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Chapitre 1 : Mars, un objet d’intérêt exobiologique ?

3. Les carbonates : des références pertinentes pour cette étude ?

3.4. Les carbonates sur Mars

Malgré les nombreux indices laissant supposer que des carbonates ont pu se former sur Mars et être encore présents, à ce jour, aucun dépôt de carbonate n’a été clairement identifié à la surface de Mars par l’ensemble des sondes en orbite ou in situ. De nombreuses hypothèses ont été formulées pour expliquer leur absence, axées principalement autour des conditions environnementales de la surface de Mars et des capacités analytiques des instruments de détection embarqués à bord des sondes.

3.4.1. Non formation des carbonates

• Une des explications s’appuie sur la chimie de formation des carbonates (voir p.97). Une eau pure en équilibre avec l’atmosphère martienne devrait être acide. La dissolution de CO2 dans l’eau liquide acidifie le milieu par production

d’ions H+. Or un milieu aqueux acide dissout les carbonates et déplace

l’équilibre de dissolution de CO2 vers la phase gazeuse (Tucker and Wright,

1990). Par conséquent la production de carbonates sur Mars serait impossible dans ces conditions. Cependant sur la Terre, la production de carbonates a lieu essentiellement dans les océans dont le pH est de 8,1 (Wolff, 2006). Ce pH basique a deux origines principales : l’activité biologique photosynthétique qui consomme le CO2 dissout et augmente le pH ; et une large hydrolyse des

roches silicatées (Wolff, 2006). Ce dernier processus est dominant (Schott and Berner, 1985) du fait que la surface de la Terre est composée en très grande partie de roches silicatées. La surface de Mars est elle-même composée de roches silicatées d’origine volcanique (Bandfield et al., 2000; Bibring et al., 2005; Bibring et al., 2006) ce qui laisse suggérer que si de l’eau liquide fut présente sur Mars, l’altération de ces roches a pu conduire à l’augmentation du pH. Par conséquent, la production de carbonates n’aurait pas été bloquée.

• L’atmosphère de Mars aurait contenu peu de CO2 au début de son histoire

compte tenu notamment de la formation d’argiles et du taux d’échappement du CO2 atmosphérique dans l’espace (Chevrier et al., 2007). Par conséquent,

la faible teneur en CO2 dans l’atmosphère de Mars aurait empêché la

formation de carbonates en surface. Toutefois la présence d’eau liquide passée aurait nécessité un effet de serre important pour la maintenir compte tenu notamment de l’éloignement de Mars au Soleil. Bien que plusieurs gaz à effet de serre aient été proposés, tel que le méthane (Brown and Kasting, 1993; Justh and Kasting, 2002; Kasting, 2002), le CO2 reste le plus probable.

En effet il est l’un des rares gaz à effet de serre qui ne soit pas détruit par des processus de photodissociation et il est également probable que la composition atmosphérique de planètes comme Vénus et Mars ait peu évolué depuis leur formation (Lewis and Prinn, 1984).

3.4.2. Destruction des carbonates

• D’après les données minéralogiques couplées de la sonde Mars Express et des rovers Spirit et Opportunity, la formation des argiles et des sulfates aurait eu lieu durant deux périodes bien distinctes (Bibring et al., 2006). La formation des sulfates, postérieure à celles des argiles, serait le résultat d’une activité volcanique accrue libérant de grandes quantités de dioxyde de soufre. Ce dioxyde de soufre se serait alors dissout dans l’eau liquide, formé de l’acide sulfurique et aurait diminué le pH. La production de carbonates aurait alors été impossible et les dépôts éventuellement formés auraient été dissous (Fairén et al., 2004). Les auteurs de cette théorie postulent également que des pluies acides d’eau liquide chargées en SO2 auraient pu détruire les dépôts de

carbonates éventuellement émergés.

• Des études de laboratoire ont montré que des carbonates se dégradent en émettant du CO2 sous forme gazeuse, lorsqu’ils sont soumis à un

rayonnement ultraviolet simulant l’environnement ultraviolet de la surface de Mars (Mukhin et al., 1996; Fonti et al., 2001; Quinn et al., 2006). Ceci laisse donc penser que le rayonnement ultraviolet à la surface de Mars peut être responsable de la photodécomposition partielle, voire totale, des carbonates. Toutefois les sources de rayonnement ultraviolet utilisées ne sont pas les mieux adaptées pour cette étude.

3.4.3. Des carbonates sous la surface

• La surface de Mars semble recouverte de manière homogène d’une poussière (composée de la désagrégation de roches volcaniques) (Baird et al., 1976; Banin et al., 1992; Rieder et al., 1997). À ce jour, seules les missions spatiales en orbite autour de Mars sont capables de cartographier toute la surface et donc de déterminer la présence de dépôts minéraux. Les carbonates pourraient être masqués par cette poussière. Par conséquent les instruments embarqués seraient incapables les mettre en évidence. Toutefois certains dépôts anciens (argiles, sulfates) affleurent à la surface de Mars, mis à jour notamment lors d’impacts météoritiques, creusant la croûte de Mars sur des profondeurs pouvant atteindre plusieurs kilomètres. Si des carbonates étaient enfouis en profondeur, il est alors tout a fait envisageable que ces impacts aient pu les révéler également. Leur non détection actuelle pourrait indiquer alors qu’aucun dépôt de carbonate ne soit présent sur Mars.

• Il est également possible que lors de la perte de l’atmosphère de Mars, l’eau liquide se soit évaporée. Par comparaison avec la Terre, si toute l’eau de mer s’évapore, la séquence de précipitation des minéraux serait dans cet ordre : les carbonates, puis les sulfates (gypse) et pour finir les sels (halite) (Wolff, 2006). En effet, les carbonates sont des minéraux très peu solubles dans l’eau liquide, ils sont donc les premiers à précipiter si l’eau vient à manquer. Par conséquent des dépôts de carbonates pourraient être enfouis en profondeur dans le sous-sol de Mars.

3.4.4. Capacités analytiques des instruments de détection

• La minéralogie globale de la surface de Mars a été fournie par des instruments embarqués à bord de sonde en orbite autour de Mars. Toutefois une simulation basée sur la détection de carbonates au sol semble montrer les difficultés que rencontreraient ces instrument pour les détecter (Fonti et al., 2001). Une étude plus récente sur les données fournies par l’instrument OMEGA indique d’ailleurs les difficultés à détecter des carbonates à la surface de Mars dans la limite de détection de la méthode employée pour les mettre en évidence (Jouglet et al., 2007).

• Des données collectées en vol de la région de Mormon Mesa (Etats-Unis) par un spectro-imageur infrarouge montre que les principales bandes d’émission infrarouge des carbonates sont fortement atténuées (Kirkland et al., 2000b), alors que cette région est principalement composée de quartz et de larges dépôts de carbonates, notamment de calcite. Les auteurs de cette étude indiquent que cette atténuation est tellement importante, que ni l’instrument TES, ni l’instrument THEMIS n’auraient pu permettre de les mettre en évidence. Par conséquent, si des carbonates étaient présents sur Mars sous forme de dépôts, leur non détection pourrait être attribuée à l’atténuation de l’intensité de leurs bandes d’émission infrarouge. Cette atténuation serait notamment due à la rugosité des dépôts de carbonates (Kirkland et al., 2000a).