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Incertitudes de mesures

2.2 Maîtrise des erreurs

2.2.2 Incertitudes de mesures

Pour évaluer les incertitudes rencontrées lors d’essais à l’ATG, il convient donc de s’in-téresser aux erreurs de mesure aléatoires et aux erreurs systématiques.

Les premières sont souvent associées à la diversité des matériels utilisés, des opéra-teurs, des modes opératoires. On parle alors généralementd’incertitudes de type A. Elles sont évaluées par des méthodes statistiques qui exploitent un grand nombre de valeurs mesurées (Evaluation of measurement data - Guide to the expression of uncertainty in measure-ment2008), avec des notions clés que sont :

la répétabilité : étroitesse de l’accord entre les résultats des mesurages successifs du même mesurande, mesurages effectués dans la totalité des mêmes conditions de me-sure ;

la reproductibilité : étroitesse de l’accord entre les résultats des mesurages du même mesurande, mesurages effectués en faisant varier les conditions de mesure.

Les erreurs systématiques, aussi appeléesincertitudes de type B, sont liées à la préci-sion de l’appareil de mesure et à l’ensemble des sous-systèmes impliqués dans l’obtention du mesurande. Elles sont obtenues à partir d’informations telles que :

des valeurs publiées faisant autorité : notices constructeur ;

de certificats d’étalonnage avec une incertitude précisée avec son facteur d’élargis-sement ;

de la classe d’exactitude d’un instrument de mesure vérifié ; les limites déduites de l’expérience personnelle ;

d’autres informations : la résolution d’un indicateur numérique, les effets de la tem-pérature. . .

Une fois connues les incertitudes de typeAetB, il est alors possible de calculer l’incer-titude composée sur un mesurande, comme étant la somme quadratique des incerl’incer-titudes de type A et de type B.

Dans le cadre des présents travaux, les deux composantes de l’incertitude composée ont fait l’objet d’investigations, lesquelles sont reprises ci-dessous.

Sur les incertitudes de type A

Pour, entre autres, déterminer la composante de l’incertitude de type A, le LCPP a or-ganisé, dans le cadre de sa participation au FORUM of Fire Research Directors, un essai interlaboratoire de grande ampleur avec la majeure partie des laboratoires impliqués dans la modélisation de la pyrolyse en situation d’incendie. L’étude porte sur deux matériaux en particulier : l’oxalate de calcium monohydrate et le polyamide 6,6. Deux grandes fa-milles d’essais ont été proposées, chacune associée à des essais de répétabilité :

les premiers essais sont libres du point de vue des conditions opératoires ; l’inté-rêt de cette phase est d’évaluer l’influence des choix effectués par les opérateurs sur l’extraction des paramètres clés liés à chaque matériau (paramètres cinétiques et températures de début de réaction en particulier) ;

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FIGURE 2.3 – répartition géographique des participants aux essais interla-boratoires

les seconds ont un objectif purement lié aux calculs d’incertitudes, dans la mesure où tous les paramètres expérimentaux (masse initiale, vitesse de chauffage, débit de gaz vecteur, ...) sont fixés ; cette phase va donc permettre de quantifier la reproductibilité à la fois des essais ATG et des grandeurs physiques issues de ces essais.

Ces essais, initialement programmés au cours du premier trimestre 2018, ont pris du retard et sont menés au second semestre de l’année 2018, pour une exploitation au début de l’année 2019. L’ensemble des 18 laboratoires participant au projet est visible sur l’illus-tration2.3.

Sur les incertitudes de type B

Ces erreurs peuvent provenir, dans notre contexte d’étude, de deux sources distinctes : une erreur liée à la mesure. Cette erreur est donc la résultante pondérée des erreurs

liées à chaque composante de la chaîne de mesure ;

une erreur liée à la composition réelle de l’échantillon, en particulier lorsque celui-ci est supposé ne pas produire le moindre résidu, ou encore lorsqu’il est supposé que le terme m∞ est une caractéristique intrinsèque et donc ne dépend pas de la température finale programmée lors d’un essai.

Dans un premier temps, seule la première source d’erreur, liée à la mesure, est traitée, avant d’intégrer une réflexion et une prise en compte de la seconde.

Pour les différentes applications liées à ces travaux, on ne prend en compte que la masse mobilisable, et donc la fonctionΦdevient :

Φ(T) =− h

kBT ·

1

m−m∞

48 Chapitre 2. Décomposition à petite échelle et fonctionnement de l’analyseur thermogravimétrique En considérant une variation infinitésimale de T, il est possible d’écrire :

Φ(T +dT) =− h kBT (1 +dTT )· 1 (m−m∞) (1 + mdmm ∞) ·m˙(1 + dm˙ ˙ m ) (2.16) Á ce stade, une démarche classique consisterait à réaliser un développement de Taylor à l’ordre 1 sur les termes en température et en masse ci-dessus. Cependant, dans le cas de l’ATG, cette opération n’est pas acceptable lorsque le terme en masse approche zéro. Il paraît donc préférable de procéder à une démarche par encadrement. Celle-ci prend, dans un premier temps, la forme suivante :

