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1.3 Analyse modale

1.3.7 Incertitudes sur les paramètres modaux

Quelle que soit la méthode de traitement utilisée, l’estimation des paramètres modaux est nécessairement entachée d’incertitudes. Il faut rappeler que l’analyse modale, telle qu’elle est menée ici, n’a de sens que si le système considéré est linéaire, hypothèse discutée au paragraphe 3.3.7. Nous nous focalisons ici sur les méthodes du pointé de pics et de la FDD.

La source d’erreurs la plus importante est sans doute la qualité des enregistrements. Il est possible d’agir sur la qualité de la chaîne d’acquisition (cf. § 1.2.2), c’est-à-dire sa sensibilité aux fréquences désirées et l’absence de bruit électronique et sur le gain pour éviter la saturation. L’enregistrement peut être refait si une vibration parasite momentanée est intervenue au cours de l’enregistrement comme la curiosité malvenue d’un passant, un vent violent, le passage d’un train, la mise en route d’une machine. . . Il est également possible de supprimer les portions de signal présentant des transitoires marqués à l’aide d’un algorithme de déclenchement inversé (anti-trigger) (Dunand, 2005), mais cette solution n’a pas été retenue car il semble qu’une bonne durée d’enregistrement soit plus importante que des transitoires correspondant à peu d’énergie. On peut, en revanche, difficilement modifier la qualité de la sollicitation, c’est-à-dire sa stationnarité, son isotropie et sa blancheur de spectre (cf. § 1.2.1). Pour diminuer l’incertitude liée à l’estimation des spectres du signal, la seule solution est d’augmenter la durée d’enregistrement et donc le nombre de fenêtres prises en compte dans les moyennes.

L’examen des traces en temps est nécessaire avant toute analyse pour être sûr d’avoir réalisé un enregistrement de la qualité espérée. Les spectres reflètent également assez bien la qualité de ces enregistrements.

L’incertitude sur le pointé d’une fréquence va être due, d’une part, au pas de fréquence choisi pour le calcul du spectre, c’est-à-dire l’inverse de la durée des fenêtres temporelles, et, d’autre part, à la finesse du pic. On remarque ainsi, pour les modes supérieurs, peu sollicités par le bruit de fond sismique, qu’en fait de cloche, on obtient des bosses dont le maximum n’est pas clairement identifié. Pour donner un ordre de grandeur, dans le cas de la tour ARPEJ sur le campus de Grenoble, l’incertitude sur la fréquence est de 1%, pour les premiers modes, jusque 10% pour les modes supérieurs.

La FDD, grâce à l’utilisation totale des enregistrements simultanés, réalise avec le même nombre d’enregistrements plus de moyennes que le pointé de pics et est donc plus fiable en fréquence,

mais ce n’est pas là son avantage premier. Elle permet surtout d’éviter la confusion entre les modes proches et ainsi d’éviter des erreurs d’interprétation dans le comportement dynamique d’une structure.

L’incertitude sur les déformées a les même origines que l’incertitude sur les fréquences mais, que ce soit pour la FDD ou pour le pointé de pics, un point de la déformée va dépendre d’un seul enregistrement. L’incertitude sur les déformées est donc intrinsèquement plus importante que pour les fréquences. Seule l’augmentation de la durée d’enregistrement permet de la réduire (fig. 1.10). L’utilisation de la FDD permet de diminuer assez considérablement l’erreur par rapport au pointé de pics car les modes proches ont été décomposés sans biais.

L’amortissement est le paramètre le moins bien connu d’un point de vue théorique et ex-périmental. S’il est souvent ramené à un amortissement visqueux équivalent constant, il n’est pas physiquement acceptable de le considérer comme tel. Plusieurs phénomènes se cachent der-rière l’amortissement d’une structure, c’est-à-dire la dissipation d’énergie dans celle-ci (Guéguen et al., 2000) : la dissipation dans les matériaux constitutifs, dans les liaisons, l’énergie radiée vers le sol. . . Les amortissements fournis par l’analyse modale constituent une somme pondérée de tous ces effets qui est susceptible de fortement évoluer en fonction de la sollicitation. Dunand (2005) estime qu’avec la méthode du décrément aléatoire, il faut au moins 30 min d’enregistre-ments pour converger dans l’estimation de l’amortissement à 5% d’incertitude dans des cas de bâtiments simples, alors qu’en 10 min une fréquence à moins de 1% d’incertitude est obtenue.

Modélisation des bâtiments

Pour prédire la réponse d’une structure sous séisme et la modéliser de la manière la plus pertinente possible, il faut d’abord comprendre son comportement dynamique. La démarche qui est proposée ici est de comparer le comportement dynamique enregistré sous faible sollicitation (vibrations ambiantes) avec des modélisations simples qui assimilent un bâtiment à une poutre. Les paramètres du modèle sont calibrés par les enregistrements de vibrations ambiantes et ce modèle est validé à l’aide d’enregistrements de séismes.

Comme nous l’avons vu au paragraphe 1.3.1, un système ayant un comportement linéaire peut être décrit facilement dans sa base modale. Nous nous intéresserons donc aux propriétés mo-dales (fréquences de résonance, amortissements, déformées) des modèles pour leur calibration et pas seulement à leurs propriétés physiques (module d’Young, inertie. . .).

De nombreux niveaux de complexité peuvent être atteints grâce aux techniques actuelles de mo-délisation mais il faut garder en tête que les incertitudes sur le résultat vont être la convolution des incertitudes liées au modèle choisi (incertitudes epistémiques) et aux paramètres injectés dans le modèle. Il est donc préférable d’opter pour un niveau de complexité de la modélisation en accord avec la qualité et la quantité des valeurs des paramètres dont on dispose. En ce qui concerne le bâti existant, les plans, les dispositions constructives, la qualité initiale et le vieillissement des matériaux de construction sont difficiles à prendre en compte par le calcul si l’on veut estimer les paramètres physiques d’une structure. A l’inverse, les paramètres modaux estimés expérimentalement intègrent tout cela et permettent une modélisation pertinente des structures existantes même complexes.

Les modèles de poutres discrets (cisaillement et flexion) puis continus (flexion et Timo-shenko) qui permettent de modéliser un bâtiment sont présentés en détail. Il est précisé com-ment ils permettent d’interpréter les paramètres modaux déterminés expéricom-mentalecom-ment. Enfin, l’intégration de ces paramètres modaux à des modèles de poutre est détaillée.