmer la répétabilité des résultats. Le résumé de ces valeurs est exposé dans le Tableau 4.

[AA'] (°C) ± (°C) [BB'] (°C) ± (°C) Moyenne de la série (°C) ± (°C) Série 1 30,16 0,02 21,89 0,02 26,03 4,16 Série 2 37,61 0,02 31,81 0,02 34,71 2,92 Série 3 31,53 0,02 22,01 0,02 26,77 4,78

Moyenne du segment (°C) 33,10 4,53 25,24 6,59 29,17 8,46

Tableau 4 : Valeurs des segments [AA’] et [BB’] des trois séries d’analyses. La valeur moyenne de l’écart de température, entre le domaine des calcites biogéniques et abiotiques, est de 29,17 ± 8,46 °C. Les tangentes à la courbe de perte de masse pour les trois séries concernent les échantillons CB8, pour la résistance thermique la plus élevée par comparaison avec les autres échantillons biogéniques, et CA1, pour la résistance thermique la plus faible par comparaison avec l’autre échantillon abiotique.

Par conséquent en prenant en compte toutes les valeurs obtenues pour les segments [AA’] et [BB’], pour les trois séries d’analyse des échantillons, la différence de température entre le domaine biologique et le domaine abiotique

est d’environ 30 °C. L’hypothèse de départ qui était de postuler que les particularités des biominéraux peuvent avoir une influence sur l’énergie de stabilisation du cristal, et donc faire varier leur résistance thermique par comparaison avec leurs homologues abiotiques, se vérifie grâce aux analyses thermogravimétriques TG. L’écart de température entre ces deux groupes met en évidence, de manière non ambiguë, une signature biologique de la calcite.

La plupart des pertes de masse des calcites sédimentaires se situent entre les deux domaines. Or, les calcites sédimentaires proviennent de roches calcaires. La formation de roches calcaires passe par la compaction de sédiments riches en carbonates de calcium, dont l’origine est exclusivement biologique, sur les fonds des planchers océaniques. Ces sédiments correspondent à l’accumulation de coquilles et de tests en carbonates de calcium qui n’ont pas été dissous lors de leur précipitation à toutes les profondeurs de la colonne d’eau. A la faveur de mouvements tectoniques ou bien de régression du niveau marin, ces calcaires se retrouvent sur les terres émergées, soit en profondeur, soit en surface. Tout le long de ce parcours, des phénomènes de diagenèse peuvent influencer et changer la composition chimique et la composition minéralogique du calcaire. Les phénomènes de diagenèse dépendent de l’environnement du calcaire mais également de son âge : plus un calcaire sera longtemps soumis à des phénomènes de diagenèse, plus sa nature sera modifiée. Dans le cas des calcaires de carbonates de calcium, la diagenèse peut entraîner la dissolution de la matrice minérale originelle, aragonite et/ou calcite, et le lessivage des éléments mineurs. Les vides laissés par la dissolution vont être alors remplis par la précipitation secondaire de calcite abiotique. Par conséquent, les cristaux de calcite biogéniques composant un sédiment, et donc le calcaire qui en résultera, peuvent être dissous et remplacés par des cristaux de calcite abiotique. Certains calcaires perdent donc une partie de leur composition chimique et leur minéralogie biologique originelle pour évoluer vers une minéralogie abiotique. À la vue des résultats obtenus pour les calcites sédimentaires, deux groupes se distinguent :

• un premier groupe composé des échantillons CS1 et CS4 dont les pertes de masse sont mêlées aux pertes de masse des échantillons de calcite biogéniques. Leurs faibles résistances thermiques par comparaison avec les autres échantillons de calcite sédimentaires et de calcite abiotiques seraient un indicateur de la préservation de leur minéralogie biologique originelle. La diagenèse n’aurait pas ou peu eu d’influence sur la matrice minérale. Par conséquent, ces calcaires ont pu conserver leur signature biologique du fait d’un environnement qui n’aurait pas affecté leur minéralogie. Pour exemple, les dépôts calcaires de l’échantillon CS1 se trouvent dans le désert de la

vallée de la Lune, une région du globe terrestre qui se caractérise par une sécheresse extrême. En l’absence de pluies, il n’y a aucune circulation de fluide capable de dissoudre la minéralogie originelle de ces dépôts depuis leur émersion, favorisant leur conservation

• un second groupe composé des échantillons CS2, CS3, CS4 et CS5 dont les pertes de masse sont intermédiaires entre les domaines des calcites biogéniques et abiotiques. Bien que ces calcaires soient originalement composés exclusivement de carbonates biogéniques, il est possible que la diagenèse a eu une plus grande influence sur ces échantillons. Une partie de leur minéralogie d’origine biologique a certainement été dissoute et remplacée par une minéralogie secondaire abiotique. Par conséquent ces calcites sédimentaires représentent une transition entre une origine biologique vers une évolution abiotique, et elles sont donc un mélange entre biogénique et abiotique.

Ce sont donc les particularités des calcites biogéniques – la présence de défauts cristallins, d’éléments mineurs – qui sont certainement à l’origine de l’augmentation de l’entropie du cristal, de l’augmentation de l’énergie nécessaire pour le stabiliser et donc, de la diminution de sa résistance thermique. Ces particularités sont directement imputables à l’activité biologique car les minéraux de calcite biogéniques sont généralement formés hors de l’équilibre thermodynamique ce qui a pour principale conséquence l’incorporation d’éléments mineurs et un nombre plus important de défauts cristallins. Les données de la perte de masse (Tableau 3, Figure 6) semblent d’ailleurs indiquer la présence d’éléments mineurs dans la plupart des échantillons de calcite biogéniques. La matière organique, quand à elle, est généralement utilisée pour souder les grains de calcite entre eux lors de la formation de structures macroscopiques complexes comme des coquilles ou des tests (minéralisation biologiquement contrôlée). De l’autre coté de l’éventail, la calcite abiotique ne contient pas de matière organique et sa nucléation et sa croissance (dans les conditions de l’équilibre thermodynamique), diminuent très fortement la présence d’impuretés.

Le chauffage des échantillons de calcite et la mesure de leur perte de masse ont donc accentué les différences entre le domaine biologique et le domaine abiotique. L’écart important, d’environ 30 °C, entre ces deux domaines confirme que la comparaison de la perte de masse, c'est-à-dire la résistance thermique, des échantillons de calcite biogéniques et abiotiques, est un indicateur pertinent de l’origine biologique ou non de l’échantillon.