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1.3 R´ egionalisation et impacts en France

1.3.3 Incertitudes consid´ er´ ees

La prise en compte des incertitudes dans les ´etudes d’impact du changement climatique est indispensable `a l’´elaboration de strat´egies d’adaptation qui soient r´esilientes (Mit-

chell et Hulme,1999;Pappenberger et Beven,2006;Wilby et Dessai,2010). Les sources

d’incertitudes sont diverses et s’accumulent tout au long du processus d’´evaluation des impacts (Figure 1.11), `a commencer par les sc´enarios d’´evolution socio-´economique et les ´emissions de GES qui en r´esultent, puis l’ensemble des mod`eles num´eriques utilis´es, du mod`ele climatique global au mod`ele d’impact. La quantification de la contribution de chacune des sources d’incertitude est un ´el´ement qui pourrait permettre d’´elaborer des strat´egies d’adaptation plus appropri´ees (Bosshard et al.,2013;Adloff et al.,2015). Les ´etudes r´ecentes de l’impact du changement climatique sur le cycle hydrologique en France ont `a chaque fois, et `a juste titre, mis l’accent sur les incertitudes associ´ees

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au changements ´etudi´ees. Il est d´esormais acquis que les ´etudes doivent utiliser le plus grand nombre de mod`eles climatique possible et ceci afin d’estimer au mieux les incer- titudes li´ees `a ces mod`eles. Les exercices internationaux de comparaison des mod`eles climatiques ont largement facilit´e les ´etudes d’impact, non seulement multi-mod`eles cli- matiques, mais ´egalement `a partir de plusieurs sc´enarios d’´evolution de la concentration des GES. La multiplication des m´ethodes de d´esagr´egation statistique ainsi que les pro- jets internationaux de mod´elisation r´egionale ont ´egalement permis de r´ealiser des ´etudes d’impact en consid´erant les incertitudes associ´ees `a cette r´egionalisation des simulations des mod`eles climatiques globaux. Enfin, la communaut´e s’attache de plus en plus `a uti- liser plusieurs mod`eles hydrologiques. Cela est rendu possible grˆace au grand nombre de mod`eles hydrologiques existants sur le territoire.

Cette accumulation des sources d’incertitudes compliquent l’´elaboration de strat´egies d’adaptation (Lempert et al.,2004;Dessai et Hulme,2004). Heureusement les r´esultats des ´etudes d’impact n’en sont pas moins inexploitables. Des strat´egies d’adaptation bas´ees sur les principes de “moindre regret” (Wilby et Dessai,2010) ou de minimisation des risques (Lempert et al.,2004;OCDE,2014) par exemple permettent d’´elaborer des strat´egies en tenant compte des incertitudes associ´ees aux changements projet´es. Bien qu’il soit possible d’exploiter les ´etudes d’impact malgr´e les importantes incertitudes qui y sont associ´ees, cette solution ne peut-ˆetre totalement satisfaisante. Une partie de ces incertitudes est due `a une mauvaise repr´esentation par les mod`eles, climatiques ou hydrologiques, des processus physique. En toute rigueur, ce sont donc des erreurs et il est souhaitable de les r´eduire autant que possible. La r´eduction des erreurs dans les mod`eles num´eriques n’est bien entendu pas chose ais´ee, mais un choix appropri´e des mod`eles climatiques par exemple peut permettre de r´eduire une part de ces erreurs (Tebaldi

et al.,2004;Knutti et al.,2010;Bo´e et Terray,2015).

De plus, au-del`a des erreurs, qui dans l’id´eal devraient ˆetre r´eduites au minimum, il existe ´egalement des incertitudes li´ees `a la variabilit´e interne du climat. Ces incerti- tudes sont potentiellement r´eductibles, au travers de la pr´evision d´ecennale. Toutefois la pr´evisibilit´e obtenue `a partir des simulations de pr´evisions d´ecennales est encore faible sur les continents et d’autant plus sur les pr´ecipitations (Chapitre 13 in Stocker et al. (2013a)). De plus, les ´ech´eances de pr´evisibilit´e actuelle sont encore trop restreintes, rarement au-del`a de 10 ans (Chapitre 13 in Stocker et al.(2013a)).

