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1.3 Analyse modale

1.3.1 Décomposition du mouvement des structures et approximation linéaire . 36

Le mouvement d’une structure de génie civil, et en particulier un bâtiment, peut se décom-poser en 5 types (fig. 1.11) (Guéguen, 2000) :

– le déplacement relatif de la fondation

– la bascule (rocking) de la fondation (mouvement vertical) et torsion à la base (mouvement horizontal)

– la torsion à la base

– la flexion de la structure (structural drift) – la torsion de la structure

a) b) c) d)

Figure 1.11 : Types de mouvements affectant un bâtiment : a) Déplacement relatif de la fondation ; b) Bascule de la fondation ; c) Flexion ; d) Torsion. Motion types of a building : a) Relative motion of the foundation ; b) Rocking ; c) Structural drift ; d) Torsion.

Le premier type peut être mis en évidence par différence entre un capteur situé au rez-de-chaussée de la structure et un capteur situé en champ libre dans chacune des directions horizontales. Le second et le troisième sont mis en évidence par différence entre deux capteurs au rez-de-chaussée situés aux extrémités du bâtiment. Si le sol est de qualité correcte et la fondation bien réalisée, la contribution de ces mouvements à la réponse de la structure est négligeable. Cependant, dans certains cas, leur rôle peut être prépondérant et rend la com-préhension du mouvement de la structure sous séisme très complexe (Bard, 1988; Guéguen et Bard, 2005). La flexion et la torsion composent le mouvement de la structure à base supposée fixe. Dans la réalité, les mouvements que l’on enregistre dans une structure sont ceux du sys-tème couplé sol-structure. On le remarque sur les déformées modales déterminées par analyse modale expérimentale qui ne valent pas zéro au rez-de-chaussée. On ne s’intéressera pas à ce phénomène en détail. Si l’on réalise le bilan des forces sur cette structure à base supposée fixe, on trouve :

– la somme des forces externes S(t), représentant le vent, les sollicitations du sol. . . – la force de rappel élastique, proportionnelle au déplacement U (t) de la structure

– les forces de frottements, supposées proportionnelles à la vitesse U(t) de la structure

– les forces d’inertie M U′′(t).

L’équation fondamentale de la dynamique s’écrit donc :

où M représente la masse, C les frottements et K la rigidité. M est plutôt constante dans le temps si l’on exclut les déplacements de piétons (négligeables par rapport à la masse de la structure) et les modifications ponctuelles comme par exemple le déplacement de tous les livres d’une bibliothèque comme cela a été remarqué à la Millikan Library (Clinton et al., 2006). Elle ne dépend pas de l’amplitude du déplacement hormis la chute de parties de la structure lors de très fortes sollicitations.

Les variations de K sont plus complexes. La rigidité globale du système, constituée de la rigidité K de la structure base-fixe et de la rigidité liée à l’ancrage de la fondation dans le sol, peut varier dans le temps en fonction des conditions météorologiques comme la température et la teneur en eau du sol (Clinton et al., 2006). Des travaux font également varier K ponctuellement comme l’ajout ou la suppression de murs de remplissage (Hans et al., 2005), un renforcement de la structure (Celebi, 1998; Dunand et al., 2003b). . . K peut également varier en fonction de l’amplitude des sollicitations (cf. partie 1.1 et paragraphe 3.3.7) : tout d’abord, de manière élastique, par la mise en fonctionnement progressive de fissures préexistantes dans le béton à mesure que la sollicitation augmente, des effets d’assemblages et de l’interaction sol-structure (Hans, 2002; Dunand, 2005) ; ensuite, de manière plastique (endommagement), par ouverture de nouvelles fissures et la rupture d’éléments contribuant à la rigidité sous fortes sollicitations. C est sans doute le paramètre le moins bien connu. Ses variations n’ont jamais clairement pu être reliées à l’amplitude de la sollicitation (Dunand, 2005). Dans la littérature, l’approximation d’un amortissement visqueux (proportionnel et constant) est, la plupart du temps, utilisée, mais il s’agit d’une simplification forte de la réalité.

Si on exclut le domaine plastique et les transformations ponctuelles de la structure, le mouvement de celle-ci est bien expliqué par un système d’équations différentielles linéaires. Le théorème spectral assure donc qu’il existe une base (i.e. un ensemble fini ou infini de mouvements élémentaires) dans laquelle tout mouvement de la structure est une combinaison linéaire des vecteurs de base ou "modes". Connaître ces modes, c’est connaître le comportement dynamique de la structure, mais aussi avoir des informations sur ses paramètres physiques propres que sont M , K et C et leur répartition dans la structure. Chaque mode est caractérisé par une période d’oscillation (ou fréquence de résonance), un amortissement, une déformée modale dans l’espace et un coefficient de participation de la masse au mouvement. On peut étudier les modes dans le domaine fréquentiel, on verra alors une série de pics aux fréquences de résonance avec une largeur reliée à l’amortissement, ou dans le domaine temporel où le signal sera la somme de sinusoïdes amorties (fig. 1.12). Bien qu’il existe des algorithmes d’identification en temps, c’est la première représentation qui est plus généralement choisie.