Φ(T+dT, m+dm,m˙ −dm˙)≤Φ(T, m,m˙))≤Φ(T −dT, m−dm,m˙ +dm˙) (2.17) Une fois l’équation précédente établie, la difficulté est de quantifier les termes d’erreur associés à chaque mesure ; les données constructeur sont les suivantes :

surla température, l’erreur citée par le constructeur est une erreur absolue de0,25 K; surle temps, les données sont difficiles à obtenir ; toutefois la précision des horloges des ordinateurs est calée sur la fréquence des processeurs, et il est donc considéré une erreur forfaitaire de1µs;

sur la masse, l’erreur annoncée par le constructeur est une erreur absolue de1µg; toutefois il s’agit uniquement d’une valeur d’erreur sur la masse, et celle-ci ne prend pas en compte les différentes causes d’erreurs liées à l’appareil pris dans sa totalité. Par exemple, il est possible de citer les effets de flottabilité en fonction de la tempé-rature, la poussée exercée par les gaz émis lors de décomposition thermique. Ainsi, l’erreur de reproductibilité liée au blanc réalisé sur le creuset vide est évaluée par le constructeur à5µg. Ce point est approfondi ci-dessous ;

enfin, sur la différence de masse, la donnée constructeur est de 0,1µg, explicitée comme étant la plus petite différence de masse détectable par l’analyseur. L’utilisa-tion de cette spécificaL’utilisa-tion ne se retrouvant pas dans la littérature, il a donc été choisi que cette erreur serait égale à 2 fois l’erreurabsolue spécifiéeconcernant la mesure en masse.

Plusieurs thermogrammes ont été étudiés afin d’avoir une estimation de la précision réelle de la balance. Les figures2.4montrent un exemple de mesure de température pour du polypropylène, avec une masse initiale de l’ordre de10 mget une vitesse de chauffage de5 K min1.

Le premier graphique met en évidence la stabilité de la masse pendant les1000 pre-mières secondes d’essai (soit entre 312 et 392 K), avant toute occurrence de réaction de décomposition.

Le second, à l’inverse, montre l’évolution de la masse suite à la totalité des-dites réac-tions, toujours pendant1000secondes (entre883et963 K).

Ces résultats, obtenus sous la condition nécessaire de réalisation d’un blanc de mesure préalablement à chaque essai, permettent de justifier, en concordance avec les données constructeurs, de considérer une erreur sur la masse de1µg, notéeerrm, et, par suite, une erreur sur la variation de masse de2µg, notéeerrdm.

L’équation2.17peut donc se réécrire de la manière suivante, en intégrant les cas où la masse mesurée et sa dérivée sont inférieures aux incertitudes considérées. Le terme lié au

2.2. Maîtrise des erreurs 49

FIGURE2.4 – Vue de la variation du signal en masse, pour du polypropylène à5 K min1sous azote a) au début de l’essai b) en fin d’essai

temps dans le calcul d’erreurs, inférieur à 106, est considéré comme négligeable par la suite. sim−m∞> errmetdm > errdm, Φ(T+dT,m+dm,m˙ −d ˙m)≤Φ(T,m,m˙))≤Φ(T−dT,m−dm,m˙ +d ˙m) sim−m∞≤errmetdm > errdm, Φ(T+dT,m+dm,m˙ −d ˙m)≤Φ(T,m,m˙))<+∞ sim−m∞> errmetdm≤errdm, 0≤Φ(T,m,m˙ ))≤Φ(T−dT,m−dm,m˙ +d ˙m) sim−m∞≤errmetdm≤errdm, 0≤Φ(T,m,m˙ ))≤+∞ (2.18) Les développements précédents ont été appliqués au cas du polypropylène, sur les essais à10 K min1, sous azote et avec un débit de gaz vecteur de80 mL min1(voir graphe

2.5). La même démarche est également visible sur le graphe2.6pour le polyéthylène dans les mêmes conditions expérimentales.

Chacun des deux graphiques fait figurer les points surΦpour lesquels sont consom-més, respectivement,95%et99%de la masse initialement mobilisable.

Les graphiques2.5et2.6 montrent que l’incertitude sur la fonctionΦexp est maîtrisée sur la majeure partie de la courbe, et en particulier jusqu’à une décomposition thermique de l’ordre de95%à99%en fonction du matériau considéré.

Á l’inverse, lorsque la masse résiduelle de composé devient très faible, l’incertitude sur la fonction augmente de manière explosive et rend totalement impossible toute exploita-tion des données à partir de ce seuil. Ce seuil correspond à95%de la masse consommée sur le polypropylène de la figure2.5, contre98%pour le polyéthylène de la figure2.6.

50 Chapitre 2. Décomposition à petite échelle et fonctionnement de l’analyseur thermogravimétrique

FIGURE2.5 – Erreurs sur la fonctionΦ, polypropylène à10 K min1

2.2. Maîtrise des erreurs 51 Comme cela est visible sur l’expression deΦ, une source importante d’incertitude vient du fait que l’on divise par la masse à l’instantt, et que la masse de résidu dépend, d’une manière que l’on pourrait presque considérer comme aléatoire des impuretés du matériau. Or, l’incertitude sur la quantité d’impuretés présentes n’est pas maîtrisable. À ce stade, il n’a pas été possible de déterminer s’il s’agit là d’une masse liée à des artefacts de mesure ou aux matériaux en eux-même. Concrètement, sur la centaine d’essais réalisés sur du po-lypropylène et la dizaine d’essais sur du polyéthylène, la masse finale obtenue lors des essais varie entre 0et 60µgde manière uniformément répartie, stable sur plusieurs cen-taines de secondes. Deux valeurs "aberrantes" inférieures à0 ont été relevées, renforçant le fait que cette masse de fin de réaction est liée à plusieurs causes, tant liées au matériau qu’au système de mesure.

En synthèse, la présente section a permis de mieux comprendre la notion d’incertitude sur la fonction Φ, laquelle induit, par intégration directe, une incertitude sur la détermi-nation de la masse et des paramètres cinétiques afférents. Ces travaux vont permettre de définir une plage de température fiable pour la détermination des paramètres cinétiques de la section5.1.1. La section suivante traite d’une autre source potentielle d’erreur, celle induite par l’hypothèse d’une température unique dans le système par l’application de l’"hypothèse thermiquement mince".