Dans la suite du projet R2D2 2050 ´evoqu´e plus haut (Sauquet et al.,2014), l’incertitude due `a la variabilit´e interne du climat a ´et´e ´evalu´ee et compar´ee aux incertitudes dues aux mod`eles climatiques, aux m´ethodes de d´esagr´egation statistique et aux mod`eles hy- drologiques (Hingray et Sa¨ıd, 2014; Sauquet et al., 2014) sur le bassin versant de la

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Figure 1.12: Gauche : Changements relatifs de d´ebits (%) par rapport `a la p´eriode 1980-1999 en moyenne annuelle sur 20 ans pour la Durance `a Serre-Pon¸con. Droite : Proportion de l’incertitude totale expliqu´ee par chaque source d’incertitude : mod`ele climatique global (bleu fonc´e) ; m´ethode de d´esagr´egation statistique (vert) ; mod`ele hydrologique (gris), interaction entre ces trois sources (R/MI, cyan), variabilit´e interne grande ´echelle (LSIV, rouge) et petite ´echelle (SSIV, jaune) associ´ees `a chaque chaˆıne mod`ele climatique - m´ethode de d´esagr´egation. (Source : Figure 126 inSauquet et al.

(2014))

Durance (Figure1.12). La principale source d’incertitudes dans les projections hydrolo- giques r´ealis´ees est li´ee `a la variabilit´e interne, prˆet de 70% de la variance totale au milieu du XXI`emesi`ecle (Figure1.12). L’incertitude due aux mod`eles climatiques est aussi forte que celle due aux mod`eles hydrologiques, mais restent toutes les deux limit´ees (Figure 1.12).

A notre connaissance, l’importance de la variabilit´e interne n’a jamais ´et´e ´evalu´ee sur le cycle hydrologique sur toute la France dans le cadre du changement climatique. R´ecemment il a ´et´e montr´e que la variabilit´e interne du climat pouvait avoir une influence importante sur le cycle hydrologique en France (Bo´e et Habets,2014). Des diff´erences de d´ebits annuels allant jusqu’`a 30% ont d´ej`a ´et´e observ´ees par le pass´e entre deux p´eriodes d’une vingtaine d’ann´ees. En simplifiant, cela signifie que dans les prochaines d´ecennies, l’impact du changement climatique sur les d´ebits moyens en France pourrait ˆetre mo- dul´e de 15%, en plus ou en moins, par la simple variabilit´e interne du climat. Les ´etudes r´ecentes sur le bassin versant de la Durance (Hingray et Sa¨ıd, 2014; Sauquet et al., 2014) sugg`erent que les incertitudes dues `a la variabilit´e interne dans les changements hydrologiques sont effectivement importantes.

Dans l’ensemble, les ´etudes r´ecentes en France se sont toutes attach´ees `a quantifier au mieux les incertitudes associ´ees aux r´esultats obtenus, que cela soit celles associ´ees aux sc´enarios socio-´economique, aux mod`eles climatiques, `a la m´ethode de d´esagr´egation ou aux mod`eles hydrologiques. Il n’est bien sˆur pas possible de tout r´ealiser `a chaque fois, cela n´ecessite un travail cons´equent, des analyses lourdes sur des quantit´es de donn´ees

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importantes. Dans les ´etudes r´ecentes, les incertitudes associ´ees `a la variabilit´e du climat et sa mod´elisation se sont toujours r´ev´el´ees ˆetre les plus importantes en France (Vidal

et al., 2012; Chauveau et al., 2013; Habets et al., 2013), mais aussi en Suisse (Addor

et al.,2014) ou sur le Colorado (Vano et al.,2014). Cette incertitude climatique mˆele `a la fois les erreurs des mod`eles climatiques et la variabilit´e interne du climat. La contribution de la variabilit´e interne aux incertitudes totales sur les changements hydrologiques du bassin versant de la Durance a, en revanche, ´et´e distingu´ee par Sauquet et al. (2014). Dans les prochaines d´ecennies, une part importante de l’incertitude totale est li´ee `a la variabilit´e interne du climat. La bassin de la Durance est un bassin versant de montagne, l’influence de la neige y est importante. La question de la contribution de la variabilit´e interne aux incertitudes totales sur d’autres bassins versants peut se poser.