Le nombre et la répartition des modes d’une structure dépendent intrinsèquement de sa géométrie et de ses paramètres physiques M , K et C. La connaissance des modèles classiques simplifiés (cf. partie 2.1) permet d’avoir une idée a priori du nombre et de la distribution des modes. Ainsi, si l’on considère que les masses sont concentrées aux étages, il existe autant de modes de flexion dans une direction qu’il y a d’étages. Cependant, d’une part, le coefficient de participation des modes décroît fortement avec le numéro du mode et, d’autre part, les sollicitations auxquelles sont soumises les structures ne mettent pas en action tous les modes avec la même amplitude. L’enregistrement des vibrations naturelles ne donnera donc pas accès à tous les modes, qui n’ont d’ailleurs pas tous un intérêt pour le génie parasismique, puisque, d’une part, ils ne seront pas tous sollicités et, d’autre part, les coefficients de participation

Frequency Domain

Time Domain

Impulse Response Function Frequency Response Function

Resonance Frequency Damping

Figure 1.12 : Réponse d’un oscillateur à un degré de liberté, représentant un mode, en temps (réponse impulsionnelle) et en fréquence (fonction de transfert). Single degree of freedom response, representing one mode, time history (Impulse Response Function) and spectrum (Frequency Response Function).

des modes supérieurs sont faibles. En pratique, seulement quelques modes par direction sont susceptibles d’avoir un rôle dans la réponse de la structure. La répartition des modes sera discutée en détail à la partie 2.1.

En conclusion, une structure à base fixe peut être décrite par ses modes de vibrations en flexion et en torsion qui sont caractérisés par une fréquence, un amortissement, une déformée modale et un coefficient de participation (paramètres modaux).

1.3.2 Méthodes d’analyse modale

La détermination des modes d’une structure permet donc de décomposer son comportement en des mouvements simples. L’objectif de l’analyse modale est de déterminer ces modes de manière à décrire plus simplement une structure pour la modéliser. Pour cela, l’analyse modale se propose d’exploiter les signaux enregistrés dans la structure. Le fait même que seul un nombre fini de points peut être enregistré apporte un a priori sur le modèle de la structure que l’on considère.

Deux familles d’approches ont été initialement utilisées pour l’analyse modale. En ce qui concerne le génie civil et le génie parasismique, comme vu dans la partie 1.1, l’approche re-tenue a été le traitement du signal. Les signaux enregistrés sont étudiés dans le domaine des fréquences par transformées de Fourier, c’est la méthode du « pointé des pics » (Peak picking), et ses dérivés. Elles sont utilisées, en pratique, dans plus de 90% des cas en génie civil (Peeters, 2000). L’autre approche, plus mathématique, vient à l’origine du génie électrique. Elle utilise la théorie de l’analyse des systèmes et s’appelle « l’identification des systèmes » (System Iden-tification) (Maia et silva, 1998; Ljung, 1999). Elle vise à déterminer les caractéristiques d’un système dont on ne connaît pas les propriétés physiques en le décomposant en réponses im-pulsionnelles (IRF), c’est-à-dire en modes. De nombreuses méthodes aussi bien en temps qu’en fréquences sont disponibles dans la littérature comme par exemple l’Ibrahim Time Domain ou

la Continuous Wavelet Transform pour n’en citer que quelques unes Maia et silva (1998); Le et Argoul (2004)).

Les méthodes d’analyse modale peuvent également être distinguées en trois familles : les mé-thodes non paramétriques, les mémé-thodes paramétriques et les mémé-thodes de sous-espace. On ne détaillera pas ces dernières, par ailleurs déjà passées en revue dans le domaine du génie civil (Peeters, 2000; Peeters et De Roeck, 2001; Peeters et Ventura, 2003). Les méthodes non-paramétriques recouvrent plus ou moins les méthodes n’utilisant que le traitement du signal : on estime et étudie le spectre des enregistrements sans se donner d’a priori. Les méthodes pa-ramétriques consistent à se donner un modèle de système avec des paramètres dont on réalise l’optimisation, soit en temps, soit en fréquence. Chacune des méthodes existantes trouve sa déclinaison pour traiter des enregistrements de vibrations forcées et de séismes (Input Output) et des enregistrements de vibrations ambiantes pour lesquels la sollicitation n’est pas connue (Output Only ou Operationnal Modal Analysis). Cependant les avantages de l’une pour traiter les vibrations ambiantes deviennent souvent des inconvénients pour les vibrations forcées et vice-versa (Peeters et Ventura, 2003).

Nous décrirons, dans un premier temps, la méthode non-paramétrique la plus utilisée en génie civil que nous avons nommée « pointé de pics » (Peak Picking), puis une méthode para-métrique que nous avons utilisée pour traiter les enregistrements de séismes dans les structures, la modélisation auto-régressive (AR). Enfin, nous décrirons la méthode que nous utiliserons principalement, la Frequency Domain Decomposition (FDD) (Brincker et al., 2001c), qui ré-concilie les deux approches car elle utilise des techniques de traitement du signal qui permettent d’être proche des données enregistrées (méthode non-paramétrique) mais appartient à l’analyse des systèmes car elle permet une réelle décomposition en modes (fréquences, amortissement et déformée modale).